Le calme avant la tempête
Non loin de l'entrée du district dédié à la famille Uchiha, se trouvait une petite boutique de rue vendant des dangos, des mochis et bien d'autres friandises à emporter. La vieille femme qui tenait cette boutique appartenait à la frange invisible et pourtant majoritaire du clan Uchiha qui n'avait ni la capacité, ni pour certain l'envie d'embrasser la voie du Ninja. Sa vie lui convenait parfaitement comme elle était. S'occuper de son commerce et regarder ses petits enfants grandir en paix était tous ce qui lui importait. Jamais elle n'avait eu l'envie de se mêler de politique.
C'est donc avec un sourire bienheureux qu'elle apporta sa commande à celui que tout le clan surnommait le prodige.
Itachi la remercia poliment.
« A demain Isami ! »
Itachi se retourna machinalement quand il entendit la voix familière qui venait de résonner dans son dos. Shisui se tenait au niveau de l'entrée de leur district et saluait une jeune femme blonde à la silhouette élancée qu'il n'avait jamais vue auparavant. Il l'observa placidement. Il s'agissait probablement de la coéquipière dont Shisui lui avait rebattu les oreilles. L'équipe de son cousin était pourtant sensé être en repos aujourd'hui. La blonde en question s'éloigna, puis disparu complètement de son champ de vision. Shisui se retourna.
C'est alors que le nappage sirupeux qui recouvrait les Mitarashi dango d'Itachi commença à couler sur ses doigts. Itachi changea le bâtonnet de main tout en éloignant la sucrerie de la tenue d'ANBU qu'il revêtait encore.
« Zut, marmonna-t-il.
- Tiens. Prends cette serviette, lui proposa la vielle vendeuse avec bienveillance. »
Itachi la gratifia d'un merci tout en essayant d'essuyer sa main droite sans faire tomber ses dangos de l'autre.
« Tu devrais penser à manger plus rapidement, plaisantas encore la vieille femme avant d'aller s'occuper d'un autre client.
Itachi suivit son conseil sans plus attendre.
« Eh, salut Itachi, s'exclama Shisui qui n'avait pas manqué de repérer sa présence!
- Shisui, répondit sobrement Itachi tout en hochant la tête ! »
Itachi se souvenait encore du monologue interminable de Shisui à propos de sa coéquipière. Et il était soudain peu désireux d'avoir droit au récit complet de l'après-midi de son cousin, et en particulier de la raison qui avait amené ses deux là à passer du temps ensemble. Il n'était certes pas un expert en la matière, mais il n'était pas suffisamment naïf non plus pour ne pas deviner un début d'idylle.
Tout en continuant de manger, Itachi reprit donc sa route en direction de son foyer sans chercher à engager la conversation. Evidement, Shisui décida de lui emboiter le pas. Dès qu'il fut arrivé à sa hauteur, Itachi engloutit donc littéralement sa bouchée pour pouvoir parler avant son cousin.
« Je ne veux absolument rien savoir, coupa Itachi avant même que Shisui n'ait eu le temps de prononcer un mot. »
Cette remarque laissa Shisui sans voix. Il était vrai qu'à l'exception d'avec son petit frère Sasuke, Itachi n'avait jamais été du genre très démonstratif. Or, si ce dernier ne montrait pas plus ses sentiments qu'il n'en parlait, écouter une autre personne en faire l'étalage le mettait pour le moins mal à l'aise. Ce qui, bien entendu, poussait régulièrement Shisui à faire très exactement ce que son cadet redoutait.
Pourtant, cette fois il décida de s'abstenir et se mit à rire.
« Si tu voyais ta tête, s'amusa Shisui. C'est à mourir de rire. Mais rassure-toi, je n'ai aucune intention de te parler d'Isami. J'avais plutôt dans l'idée de te proposer d'aller nous dérouiller un peu tous les deux. Que dirais-tu d'un petit duel amical, lui proposa-t-il ? La dernière fois, c'est toi qui as remporté le combat. Je mérite bien une chance de prendre ma revanche, non ? »
Itachi se détendit inconsciemment. Il avait eu l'intention de rentrer directement chez lui après sa mission de la journée. Elle n'avait rien eu de compliqué et il avait pu rentrer bien avant le retour de Sasuke de l'académie. Aves ses missions à répétition, il avait la sensation de ne pas avoir vue son frère depuis des lustres.
Cependant, il avait encore du temps devant lui et la proposition de Shisui le tentait. Tous jeunes déjà, les deux cousins avaient entrepris de s'entrainer ensemble via des duels dont ils comptabilisaient le nombre de victoires. Au départ, ça n'avait été qu'un petit jeu inventé par Shisui. Puis, avec le temps c'était devenu un de ces moments qu'il aimait simplement partager avec son cousin.
« Tu es bien sûr de toi, l'avertit Itachi ? Je ne te laisserai pas reprendre la main si facilement tu sais.
