Chapitre 150 : Subterfuges
Cammy donna tout ce qu'elle avait. Mais au final, Steve, aidé par un individu contrôlant les murs, sortit victorieux. Al, Berthold (Trash), J, Daisy et Agiel sont désormais entre les griffes de Jack. Kerry et Barry furent piégés à l'intérieur d'une paroi.
Avec son concept des symboles, Skill peut faire quasiment tout ce qu'il veut. Sonya, une acolyte de ce dernier, s'entendait bien avec Berthold et Cammy.
Randy est un humain et un compagnon de Jack. C'est lui qui s'occupe de la cuisine dans la prison.
***
Steve analyse le cadavre. Plus aucune respiration. Le cœur a cessé de battre. Et surtout, le cerveau est éparpillé sur le sol. C'est sans appel.
« Tu peux te montrer, elle est bien morte » affirme-t-il gaiement.
Un individu sort alors du mur comme s'il s'agissait d'une simple porte. C'est Randy, portant Kerry et Barry inconscients sur ses épaules.
« Elle a gagné tout mon respect. Je n'oublierai jamais ce formidable combat. Si j'en suis sorti victorieux, c'est uniquement grâce à toi.
— Je n'ai fait que t'assister, tout le mérite te revient, répond Randy le plus neutrement possible.
— Si tu le dis... Ainsi, ils ont survécu... » continue Steve en jetant un coup d'œil aux humains.
Jack a ordonné à ses acolytes d'assassiner Cammy et de ramener les autres morts ou vifs.
« Oui... je les ai libérés par l'arrière du mur avant qu'ils ne meurent. Tu étais tellement concentré sur ton combat que tu n'as rien remarqué.
— Beau travail. Je préfère qu'ils fassent l'expérience de l'arène avant de profiter du repos éternel » se réjouit Steve.
Randy regarde Mouppy, blessé et inerte, avant de discuter de son cas :
« Et on fait quoi de lui ?
— Il ne représente une menace pour aucun d'entre nous. Inutile de l'achever. »
Steve, chantonnant, porte la décédée dans ses bras. Le camion silencieux de tout à l'heure refait son apparition et ils balancent les corps à l'arrière du véhicule. Leur mission accomplie, un rictus mauvais sur les lèvres, les deux collègues se font un check avant de se mettre en route.
***
Sonya marche dans les rues sombres. Seule, désemparée. Elle voulait faire ses courses dans le nouveau supermarché, mais s'est une fois de plus perdue en cours de route. Elle pense à demander l'aide d'un ami... toutefois, elle a oublié son téléphone chez elle.
Soudain, elle tombe sur un bébé qui doit avoir six mois tout au plus. Une petite fille. La peau fragile de celle-ci s'est écorchée après la longue distance parcourue à quatre pattes.
L'enfant martyr s'approche de la jeune femme et prononce avec une voix aussi épuisée que tremblante :
« À... à... l'aide... »
Sonya, médusée, cligne des yeux plusieurs fois. Elle se pince la joue pour être sûre de ne pas rêver.
C'est bien la réalité. Un bébé vient de lui parler.
La petite fille, le regard apeuré, tend ses mains, suppliant sa protection. Mille questions traversent l'esprit de Sonya. Mais une chose est sûre : elle ne peut pas laisser une créature aussi vulnérable sans défense.
La jeune femme prend l'enfant dans ses bras. Cette dernière se blottit contre sa bienfaitrice et ne tarde pas à succomber au sommeil.
***
Le soleil se lève, illuminant la ville de ses rayons chaleureux. Rose est toujours allongée dans son lit, étreinte par l'obscurité. Tandis que Tom dort à poings fermés dans son berceau, elle, elle n'a pas fermé l'œil de la nuit.
Ses compagnons ne sont toujours pas revenus après l'attaque d'hier soir. L'angoisse ronge ses entrailles. La culpabilité également. Elle n'a absolument rien pu faire pour les aider. Elle se redresse et passe ses mains sur son visage noirci par les cernes.
Tout à coup, quelqu'un sonne à sa porte. Elle s'y dirige avec appréhension, espérant revoir ses alliés. La déception est énorme. Sonya est de l'autre côté de l'ouverture. Elle porte un bébé enroulé dans une serviette, en pleine sieste.
« Toi... soupire Rose. Tu fais partie de l'équipe de Skill. Sonya, c'est ça ?
— Oui, répond très sérieusement la concernée. D'ailleurs, il a un message à te transmettre. »
L'acolyte de Skill tapote les joues rondes de l'enfant pour la réveiller. Celle-ci ouvre ses paupières lourdes et fixe la résidente avec insistance.
« Que veut-il ? continue sèchement Rose.
— Ah, désolée, je me suis trompée, rectifie la messagère. C'est elle qui veut te parler.
— Hello... » commence le bébé d'une voix éreintée.
Rose sursaute, éberluée. La petite fille s'empresse de rassurer son interlocutrice :
« Du calme... c'est moi, Cammy. »
Cette phrase n'arrange en rien la confusion de la résidente. Elle en reste bouche bée.
