Chapitre 157 : La famille de Rose
Cammy et Sonya apprirent que Rose faisait partie de l'équipe de Jack, mais ne connaissait les pouvoirs d'aucun membre, pas même ceux de Luck et Sophie, qui étaient son frère et sa soeur. Elles lui demandèrent comment c'était possible.
***
Rose n'avait jamais connu ses parents. C'était également le cas des cadets, Luck et Sophie, deux jumeaux adoptés. Ils étaient élevés par Gregorio, leur grand-père. Objectivement, ce dernier s'occupait bien d'eux : les enfants ne manquaient de rien. Même si le tuteur légal était gentil avec eux, Rose sentait une froideur dissimulée dans son regard.
Rose eut une enfance normale. À dix-huit ans, elle s'inscrivit à l'université et partit vivre seule. Elle prenait souvent des nouvelles de sa famille. Néanmoins, un jour, Luck et Sophie cessèrent brusquement de communiquer avec elle. Ils ne décrochaient guère lorsqu'elle appelait et n'ouvraient même pas ses messages.
Elle décida alors de s'enquérir auprès de Gregorio et alla directement chez lui. Les rapides salutations terminées, elle ne prit même pas le temps de s'installer et entra dans le vif du sujet :
« Qu'est-ce qui est arrivé à Luck et Sophie ? »
Le vieil homme contracta sa mâchoire, fronça ses sourcils. Tout dans son regard montrait une colère noire. Il s'assit lourdement sur un sofa, dans le salon.
« Sophie... est tombée enceinte. »
Rose écarquilla ses yeux, interloquée. Un silence glaçant envahit la pièce.
« Elle n'a que quinze ans, tu t'en rends compte... ?! J'ai tout fait pour bien l'éduquer, mais apparemment, mes efforts n'ont servi à rien.
— Ne me dis pas que tu... devina la grande sœur, d'une voix blanche.
— Exactement. Je lui ai donné le choix entre avorter et partir de chez moi. Elle a choisi de garder l'enfant. Comme Luck et elle sont inséparables, il a décidé de l'accompagner. »
Les lèvres de Rose s'écrasèrent l'une contre l'autre. Elle serra ses poings de rage. C'était son grand-père, un homme âgé à qui elle devait le respect. Cependant, elle mourait d'envie de le gifler.
« Tu as mis à la rue tes petits enfants ?! Tu n'as pas de cœur ?! tempêta-t-elle.
— As-tu une idée de la honte et la déception que j'ai ressenties quand j'ai appris cette nouvelle ?! Les ragots ont vite fait le tour du quartier. Je ne veux pas avoir dans ma maison un enfant qui déshonore notre famille !
— Tu ne t'es même pas mis à la place de Sophie !! »
Une violente dispute éclata. Les voisins ne manquèrent rien de leurs vociférations. Rose eut beau utiliser toutes sortes d'arguments, Gregorio resta implacable. La grande sœur s'en alla en injuriant un nombre incalculable de fois le vieillard.
Elle se mit à la recherche des jumeaux. Elle devait à tout prix les soutenir dans cette épreuve.
Des mois passèrent, sans résultat.
Un soir, alors que le ciel orangé s'apprêtait à accueillir les étoiles, Rose était face à une fontaine, dans un parc. Elle repensait avec nostalgie aux nombreux moments qu'ils avaient partagés dans ce lieu. Sa gorge se noua et ses yeux se mouillèrent.
Tout à coup, un jeune homme du même âge qu'elle apparut.
« Rose... ? »
La concernée regarda sur le côté. Elle reconnut immédiatement l'humain. C'était Jerry, un ami du lycée. Ils ne s'étaient pas vus depuis l'obtention de leur diplôme, mais discutaient souvent par message. Il fut la première personne à qui Rose demanda de l'aide pour retrouver ses cadets, mais il ne put rien faire pour l'aider.
Ils se fixèrent un instant, aussi surpris l'un que l'autre.
« Jerry ? Qu'est-ce que tu fais là ?
— Le monde est vraiment petit. Je me promenais dans le coin, et toi ? »
Elle expliqua qu'elle était toujours à la recherche des jumeaux. Jerry déglutit. Ce n'était pas l'eau de la fontaine, mais de la sueur qui mouillait abondamment le front de l'humain. Il bafouilla quelques mots :
« Je... euh... aucune idée. Pas vus. J'espère que tu les trouveras vite. »
Rose plissa ses yeux. Elle sentait une odeur désagréable, celle du mensonge. Duper quelqu'un par message et en face à face était très différent.
« Tu les as vus ?! Tu sais où ils sont ?! questionna-t-elle avec espoir.
— Je n'en sais rien, répéta-t-il en détournant le regard.
— S'il te plait. J'ai besoin de les revoir... Ils... ils me manquent tellement. Si tu as la moindre information, je t'en supplie... »
Les yeux de Rose devinrent rouges à cause des larmes qui perlaient le long de ses joues. Elle reniflait. Et surtout, sa voix était brisée par la boule au fond de sa gorge. Ce spectacle était insupportable pour Jerry.
Il se mordilla les lèvres, se retint autant que possible, hélas... il n'y arriva pas. La raison était simple : depuis qu'ils fréquentaient le même établissement, il était amoureux de la jeune femme.
« Eh bien, je sais où ils sont...
— Pourquoi me l'avoir caché pendant tout ce temps ?
