Chapitre 143 : Nouvelles manigances
Jack réussit la première phase de son plan, qui consistait à capturer Al et Trash.
***
« Nous allons bientôt commencer la deuxième phase de mon plan », introduit calmement le chef.
Jack, Steve, Randy et Luck profitent de leur diner autour d'une grande table. Le bâtiment appartient à l'usurier. Officiellement, c'est un agent immobilier afin de blanchir son argent.
Leur appartement, bien que très spacieux, a tout ce qu'il y a de plus banal : quelques sofas et une télévision écran plat standard au salon. Celui-ci est décoré par une étagère remplie de livres, un vieux tapis qu'il serait temps de changer et des cadres. Sur chaque photo, on peut voir Jack, tous ses acolytes, ainsi qu'une jeune femme ressemblant beaucoup à Luck, un petit garçon et deux individus impossibles à reconnaitre. Ils arborent tous un sourire heureux, comme s'ils vivaient la plus belle période de leur vie.
En face du chef, un cliché est collé sur le réfrigérateur de la salle à manger. Toute l'équipe y figure, hormis le duo dont les visages ont été déchirés sur les images présentes dans la pièce principale.
Jack continue son discours :
« Nous capturerons tout le reste du groupe et supprimerons Cammy Blue. Elle est trop dangereuse pour être gardée enfermée. Il ne nous reste plus qu'à attendre d'avoir suffisamment d'informations pour passer à l'action.
— Ne risquent-ils pas de se douter de quelque chose ? intervient Steve, tout sourire.
— Ne t'inquiète pas. Les chances qu'ils devinent qui est la taupe sont totalement nulles », assure Jack d'une voix glaciale.
Un court silence s'installe, durant lequel chacun déguste son plat, hormis Luck. Ce dernier, le menton collé sur la table, n'a toujours pas touché à son poisson.
« D'ailleurs, j'ai une excellente nouvelle. Treize de nos clients ont fait faillite au cours des trente derniers jours. C'est 7% de plus que le mois précédent. »
Des exclamations, sifflements et applaudissements accompagnent la déclaration du chef.
À la demande de Jack, Steve développe des jeux d'argent en ligne impossibles à gagner. Ils rencontrent les pigeons et les invitent en personne, afin qu'aucune personne indésirable ne découvre leur business.
Le leader, un rictus mauvais sur les lèvres, poursuit :
« Pas la peine de me féliciter. Tout ça, c'est grâce à Steve.
— Ce sont tes idées, donc le mérite te revient, répond le concerné, euphorique.
— Sans tes compétences, nous n'aurions jamais eu des résultats aussi satisfaisants, insiste Jack.
— Sans ton cerveau machiavélique, je n'aurais rien pu faire, rétorque Steve, un sourire toujours scotché sur les lèvres.
— Sans ton expertise...
— Vous êtes plus compliqués qu'un casse-tête chinois. On va dire que c'est grâce à vous deux, contents ? » les interrompt Luck, las.
Jack et Steve, les yeux ronds, n'en rajoutent pas plus.
« En tout cas, c'est bien fait pour eux, enchaine Randy, les bras croisés et fixant le plafond d'un air si songeur que son esprit ne semble plus dans la pièce. Ces riches utilisaient leur fortune pour faire le mal autour d'eux. Maintenant, c'est leur tour de connaitre la misère. Cette nouvelle expérience est une opportunité afin qu'ils purifient leurs âmes et deviennent des personnes plus humbles.
— Ou alors, ils vont se mettre une corde autour du cou, s'amuse Steve. N'est-ce pas encore plus magnifique ?
— Qu'est-ce que tu racontes ? corrige Jack, indifférent aux leçons de vie de Randy. C'est l'hôpital qui se moque de la charité. Je les ai escroqués pour devenir plus riche. C'est tout.
— Toujours aussi honnête... je ne m'en lasserai jamais » dit Steve, contemplant son chef avec admiration.
Luck n'a toujours pas touché son assiette. Les yeux mi-clos, la joue écrasée contre la table, il semble plus éreinté qu'une personne ayant enchainé un nombre incalculable de nuits blanches.
« Tu ne manges pas ? s'enquiert le leader, curieux.
— Flemme... affirme Luck.
— C'est sûr que même s'il était sur le point de mourir de faim, il aurait toujours la flemme de mâcher, taquine Steve.
— Et même s'il devait mourir, son âme aurait la flemme de quitter son corps, du coup il resterait en vie » renchérit Randy.
La troupe s'esclaffe sous le regard indifférent du paresseux.
Chacun finit de diner et l'assiette de Luck est toujours pleine. Pendant que Jack débarrasse la table, Steve se lève, très joyeux et annonce :
« J'ai presque fini de mettre en place notre nouvelle application. Qui veut la tester ? »
Le développeur lance un regard en direction de son chef et lui tend son téléphone. Ce dernier décline immédiatement sa proposition tacite d'un ton sec :
« Non merci. Je passe une bonne soirée, je ne tiens pas à la gâcher.
