Chapitre 142 : Retrouvailles en prison

Dans la même soirée, Al et Trash (Berthold) furent capturés respectivement par Jack et Jason. De son côté, Oggy, le ventru, remporta sa première bataille après s'être retrouvé dans l'arène avec Juliette, une jeune femme qui essayait simplement d'être gentille avec lui.

***

Al ouvre lentement ses yeux. Sans surprise, il est derrière les barreaux, sans doute dans un sous-sol. Installé sur un matelas, il regarde autour de lui. La cellule sombre, éclairée par des lanternes, est suffisamment spacieuse pour enfermer une dizaine de personnes en plus. À côté de lui se trouve un homme très grand et joufflu.

D'humeur tellement sombre qu'il semble mort de l'intérieur, le ventru ne porte aucune attention à Al. Celui-ci n'envisage même pas de lui adresser la parole.

Un instant plus tard, Jack fait son apparition en fixant les deux gibiers avec un sourire narquois. Il commence son monologue :

« Bienvenue dans la prison somp...

- La ferme, maugrée Al. Je sais déjà pourquoi tu m'as emmené ici. Alors, tes explications à deux balles, tu peux te les garder. D'ailleurs, t'es pas fatigué de tout le temps répéter le même discours ?

- C'est toujours amusant de voir la réaction des prisonniers quand ils découvrent ce qui les attend. Sur ce, bonne soirée. »

L'usurier s'en va, tout sourire, sous le regard haineux de chaque prisonnier.

« Bonne soirée ? Il se fout de ma gueule, en plus... » marmonne Al.

C'est au tour de Steve de se montrer, euphorique.

« Ravi de te rencontrer, Al. J'ai beaucoup entendu parler de toi. Alors, que dirais-tu d'une petite visite ? »

Le concerné lève les yeux au ciel, agacé, avant de penser :

« Tu m'étonnes qu'il ait beaucoup entendu parler de moi, avec toutes les infos que l'espion leur a données... »

Sans un mot, le nouveau prisonnier quitte sa cellule et suit son guide. Steve lui présente la cuisine, la salle d'entrainement, les toilettes.

Après avoir fait le tour du pénitencier, Steve lui tend deux uniformes. Des chemises à manches longues et des pantalons bleus.

« As-tu des questions ? termine le gardien.

- C'est pour qui, l'autre tenue ?

- C'est une surprise, tu le sauras bientôt. »

Après lui avoir lancé un clin d'œil, le guide s'en va. Al prend une douche et enfile sa tenue, avant de retourner dans sa cellule.

Il soupire fort et son esprit se noie dans le flot de la culpabilité. S'il avait été moins négligent vers la fin du combat, il aurait peut-être gagné. Cette affaire se serait alors terminée rapidement.

Ses compagnons doivent être morts d'inquiétude. Il n'avait pas le droit de leur infliger ça.

Les yeux fermés, il s'allonge, tentant de trouver refuge dans le sommeil. Mais rien n'y fait. Il n'arrive même pas à s'assoupir et change de position chaque dix secondes.

Seulement quelques minutes passent. Jack ouvre la cage, balance le corps de Trash sur un matelas et s'en va en refermant les barreaux.

« C'était donc lui la surprise... » souffle intérieurement le jeune homme.

Al contracte sa mâchoire. Son rythme cardiaque s'accélère. Il a peur. Peur de voir débarquer tous ses compagnons un à un, et qu'ils soient piégés ici à jamais.

Trash finit par reprendre connaissance. Il a la même réaction qu'Al. Il regarde autour de lui, avant de frapper son lit.

Une rage intense bouillonne en lui. Mais pas seulement. L'adolescent se sent coupable d'avoir été si sûr de lui, d'avoir facilité sa capture. Il s'en veut d'avoir été si odieux envers Cammy, de ne pas avoir suivi son plan. Elle doit sans doute se faire beaucoup de soucis pour lui. Il ne voulait pas lui faire endurer ça.

Poings serrés, lèvre déchirée sous la pression de sa morsure et veines saillantes, Trash ne s'en prend qu'au seul responsable de tout ça : lui-même.

« Je suis un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un imbécile. Un... »

Les trois prisonniers s'ignorent mutuellement, chacun préoccupé par ses pensées déprimantes.

Deux heures passent sans que qui que ce soit n'ait prononcé le moindre mot. Comme s'ils étaient enfermés dans une dimension à l'intérieur de laquelle le son n'existait pas.

