Chapitre 128 : Nouveau foyer

Alors qu'il était en congé, J reçut un signal provenant de l'application SOS de la brigade anti-nigh. Malgré les remontrances de Kerry et Barry, il fonça sur les lieux. La bande découvrit un homme blessé, et que la responsable de l'incident était une enfant, la nièce de Sheldon.

Rappel : Eva était une nigh que l'oncle décédé et la tante de Jonathan avaient décidé d'adopter. Elle n'était pas mauvaise de nature et avait eu une très bonne éducation, mais elle ne put résister à ses pulsions. Elle dévora la petite soeur de Jonathan qui n'était qu'un nourrisson, et utilisa son pouvoir sur Mary afin de l'empêcher de dévoiler la vérité à qui que ce soit. Ne supportant plus le remord, Eva s'est suicidée et lorsque Jonathan découvrit un carnet dans lequel elle se confiait, il comprit qu'aucun nigh ne pouvait contrôler ses pulsions et qu'ils finiraient tous, tôt ou tard, par commettre des crimes impardonnables.

***

J écoute une description détaillée de Sheldon, puis se met à réfléchir :

« D'après les dires d'Agnès, il se débrouillait plutôt bien au combat. Je doute que n'importe qui ait réussi à l'enlever. Il y a très probablement des nigh dangereux derrière cette affaire... »

Il sourit à la fillette et lui dit d'un ton rassurant :

« Ne t'en fais pas. Nous ferons tout pour le retrouver. Ça concerne également la brigade. »

Kerry et Barry acquiescent.

Une lueur d'espoir illumine les yeux de la fillette, qui jusque-là, étaient sombres.

« Alors... quel est ton concept, au juste ? demande J.

- Euh... je ne sais pas quel est le mot exact.... balbutie Agnès.

- Mais tu sais bien quelles sont tes capacités, non ? continue-t-il en haussant un sourcil.

- Oui. Par exemple, je peux augmenter l'eau dans un verre, ou faire grossir un peu une feuille d'arbre...

- Je vois... »

J ferme ses yeux et imagine une dizaine de mots pour définir son concept. Barry pointe la fillette du doigt et prend la parole, convaincu d'avoir l'idée du siècle :

« Ça serait pas les variations ? Genre tu peux changer la quantité ou la taille des trucs...

- Euh... je crois bien, oui... avoue Agnès.

- Oh, bien joué, Baby ! » félicite Kerry en levant son pouce.

Les chevilles gonflées, Barry a le sourire jusqu'aux oreilles. Néanmoins, J, toujours aussi sérieux, casse immédiatement l'ambiance :

« Sinon... dis-moi, pourquoi avoir blessé cet homme ? Il me semble qu'il ne te voulait pas de mal. »

Agnès baisse les yeux, penaude.

« C'était involontaire, je vous promets. Vous non plus, je voulais pas vous attaquer, monsieur. C'est juste ma malédiction. À chaque fois que je me sens en danger, j'arrive plus à contrôler mon pouvoir.

- Si c'est le cas, pourquoi ça ne s'est pas déclenché quand tu nous as vus, Kerry et moi ? questionne Barry, sceptique.

- Bah c'est simple. Comme J l'a épargnée, j'imagine qu'elle ne nous voyait plus comme de vraies menaces, intervient calmement Kerry.

- Ok, admettons, poursuit Barry, toujours aussi peu convaincu. Mais en quoi c'est une malédiction ? Au contraire, c'est comme un système d'auto-défense. C'est plutôt avantageux, non ? »

Kerry soupire, agacée, avant de répliquer :

« Réfléchis un peu. C'est loin d'être cool. C'est le meilleur moyen pour un nigh de se faire démasquer. Imagine un peu si ça se déclenche en public ? CQFD »

Le bec cloué, Barry se fait tout petit.

J tend sa main vers la fillette et propose :

« Que dirais-tu de vivre chez moi en attendant ? »

La simple idée de sortir de la pièce terrifie Agnès. Bien que le temps soit magnifique à l'extérieur, elle ne voit rien d'autre qu'un monde hideux. Le soleil n'est pour elle qu'une boule de feu répandant une chaleur infernale partout. Le chant des oiseaux est son futur requiem.

« Mais... si on sort, les gens vont me reconnaître et ma malédiction va s'activer et...

- Tu peux changer d'apparence, non ? propose Barry, sûr d'avoir trouvé l'astuce imparable.

- Non, je... pas encore... bafouille Agnès.

- Ce n'est qu'une gamine. Elle n'a pas assez d'énergie pour utiliser des techniques incroyables... » souffle Kerry.

Barry, gêné par son idée stupide, se tape le front.

