Chapitre 164 : Confessions
J demanda à Oggy s'il connaissait Sheldon, tout en précisant que la nièce de ce dernier attendait désespérément son retour.
Rappels :
Lorsque Barry a rencontré Al la première fois, ce dernier était très populaire, surtout auprès des filles, grâce à ses exploits héroïques.
Al et Kerry étaient amoureux. Néanmoins, il a obtenu sa malédiction en partie à cause de celle-ci. Malédiction qui l'empêche de ressentir des émotions positives.
Sachant qu'il faut obtenir dix victoires successives pour retrouver sa liberté, Berthold a affirmé que seule Cammy comptait pour lui et qu'il n'hésitera pas à éliminer les autres pour sortir de la prison.
***
Oggy écarquille ses yeux, médusé.
Les souvenirs s'enchainent dans son esprit. Il ne répond pas, baisse le regard. Son cœur se serre. Avant même qu'il ne s'en rende compte, les larmes noient ses yeux. Son silence est remplacé par des reniflements et des halètements.
J ferme ses paupières, l'air chagriné. Les émotions de son interlocuteur valent plus que mille mots.
« Je vois... » soupire le brigadier avant de retourner dans son lit.
***
Le matin, après s'être forcé à avaler son petit déjeuner, Al marche en direction de sa cellule. Il croise Kerry, sortie des toilettes.
« Salut » dit-il, neutre.
La jeune femme lui lance un regard dédaigneux et poursuit sa route sans lui adresser la parole. Al soupire, blasé.
« Tu pourrais au moins répondre.
— Je t'ai déjà dit que si tu n'as pas de plan à proposer pour nous tirer de là, ce n'est pas la peine de me parler !! explose l'humaine.
— Meuf, tu crois que si c'était aussi facile de s'évader, y aurait autant de monde coincé ici ? s'énerve Al. Au lieu de m'attaquer... !
— Pourquoi moi non plus je ne propose rien ? Sache que je passe tout mon temps à réfléchir pour trouver une solution ! »
Kerry pointe l'humain du doigt, débordante de colère, puis enchaine :
« Mais toi, tu baisses les bras sans même essayer !
— C'est une perte de temps. On ne peut pas s'échapper. Je veux pas me casser le cul pour rien ! »
Le ton nonchalant d'Al n'arrange rien. Kerry se retient de le gifler et se contente de l'ignorer.
Le jeune homme la suit dans la cellule.
« Arrête de me suivre !! crie-t-elle.
— Je ne sais pas si tu as oublié, mais mon lit se trouve aussi dans cette pièce. Si ça te plait pas, va te plaindre chez Jack. »
Barry bondit hors de son matelas. Il plisse son front, pointe la porte de la cellule avec son pouce et aboie :
« Mais casse-toi, bordel ! Y a des chaises dans la cantine ou le trône dans les chiottes, alors rien ne t'oblige à poser tes fesses ici. »
La respiration d'Al devient aussi lourde que celle d'un buffle fusionné avec un taureau enragé. Il tempête :
« Qui t'a sonné, trouduc ?
— Tout le monde vous a entendus. Je dois rester les bras croisés alors que tu fais chier mon amie ? Elle veut que tu dégages, pas vrai ? rétorque Barry en lançant un regard en direction de sa collègue.
— Ouais » confirme cette dernière.
Al fait les yeux ronds à son amie, déconfit. Puis, une veine saillante parcourt son cou et il s'apprête à déverser sa rage sur Barry :
« Tu... !
— Ça suffit !! » s'écrie Agiel.
Surpris, tous se retournent vers cette dernière. Un nœud dans la gorge, les sourcils rivés vers le bas, la blonde montre une profonde tristesse. Elle s'efforce malgré tout à garder contenance et poursuit :
« Vous pensez que vous chamailler comme ça arrangera quelque chose ? Même si la situation est difficile, on devrait rester soudés !
— Et pourquoi, alors qu'on sera obligés de s'entretuer, de toute façon ? intervient Berthold, allongé sur son lit et agacé par la naïveté de la blonde.
— C'est vrai, la fin est proche, avoue Agiel. Et c'est justement pour ça qu'on doit tout faire pour ne pas mourir avec des regrets. »
La blonde soupire, tandis que chacun reste silencieux.
« Moi, j'en ai, des regrets. Comme vous le savez, j'étais psychologue. J'aimais écouter mes patients, les aider à se sentir mieux. Mais j'ai trahi leur confiance en les infectant avec le virus qui supprimait les émotions. Et même lorsque tout a été arrangé, je n'ai pas eu le courage de leur avouer ce que j'ai fait. J'étais dégoûtée de moi-même et j'ai cessé mes activités. »
Les yeux d'Agiel rougissent. Elle grince ses dents au point de déformer les traits de son visage.
