Chapitre 161 : Coupable

Jack libéra Rebecca de son patron qui la harcelait et lui proposa vingt fois son salaire si elle acceptait de rejoindre son équipe. La femme refusa, affirmant qu'elle n'était plus une criminelle.

Néanmoins, le malfaiteur ne baissa pas les bras. L'époux de Rebecca était malade depuis trop longtemps, un fait anormal chez les nigh. L'usurier comptait bien utiliser cette opportunité.

***

Quelques heures plus tôt...

Rebecca se lève en avance par rapport à d'habitude. Elle n'a pas cessé de penser à la proposition de Jack.

Lorsqu'elle ouvre les yeux, il fait encore sombre. Elle lance un regard à Richard, son mari, allongé sur le côté. La respiration de ce dernier est lourde. Ses sourcils froncés, son corps brûlant et ses frémissements sont toujours aussi inquiétants.

Rebecca tient sa main afin de le réconforter. Plus le temps passe, moins elle a de l'espoir de le revoir en bonne santé. Après avoir longuement soupiré, elle quitte la pièce.

Au fur et à mesure qu'elle avance dans le couloir, l'offre de Jack revient en boucle dans son esprit. Elle entre discrètement dans la chambre de Nicolas, son fils de six ans.

Il a tout hérité de son père : ses cheveux ébène, ses longs sourcils fins et son petit nez. Le garçon dort à poings fermés, totalement insouciant. Face à tant d'innocence, un seul regard suffit à réconforter la mère.

Rebecca obtient sa réponse. Si elle veut que son garçon garde sa pureté, elle doit avant tout être une mère exemplaire. Après avoir déposé un baiser sur la joue ronde de son trésor, elle s'en va.

***

Près d'une heure plus tard, elle prend son petit déjeuner. Une femme ayant la trentaine la rejoint à table. La crinière blonde de cette dernière s'arrête au niveau de ses épaules. En dessous de ses yeux aussi rouges que la viande crue qu'elle consomme tous les jours, se dessinent des lèvres pulpeuses. Les ongles de la nigh sont aussi longs que sa corpulence svelte.

Les deux mères de famille se saluent et mangent ensemble.

« Comment ça se passe au travail ?

- Tout va bien, Stella, répond Rebecca avec un sourire forcé. Et vous ? Vous vous entendez mieux avec votre mari ?

- Bon, déjà, ça fait combien de temps qu'on se connait et que je dois te dire d'arrêter de me vouvoyer ? s'amuse l'interlocutrice.

- Ah oui, v... enfin, tu as raison... »

Les amies éclatent de rire.

Après avoir terminé son assiette, Rebecca quitte la salle à manger et revient avec une liasse de billets. Elle la tend à Stella. Celle-ci écarquille ses yeux, la bouche grande ouverte.

« Que... qu'est-ce que ça signifie ? Je ne peux pas accepter tout ça ! »

Stella est à la fois la femme de ménage, la baby-sitter de Nicolas et celle qui s'occupe du malade. Cette somme vaut au moins le double de son salaire.

« C'est tout à fait normal, voyons. Non seulement la maison est tout le temps propre, mais en plus, Nicolas vous... t'adore ! Il dit que tu t'occupes très bien de lui. »

La générosité de Rebecca ne cessera de surprendre Stella. La femme de ménage accepte l'argent avec un grand sourire aux lèvres.

***

Rebecca quitte la maison très tôt. Afin de se faire passer au mieux pour une humaine, elle va au travail en voiture, rouspétant durant tout le trajet. Même les combattants féroces qu'elle affrontait jadis étaient moins redoutables que les embouteillages.

Elle passe d'abord chez Jack afin de décliner son offre, puis va au bureau. Elle arrive enfin à l'immense bâtiment aux baies vitrées scintillantes.

Rebecca salue tous les collègues qu'elle croise. Certains hommes lui lancent un regard lubrique. Très mal à l'aise, elle se dépêche de disparaitre de leur champ de vision.

Une fois installée dans son bureau, elle souffle de soulagement. Elle se met aussitôt au travail.

En tant que community manager, le métier de Rebecca consiste à gérer l'image de l'entreprise sur les réseaux sociaux. Son objectif est de fidéliser les abonnés afin qu'ils deviennent de vrais clients achetant les produits de la société. Bien que cela paraisse simple, pour assurer un tel rôle, il faut avoir des compétences aussi nombreuses que la quantité de grains de sable dans un désert.

Il est primordial d'avoir de l'imagination, le sens de la stratégie, de très bonnes connaissances en rédaction, modération, marketing, montage de photos et vidéos, référencement.

