Chapitre 153 : L'ami de Jason
Guillaume, un nigh, était l'informateur en contact avec Rose. Agiel eut l'idée de le rencontrer et demanda à Daisy de contaminer un plat par un virus obligeant la victime à dire la vérité. Guillaume avala comme prévu la nourriture mais parvint quand-même à les duper.
De son côté, afin de subvenir aux besoins de sa famille souffrant dans la pauvreté, Jason accepta de capturer Berthold. Après avoir reçu le paiement, il se promit de ne plus jamais se salir les mains pour le compte de Jack.
Pendant ce temps, suite aux instructions de l'usurier, Steve acheva le développement d'un nouveau jeu d'argent en ligne impossible à gagner. Le même soir, Jack affirma que leurs chances de vaincre la team Skill s'élèveraient à 84% si deux individus acceptaient de les rejoindre.
***
Le lendemain, aux aurores, Jason et un ami — lui aussi nigh— se retrouvent dans un terrain vague. De courts cheveux orange trônent au-dessus de ses yeux marron. Son visage noirci par des cernes est inquiétant. Malgré sa grande taille, ses joues creuses et sa corpulence très mince témoignent qu'il vit très mal.
Jason soupire en se grattant l'épaule, préoccupé par le quotidien de son compagnon. Il lui donne un sac rempli de viande.
« Merci, dit son ami en faisant les yeux ronds, mais où tu as trouvé l'argent pour acheter tout ça ? »
Jason lui explique alors qu'il a rendu service à un individu peu recommandable... sans en dire plus. Son semblable soupire, attristé, avant de déclarer :
« Te connaissant, tu n'as vraiment pas eu le choix. De toute façon, j'aurais fait pareil. Pourquoi vivre honnêtement si c'est pour mourir dans la pauvreté... ? »
Jason ne s'attarde pas sur ce sujet déplaisant. Il se gratte la tempe et continue d'un air grave :
« William... j'ai décidé de me lancer dans une affaire, et je me suis dit qu'on pourrait s'entraider. Je vais ouvrir un restaurant. Ça me rend malheureux de voir que les nigh ne peuvent même pas aller dans ce genre d'endroits, alors que les humains trainent là-bas quand ils veulent. Bon sang... c'est injuste. Je veux créer un lieu où tous nos semblables se sentiront à leur place.
— Et tu vas l'ouvrir où ? s'étonne William. Si jamais la brigade tombe dessus un jour...
— Je ne sais pas encore où, mais je voulais juste savoir si tu serais partant... sachant que c'est un projet très dangereux. »
William hausse ses épaules, blasé.
« Je préfère lancer un business risqué plutôt que de continuer à vivre comme ça. »
L'employeur de William a découvert qu'il était un nigh. Dès lors, sa vie est devenue un enfer. Il a été victime de chantage. Il devait travailler gratuitement et produire de très bons résultats, sinon, il serait dénoncé à la brigade.
Avec la peur, le patron l'a soumis.
Le salarié a créé un blog avec lequel il gagne de maigres revenus durant son temps libre.
« Les nigh n'ont aucun droit. Si jamais je porte plainte, mon boss s'en sortira, et c'est moi qui serai éliminé. Et si je me rebelle ou le tue... j'aurai des problèmes... »
Jason lui lance un regard désolé, puis lui adresse des paroles auxquelles lui-même ne croit pas :
« On trouvera une solution... »
Après s'être salués, les deux nigh se quittent. Bien que l'idée de son ami soit motivante, William a toujours pour plus proche compagne la dépression.
***
De retour le soir dans son appartement exigu, William prend son dîner sur son canapé. Soudain, quelqu'un sonne à la porte. Il se lève avec peu d'entrain et va ouvrir. C'est Rufus, son ami humain.
Dès que ce dernier ouvre la bouche, William se bouche le nez, furibond.
« Tu as encore fumé ? Combien de fois je dois te répéter que TOUS les nigh détestent l'odeur du tabac ?!
— Désolé, je sais que j'ai promis d'arrêter, mais aujourd'hui j'ai pas pu résister » répond l'humain, gêné.
Puis, Rufus lui tend des billets.
« J'ai gagné pas mal de fric ces derniers temps, alors, j'ai pensé à toi. »
Ému, le nigh accepte le geste.
« Merci, mon pote. Mais d'où tu sors cet argent ? Tu es autant dans la galère que moi... »
L'humain sourit, avant d'entrer dans la pièce principale. Il sort son téléphone et explique, fier de lui :
« C'est grâce à cette appli. Au début, je pensais que c'était une arnaque, mais on peut vraiment gagner de l'argent avec. Il suffit de savoir bien jouer. »
Rufus fait une démonstration, sous le regard intrigué de son ami.
***
Après avoir transféré l'application sur le téléphone de son compagnon, l'humain trouve une excuse pour lui fausser compagnie.
Suffisamment éloigné de son domicile, Rufus voit son visage et sa corpulence se métamorphoser. Il retrouve sa vraie apparence : c'est Guillaume.
Il lance un appel.
« J'ai tendu l'hameçon, il ne lui reste plus qu'à mordre affirme-t-il.
— Beau travail, je te fais le virement », prononce Jack, à l'autre bout du fil.