Al finit par fixer Trash et s'énerve rien qu'en le voyant. Il aimerait lui crier dessus, qualifier l'adolescent de tous les adjectifs en rapport avec la stupidité, lui répéter à l'infini que c'est de sa faute s'il est coincé ici. Et même coller son poing contre sa figure.

Cependant, Al lutte de toutes ses forces pour se retenir. Sa respiration devient aussi forte qu'un ventilateur. Il inspire et expire longuement...

Suffisamment calmé, il se dirige vers l'adolescent. Ce dernier lui lance un regard noir pour l'avertir de ne pas faire un pas de plus. L'humain s'en moque, s'assoit sans gêne sur son lit, s'approche de son oreille et murmure :

« Je vais être direct. Tu t'associes avec nous ?

- Si je veux sortir d'ici, est-ce que j'ai le choix ? répond discrètement Trash. Mais pourquoi tu souffles dans mon oreille ? Tu sais que je déteste ça ?

- Réfléchis un peu. Si même à l'extérieur, ils nous espionnaient, c'est qu'ici, ça doit être pire. Voilà ce qu'on va faire. Si tu dis quelque chose sincèrement, fais un V avec ta main. Et si c'est le contraire de ce que tu penses, lève ton pouce.

- Et si on a du mal à se comprendre ?

- Qui ne tente rien n'a rien » conclut Al, avant de retourner sur son matelas.

Trash réfléchit sérieusement. Comment parler de manière codée tout en étant sûr que l'interlocuteur saisisse tout ? Il soupire avant de se lancer, sourcils froncés et pouce levé :

« Tu dis que tu n'as pas besoin de mon aide ? Ça veut donc dire que tu n'as aucun plan ?

- Exactement. Je n'ai aucun plan. Je me suis fait avoir par Jack et je ne sais toujours pas la nature de son pouvoir », répond sincèrement Al, aussi nonchalant qu'à son habitude.

L'adolescent plisse ses yeux, confus.

« T'es sérieux ?

- Oui. On est complètement neutralisés. À nous deux, on ne peut rien faire » affirme honnêtement Al.

Puis, ce dernier lève son pouce, rappelant que la suite de ses propos est le contraire de ce qu'il pense :

« Les autres ne viendront pas nous sauver non plus. Impossible qu'ils débarquent avant la prochaine bataille. On ne peut donc pas se reposer sur eux. »

Trash hoche la tête, faisant mine d'être désespéré. Ils se comprennent plus facilement qu'il ne le pensait.

« Et toi, qui t'a capturé ?

- Un mec chelou dont je n'avais jamais entendu parler, affirme l'adolescent, n'ayant pas besoin de coder cette information. Un blond couvert de boutons. Lui non plus, je n'ai pas trop eu le temps de comprendre ses capacités. Ça te dit quelque chose ?

- Rien du tout. Comme si on n'avait pas assez de problèmes, voilà que leur team s'agrandit... »

Après avoir soufflé fort, Al décide de mentir cette fois :

« Au fait, il y a une salle d'entrainement. Tu devrais y aller souvent. »

Trash plisse son front, ne comprenant pas où il veut en venir. Après avoir fait travailler ses méninges, il saisit enfin. Ce serait mieux d'éviter cet endroit, car s'il s'y exerce, Jack et ses acolytes, spécialistes de l'espionnage, connaitront tout de ses nouvelles techniques de combat.

« Et si on allait manger un bout ? propose Al, disant enfin la vérité. Je n'ai pas dîné, je crève la dalle. »

Trash n'a aucun appétit. Il ne comprend pas comment l'humain peut être aussi insouciant dans une situation pareille. Toutefois, c'est vrai qu'ils ont besoin de prendre des forces s'ils veulent donner leur maximum lorsqu'ils auront une nouvelle occasion d'affronter la team Jack.

« Pourquoi pas... ? soupire le garçon.

- Et toi, ça te dit ? ajoute Al en s'adressant à l'homme graisseux.

- Est-ce que j'ai l'air d'avoir faim ? vocifère ce dernier. Bande de crétins, vous ne savez pas qu'il ne faut jamais faire ami-ami dans cet endroit ? Les participants des affrontements sont censés être tirés au sort, mais certains sont choisis de façon arbitraire. Si Jack sait que vous avez une quelconque relation, il va vous forcer à combattre l'un contre l'autre. Alors, vous feriez mieux de faire semblant de ne pas vous connaitre. »

Al hausse les épaules, indifférent. Il est reconnaissant pour cet avertissement, néanmoins...