J parle d'une voix si réconfortante qu'elle en est presque hypnotisante :

« Ne t'en fais pas. Personne ne nous verra. Tu seras en sécurité chez moi. »

Rassurée, voire envoûtée, Agnès prend sa main.

« Au fait, Jojo, tu peux passer ce soir ? Il faut qu'on parle d'un truc très important... » annonce Kerry d'un ton extrêmement sérieux.

J opine du chef. Il salue ses compagnons et prend la petite fille dans ses bras, puis fonce à une vitesse impossible à suivre pour le commun des mortels.

« De quoi tu veux lui parler ? questionne Barry, intrigué.

- Je voulais pas le dire devant la gamine pour ne pas lui donner de faux espoirs, mais je pense qu'on a une piste concernant la disparition de son oncle... mais c'est pas sûr qu'il soit toujours vivant. »

***

Arrivée chez J, Agnès a tellement le vertige qu'elle a l'impression que le monde est devenu une toupie. Elle s'adosse au mur du couloir.

« Je comprends maintenant pourquoi on dit que la terre tourne sur elle-même... Vous pensez qu'un jour je pourrai être aussi rapide que vous, monsieur ?

- Oui, évidemment, si tu t'entraines suffisamment. D'ailleurs, tu peux m'appeler J... »

Il prend un air pensif, puis secoue sa tête.

« Non, Jonathan, plutôt. »

Agnès acquiesce. Jonathan propose à la petite fille d'aller prendre une douche. Celle-ci ne se fait pas prier et rejoint vite la salle de bain.

Le brigadier va voir sa tante dans son atelier.

Celle-ci est comme à son habitude assise derrière son bureau, en train d'écrire le manuscrit du prochain tome de son roman.

Les salutations sont rapides. Jonathan reste debout. Il racle sa gorge et prend un air grave, ce qui inquiète Mary. Elle laisse de côté son ordinateur portable.

Jonathan n'arrive cependant pas à placer les mots. Comment aborder le sujet ?

« Qu'y a-t-il ? questionne-t-elle.

- Je... »

Il prend une profonde inspiration. Finalement, le neveu décide d'être direct :

« J'ai décidé d'héberger une enfant... une nigh. »

Les yeux de Mary sont exorbités de stupeur. Aussitôt, un enchaînement de souvenirs tous aussi douloureux les uns que les autres s'enchainent dans son esprit.

Le meurtre de la petite sœur de Jonathan. Les pulsions incontrôlables d'Eva. Toute la souffrance qu'elle a endurée durant des années à cause des crimes de cette dernière. Ces innombrables nuits blanches à pleurer.

Les yeux tremblants d'effroi, Mary murmure :

« Une nigh... ? Si c'est une plaisanterie, elle est de très mauvais goût...

- Je suis très sérieux.

- Es-tu devenu fou ? As-tu oublié tout ce qu'Eva nous a fait ? Dois-je te rappeler que les nigh ne peuvent pas se contrôler ? »

Le visage de Jonathan se décompose aussitôt. L'évocation d'Eva réveille ses démons. Il sombre dans les abysses de ses souvenirs les plus navrants.

Toutefois, au milieu de ces ténèbres, une source de lumière éclaire son esprit. Cette jeune femme l'ayant marqué à jamais.

« Alors, que dois-je faire ? Éliminer cette enfant ? »

Mary écarquille ses globes oculaires, ne sachant que répondre. Jonathan se dépêche d'ajouter, désormais serein :

« Je pensais comme toi que les nigh ne pouvaient pas se contrôler... cependant, j'en ai rencontré une qui m'a fait changer d'avis. Cette femme... elle m'a prouvé qu'elle était capable de résister à ses pulsions. Et d'autres de ses semblables sont comme elle... du moins, je l'espère.

- Alors, qu'est-ce que tu comptes faire ?

- Je vais faire tout mon possible pour que cette fille ne tourne pas mal. Je... je veux me prouver que cette nigh n'est pas la seule digne de confiance. »

Des yeux emplis de détermination et pétillants de vie fixent Mary. Tout le contraire de J qui semblait mort de l'intérieur. La tante sourit.

« Si c'est la nouvelle voie que tu as décidé de suivre, alors, je t'accompagnerai. Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas vu ainsi... C'est comme si tu étais redevenu le Jonathan que je connaissais avant... »

Elle passe tendrement sa main sur la joue de son neveu.

« En toute honnêteté, je te préfère ainsi. Je ne sais pas qui est cette nigh, mais si un jour je la rencontre, il faudra que je la remercie... »

J acquiesce et lui rend son sourire.