— Je ne peux pas en dire plus. Désolé. »
Encore une fois, Jerry ne put résister à l'interrogatoire. Son cœur prit le contrôle de sa bouche et il expliqua tout à Rose. Jack, ses activités illégales, le rôle de Luck dans leurs affaires. Rose en était interdite. Elle demanda aussitôt d'aller à la rencontre de la fratrie.
***
Après avoir entendu la sonnerie, Jack ouvrit la porte de son appartement. L'usurier avait intercepté la conversation de son acolyte et savait que la jeune femme était en route. Néanmoins, il était énervé au point où il aurait assassiné le duo du regard si c'était possible.
« Toi, tu viens avec moi », ordonna sèchement le chef.
Jerry, blême, avala difficilement sa salive et le suivit. Dans sa tête, la suite était évidente : Jack allait le tuer.
Rose parcourut l'appartement. Elle arriva dans la salle à manger. Luck était là. Il avalait les aliments sans appétit, atone, comme si quelqu'un l'avait forcé. Quant à Sophie, dont le ventre était déjà rond, elle mangeait plus vite, mais était visiblement inquiète.
Les jumeaux posèrent le regard sur leur grande sœur. Le moment tant redouté par Sophie était arrivé. Elle baissa la tête penaude.
« Tu nous as retrouvés... commença l'adolescent. Tu dois être déçue de m... »
Rose ne la laissa pas terminer sa phrase et la prit dans ses bras. Elle la serra fort contre elle.
« Je suis sûre que tu seras une mère formidable », susurra la grande sœur.
Sophie en resta sans voix. Émue, elle étreignit l'ainée à son tour. Depuis que les adolescents avaient quitté leur demeure, ils furent la cible des rumeurs. Chacun les jugeait, personne ne cherchait à les comprendre. Cette simple phrase leur rappela encore une fois que leur grande sœur valait plus cher que tout l'or du monde.
« Merci, Rose... »
Elles se séparèrent. L'ainée leur demanda une explication qu'elle voulait entendre depuis des mois :
« Pourquoi est-ce que vous vous êtes volatilisés sans rien me dire. »
Luck fronça ses sourcils. Il devint de mauvaise humeur lorsqu'il se rappela les paroles de leur grand-père avant de les mettre à la porte :
« Il n'y a rien qui va dans cette famille. Non, je dirais même qu'elle est maudite. La mère de Rose est morte en lui donnant naissance. Son père était trop bouleversé. Malgré mes avertissements, cet imbécile a repris le travail trop tôt. C'était un chauffeur de bus et devinez quoi ? Il a provoqué un accident. Beaucoup de personnes, dont lui, y ont perdu la vie ou ont été gravement blessés. La venue au monde de cette seule fille a provoqué une tragédie. Quant à vous, quelqu'un vous a abandonnés dans la rue quand vous étiez bébés. J'ai eu pitié et je vous ai adoptés. J'en ai assez de ces histoires sordides. Hors de question d'accueillir un nouveau bâtard chez moi ! »
Luck ferma ses yeux, l'air coupable, puis se justifia :
« Désolé. C'était pour ton bien. On ne voulait pas t'impliquer dans tout ça parce qu'on te connait. Tu aurais essayé de subvenir à nos besoins. Tu allais donc cumuler plusieurs jobs pour un salaire de misère, tout en poursuivant tes études.
— Et inévitablement, compléta Sophie, tu aurais subi le même sort que la mère de Jerry. Tu te souviens qu'elle a une fois été victime de surmenage et qu'elle a même failli en mourir ?
— Je comprends vos raisons, mais vous n'aviez pas le droit de disparaitre de ma vie ! Je suis votre grande sœur !
— Rose, écoute... poursuivit Sophie, on ne voulait pas que tu mettes ta santé, ou même ta vie en danger pour nous. Et... »
La cadette laissa sa phrase en suspens. Ce n'était pas nécessaire de lui expliquer la raison sous-jacente.
L'ainée n'insista pas. Peu importait leurs excuses, elle les avait retrouvés, c'était l'essentiel. Elle posa sa deuxième question :
« Qu'en est-il du père ?
— C'était Marco. Il a nié le fait que c'était son enfant, alors je l'ai tué » répondit Luck sans détour.
Les yeux du garçon et de sa jumelle s'assombrirent. De la haine à l'état pur, c'était tout ce que leurs yeux reflétaient. Rose en avait des sueurs froides, ainsi que du mal à croire ses oreilles.
Un blanc s'installa afin de laisser l'ainée digérer cette information.
« Jerry m'a tout dit à propos du business auquel tu participes. Luck... tu ne peux pas continuer comme ça, murmura-t-elle avec le plus de tact possible.
— J'ai choisi ce boulot parce que j'aime ça. Je déteste les gens et les voir mourir me fait du bien » avoua froidement le concerné.
Sophie n'ajouta aucun commentaire, mais son regard, tout aussi antipathique que celui de son frère, en disait long sur ce qu'elle pensait.
Rose écarquilla ses yeux, estomaquée. Elle se rendit compte à quel point les jumeaux avaient changé. La noirceur de leur âme était effroyable.
« Tu... tu plaisantes, j'espère ?! balbutia-t-elle.
— Tu crois que je suis d'humeur à plaisanter ? rétorqua l'adolescent. Je continuerai à bosser pour Jack et à regarder les gens crever. »
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