« Merci, mais faire croire à Jack que je ne connais pas ce type, ça serait comme une personne qui prétendrait n'avoir jamais lâché une caisse », affirme l'humain avant de quitter la cellule sans attendre la réaction du ventru.

L'adolescent est stupéfait par la facilité avec laquelle chacun peut se déplacer. Il n'hésite donc pas. Il frappe le sol de toutes ses forces. Une fois, deux fois, trois, quatre, cinq fois. Le carrelage est intact.

« Tu n'as pas compris que tout est blindé, ici ? grommelle Al. Si c'était aussi simple de s'enfuir, il n'y aurait plus personne dans le coin. »

Fortement contrarié, l'adolescent va se changer. La tenue n'est pas faite sur mesure. Il flotte dans ses vêtements et a l'impression d'être une souris dans un accoutrement destiné à un hippopotame. Il rejoint Al dans la cuisine.

« On est obligés de porter ces trucs ? maugrée Trash en s'installant face à lui.

- Tu comptes garder tes fringues crasseuses ? C'est pas comme si on pouvait faire du shopping ici, alors, autant se contenter de l'uniforme. »

L'adolescent hausse un sourcil. Porteraient-ils cette tenue pour faire croire à Jack qu'ils sont résignés ?

Il n'y a aucun cuisinier dans la salle, il a préparé les derniers aliments avant de se retirer. Trash n'a aucun souci, puisqu'il mange de la viande crue. Al, lui, par contre, est obligé d'avaler les seules pates froides qu'il reste.

L'humain enchaîne les bouchées sans envie.

« Ils sont même au courant que je mange tout le temps des pâtes ? Je ne savais pas qu'ils récoltaient plus de données personnelles que les sites web et les applis... »

Trash ignore sa remarque. Il lui pose plutôt une question qui le turlupine depuis longtemps, sans transition :

« Je trouve mon pouvoir vraiment inutile. Tu n'aurais pas des conseils à me donner pour mieux l'utiliser ? »

Al cesse de mâcher, troublé. Comment répondre à ça de manière codée ? Pourquoi il lui pose ce genre de questions en sachant qu'ils sont surveillés ? L'adolescent semble vraiment désespéré.

Pour gagner du temps, l'humain décide de le narguer, pince-sans-rire :

« Ton pouvoir c'est la couleur, non ? C'est loin d'être inutile. Plein de dessinateurs tueraient pour avoir ta capacité.

- Tu n'as pas compris que je parlais d'utilité au combat ? s'agace Trash.

- De quoi tu te plains ? Ça ne te prendrait que quelques secondes pour dessiner une grosse scène de castagne. »

L'adolescent grince des dents, exaspéré. C'était une perte de temps de s'adresser à quelqu'un de si apathique, qui ne peut pas rester sérieux longtemps.

« Et sinon, ça me rappelle une phrase que j'ai lue dans un manga. Un dessinateur n'est pas limité par la qualité de son matériel, mais plutôt par son imagination. Tu l'avais oublié ? »

Trash ne répond pas. Il s'en fiche de ses citations de mangas. Cependant, ça lui rappelle quelque chose.

Soudain, il écarquille ses yeux. Cette phrase ressemble à celle qu'Al avait prononcée un jour :

« Y a des gens qui pensent que c'est le concept d'un utilisateur qui définit les limites de ses capacités. C'est faux. La seule limite, c'est l'imagination. »

Le garçon hoche la tête. Il était tellement déçu par la nature de son pouvoir qu'il a oublié ce conseil. Il compte bien l'appliquer, désormais.

Si Al ne montre aucun signe d'inquiétude, en apparence, c'est parce qu'il sait que l'adolescent est déjà en proie à l'anxiété, la culpabilité, la haine. Il doit s'efforcer de l'aider à s'en sortir, plutôt que de le laisser sombrer. C'est ce que ferait Cammy.

Ils terminent leur diner en silence.

Trash se lance dans un entrainement mental afin d'imaginer de nouvelles techniques. Il a déjà la migraine. Al lui a donné un bon conseil, mais son message a un autre sens : « Démerde-toi. »

C'est plus : facile à dire qu'à faire.

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