« Je sais que tu te poses des centaines de milliards de questions. Je vais tout t'expliquer, promis. »
Rose plisse ses paupières. Cette manière de parler lui est familière. Elle reconnait facilement ces cheveux verts, ces yeux bleus et ce teint chocolat. Il s'agit bel et bien d'une version miniature de Cammy.
« Je vois... entrez donc », invite la résidente, toujours aussi perturbée.
Elle donne à la petite fille des vêtements de Tom, qui lui vont comme un gant.
« Bien... maintenant, explique-moi comment tu as fini dans cet ét... »
Rose est interrompue par le son d'un ventre qui gargouille. Sonya rougit, maudissant son estomac semblable à un gouffre sans fond.
« Où sont passées mes manières... allez manger quelque chose.
— Ça ira pour moi, je n'ai pas faim, déclare Cammy, atone.
— Ce n'est pas négociable. Je suis sûre que tu n'as rien avalé depuis hier soir » insiste la résidente.
Cammy est trainée dans la salle à manger. Rose prépare vite un biberon, installe la petite fille sur ses cuisses et lui fait engloutir le lait. En face d'elles, Sonya se régale avec des poumons de bœuf et un verre de sang.
Après avoir absorbé la nourriture, l'enfant essuie ses lèvres d'un revers de la main. Elle entame immédiatement les explications que son amie attend depuis un moment :
« Je ne vais pas tourner autour du pot. Tout le monde s'est fait capturer, sauf moi. »
La résidente s'y attendait, mais son regard se décompose d'affliction. Cammy serre ses minuscules poings, tout aussi frustrée.
« Quant à moi, je me suis enfuie. Pendant mon combat contre Steve, j'ai senti que je risquais de perdre. J'ai profité d'un moment où il était inconscient pour lever un nuage de poussière et créer une technique spéciale incognito. Vu que mon corps est unique, je l'ai rendu multiple. Il a donc été divisé en deux entités. Celle qui contenait la majeure partie de mes cellules et quasi toute ma puissance a continué l'affrontement. Et l'autre s'est barrée.
— Je vois... donc le corps que j'ai en face de moi n'a que très peu de cellules, résume Rose. C'est pour ça que tu as rajeuni.
— Ouais. La partie de moi qui combattait Steve est morte. Heureusement, c'était juste un tas de viande que je contrôlais à distance. Mon âme est restée dans le corps qui s'est fait la malle. »
Cammy baisse ses yeux, avant de poursuivre :
« Mais comme je l'ai dit, le corps qui s'est fait dézinguer contenait presque toute mon énergie. Celui dans lequel je suis est aussi faible qu'un bambin de quatre ans. N'importe qui pourrait se débarrasser de moi en ce moment... »
Rose contracte sa mâchoire. La situation ne pouvait pas être pire. Elle exprime son désarroi :
« Je ne comprends pas pourquoi tu as choisi une solution aussi extrême... tu ne pouvais pas t'enfuir en te téléportant ?
— En cas de défaite, je voulais leur faire croire que j'étais morte.
— Alors, pourquoi ne pas avoir créé un clone ?! s'exclame la résidente. L'opposé de l'original, c'est la copie, non ?
— Un clone est toujours plus faible que l'original. Steve aurait remarqué qu'un truc clochait. Et puis, je pensais que j'avais une chance de le vaincre, alors je voulais continuer de me battre à fond. »
Rose n'est toujours pas convaincue. Sonya non plus, d'ailleurs. La petite fille termine son argumentaire :
« Si je réussis à faire croire à Jack et ses sbires que j'ai cané, ça nous offre une chance unique de les attaquer par surprise. Je connais quelqu'un qui peut me faire grandir pour que je récupère une partie de ma puissance, de toute façon. »
Rose pousse un soupir, légèrement soulagée. L'acolyte de Skill a une idée de la personne dont Cammy parle...
« Tu aurais dû commencer par ça, dit la résidente.
— Ouais, d'ailleurs, j'ai une question, poursuit la petite fille. Tu étais où quand on se faisait marave ? »
Rose détourne son regard, aussi honteuse que coupable.
« Je... j'étais enfermée dans ma chambre. Impossible d'ouvrir la porte ou une fenêtre. J'ai tout essayé pour sortir, crois-moi. J'ai même crié, mais personne ne m'a entendue. »
Les yeux de la résidente se mouillent, sa gorge se noue. Elle exprime avec difficulté ce qu'elle craignait depuis un moment :
« Je... fais-moi confiance... Tu penses sûrement que c'est moi la traitresse, mais...