- Sûr et certain, affirma Shisui avec un grand sourire ! »
Shisui n'oubliait pas les problèmes qui secouait actuellement le clan Uchiha, loin de là. Il avait fait la promesse à Itachi qu'il l'aiderait et il comptait bien la tenir. Itachi n'était plus seul et Shisui se félicitait de le revoir, même très ponctuellement, recommencer à vivre comme avant. Car il était intimement persuadé que seul ceux qui savaient rester humain étaient en mesure de régler au mieux les conflits auxquels ils étaient confrontés. Raisonner comme une machine sans émotion n'amenait en général qu'au chaos.
* * *
Lin défie la sangle qui maintenait son katana dans son dos et balança le tout sur son petit sofa. La mission qu'elle venait d'achever s'était très bien passée, pourtant elle se sentait de mauvaise humeur. C'était fréquent ces derniers temps. Un rien l'irritait. Shon et sa sœur s'en étaient rendu compte évidemment, mais ils avaient jusque-là eu la délicatesse de ne pas lui poser de questions et tentaient simplement de ne pas être eux aussi la cible de ses sautes d'humeur.
Depuis sa récente rencontre avec les deux Uchiha, les reproches que lui avait adressé Itachi mettaient à mal son sang-froid. Une part d'elle les jugeait disproportionnées et injustifiés. Même si ses actes étaient motivés par un combat purement personnel, elle les avait tout de même aidés. Pourtant ça n'avait pas empêché Itachi de réprouver son attitude. Que lui fallait-il donc à celui-là pour être satisfait ? Avait-il au moins une idée de ce qu'elle risquait si elle se faisait prendre ? Etait-ce si difficile de simplement dire merci ?
Lin soupira, agacée de se voir ressasser ce sujet encore une fois. Elle se fichait bien de la façon dont on la considérait en temps normal. Cela n'aurait pas dû la toucher davantage cette fois-ci. Elle inspira et expira longuement pour se calmer, puis se dirigea vers sa salle de bain. Une bonne douche lui ferait surement du bien.
Malheureusement, ce fut le moment que choisit une personne pour frapper à la porte de son appartement. Sur son porche, se trouvait le dernier shinobi que Lin avait envie de voir : le seul membre encore en vit de Jugen, mis à part elle-même ; Akio.
Le ninja ne s'embarrassa d'aucune formule de politesse et alla droit au but.
« Tu n'es pas autorisée à rentrer chez toi à tes retours de mission avant d'avoir fait ton rapport au Mizukage, lui rappela-t-il froidement. »
Lin grinça des dents. Elle n'était absolument pas disposée à supporter ce genre de commentaire.
« Evite donc de prendre tes grands airs avec moi, Akio, lui répondit-elle. Tu pourras te le permettre quand tu te verras confier des missions plus importantes que celles dédiées à un vulgaire messager, le provoqua-t-elle. »
Il la fixa d'un air mauvais, mais résista à l'envie de répondre à cette attaque.
« Il t'attend. Maintenant, cracha-t-il entre ses lèvres ! »
Akio s'écarta et laissa Lin passer. Ces derniers temps, elle avait de moins en moins de moment de liberté. Le Mizukage était constamment sur son dos et l'intervention d'Akio n'était qu'une preuve supplémentaire de cet état de fait. Elle espérait que cela n'était dû qu'au récent échec de la mission de Konoha, ainsi qu'à la nouvelle baisse d'effectif qui en avait découlé. Et, même si rien ne laissait présager que le Mizukage se soit rendu compte de son rôle dans cette affaire, elle restait plus que jamais sur ses gardes.
Bien que ce ne soit pas dans ses habitudes, Lin décida de passer par les toits du village pour arriver plus rapidement à la tour du Mizukage. Une fois sur place, elle tâcha d'agir le plus naturellement possible et ne laissa transparaitre aucune de ses émotions.
Elle ne ressortit de la tour qu'une heure plus tard. Entre-temps, le village tout entier s'était recouvert d'une chape de nuage d'un gris bleuté tout à fait déprimant. Sous cette lumière réduite, plus aucune couleur ne semblait recouvrir les toits et les murs des maisons. Même après autant d'années, cette ambiance morne donnait des frissons à la kunoichi.
Elle tourna son regard du côté de l'imposante tour qu'elle venait de quitter. Bien que fièrement perchée sur sa forteresse, elle aussi semblait faire grise mine. C'est alors que la jeune fille crue sentir un regard insistant émanant d'une des portes démesurées par lesquelles on accédait à l'édifice. Il semblait pourtant n'y avoir personne dehors.
Elle scruta un instant l'espace autour d'elle, en vain. Puis elle tourna définitivement les talons pour renter enfin chez elle.