Tout à coup, une collègue rousse entre dans la pièce. Elle fait les yeux doux à Rebecca et lui demande un service :

« Reb chérie, je dois faire une présentation pour demain. J'ai fini de l'écrire, mais je n'ai pas encore eu le temps de la mettre en forme. Je suis plutôt occupée aujourd'hui, alors, est-ce que tu peux t'en charger steuplait ? »

La concernée lui sourit.

« Bien sûr, Shermie. Envoyez-moi le document par mail.

- Merci, je t'adore ! »

Après avoir sautillé de joie comme une grenouille, la collaboratrice dépose un baiser sur la joue de sa bienfaitrice et s'en va.

La sympathie de Shermie rappelle à Rebecca une scène qui s'est produite la veille.

***

Lors de sa pause, Rebecca s'était assoupie sur sa chaise. Shermie entra dans son bureau, guillerette, et l'invita :

« Reb chérie, on va manger un morceau ensemble ?

- Ah... merci, mais je n'ai pas très faim. »

Rebecca ne pouvait prendre le risque qu'une humaine, aussi gentille soit-elle, découvre sa véritable nature. Gênée, la nigh quitta la pièce afin de se nourrir seule. Elle disparut dans les escaliers.

Deux autres collaboratrices se joignirent à Shermie dans le couloir. Une très grande brune et une blonde.

« Pourquoi est-ce que tu l'invites encore ? commença la girafe, agacée. Je n'ai aucune envie de partager la même table qu'elle.

- Il faut créer des relations avec autant de monde que possible, expliqua Shermie, tout aussi contrariée. Même elle, elle peut être utile des fois.

- Tu as raison, approuva la blonde. Mais c'est difficile de la supporter ! J'ai l'impression qu'elle nous prend de haut.

- Ce n'est pas qu'une impression, confirma Shermie. Elle croit être la plus belle parce que la plupart des mecs la reluquent partout où elle passe.

- C'est vrai, alors qu'elle n'est même pas si belle que ça ! grogna la blonde. En plus, on passe notre temps à bosser comme des folles, alors qu'elle, elle passe son temps à se la couler douce.

- Mais grave, renchérit la brune. Tout ce qu'elle fait, c'est poster des trucs sur les réseaux sociaux. Même mon neveu de quatorze ans fait ça tous les jours !

- C'est sûr qu'elle a été pistonnée grâce à son joli visage, enchaina la blonde. Mais comme on ne savait pas quel poste lui confier, voici le résultat.

- C'est clair, elle peut obtenir tout ce qu'elle veut en écartant ses cuisses ! » termina Shermie.

Les trois complices ricanèrent. Elles ne se doutaient pas que Rebecca était toujours dans les escaliers. Cachée derrière la paroi, elle avait tout entendu.

Elle avait toujours su que ses collègues la détestaient. Elle n'avait qu'une seule envie : les dépecer, brûler leurs cadavres, les faire renaitre de leurs cendres et répéter la torturer à l'infini.

Néanmoins, elle devait se calmer. Pour le bien de sa famille, il fallait qu'elle se tienne à l'écart des problèmes.

***

« Agiel... si seulement vous étiez toujours là pour m'écouter... »

Le vase contenant la haine de Rebecca est sur le point de déborder.

Depuis qu'Agiel, anciennement psychologue, a cessé ses activités, elle n'a plus personne à qui se confier. Elle préfère ne rien dire à Stella. Elle a peur que la femme de ménage devienne lasse de l'entendre se plaindre, alors que cette dernière a des problèmes plus graves.

Alors que Rebecca passe sa main sur son visage afin de se ressaisir, son téléphone sonne. Elle décroche sans même regarder l'écran.

« C'est moi. »

Cette voix, c'est celle de Jack. La femme sort de ses gonds :

« Encore vous ? Vous avez même mon numéro ?! J'ai pourtant été très claire. Ne cherchez plus à me contacter !!!

- Ne voulez-vous pas que votre époux se rétablisse ? » dit-il calmement.

Rebecca se tait. Anxieuse, elle avale difficilement sa salive. Voyant son silence comme un feu vert, Jack se lance :

« Je vais être bref. L'état de santé de votre mari est l'œuvre d'une personne mal intentionnée, plus proche de vous que vous ne le pensez.

- Qu'est-ce que... »

Il lui raccroche au nez.

La femme fronce ses sourcils. Elle réfléchit intensément afin de déchiffrer les paroles de l'usurier. Soudain, un élan de lucidité traverse son esprit.