« Ce n'était que de la lâcheté. J'aurais dû assumer mes actes et rester auprès de mes patients. Mais c'est trop tard, je ne peux plus rien faire pour arranger les choses. »
Un silence pesant s'installe. La blonde termine ses confessions :
« Mais vous, vous pouvez encore éviter de disparaitre avec des remords. Alors, plutôt que de passer vos nerfs les uns sur les autres, exprimez clairement ce que vous avez à vous reprocher et réconciliez-vous. »
Berthold, toujours aussi aigri, marmonne :
« Ça sera sans moi. Franchement, quel intérêt ? »
Puis, il s'en va.
Al, Kerry et Barry se toisent. Même s'ils sont loin d'être apaisés, le discours d'Agiel ne les a pas laissés de marbre. Chacun rejoint son matelas.
Après un instant, Kerry est la première à se lancer :
« Si je t'en veux, Al, c'est parce que... »
L'humaine laisse sa phrase en suspens, cherchant ses mots. Très rapidement, tout devient claire.
« ... Je suis égoïste. Même si tu m'as pardonnée, ce que je t'ai fait était horrible. Je ne devrais même pas espérer avoir une nouvelle chance de sortir avec toi. Mais même si je fais tout pour montrer le contraire, je... je suis toujours amoureuse de toi, imbécile ! »
Tandis qu'Al montre un visage impassible, Kerry a les lèvres tremblantes, tant elle est gênée.
« À chaque fois que tu me dis qu'il n'existe pas de remède contre les malédictions, tu ne sais pas à quel point ça m'énerve. Et maintenant qu'on est coincés dans ce trou, tu acceptes ton sort. Tu es trop défaitiste, ça me fout en rogne ! Moi, je ne suis pas prête à mourir. Je veux sortir d'ici et trouver un moyen de te faire redevenir comme avant. Parce que... parce que je rêve depuis toujours de devenir ta copine, sale crétin ! »
La jeune femme halète, rouge comme une tomate et le cœur battant la chamade. Al se gratte la tempe, perturbé.
Il se décide enfin à répondre :
« Moi aussi je suis un égoïste, et un menteur en plus. Je te dis qu'il y a pas de solution contre les malédictions pour que tu arrêtes de courir derrière un faux espoir, que tu passes à autre chose. Mais au fond... »
Al regarde Kerry dans les yeux. Les joues du jeune homme rougissent légèrement.
« Moi aussi, je kifferais grave qu'on puisse sortir ensemble. Alors, j'espère qu'on trouvera un jour un remède... »
Kerry écarquille ses yeux. Sa fureur disparait tel un incendie éteint. Al complète d'un ton sarcastique :
« Enfin... on y arrivera peut-être quand les bébés commenceront à parler...
— Idiot... » lâche Kerry, un petit sourire aux lèvres.
Al fronce ensuite les sourcils et fixe Barry. Ce dernier lui rend un regard tout aussi contrarié.
« Bon, et toi ? invite le premier. Il est temps que tu m'expliques pourquoi tu me fais chier tout le temps.
— Ouais, réglez ça une bonne fois pour toutes », approuve Kerry.
Barry, nullement motivé, soupire. Le regard insistant de sa collègue le pousse malgré tout à parler :
« J'ai prétendu que je détestais Al à cause de son regard mauvais, mais je mentais. La vraie raison, c'est que... argh, c'est gênant. »
Barry cache ses yeux derrière sa main. Il inspire profondément et expire.
« Quand j'étais ado, j'ai fait ma déclaration à une fille que j'aimais. Elle a refusé pour finir dans les bras du gars le plus populaire du lycée. Cet enfoiré se l'est tapée avant de la jeter comme une chaussette sale. Elle est venue pleurer auprès de moi. Je sais que j'aurais dû la consoler, mais je lui ai dit d'aller se faire foutre. Depuis, je déteste les mecs qui ont la cote. »
Barry baisse la tête, honteux
« Je sais, je suis un gros connard. Quand j'ai appris à te connaitre un peu, j'ai compris que même si tu es populaire, c'est pas ton genre de faire ça. Mais rien que voir ta tronche m'énerve. Ça me rappelle cette histoire. Je peux pas m'en empêcher, désolé.
— Donc, tu me présentes des excuses tout en avouant que tu peux toujours pas me blairer ? résume Al en haussant un sourcil.
