Obito,

Nous n'avions pas traîné.

Depuis Konoha, il ne nous avait fallu que trois journées pour atteindre la frontière nord-ouest du pays du Feu, puis une petite journée supplémentaire pour rejoindre le cœur du village d'Ame. Notre destination finale.

Durant tout ce trajet, mon compagnon de route n'avait pas prononcé un seul mot. Bien sûr, cela n'avait rien de particulièrement étonnant. Et ça ne m'avait pas ennuyé outre mesure. Au moins, j'avais pu faire le récit de mon histoire sans être interrompu par plus que quelques hochements de tête et de vagues interjections. Et maintenant ce garçon savait tout ce que je voulais qu'il sache.

J'aurais probablement pu plaindre Itachi Uchiha. Pourtant, je n'avais pas le moindre scrupule à le guider vers sa nouvelle vie. Une vie de crime.

De toute façon, il avait déjà franchi la ligne rouge.

En quelques jours, ce garçon de tout juste quinze ans s'était transformé en une énième incarnation de ce que le monde Shinobi pouvait produire de plus abject. Il illustrait parfaitement les choix iniques et les souffrances que ce dernier pouvait générer. Et même si, par son ardeur à vouloir le protéger, il était une victime consentante de ce système, je savais quelle tempête faisait rage derrière ce visage placide. Ses convictions profondes et sa culpabilité ne pourraient jamais coexister paisiblement dans un même esprit.

Car Itachi Uchiha n'était pas ce qu'il avait prétendu être. Il aimait son village. Il aimait son jeune frère. Et que ce soit de l'amitié ou autre chose, il aimait aussi cette petite garce qui avait cru pouvoir contrecarrer mes plans.

Mais, s'il servait correctement les intérêts de l'Akatsuki, Itachi rejoindrait peut-être lui aussi le monde que je voulais créer. Un monde où Rin serait toujours en vie et où il n'aurait jamais à assassiner ses propres parents.

Peut-être.

Après tout, l'avenir de ce garçon m'importait peu.

* * *

Au départ, chacun de ses pas avait été une torture. Mais malgré la culpabilité et le dégoût de soi qui le tenaillait, Itachi s'était accroché. Il devait vivre pour Sasuke. Qu'importait que son existence ne comporte plus aucune joie tant qu'elle était dédié à ce double objectif : protéger Sasuke et expier ses crimes. Alors il avait continué d'avancer, de mettre un pied devant l'autre. Comme un automate.

Ce fut ainsi que, guidé par Madara, il avait atteint le si mystérieux Village d'Ame dont personne ne savait plus rien depuis la fin de la dernière grande guerre.

A peine arrivée, Madara et lui s'étaient directement dirigés vers une tour étonnante qui avait l'apparence d'un homme. L'édifice trônait au beau milieu de la cité et il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait de la demeure du maître des lieux. Celui dont Madara lui avait parlé sous le nom de Pain et qui dirigeait aussi bien Ame et que l'Akatsuki.

Ame était une ville plus qu'un village. Et elle était densément construite. Aux yeux d'Itachi, ce n'était qu'un enchevêtrement de béton, de câbles et de tour, comme autant de flèches prêtent à éventrer les nuages de pluie qui s'amassait dans son ciel. Ce paysage était déprimant. Mais il y avait plus important à noter dans ce décor urbain.

La base de la tour humanoïde était conçue de manière à ce qu'on puisse y pénétrer par trois accès distincts qui eux même se trouvaient à trois étages différents. Cette petite curiosité venait du fait que le village lui-même était construit sur trois niveaux. Apparemment, à une certaine époque, le niveau inférieur avait été destiné aux plus basses castes. Celles vouées à s'acquitter des taches les plus viles. C'était là notamment qu'on trouvait les abattoirs, les fossoyeurs ou encore les bordels. Le niveau intermédiaire, plus vaste, était alloué au guerrier et au commerçant. Tandis que le niveau supérieur était dédié à la caste dirigeante et fortunée des biens nés ou de ceux qui avaient su s'élever soit par leur prouesse au combat, soit par leur talent d'entrepreneur.

Ce système avait finalement été abandonné et la population s'était vu accorder le droit d'aller et venir à sa guise entre les deux derniers niveaux. Si Itachi ignorait à quand remontait ce changement, Madara lui appris malgré tout que c'était à Pain que l'on devait le nettoyage du niveau supérieur. Les quelques habitants trop proches de l'ancien pouvoir qui s'y étaient trouvés, avaient été chassés et cette partie du village était désormais entièrement dédiée à l'administration d'Ame. De nombreuses personnes venaient y travailler chaque jour et c'était officiellement par là uniquement que l'on pouvait entrer dans la tour.