Et si c'était elle ?

Non, pas possible.

Mais n'y aurait-il pas des chances que ce soit elle ?

Négatif, Rebecca lui fait entièrement confiance.

Néanmoins, de nombreuses conditions font d'elle la suspecte idéale.

Aucune chance. Ce n'est pas son genre. Rebecca lui fait entièrement confiance.

L'épouse du malade attrape sa tête, le crâne en feu. Elle refuse de croire en cette hypothèse. Jack se trompe forcément.

Toutefois... il n'y a qu'un seul moyen de connaitre la vérité.

Rebecca regarde l'heure sur son écran. C'est bientôt midi.

La nigh quitte précipitamment son bureau et prend les escaliers. Tant pis pour la discrétion. En deux secondes, elle se retrouve au rez-de-chaussée. L'instant d'après, elle a déjà tourné sur la rue à droite. Les personnes ordinaires sont bousculées par les bourrasques produites par ses mouvements, tandis que les feuilles des arbres ayant le malheur de croiser sa route virevoltent en pagaille. Cependant, elle est si rapide que personne n'a le temps de distinguer son visage.

Pendant ce temps, dans la cuisine, Stella est face à un verre de sang. La colère déforme les traits de son visage.

« Rebecca... sa beauté est éblouissante. Elle a un époux aimant et un fils adorable. Elle a même une voiture et une grande maison. Quant à moi, mon mari est un ivrogne complètement fauché. Je loge dans un appartement misérable, obligée de jouer à la bonniche parfaite pour avoir des pourboires. Cette salope possède tout ce dont je rêve. Pourquoi la vie est aussi injuste... ? »

Il est midi. C'est l'heure de nourrir le malade. Rebecca est au travail. Son gamin se trouve à l'école. Aucun témoin.

La femme de ménage sort une bouteille de vinaigre d'un sac et en verse un peu dans le sang. Un poison pour les nigh.

Le mari de Rebecca est tombé malade naturellement. Stella y a vu une opportunité en or afin de faire souffrir sa patronne. Parfois, lorsqu'une personne est souffrante, toute nourriture a un goût horrible. Même son repas préféré devient aussi difficile à avaler que de la boue.

Stella en a profité pour ajouter des substances néfastes dans les repas de Richard. Il n'y voyait que du feu et son état de santé ne cessait de se dégrader.

La femme de ménage entre dans la chambre du martyr et lui donne le verre. Il avale lentement une première gorgée. Un mal de ventre atroce se déclenche aussitôt, comme si une masse épaisse broyait son estomac. Tremblant de froid, il se tord de douleur, gémit, halète. L'envie de vomir est irrésistible. Néanmoins, convaincu qu'il doit s'alimenter afin de gagner des forces et se rétablir, il approche à nouveau le liquide de ses lèvres.

Tout à coup, Richard se fige. Son supplice est tel qu'il croit halluciner. Or, c'est la réalité.

Rebecca est là.

Stella remarque aussitôt sa présence. Médusée, la femme de ménage écarquille ses yeux et tressaute.

La patronne saisit fermement le verre et goutte la boisson. Dès que le liquide touche sa langue, elle le recrache sur-le-champ, écœurée, nauséeuse.

Rebecca jette le récipient qui se brise en mille morceaux. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

L'épouse du malade fusille son employée d'un regard au-delà de la rage, la haine ou toute sorte d'aversion.

« Re... Rebecca... ? balbutie Richard.

- Je vais tout t'expliquer plus tard », affirme froidement son épouse.

Elle empoigne sauvagement la main de Stella, la conduit dans le couloir et referme la porte de la chambre.

La respiration de la femme de ménage est saccadée. Ses battements cardiaques sont plus rapides que les pas d'un guépard. Elle est si dégoulinante de sueur qu'on croirait qu'elle se trouve sous une douche invisible. Elle tremble au point de ressembler à une prisonnière sur une chaise électrique.

« Re-Re-Re-Rebecca, ce n'est p-p-p-p-pas ce que t-t-t-t-t-tu c-c-c-c-crois... je peux t-t-t-t-tout t-t-t-t-t'expliquer... »

La patronne ne daigne pas répondre. Elle compose un numéro sur son téléphone et lance l'appel. Jack décroche :

« All...

- Je ne vais pas tourner autour du pot », le coupe Rebecca.

Son ton est si glacial que même l'usurier, à l'autre bout du fil, en a froid dans le dos. L'ex criminelle poursuit :

« Vous êtes capable de faire disparaitre un cadavre, n'est-ce pas ? »

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