Chapitre 156 : Habitude
Afin de venger ses proches et assurer leur bonheur, Jason décida de travailler pour Jack. L'usurier lui confia la mission de supprimer Guillaume et sa copine.
Jason sortit victorieux de l'affrontement après avoir tué la petite amie par accident.
De son côté, Cammy réussit à faire croire à Jack qu'elle était morte. Pour cela, elle rendit son corps multiple. Toutefois, elle expliqua à Rose et Sonya qu'elle survécut dans le corps contenant le moins de cellules : celui d'un bébé.
Résumé des problèmes des proches de Jason :
- Le patron de William, son meilleur ami, a découvert que c'est un nigh et le menace pour qu'il travaille gratuitement. Et à cause de l'arnaque dont il a été victime, il est ruiné.
- Sa soeur, Léa, est harcelée au lycée.
- Sa cadette, Juny, était tentée de manger de la chair humaine quand ils étaient pauvres.
***
Dans la maison inondée, Jason se trouve face à l'homme qui a escroqué son meilleur ami. Son ennemi est inconscient, la vengeance est à portée de main. Pourtant... le nigh n'arrive pas à l'achever. Cette sensation atroce lorsqu'il a ôté la vie de Cecil, il ne veut plus la connaitre.
Il ferme ses yeux, les membres tremblants. C'est trop pour lui, il abandonne. Alors qu'il s'apprête à rebrousser chemin, une ombre apparaît face à lui. Présentant la forme d'un gros rond parcouru de multiples piques, avec seulement une grande bouche au milieu du corps, la silhouette sourit de toutes ses dents.
« Où est-ce que tu vas ? Il me semble que tu as une mission à accomplir ? En plus, tu ne veux plus te venger ?
— Bon sang... marmonne le nigh en se grattant le cou, ce travail n'est pas fait pour moi. Je... je ne peux pas tuer des gens sur commande comme ça...
— Tu préfères donc que ce soit Juny qui le fasse ?
— Zut... mais qu'est-ce que tu racontes ? »
L'ombre se rapproche de Jason en flottant dans les airs, tel un grain de poussière emporté par une brise. Puis, elle murmure près de son oreille :
« Tu ne te souviens pas que Juny était tentée de dévorer des humains à cause de la faim ? Qu'est-ce qui se passera si tu abandonnes maintenant ? Vous vous enfoncerez dans la misère. Et elle sera prête à faire tout et n'importe quoi pour s'en sortir. Ce genre de travail, ça sera son gagne-pain. Si tu ne te salis pas les mains aujourd'hui, ce sont les siennes qui seront trempées dans le sang demain. Réfléchis-y. »
Jason écarquille ses yeux d'effroi. Il ferme ses paupières et une image de sa petite sœur recouverte d'un liquide écarlate surgit dans son esprit. Il halète, pris de spasmes.
Cette chose a raison. Ce futur tragique, il est le seul à pouvoir l'empêcher.
Le grand frère se rapproche du corps de Guillaume. Ses battements cardiaques s'accélèrent. Son torse se gonfle et se dégonfle au rythme de sa respiration saccadée.
« Fais-le ! » hurle la silhouette sphérique.
Comme un soldat recevant l'ordre de son général, la main de Jason s'exécute. Elle s'enfonce dans la gorge de Guillaume, avant de pourfendre sa nuque. L'eau sale devient progressivement rouge.
Le nigh s'écroule sur ses genoux, le cœur serré. La nausée l'assaille de nouveau. Il vomit. Le liquide qu'il contrôlait revient à son état normal, dans la piscine.
Mission accomplie.
« J'espère que tu es satisfait, dit-il en se grattant l'épaule, avant de soulever les cadavres.
— Tu m'as impressionné. Je te donne la note de 9,75/10 » résonne la voix de Jack dans sa tête.
Jason, Jack et tous les membres de l'équipe étaient liés grâce au concept de la communication. Les yeux de leur nouveau collègue étaient comme une caméra leur transmettant en direct tout ce qui se passait. Et ils se sont bien régalés.
Jason et les cadavres sont téléportés une centaine de mètres plus loin, dans une ruelle où une camionnette les attend. La distance du déplacement instantané est limitée à cause du Drive faible de son utilisateur.
L'arrière du véhicule s'ouvre et le missionné y place les cadavres. Puis, il s'installe à l'avant, près du conducteur : Randy.
« En ce qui concerne la discrétion, tu n'as pas vraiment accompli ta mission, commence celui-ci, un rictus espiègle sur les lèvres. Mais c'est en faisant des erreurs qu'on s'améliore, alors, retiens bien la leçon.
— Bon sang... ne m'adresse pas la parole, grommelle son collègue en s'adossant contre son siège.
— C'est tout à fait normal que tu sois dégoûté, au début. Mais tu finiras par t'y habituer. »
Jason lui lance un regard mauvais, avant de rager :
« Mais zut, qu'est-ce qui te fait dire ça ? Tu ne sais rien sur moi.
— Jack t'a parlé des combats qu'il organise dans l'arène, n'est-ce pas ? On y voit toutes sortes de personnes. Et beaucoup de gens comme toi, on a pu assister à leur évolution. Leur premier meurtre était très difficile, mais plus ils assassinaient, moins ils hésitaient. Au final, tuer est devenu banal pour eux. Ils n'éprouvaient aucune émotion, comme s'ils étaient face à du bétail à l'abattoir. »
Le nouveau membre se redresse, écœuré. Il observe ses mains, toujours en train de trembler.
« Alors... moi aussi, je vais finir par ne plus avoir de considération pour la vie d'autrui.