— Non t'inquiète, je voulais juste savoir quel genre de magouilles ils ont utilisé pour t'écarter, rassure Cammy. Je suis sûre que c'est pas toi l'espionne. Car la taupe... c'est moi. »
Rose écarquille ses yeux, désarçonnée. Sonya manque de s'étouffer avec la nourriture et tousse à plusieurs reprises. Le bébé se dépêche d'éclaircir la situation :
« Enfin, je suis l'une des taupes. Toi aussi, Rose, tu en es une sans le vouloir. Mouppy également. Et la raison est très simple : le concept de Jack est celui de la communication. Il interceptait tout ce qu'on s'échangeait. »
Rose plisse son front, profondément troublée. Sonya cesse de mâcher, réalisant qu'elle non plus n'est peut-être pas à l'abri d'un tel pouvoir. Cammy croise ses bras et enchaine, le ton grave :
« C'est devenu évident au moment où j'ai compris qu'il connaissait notre nouveau plan, alors qu'on discutait par télépathie. En plus, lorsque ses sbires ont lancé l'attaque, je n'arrivais plus à contacter personne par la pensée. Quelqu'un a forcément interrompu notre communication. Quand on rassemble les pièces du puzzle, la nature de son pouvoir est obvious...
— Mais oui ! s'écrie Rose, parfaitement convaincue. Maintenant que j'y pense... un jour, tu m'as dit que Jack était venu à ta rencontre et est reparti sans rien tenter.
« Ouais. Je pensais que c'était juste pour me provoquer, mais je me suis gourée. Il a sûrement activé son pouvoir sur moi à ce moment-là. D'ailleurs, on dirait qu'il est constamment au courant de tout, mais c'est pas possible qu'à chaque fois, il décide de surveiller la bonne personne au bon moment. Peut-être que tout ce qu'on s'échange est enregistré, comme un fichier audio ou vidéo, qu'il peut consulter quand il veut. Maintenant, Rose, tu sais pourquoi il ne t'a jamais fait de mal. Pour lui, tu es une source d'infos ambulante.
— Je vois... Pendant tout ce temps, j'étais juste un pion... »
La résidente grince ses dents de rage.
— Je comprends mieux ses capacités, souffle-t-elle. Le papier, l'encre, les livres et même le son, c'est la base en matière de communication... C'est pour ça que personne ne m'a entendue crier...
— Ouais, approuve la petite fille. Cet enfoiré est sûrement et sans aucun doute capable de contrôler tout ce qui est lié aux appareils électroniques ou aux moyens plus anciens d'envoyer des messages, comme le jet de bouteilles à la mer. Ses possibilités sont gigantesquement énormes. »
Bien que leur découverte soit une avancée majeure, Rose s'alarme :
« Mais... s'il entend tout ce qu'on dit, il sait donc que tu as survécu !
— Pas d'inquiétude, déclare Cammy. Il faudrait pour ça que son pouvoir soit activé. Je l'ai désactivé sur nous trois. Et d'après ce que j'ai compris, il a besoin de rencontrer une personne pour que sa capacité marche sur elle. Donc, tant qu'il ne se pointe pas à nouveau devant nous, on peut être sûres qu'on est à l'abri.
— S'il n'arrive plus à espionner plusieurs personnes tout à coup, ne va-t-il pas se douter de quelque chose ? insiste la résidente.
— J'y ai pensé. Premièrement, à l'instant où je me suis divisée, j'ai désactivé son pouvoir sur le corps qui s'est enfui. Jack n'est donc pas au courant de son existence. Ensuite, j'ai un bouc émissaire. J'ai demandé à Sonya de te faire croire qu'elle voulait te transmettre un message de la part de Skill, puis j'ai annulé la technique de l'espion démoniaque. Au moment où Jack écoutera votre conversation, il croira que c'est Skill qui a interrompu l'enregistrement. »
Rose sourit, impressionnée.
« Je vois que tu as pensé à tout. La première étape de ton nouveau plan était de faire croire à Jack que tu es morte et de t'assurer qu'il ne peut plus intercepter nos conversations, résume la résidente. Quelle est la suite ?
— Eh bien, je... »
Cammy baisse son regard apeuré. Ses minuscules mains tremblent.
« En fait... je n'ai aucune envie d'affronter à nouveau ce type... Steve. Il me file la trouille... J'ai dit que le corps qui a cané était un tas de viande contrôlé à distance, mais ça restait une partie de moi. Tout ce que cette enveloppe charnelle a ressenti, je n'en ai pas raté une miette. Et quand elle s'est fait dézinguer, je me suis tout pris dans la face. Hier soir, je suis morte... pour de vrai. »
Cammy se souvient du sourire oppressant de Steve avant de l'achever. Son cœur bat si fort qu'il lui donne l'impression d'avoir doublé de poids.
« Mais... si je m'enfuis maintenant et que j'abandonne mes amis... je m'en voudrai toute ma vie... alors, je n'ai pas d'autre choix que de retourner me battre... »
Rose serre fort la petite fille dans ses bras. Sonya s'approche d'elles et caresse les cheveux de Cammy.
« Tu n'as plus à avoir peur, susurre la résidente. Lors de ton combat, tu as pu constater des faiblesses chez Steve, n'est-ce pas ? La prochaine fois, on les exploitera pour l'écraser ensemble.
— Oui, complète Sonya, gonflée à bloc. Plus question pour moi d'ignorer tes problèmes. Compte sur mon aide pour transformer ce gars en brochettes.
— Les filles... »
Cammy sourit. Encore une fois, elle réalise qu'elle a de la chance d'être bien entourée.
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