Chapitre 145 : Pression

Le premier plan, consistant à déchirer un élastique pour lancer un SOS en cas d'attaque fut un échec cuisant. Cammy et les autres se réunirent chez Rose, mais ne savaient plus quoi faire. J et Kerry firent alors leur apparition avec une nouvelle stratégie.

***

Ayant immédiatement capté l'attention de tout le monde, Cammy ne se fait pas prier pour entamer des explications énergiques :

« Bon, voilà ce qu'on va faire. On va se servir de J, Kerry et Barry comme appâts. Pendant leurs heures de travail, ils feront chacun leur patrouille, seuls dans leur coin, pour attirer plus facilement l'ennemi. Et je vais concentrer mon Drive dans un objet à déchirer pour lancer le signal s'ils sont attaqués. Et cette fois, ça sera... »

Elle laisse sa phrase en suspens pour tenir les autres en haleine. Elle imite même des roulements de tambours imaginaires en agitant ses mains.

« Leurs chemises ! » dévoile-t-elle en écartant ses bras.

Tous les membres de l'assistance montrent un air perplexe. Barry hausse un sourcil, nullement convaincu et donne son avis :

« Euh... ce n'est pas le moment de faire des blagues, tu sais. Tu veux encore qu'on se sépare ? Pourquoi réessayer une stratégie qui a foiré ?

- Justement, vu qu'on a échoué comme de vieilles crottes, ils doivent s'attendre à ce qu'on ne refasse pas le même coup ! Et impossible qu'ils vous combattent sans que vos vêtements ne se déchirent un peu ! »

Les autres s'échangent des regards plus ou moins convaincus.

Barry s'apprête à renchérir, quand soudain, la voix de Cammy résonne dans son esprit :

« Bon, écoutez, tout le monde, voici le vrai plan.

- Qu'est-ce que... de la télépathie ? constate-t-il intérieurement.

- Eh ouais ! Quel est l'opposé de parler ? C'est penser ! clarifie Cammy

- J'aurais plutôt répondu se taire, mais ça reste correct... intervient Daisy.

- Ce n'est pas le moment, Daisy. Alors, pourquoi nous avoir expliqué un faux plan ? demande Agiel.

- Pour tromper le chat, répond Cammy. Barry croit que Mouppy est l'espion et l'a emmené pour qu'on le surveille. Même si je suis sûre, certaine, convaincue et persuadée qu'il est innocent, on ne sait jamais.

- Voici donc le plan, annonce J. Évidemment, c'est hors de question qu'on se sépare du début à la fin. Nous allons lancer une attaque de front. Si nous croisons plusieurs ennemis en même temps, nous utiliserons la capacité de téléportation de Cammy pour les disperser. Chaque adversaire étant isolé, nous l'affronterons tous ensemble et ainsi de suite. Grâce aux virus de Daisy, on ne devrait pas avoir de mal à tous les mettre hors d'état de nuire.

- Et concernant ce Steve, complète Kerry, en principe, il est capable de neutraliser tout le monde. Mais si l'expérience m'a appris une chose, c'est que tous les pouvoirs ont un point faible. Et celui de Steve ne fait pas exception. À votre avis, pourquoi il n'a toujours rien fait, alors qu'il devrait pouvoir tous nous capturer sans problème ? C'est parce qu'il a peur qu'on prenne nos jambes à nos cous, tout simplement.

- Exactement, termine J. On pense que son concept a un lien avec la protection. C'est pour ça qu'on ne peut ni bouger, ni utiliser de pouvoirs, du moment que le but est de lui infliger des dégâts. En revanche, on peut faire tout ce qu'on veut, tant que ce n'est pas une attaque directe. Autrement dit, Cammy est son point faible. Vu qu'il est constamment protégé, il suffira de faire en sorte qu'il soit exposé.

- Wow... j'y avais jamais pensé, s'exprime la concernée. Vous êtes des pros de l'analyse !

- Évidemment, sinon ils seraient morts depuis longtemps » réagit Barry.

Le plan fait l'unanimité. Pendant ce temps, Mouppy s'amuse avec un ballon en plastique dont le bébé s'est lassé.

« Ok. Donc on se repose ce soir et on passe à l'action demain ? propose mentalement Cammy.

- Franchement, je doute que je pourrai trouver le sommeil ce soir, ronchonne Kerry, mais c'est vrai qu'on est tous fatigués...

- J'ai vraiment bien fait de vous demander de l'aide, vous avez de brillantes idées... » félicite Rose.

En apparence, le groupe reste stoïque. Les amis continuent de débattre sur un plan imaginaire à haute voix afin d'embobiner la potentielle taupe.

***

Il reste Rose, son bébé dans ses bras, Cammy, Agiel, Daisy et le chat dans le salon.