— Luck ? tente Steve.
— Pas moi. Je préfèrerais faire le tour de la terre en sautillant sur un orteil plutôt que de rejouer à un de tes jeux, mec. »
Steve, loin d'être découragé, fixe Randy avec un sourire charmeur. Celui-ci prend son courage à deux mains :
« Je ne vois pas ce qui vous fait aussi peur. Je pratique tous les jours de la méditation et du yoga afin de me maitriser en toutes circonstances. Ce n'est pas un simple jeu qui va me mettre hors de moi.
— Ça se voit que t'as jamais joué à un jeu inventé par ce malade, balbutie Luck, somnolent. Bonne chance, mec. »
Randy ne tient pas compte des avertissements. Il saisit le téléphone de Steve et débute une partie.
Trois quarts d'heure passent durant lesquelles il s'isole dans sa chambre.
Le béta testeur, poings serrés, débarque brusquement dans le salon. D'immenses veines parcourent ses bras, son cou et son front. Il grince des dents si violemment que ses mâchoires pourraient broyer des tonnes de métal. Des ouragans s'échappent de ses narines ayant doublé de volume. Il se retient pour ne pas broyer le téléphone entre ses mains.
« Non mais tu es le diable en personne ou quoi, Steve ?! tempête Randy. C'est quoi ce jeu ?!
— Relax, mec. Je croyais que rien ne pouvait t'énerver ? » souffle Luck, à moitié éveillé.
Le chef, confortablement installé sur le sofa, rit à gorge déployée.
Parfait.
Steve, derrière son ordinateur, reste concentré sur son écran et affiche un sourire digne du Roi des démons :
« On dirait que j'ai encore atteint les résultats escomptés. Ta réaction est juste sublime. En plus, tu as joué gratuitement. Imagine donc comment se sentiront ceux qui perdront de l'argent réel ? »
Luck a suffisamment lutté. Il regarde la télé sans vraiment la regarder. Il se lève et baille si longuement qu'il a sans doute battu le record du monde.
« Bon, je vais dormir, affirme-t-il, tenant à peine debout. À demain, les mecs.
— Attends une seconde, intervient Randy, cherchant à passer ses nerfs sur quelqu'un. Tu vas encore y aller sans te brosser les dents ? Tu veux avoir une carie ?!
— Et hier, tu ne t'es pas lavé. Ta paresse est vraiment spectaculaire », nargue Steve.
Luck se gratte les fesses, signe qu'il s'en moque. C'est alors qu'une jeune femme avoisinant la vingtaine fait son apparition. Petite de taille et de corpulence très fine, ses courts cheveux verts s'arrêtent à la nuque. Ses deux billes violettes fixent le groupe avec malice avant qu'elle ne commente.
« Ne vous fatiguez pas, vous croyez que je n'ai jamais essayé de le faire changer ? C'est juste un porc déguisé en nigh. »
Le cochon fronce ses sourcils et grommelle :
« T'es pas cool, sœurette. Arrête.
— Tonton, il sent le caca », confirme un petit garçon de quatre ans environ.
Les cheveux de celui-ci ressemblent à une forêt verdoyante poussant sur sa tête, tandis que ses yeux possèdent la même couleur que des aubergines. On dirait une version miniature de sa génitrice.
« Tu vois, si même lui, il le dit », rigole la mère.
Les moqueries fusent.
« Tu fais quoi debout à cette heure, petit mec ? Va te coucher ! »
Après avoir grondé le bonhomme, Luck rouspète et se réfugie dans sa chambre. La mère du garçonnet lui ordonne à son tour d'aller au lit.
Elle glousse en voyant l'humeur massacrante du cobaye de Steve. Elle s'enquiert aussitôt :
« D'ailleurs, pourquoi Randy a l'air si énervé ? C'est rare, ça.
— Il a testé mon dernier jeu, explique le développeur, toujours focalisé sur son appareil. Tu veux essayer aussi, Sophie ? Je te promets un merveilleux moment.
— Non merci, je préfèrerais qu'on m'arrache tous les doigts, grimace Sophie. D'ailleurs, ça sera qui, la prochaine victime ? »
Les lèvres de Jack s'étirent en un rictus effroyable. Une malveillance sans nom se dégage de son expression faciale. Il se lance dans un nouveau monologue :
« Cette fois, ça sera une cible inhabituelle. Les humains et les nigh pensent être les créatures les plus intelligentes de la planète. Pourtant, certains d'entre eux sont plus stupides que les autres animaux... »
De son côté, Luck s'installe lourdement sur son matelas. Il s'assoupit et une bribe de conversation s'immisce dans son esprit éreinté :
« Pourquoi on doit disparaître sans rien lui dire ? Même si on n'est pas du même sang, elle reste notre soeur !
— On n'a pas le choix si on veut la protéger. »
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