Guillaume est un sous-traitant de l'usurier, qu'il n'apprécie pas du tout. Il n'accepte des missions que lorsqu'il en a envie, c'est-à-dire quand il a vraiment besoin d'argent. Son pouvoir de métamorphose est inutile face aux nigh, car ils le démasquent facilement à cause de son odeur.
Cette fois, cependant, il a eu de la chance. L'ami de sa cible adorait la cigarette. Et les nigh ont horreur de ça car même une petite dose de fumée inhalée suffit à les faire tomber malade. Il a donc pris du tabac afin d'empêcher William d'utiliser son odorat. Et grâce au pouvoir de protection de Steve, cet acte suicidaire n'a eu aucun effet sur Guillaume. C'est cette même capacité qui a permis à ce dernier de manger la nourriture infectée par Daisy sans en subir les effets.
Le compagnon de Jason est installé sur son sofa. Celui qui s'est fait passer pour Rufus lui a expliqué le fonctionnement de l'application. Il faut d'abord lier son compte bancaire à la plateforme et acheter des « coins », une monnaie virtuelle représentée par des pièces d'or.
Douze chiffres sont affichés sur l'écran et forment une boucle, comme une horloge. Pour jouer, il faut d'abord sélectionner un numéro, puis miser autant de coins qu'on veut. Une aiguille se met alors à tourner. Quand on touche un bouton rouge juste en-dessous, elle s'arrête.
Si la flèche tombe sur le nombre qu'on a choisi, on gagne la partie et on remporte le triple des pièces d'or investies. Celles-ci sont converties en argent réel puis virées sur notre compte bancaire.
William se lance. L'aiguille tourne à une vitesse raisonnable. Pour quelqu'un qui maitrise le Drive, c'est un jeu d'enfant. Toutefois, il mise une petite somme, par prudence.
Ainsi, il gagne facilement cinq parties d'affilée. Convaincu qu'il ne s'agit pas d'une arnaque, il mise cette fois un gros montant. La partie commence.
Il tape sur le bouton rouge trop tard. L'aiguille s'arrête sur le mauvais chiffre. C'est la douche froide. Plus de la moitié de ses économies, qu'il a passé des années à amasser, envolée en quelques secondes.
William fixe l'écran, les yeux exorbités. Son rythme cardiaque s'accélère.
« C'est quoi cette blague ?! J'étais pourtant sûr de m'être arrêté sur le bon numéro ! Est-ce que c'est truqué ? Non... pas possible. J'ai gagné plusieurs fois, et Rufus m'a garanti que ce n'était pas une escroquerie. Je ne peux pas douter de mon ami... »
William réessaie en investissant de petites sommes. Il enchaîne les défaites. Alors qu'il commence à perdre espoir, il gagne de nouveau.
Il se tape le front, dégouté de ne pas avoir misé plus.
Il parie alors trois quarts de ses économies restantes. Toutefois, il perd. Le téléphone s'échappe des mains du jeune homme. Il s'attrape la tête, crie de rage.
Il ne peut pas rester sur une défaite pareille. Il rejoue en misant moins.
Il perd, perd, perd, perd, perd, perd, gagne, perd, gagne, perd, perd, perd, perd, perd, perd, gagne, perd, perd, gagne, perd, perd, perd, perd, gagne, gagne, perd, perd, perd, perd, perd.
La fureur gonfle sa poitrine, tandis que son compte bancaire se vide. William a le souffle saccadé. À chaque fois qu'il lance une partie, ses doigts tremblent. Ses veines saillantes parcourent son crâne. Il grince des dents, se mord les lèvres, s'arrache les cheveux, sue à grosses gouttes, hurle, frappe le mur qui se fissure.
L'espoir, l'impatience, la peur, la détresse... tous ces ingrédients forment un venin empoisonnant son être. Il a l'impression de devenir fou.
Steve a programmé le jeu de telle sorte que si l'utilisateur doit perdre, l'aiguille continue de tourner pendant une fraction de seconde après qu'il a appuyé sur le bouton rouge. L'illusion est parfaite, impossible de remarquer la supercherie.
L'application a été conçue selon un schéma précis : par méfiance un client investira toujours de petites sommes au début. Il faut le laisser gagner plusieurs fois pour qu'il baisse sa garde. Il sera forcément tenté de miser un gros montant à un moment ou un autre. Alors vient la première défaite. Ce sentiment de frustration poussera le pigeon à rejouer.
Il enchainera alors pertes sur pertes. Cependant, le système doit lui accorder de temps en temps quelques victoires — seulement quand il parie peu d'argent— afin qu'il garde de l'espoir.
Il sera prisonnier d'un cercle vicieux dans lequel il tentera de récupérer l'argent qu'il a perdu. Et avant même qu'il ne s'en rende compte, il sera accro.
***
Le soleil se lève, radieux. Le jeune homme est couché, le visage brumeux. William a passé la nuit à jouer. Ses yeux sont enflés, tellement il a pleuré. Il est complètement ruiné.
Quelqu'un sonne à sa porte. Le nigh y va en rampant. Jason se tient de l'autre côté de l'ouverture, paniqué.
« Tu m'as dit que tu voulais me voir en urgence, dit ce dernier en se grattant le visage. Zut, qu'est-ce qui se passe ?! »
William se redresse. Il plonge ses yeux inondés dans ceux de son ami, avant de lui demander un service :
« Jason... mon frère... est-ce que tu peux me prêter un peu d'argent, s'il te plaît ? »
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