Néanmoins, pour Itachi, les choses se passèrent différemment. Ce fut vers une des deux entrées non-officielles, celle du niveau le plus bas, que Madara guida Itachi et que ce dernier pénétra pour la première fois dans l'antre du porteur du Rinnegan.

Après quelques minutes à déambuler à l'intérieur de l'édifice, Itachi commença à s'étonner de n'avoir encore croisé personne. Vu le nombre d'âmes qui s'amassaient devant l'entrée officiel, cela aurait évidemment dû être le cas. Mais il comprit vite que le méandre de couloir et d'escalier que Madara lui faisait emprunter ne communiquait tout simplement pas directement avec les quelques étages où les employés du village - ninjas ou civiles - étaient admis à se rendre. L'ex-dirigeant des Uchiha lui confirma d'ailleurs que c'était là une manière pour Pain de conserver le mystère sur sa personne et le secret sur ses activités.

Les deux Uchiha atteignirent donc les étages les plus élevés de la tour sans rencontrer le moindre être vivant. Là, sans une once d'hésitation, Madara se dirigea vers une porte à double battant d'un rouge écarlate. Il l'ouvrit et pénétra dans une immense pièce circulaire au centre de laquelle se trouvait un escalier en hélice.

En bas de cet escalier, une personne semblait déjà les attendre. C'était une jeune femme d'environ trente ans, aux traits fins, aux cheveux lavande et aux yeux de cette couleur de feu étrangement hypnotique qu'Itachi n'avait vu que sur une seule personne jusqu'à présent. Il l'observa en silence tandis qu'elle le détaillait froidement des pieds à la tête.

« C'est donc lui, finit-elle par dire. »

Madara s'avança vers elle d'un pas plein d'assurance.

« Oui, répondit-il simplement. Je suppose que Pain nous a vu arriver.

- Tu supposes bien, répliqua la jeune femme d'une voix monotone. Il l'attend.

- Dans ce cas, ne le faisons pas patienter plus longtemps. Itachi, appela Madara. Suis-moi. »

Madara entrepris alors de monter les marches et Itachi lui emboîta le pas sans un mot.

« Il aimerait le rencontrer seul, les stoppa soudain la jeune femme. »

Madara se retourna et jeta un regard noir à la Kunoichi.

« Et puis, je dois te parler de quelque chose, précisa-t-elle encore.

- Mmh, bien sûr, répondit Madara. Je suis à ta disposition, ajouta-t-il avant de se tourner vers Itachi. Itachi, j'ai omis de te présenter Konan, le bras droit de Pain. »

Itachi s'inclina légèrement pour saluer la jeune femme.

« Itachi Uchiha, se présenta-t-il lui-même.

- J'ai déjà entendu parler de toi, le renseigna Konan. Pain t'attends, rappela-t-elle. Nous nous verrons plus tard. »

Puis elle s'éloigna sans rien ajouter de plus. Madara la suivit sans se retourner avant de lever une main pour saluer Itachi.

« Bienvenue dans l'Akatsuki, Itachi, déclara-t-il de sa voix grave. »

Une fois seul, Itachi leva les yeux vers l'étage supérieur où le chef de l'organisation l'attendait. Puis il monta les marches sans se presser. L'escalier débouchait directement sur une pièce encore plus vaste que la précédente. A sa gauche, la façade du bâtiment était largement ouverte et donnait accès à une sorte de passerelle en forme de langue qui surplombant le village. Un homme s'y tenait debout, immobile et le regard tourné vers l'extérieur.

Itachi s'approcha de l'entrée de la passerelle, mais ne s'aventura pas plus loin. Il ne connaissait quasiment rien de ce Pain. Il attendit donc patiemment que ce dernier ait terminé ce qu'il faisait, quoi que cela pût être.

Après quelques minutes, la voix du leader de l'Akatsuki retentit enfin :

« Itachi Uchiha, commença-t-il, je suis ravi de faire ta connaissance. »

Itachi inclina légèrement la tête.

« De même, répondit-il placidement.

- J'imagine que Madara t'a déjà parlé de ce que nous faisons ici ?

- En effet, confirma Itachi.