« D'ailleurs, vous n'avez pas encore dîné, n'est-ce pas ? Allez manger quelque chose, propose la résidente.

- Euh... non merci, je n'ai pas faim, refuse Cammy, ayant beaucoup perdu de sa vivacité.

- Tu n'as quand-même pas l'intention de te battre le ventre vide ? s'inquiète Rose.

- J'avais l'habitude, quand j'étais cannibale. »

La résidente et Agiel s'échangent un regard et hochent simultanément la tête. Cette dernière se lève sans dire un mot. Elle revient un moment plus tard avec une assiette remplie de viande, le couteau et la fourchette.

« Fais aaaaahhh, ordonne Rose.

- Quoi ? Vous me prenez pour une gami... »

Cammy n'a pas le temps de terminer sa phrase qu'Agiel glisse la fourchette chargée d'un gros morceau de chair juteuse dans sa bouche.

« Mais kesche vous... humph ! »

La même astuce. Agiel la goinfre encore et encore, ce qui n'est pas pour déplaire à Cammy. Tel un ballon se remplissant d'air, la bouche de celle-ci prend exponentiellement du volume.

Avec leur index, Rose et Agiel appuient sur les joues enflées de la gourmande en s'esclaffant. Même le bébé pose sa main sur ses lèvres en riant. Daisy soupire, avant de prendre la parole, nullement amusée :

« Combien de temps comptes-tu encore les laisser se moquer de toi ? Tu n'as pas remarqué qu'elles essaient de voir jusqu'à quel point ta bouche peut gonfler ? »

Cammy fronce ses sourcils et avale le plus vite possible, sans même mâcher.

« Bande de chipies ! fait-elle mine de tempêter. Je pensais que vous vous inquiétiez pour moi, mais vous cherchiez juste à vous amuser avec mes grosses joues, c'est ça ?! »

Agiel, Rose et Tom explosent de rire, tandis que Daisy secoue la tête.

Toutefois, la première cesse immédiatement de gausser. Elle fixe avec insistance la main de son amie avant de faire la remarque :

« Cammy... tu trembles ?

- Quoi ? Hein ? Non... je... tout va bien... »

Personne n'est dupe. L'ambiance s'alourdit subitement.

« Tu peux tout nous dire, tu sais » insiste Agiel.

Cammy cesse de se voiler la face. Elle baisse la tête et avoue :

« Oui... je tremble. Parce que j'ai peur.

- Peur ? répète Rose.

- Oui. Je suis morte de frousse... »

Cammy devient blême et frémit de plus belle. Les battements de son cœur résonnent dans ses oreilles, pendant que son souffle devient saccadé.

« Une grosse partie du plan dépend de moi. Contre la team Skill, j'ai tout donné, mais Miranda et Annie sont mortes. Et aujourd'hui, Al et Berthold se sont fait avoir à cause de ma stratégie nullissime. Et si, cette fois encore, je n'étais pas à la hauteur... et qu'une nouvelle catastrophe se produisait ? »

Un silence pesant s'installe. Le visage de chacun s'assombrit.

« Je suis désolée... c'est mon rôle de rester positive pour que tout le monde garde sa motivation. Je n'aurais pas dû dire des choses comme ça... culpabilise la fille effrayée.

- Cammy... prononce simplement Agiel. Tu n'es pas un logiciel programmé pour garder tout le monde de bonne humeur. Toi aussi, tu es une personne, comme nous. Tu as parfaitement le droit d'avoir peur. Pour être honnête, moi aussi, je suis terrorisée.

- Pareil pour moi. En plus, la peur est une réaction naturelle face au danger, explique Daisy, se voulant rassurante. C'est grâce à elle que toutes les créatures vivent plus longtemps. »

Agiel prend la main de Cammy et lui parle d'une voix douce :

« C'est moi qui suis désolée. Il y avait sans doute beaucoup de choses qui te tracassaient dernièrement, mais je n'étais pas là pour t'écouter. Désormais, quel que soit ton souci, n'hésite pas à m'en parler. Et ne t'en fais pas, on va porter ce poids ensemble. Nous aussi, nous ferons de notre mieux.

- Oui. Et il faut que tu te détendes, ajoute Daisy. Si tu vas au combat en étant trop anxieuse, tu cours vers la défaite. De quoi as-tu envie ?

- Merci, les copines » dit Cammy en leur souriant.

Puis, elle réfléchit, avant de déclarer, la voix toujours tremblante :

« Euh... je sais pas...

- Alors, que dirais-tu que je te donne un objet ? » propose Rose, un sourire malicieux sur le visage

***

J, Barry et Kerry sont installés sur un grand lit dans la chambre d'amis. Le premier est en train d'écrire un texte sur son téléphone. Les deux autres, désœuvrés, sont très crispés. Le cas de Kerry est si grave qu'elle n'a raconté aucune blague de la soirée.