— Oui. Et le plus tôt sera le mieux. Toute personne qui nait dans ce monde connaitra la mort. C'est un cycle obligatoire. Alors, il n'y a aucune raison d'être triste pour avoir déclenché un évènement inévitable. »
Bien qu'il ne soit absolument pas d'accord avec cette idéologie, Jason se tait. Qu'il débatte avec Randy ou non, ça ne changera rien au chemin qu'il a décidé d'emprunter.
***
Le soir, le nouvel assassin rend visite à William. Les poches sous les yeux de ce dernier indiquent qu'il est, comme d'habitude, épuisé aussi mentalement que physiquement. Jason se force à sourire et lui annonce sans tarder la bonne nouvelle :
« Tu n'as plus à travailler gratuitement pour ton patron. C'est fini.
— Comment ça ? De quoi tu parles ? » questionne le concerné, confus.
L'acolyte de Jack lui montre alors les titres de divers articles ayant fait du bruit :
« Le dirigeant de l'entreprise Sun Sales, Erick Files, serait impliqué dans des affaires de corruption. »
« Évasion fiscale : Erick Files ne déclarait qu'un tiers de ses revenus réels. »
« Des employés de l'entreprise Sun Sales dénoncent les mauvaises conditions de travail dont ils souffraient. »
« Erick Files aurait menacé son chef comptable afin qu'il fournisse des informations financières incorrectes. »
« Scandale : Erick Files aurait donné des pots-de-vin au commissaire aux comptes chargé de consulter les états financiers de l'entreprise Sun Sales. »
Jason garda pour lui l'article qui dénonçait le bourreau de sa sœur :
« Juri, La fille du sénateur Hawk Dreams, serait une harceleuse scolaire : selon plusieurs témoignages, une de ses victimes se serait suicidée. »
William lit les nouvelles. Un nœud se forme dans sa gorge, tant il est ému.
« Tu... tu veux dire que... ?
— Ouais. Je ne sais pas qui a déterré tous ces dossiers, mais on dirait que ton ex patron est foutu. Tu vas pouvoir te concentrer uniquement sur ton blog. Écrire des textes, c'est ta vraie passion, non ? déclare Jason, le sourire jusqu'aux oreilles.
— Oui... »
William pleure à chaudes larmes. Son cauchemar est enfin terminé. Il ne réalise cependant pas que derrière son masque, son ami vit quelque chose d'encore plus terrible : un enfer.
***
Deux jours plus tôt, chez Rose.
Cette dernière, Cammy et Sonya sont gonflées à bloc. Chacune s'imagine déjà aux côtés des autres pour affronter Jack et ses acolytes.
Toutefois, le bébé prend un air pensif. Assise sur les cuisses de la résidente, elle pose une question qu'elle avait jusque-là mise de côté :
« Mais dis-moi, Rose. Je te soupçonne pas d'être une espionne secrète, mais comment tu as fait pour deviner que c'était Jack qui avait attaqué Al ? Et comment tu as su précisément l'endroit où ils se battaient ? »
Le visage de la concernée se décompose. Ses yeux inquiets, comme un livre ouvert, dévoilent qu'elle cache quelque chose. Prise d'un élan d'angoisse, elle presse un peu trop fort le minuscule ventre du bébé. Telle une poupée de chiffon maltraitée, Cammy suffoque et glapit :
« Stop, tu es en train de m'écrabouiller... ! »
Rose reprend alors ses esprits et laisse la petite fille respirer.
« Désolée. Cammy, il y a certaines choses que je ne vous ai pas dites. Je... j'avais peur que vous ne me fassiez pas confiance, que vous me preniez pour la taupe.
— Dis-moi tout, insiste la petite fille. N'aie pas peur. On est copines, pas vrai ? »
Rose acquiesce. Elle caresse les mains du bébé, sans doute une autre manière d'évacuer son stress.
« Mon mari n'était pas le seul membre de l'équipe de Jack. J'en faisais partie, moi aussi. Mais est-ce que vous m'auriez crue si je vous avais dit que je ne savais pratiquement rien sur eux ?
— Quoi ?! » s'exclament Cammy et Sonya en lui faisant les yeux ronds.
Néanmoins, la résidente n'a pas terminé ses confessions :
« Et n'auriez-vous pas trouvé ça bizarre si je vous avouais que Luck est mon frère et Sophie ma sœur, mais que je ne connaissais même pas la nature de leurs pouvoirs ?! »
Les globes oculaires des deux interlocutrices sont sur le point de sortir de leur orbite.
« Luck est ton frangin ?! s'écrie Cammy. Et qui est cette Sophie ? J'ai jamais entendu parler d'elle !
— Rassure-toi. Sophie n'est pas une combattante. Elle ne fait même pas partie de l'équipe de Jack. Ils s'entendent bien, c'est tout. »
Prise d'une curiosité dévorante, la petite fille tapote les cuisses de Rose et enchaine énergétiquement :
« Raconte-nous tout !
— Raconter ? Quoi donc ? répète la résidente qui fait semblant de ne pas avoir compris.
— Ben, comment tu t'es retrouvée dans l'équipe de Jack, espèce de nouille ! précise le bébé. Comment ça se fait que tu ne saches pas grand-chose sur eux ? Tes liens avec ton frère et ta sœur ! Et je veux tous les détails ! Sois précise comme dans une autobiographie ! »
Puis, la petite fille détourne le regard et baisse son ton :
« Mais... si tu ne veux pas en parler, y a aucun souci, hein... Je ne serai pas déçue, promis... »
L'envie de Cammy d'en savoir plus est si intense que Rose détecte un gros mensonge dans sa dernière phrase. Sonya, tout aussi intéressée, grignote du poumon de bœuf, tel du popcorn.
Rose soupire. Des souvenirs désagréables refont surface.
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