Agnès sort de la salle de bain. Elle est accueillie dans le couloir par Mary, d'excellente humeur.

« Euh... bon-bonjour... » bégaie la fillette.

Après qu'elles se soient présentées, la petite fille demande :

« Où est le monsieur ?

- Il devait régler une addition, apparemment. Mais dis-moi, tu as faim ? Tu veux manger quelque chose ?

- Euh... non, merci... »

La seconde d'après, l'estomac de la fillette la trahit en gargouillant bruyamment. Mary glousse, tandis que la nigh rougit.

Nouvelle destination : la table à manger.

***

La nuit tombée, après une dure journée de travail, Barry et Kerry dinent tranquillement chez la jeune femme.

Soudain, son ami lui adresse la parole très sérieusement :

« Dis, Kerry... tu trouves que je suis bête ?

- Ouais, avoue très sèchement la concernée. Au lieu de dire à quelqu'un t'es bête, on devrait plutôt lui dire t'es Barry. »

Le jeune homme, la mine déconfite, cesse de mâcher et dépose sa cuillère. Kerry glousse.

« Mais non, je rigole, Baby ! T'es pas idiot ! C'est juste que tu parles ou agis parfois sans réfléchir... »

Rassuré, le jeune homme s'adresse à elle d'une voix plus fougueuse :

« Et à ton avis, comment faire pour être encore plus intelligent ?

- Mange peut-être plus de sucre ?

- Ok, c'est noté ! »

Tout à coup, quelqu'un sonne à la porte. La résidente va vite ouvrir.

C'est Cammy.

Après de rapides salutations, Kerry l'emmène dans la salle à manger. Elle tend sa main vers son compagnon et commence, très enthousiaste :

« Ma petite Camille, je te présente Barry, ou comme j'aime l'appeler, Baby. Mon petit ami.

- Oh, félicitations, je savais pas que tu étais en couple. Enchantée, Barry ! » commente Cammy aux anges.

Kerry et Baby explosent de rire.

« Mais non, c'est juste un ami. Mais comme il est petit de taille, j'aime l'appeler mon petit ami ! »

Cammy roule des yeux.

« Alors pourquoi tu l'appelles Baby ?

- Ben parce que Baby et Kerry ça rime trop bien ! » se moque l'humaine.

La nigh soupire si longuement qu'elle vide ses poumons d'air.

« C'est quoi ces jeux de mots qui sentent les chaussettes sales ?

- C'est donc toi la fameuse Cammy. Kerry m'a beaucoup parlé de toi, commence gentiment le jeune homme.

- Ah oui ? Elle a dit quoi ? » questionne la nigh, plissant ses yeux.

Kerry secoue la tête pour demander à son ami de garder le secret. Celui-ci lui lance un sourire tellement malfaisant que même le diable serait effrayé.

« Elle a dit que tu ressembles à une collégienne. Que tu portes des fringues démodées et que tu parles comme une gamine. Quand elle est avec toi, elle a l'impression de faire du baby-sitting. »

Cammy, outrée, fixe Kerry, prise au dépourvu.

« Baby, t'es qu'un crétin ! rage celle-ci. Ma petite Camille, ne l'écoute pas, il ment !

- Ben déjà, tu ajoutes toujours petite à mon surnom. Donc, celle qui ment mille fois plus qu'une arracheuse de dents, c'est toi ! »

Kerry, rougissant au point de ressembler à un feu de signalisation, ne sait plus où se mettre. Elle joint ses deux mains en signe d'excuse.

« Je suis désolée, ma peti... euh, je veux dire, Camille. S'te plait, pardonne-moi...

- JAMAIS ! » rugit la nigh.

Kerry lui fait les yeux doux et son amie craque en cinq secondes.

« Argf, je peux pas rester longtemps fâchée contre toi, de toute façon...

- Je t'adore ! » s'exclame Kerry en se jetant au cou de Cammy.

Cette dernière a un air songeur.

« Dis-moi, Kerry... on est amies, n'est-ce pas ?

- Ben oui, pourquoi cette question ? répond insouciamment l'humaine

- Bah... j'ai l'impression que je connais pas grand-chose sur toi. Par exemple, je sais rien de ton passé. »

L'expression de Kerry change du tout au tout. Un nuage obscur recouvre son visage.

« Je pourrais te le raconter, mais tu risques de me détester si je te dis tout...

- Tu peux être tranquille. Je vais pas te détester pour une histoire qui est enterrée depuis longtemps. Mais si tu n'as pas envie d'en parler, y aucun souci. » affirme la nigh avec conviction.

Kerry lui sourit. Néanmoins, elle ne parvient pas à cacher sa honte, conséquence d'une tache indélébile sur son âme.

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