« Qu'est-ce que tu fais, depuis tout à l'heure ? demande la jeune femme.

- Tout le monde a l'air tendu. Et vu que vous me conseillez souvent de me relaxer, j'applique votre conseil. J'ai écrit un poème.

- Tu écris des poèmes pour déstresser, maintenant ? s'étonne son ami. Fais voir ? »

Curieux, Kerry et Barry lisent le contenu de l'écran. Titre : « La naissance du mal. »

« Le mur était blanc.

Sa pureté n'avait d'égal que le cœur d'un enfant.

Joie, colère, rires, pleurs, cris.

Le mur devint gris.

Affliction, haine, désespoir.

Le mur acheva sa transformation en noir. »

Les deux collègues lisent et relisent le texte. Ils haussent leurs sourcils, les froncent, plissent leurs paupières, clignent des yeux.

« Euh... on aimerait savoir... commence Barry.

- C'est écrit en quelle langue ? » complète Kerry.

Confus, J jette un coup d'œil à son texte, avant de répliquer :

« Comment ça ? C'est écrit dans un langage très simple. Vous manquez simplement de concentration et je vais vous le prouver. »

J et ses compagnons se dirigent vers le salon. Ils entendent des gémissements étranges. Lorsqu'ils se montrent dans la pièce, ils tombent sur Cammy, le visage irradiant de bonheur grâce au plaisir que lui offre l'insertion de l'objet.

La sensation du coton-tige dans son oreille est incomparable. Elle se sent beaucoup mieux.

Chacun lit à tour de rôle le poème de J. L'incompréhension est générale.

Cammy se frotte les yeux, avant de faire part de son hypothèse, très sûre d'elle :

« J'ai compris, c'est un message codé ! Il faut lire à l'envers ou changer l'ordre des mots, comme dans les films d'espions ! »

Abattu, J pousse un profond soupir. Même les nigh qu'il affronte tous les jours ne lui ont jamais fait ressentir un tel sentiment de défaite.

Une voix salvatrice s'immisce dans la conversation. Daisy explique très clairement :

« Vous me décevez, c'est pourtant simple. Les couleurs, blanc, gris et noir, reflètent l'évolution de l'âme d'une personne. Au début, elle était pure et innocente. Ensuite, elle avait à la fois une part de bonté et une part sombre. Et à la fin, elle incarnait le mal. De plus, un mur, ça ne se salit pas tout seul. Ici, l'auteur veut montrer que l'environnement d'un individu influe beaucoup sur sa personnalité. »

Suite à cette étude de texte, les autres sont tous bouche bée. Des applaudissements s'ensuivent. J souffle de soulagement. Ouf, il n'est pas fou.

Kerry et Barry s'avancent vers lui.

« Tu veux bien signer nos t-shirt ? commence Barry

- Comme ça, on pourra se vanter d'être les premiers à avoir eu ton autographe quand tu seras un auteur célèbre ! » achève l'humaine.

J sourit, content d'avoir réussi son coup. Ils ont repris leurs blagues puériles.

***

Il est minuit passé. Après le dîner, chacun est allé au lit, hormis Cammy, Barry et Mouppy qui restent au salon. Le chat mange goulument de la viande à laquelle il a eu droit car son amie n'a pas cessé de prendre sa défense. Celle-ci baille longuement.

« Tu peux aller te coucher, tu sais. Je peux tenir. Je vais rattraper mon sommeil demain, suggère-t-elle.

- Arrête de dire des bêtises, rétorque le jeune homme d'une voix harassée, les paupières aussi lourdes qu'une paire de marteaux. Il faut qu'on soit au moins deux pour faire le guet. Je... »

Il détourne le regard afin qu'elle ne le voit pas rougir et complète :

« Je vais te... je vais vous protéger, quoi qu'il arrive. »

Cammy lui sourit. Puis, elle se lève et fait le tour de la pièce à plusieurs reprises, en sautillant presque.

« Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquiert Barry.

- J'ai trop envie d'aller aux toilettes... avoue-t-elle d'une voix blanche.

- Idiote, tu te retiens depuis combien de temps ? File !

- Je peux pas... panique-t-elle. Et si...

- Il ne va rien se passer. Vas-y, c'est pas une suggestion » ordonne l'humain, austère.

La jeune femme hoche la tête et fonce. Son cœur tambourine. Les secondes durant lesquelles elle est assise sur la cuvette semblent interminables.

Elle retourne enfin au salon, priant pour que rien ne se soit passé.

Lorsqu'elle pénètre dans la salle, Barry et Mouppy ne sont plus là.

Des intrus sont présents dans la pièce, le regard mauvais. Deux criminels activement recherchés par la brigade.

« Bouse... j'espérais avoir tort... mais que fabriquent ces types ici ? » se lamente-t-elle.

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