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Allongé dans le lit, dans ma chambre aux murs peints de bleu ciel, mon regard portait sur le plafond blanc. Blanc auquel je ne prêtait aucune attention, car j'étais trop occupé à réfléchir.
C'était l'été, les vacances. Dans ma tête, je savais pertinemment que cet été n'aurait rien de différent comparé au précédent. Une chose semblait sûre : j'allais m'ennuyer à mourir. J'avais attendu ces vacances toute l'année scolaire, avec impatience, pour finalement me rendre compte que mes projets élaborés pendant plus de neuf mois tombaient à l'eau.
Je le devais au second travail de mon père. Hormis sa passion de l'écriture, mon père excerçait une seconde activité dont j'ignorais la véritable nature.
Mon père restait très secret en ce qui concernait cette activité. Elle lui faisait manquer un ou deux anniversaires par-ci, une pièce de théâtre par-là et annuler nos projets de vacances en famille. Bien que cela me contrariait grandement, je ne lui en voulais pas. Je le comprenais.
Il me fallait donc trouver une solution pour ne pas passer un autre été à me tourner les pouces.
— À quoi penses-tu ? demanda une voix qui m'extirpa de mes pensées.
Je me redressai afin de me mettre en position assise, face à mon interlocuteur.
— C'est toi Ben ! À rien d'important, juste une façon de combler mon temps libre les deux prochains mois.
— Dommage que papa ait annulé les vacances à Londres, dit-il sur un ton triste. Je voulais tellement y aller, voir le Palais de Buckingham, la Tamise et l'œil de Londres.
Ben était mon meilleur ami depuis toujours. Pour une raison qui m'échappait, seul moi pouvais le voir. S'agissait-il d'un fantôme ou du fruit de mon imagination ?
Mes parents, eux, pensaient qu'il s'agissait d'un ami imaginaire, inventé de toute pièce, dans le but de lutter contre la solitude. Au collège, ils croyaient tous que j'étais fêlé. Quoi qu'il en était, ces deux opinions semaient constamment le doute au sein de mon esprit depuis mes sept ans jusqu'à lors : mes quatorze ans. Toutefois, pour ne pas sombrer dans la folie ou dans tout autre état d'esprit semblable, je considérais ce fait comme normal. C'était du reste, l'une des raisons pour lesquelles je n'allais pas vers les autres à l'école. Excepté Claude.
— Ouais dommage, soufflai-je l'air ailleurs.
— Que proposes-tu alors ? repris Ben.
— Quoi ? fis-je.
Ben me fixa, les yeux plissés.
— Que peut-on faire aujourd'hui pour ne pas mourir d'ennui ?
Je m'octroyai un moment de réflexion puis une idée me traversa la tête.
— On pourrait aller au parc, il y a toujours un truc intéressant à voir là-bas.
Ben me sourit avant de répondre :
— Allons-y !
Je quittai le lit. Je me saisis de mon fidèle sac à dos où je plaçai mon cahier de note, mon téléphone portable ainsi qu'un crayon. Je me dirigeai droit vers la porte dont je poussai la poignée vers l'intérieur.
Je descendis une à une les marches de l'escalier et me rendis en cuisine. En passant l'entrée de celle-ci, je vis maman et Sophie.
Onze ans, Sophie, arborait une chevelure rousse comme maman. Son visage rond et malicieux, comme ses lèvres fines, m'agaçaient parfois. Elle possédait les même yeux bleus que papa. Ceux de maman étaient d'un vert profond. Quant à moi, j'avais la tignasse sombre et légèrement en bataille. Mes iris grises avaient hérités de la même profondeur que celles de maman.
Mes parents se plaisaient à me raconter sans cesse qu'à elles seules, mes prunelles valaient bien plus que tout l'or du monde.
À ce que j'apercevais, ma mère et ma sœur rentraient des courses. Elles rangeaient les provisions achetées dans le frigidaire et les placards à moitié vides, accrochés sur les murs.
— David ! Où vas-tu comme ça, avec ton sac sur le dos ? s'enquit maman en remarquant ma présence et mon sac.
Elle interrompit sa tâche, pointant toute son attention sur mes lèvres. Elle attendait ma réponse.
— Je parie qu'il va encore faire du skate dans le parc, risposta Sophie à ma place.
Maman soupira, ses yeux toujours braqués sur moi.
— Tu devrais trouver une autre occupation que le skate, c'est beaucoup trop dangereux ! dit-elle.
Je soutins son regard. Pour elle, tout était dangereux.
— Si tu ne trouves rien d'autre à faire, tu peux passer plus de temps avec ta sœur.
Sophie et moi, lui jetâmes des regards vides.
Ma sœur et moi ne faisions pas dans le traditionnel de la fratrie. Les rares moments où il nous arrivait d'être volontairement ensemble, étaient devant la télé, à l'heure de " Cap ou pas Cap ", notre émission préférée. Le concept de cette émission de télé demeurait totalement débile. Un groupe d'individus s'engageait à relever des défis plus fous et plus stupides les uns que les autres, espérant remporter la délicieuse somme d'un million de dollars. Ce qui nous fascinait, avec Sophie, c'était jusqu'où les participants pouvaient aller et ce qu'ils étaient prêts à faire pour avoir ces billets verts.
Maman sut à nos mines que sa proposition ne nous enchantait pas. Elle essaya autre chose.
— Tu peux intégrer un club de lecture, de dessin ou même d'art dramatique. Ce ne sont pas les occupations qui manquent. Et la musique, tu peux t'y remettre ! Tu as énormément de talent, mon amour. Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi tu as subitement arrêté.
Elle savait exactement pourquoi j'avais arrêté, mais ne semblait pas vouloir l'accepter.
Je levai les yeux vers le ciel, émettant un soupir discret. Je croisai ensuite son visage aux traits fins et aux joues admirablement creusées pour lui répondre évasivement :
— Merci maman, mais je dois décliner tes offres pour raisons personnelles.
Elle me dévisagea, lasse. Je sentais à sa façon de me détailler qu'elle se demandait ce qui pouvait bien se passer dans ma tête.
Je pris une bouteille d'eau dans le réfrigérateur.
— À tout à l'heure, lançai-je en marchant vers la sortie.
— Fais attention aux voitures, aux passants et à ne pas te faire mal. N'oublie pas de mettre ton casque, de laisser ton portable allumé et de rentrer pour le dîner, ne put-elle s'empêcher d'ajouter, me laissant passer la porte de la cuisine à contrecœur, sous les yeux roulant de Sophie.
— Compte sur moi, lui souris-je en disparaissant, l'abandonnant dans la pièce qu'elle aimait le plus de toute la maison, après son bureau.
Maman s'inquiétait sans arrêt quand Sophie ou moi sortions seuls de la maison. Elle nous faisait un bilan des règles de sécurité à retenir avant chaque sortie, en vue d'éviter le moindre accident. Rien n'avait plus d'importance que les membres de sa famille à ses yeux.
Bien qu'elle s'efforçait à nous laisser plus d'espace, il arrivait souvent que sa nature surprotectrice prenne le dessus, quitte à nous étouffer.
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