- Parfait, approuva Pain. Cependant, tempéra-t-il, avant de continuer, pourrais-tu satisfaire ma curiosité ?

- Que voulez-vous savoir, demanda simplement l'Uchiha ?

- Qu'est-ce qui t'as poussé à agir comme tu l'as fait et à nous rejoindre, posa-t-il alors ? »

Pain fixait Itachi sans ciller. Son apparence était assez surprenante. Il était impossible de lui donner un âge. Et encore moins de déceler une quelconque émotion sur son visage ou dans le ton de sa voix. En soit, ce n'était pas particulièrement étonnant. Sauf que Itachi avait la sensation que cela allait bien au-delà du simple contrôle de soi. Et bien sûr, ses pupilles, aussi fascinantes qu'inquiétantes, n'étaient pas faites pour amoindrir l'aura de puissance incontestable que le Chef de l'Akatsuki dégageait.

« Rassure-toi, je ne cherche pas à te juger, précisa le porteur du Rinnegan. Le monde Shinobi a créé chacun des membres de l'Akatsuki tels qu'ils sont. Aussi vils et sadiques soient certains d'entre eux, ils ne sont que les fruits des villages ninjas et de leur politique, expliqua-t-il. Or tant que chacun d'eux sert l'objectif de l'organisation, ni leur passé, ni leurs penchants, ni les éventuelles ambitions personnelles qu'ils nourrissent n'auront d'importance pour moi.

- Je comprends, déclara Itachi. Pour ma part, je suppose que ... c'est par idéologie que j'agis, répondit-il finalement.

- Par idéologie, répéta lentement le chef de l'Akatsuki. Serait-ce de la volonté du Feu dont tu parles, devina Pain. »

Itachi fronça légèrement les sourcils. Pain ne semblait pas être le genre de personne à qui l'on pouvait dissimuler quelque chose. Et il avait besoin que cet homme lui fasse un tant soit peu confiance. Plus ce serait le cas, plus il en saurait long sur l'Akatsuki. Mieux valait donc faire preuve d'un minimum d'honnêteté bien qu'il fut difficile d'évaluer à quel niveau s'arrêter si tôt après leur rencontre.

« Vous connaissez cela, constata simplement Itachi.

- Mieux encore que tu ne l'imagines, déclara un Pain énigmatique. Vouloir assurer la paix et l'avenir des générations futur est un désir honorable, poursuivit-il. En particulier si ceux qui poursuivent cet idéal le font pour tous les enfants de ce monde sans distinction, déclara-t-il avant de marquer une pause. ... Il y a longtemps, j'ai connu une personne qui désirait créer ce type de monde, finit-il par dire. Cependant ses méthodes n'étaient pas les bonnes et il s'est finalement fait broyer, prévint Pain. »

L'homme au Rinnegan se tut et s'avança vers l'intérieur de la pièce. Itachi s'effaça sur son passage en prenant soin de ne jamais le lâcher du regard. Il enregistrait chaque information.

« L'unique raison pour laquelle les ninjas existent, reprit alors Pain, est la guerre permanente que les grands villages ninjas se livrent entre eux et l'argent que cette activité leur apporte. La paix, elle, ne rapporte rien. Alors personne ne soutient réellement cet objectif si ce n'est qu'en apparence ou au sein de ses propres murs. Et ceux qui n'ont pas les moyens de se prémunir contre les effets de ce système sont condamnés à la misère et à la douleur. Il est temps de changer l'ordre des choses, déclara-t-il, dogmatique. Toi qui connais déjà la signification des mots souffrance et sacrifice, poursuivit-il, je suis certain que tu me comprends. »

Itachi ne répondit pas immédiatement.

Un monde de paix, songea-t-il.

Itachi se demandait par quels moyens Pain se proposait de faire naître un tel monde. Et surtout s'il ne tomberait pas lui-même dans les travers qu'il dénonçait. Cependant, c'était un bel idéal. Et dans une certaine mesure, cela avait été la vision du premier Hokage. Créer un monde où les générations futures pourraient grandir en paix et sans craindre de voir leur entourage décimé par des affrontements incessants.

" Oui, je comprends parfaitement, répondit finalement Itachi. "

Ce qu'Itachi comprenait aussi, c'était que derrière ces belles paroles se dissimulait l'ombre de Madara. Il s'était certainement servi de ces idéaux pour s'allier de porteur du Rinnegan. Mais à quel point l'ex-leader des Uchiha les partageait-il réellement ?