— Ouais, mais je vais arrêter de te saouler, promis, maugrée celui qui déteste Al.
— Tant mieux. » dit simplement ce dernier.
Les interlocuteurs dirigent leurs regards vers ceux qui n'ont toujours pas parlé.
J, allongé, les jambes et les bras croisés, fixe le plafond d'un air maussade.
« Pour ma part, je n'ai de problème avec personne dans cette cellule. Je n'ai donc rien à dire » affirme calmement le brigadier.
Oggy, quant à lui, a tout écouté attentivement. Roulé en boule, le dos tourné à tout le monde, il ne s'exprime pas. Qu'il se confie ou pas, personne ne peut cicatriser son cœur saignant, ni assécher le flot de larmes qui inonde son visage.
***
Trois jours se sont écoulés. La bataille aura lieu ce soir, dans quelques minutes.
L'angoisse accable l'esprit de tous. Al part aux toilettes. Les uns se rongent les ongles, d'autres se recroquevillent sous leur couette. Sans oublier ceux qui se mordillent les lèvres, respirent bruyamment, triturent un objet quelconque, joignent leurs mains pour prier.
Al revient dans son lit. Il ferme ses yeux, s'efforce de chasser toutes pensées inutiles et se concentre. Néanmoins, il ne peut contrôler les battements de son cœur accélérant de seconde en seconde.
Des bruits de pas retentissent. Jack, Steve, Luck et Randy se montrent. Le large sourire sur leurs lèvres alimente la haine et la peur des prisonniers. Un détail retient l'attention d'Al :
« Pourquoi ils portent tous des gants ? »
Le chef prend la parole, d'une voix froide et monotone :
« Bonsoir à tous. Je vais à présent annoncer la liste des combattants. »
Tous retiennent leur souffle, déglutissent, transpirent.
« Oggy Kin. »
Le ventru s'avance vers Jack, le regard meurtri.
Les noms s'enchainent. Al et ses compagnons ne reconnaissent personne parmi les participants. Jusqu'à ce que la dernière concurrente soit appelée :
« Angela Leaf. Aussi surnommée Agiel. »
Les amis écarquillent leurs yeux, consternés. La concernée, déjà préparée psychologiquement, se lève. Elle offre un dernier sourire à ses compagnons, comme pour leur dire adieu, et quitte la cellule.
Jack se rappelle de sa dernière conversation avec Steve :
« Tu ne vas pas tous les faire s'affronter ? s'étonna ce dernier.
— Non, répondit l'usurier avec un rictus pouvant faire pâlir le Diable. À part Berthold, si Al et ses amis se retrouvent tous en même temps dans l'arène, il y a neuf chances sur dix qu'ils refusent de s'affronter. Ça sera d'un ennui mortel. Cependant, s'ils ont pour adversaires des inconnus, ça changera tout. Vont-ils mourir en restant fidèles à leurs principes ? Vont-ils tuer pour survivre ? C'est beaucoup plus excitant, n'est-ce pas ? »
Tandis que certains soufflent de soulagement, l'usurier s'enquiert :
« Y a-t-il d'autres personnes qui souhaiteraient participer ? »
Berthold regarde Agiel. Il fixe tour à tour Al, Kerry et J. Il ferme ses paupières, serre ses poings et se mord les joues. Il essaie de parler, bouger, montrer d'une quelconque manière qu'il veut se battre. Cependant, il n'y arrive pas. Sa bouche et ses membres sont retenus par des sentiments dont il pensait s'être débarrassé.
Pourtant, s'il veut sortir d'ici le plus vite possible, il doit aller dans l'arène.
« Je... je participe aussi. »
L'adolescent rejoint les combattants, le regard décidé, mais aussi tourmenté.
Jack sourit. La bataille s'annonce plus intéressante qu'il l'imaginait. Soudain, un autre volontaire quitte sa cellule.
Sans dire un mot, Al se place près d'Agiel. Aucune once d'hésitation ne se lit sur le visage du jeune homme.
« Toi aussi... ? interroge l'usurier.
— T'en as d'autres, des questions débiles ? crache Al. Allons-y. »
Jack, Steve, Luck, Randy, Agiel, Berthold, Kerry, Barry, J et Oggy ont tous les yeux exorbités, tant ils sont médusés.
Al et le prisonnier qui le déteste se fixent. Les deux hommes se comprennent sans même avoir à se parler.
« À quoi tu joues, imbécile ? pense Barry.
— Tu comprendras après, abruti » sous-entend Al.
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