Dans l'ombre de la porte ouest, une forme sphérique, aussi sombre et vide que le néant tourbillonnait avec lenteur. Elle lévitait mollement à plus d'un mètre cinquante du sol, quand soudain elle se réveilla. Sa masse grossit subitement et il en émergea rien de moins qu'un être humain. Un humain sans visage.
Obito, son unique œil toujours fixé sur le dos de la jeune kunoichi loin devant lui, réprima la vague de dégout qu'il ressentait pour elle. Elle qui portait indument le nom de celle qu'il avait tant aimé. Quelle ironie ! Quelle farce que ce monde qui avait hasardeusement mis entre ses mains une arme utile à ses plans et l'avait de surcroit nommé Lin.
Lin ... Rin ...
Obito se détourna. Sa décision était prise. Dès le lendemain, il assignerait sa dernière mission à la jeune fille. Celle dont elle n'était pas censée réchapper et qui lui permettrait à lui de demeurer encore quelque temps dans l'ombre. Il était bien trop tôt pour que le monde connaisse son existence.
La veille, Zetsu lui avait rapporté une nouvelle des plus inattendues. La chose était suspecte, même aux yeux de l'Uchiha. Pourtant, la mort récente de Yahiko, le précieux camarade de Nagato, tombait à point nommé. Ces deux jeunes idéalistes avaient toujours refusé l'aide qu'il leur proposait. Ce qui l'avait donc longtemps tenu éloigné du porteur du Rinnegan. Mais, maintenant il allait enfin pouvoir exercer son influence sur le jeune homme. Et le meilleur était qu'avec le drame qu'il venait de vivre, non seulement Nagato ne refuserait pas son aide, mais il serait enchanté du plan qu'il allait lui proposer.
En somme, sa présence dans ce village touchait à sa fin.
* * *
L'automne était bien entamé, pourtant le soleil avait décidé de briller intensément sur Konoha. Les bavardages des passants et les négociations des commerçants et de leurs clients emplissaient les rues d'un joyeux brouhaha.
Au milieu de la foule des gens qui profitaient de cette journée exceptionnelle pour la saison, une silhouette se démarquait plus que les autres. Grande, harmonieuse et féminine. Shisui capta les regards explicitent que certains hommes posèrent sur elle à son passage. Mais la jeune femme aux longs cheveux châtains négligemment attachés au niveau de ses omoplates ne leur accorda pas le moindre regard. Elle ondulait avec assurances entre les villageois pour se frayer un passage. Et c'était d'ailleurs une chance pour eux. Car si les yeux d'encre d'Hitomi Nara, ces puits infinis d'intelligence et de ruse, avaient croisé les leurs, c'en aurait été finit d'eux.
Shisui leva la main et salua la jeune femme avec familiarité pour attirer son attention.
« Ah, quelle barbe, se plaignit Hitomi en arrivant à son niveau. Pourquoi m'as-tu donné rendez-vous dans un endroit pareil Shisui ? Tu as vu ce monde !
- Je t'ai faits venir ici parce qu'on y trouve les meilleures ramen de la ville, se défendit-il. Ne me dis pas que ce n'est plus ton plat préféré !
- Bien sûr que si, confirma-t-elle. Ne me dis pas que tu es en train d'essayer de m'acheter Shisui, demanda Hitomi avec malice ?
- Pas le moins du monde. Enfin ! Tu me connais, s'offusqua Shisui !
- Justement, oui, rétorqua la jeune femme.
- Ahhh, je meurs de faim, s'exclama Shisui pour changer de sujet. Et si on y allait maintenant. »
Et sans attendre que son ancienne camarade ne revienne à la charge, Shisui s'engouffra dans le restaurant qu'il avait choisi pour l'occasion. Il alla directement s'installer tout au fond de l'établissement, qui n'était constitué que d'une petite cuisine ouverte sur un comptoir en L le long duquel les clients pouvaient s'installer.
Hitomi haussa les épaules et vint s'asseoir à ses côtés. Elle savait déjà que Shisui mijotait quelque chose - et que ce quelque chose était probablement totalement stupide - mais elle ne s'en faisait guère. Elle finirait tôt ou tard par connaitre l'objet exact de l'invitation de l'Uchiha.
Aussi commanda-t-elle sans attendre des ramens tonkotsu, imité en cela par Shisui. Et, dès que leurs plats leur furent servis, Hitomi commença à manger avec délectation sans plus prêter attention à son voisin.
De temps à autre, ils se retrouvaient de cette façon pour déjeuner ensemble. Shisui avait toujours mis un point d'honneur à ne pas perdre le contact avec son ancienne camarade. Mais cette fois, Hitomi avait cru déceler quelque chose de pressant dans son invitation.
A côté d'elle, Shisui commençait à s'agiter bêtement sur sa chaise. Elle sourit intérieurement et feignit encore de l'ignorer. Il se racla alors la gorge à deux reprises, puis finit par en venir au fait.
« Et sinon, comment va Yumi ? J'imagine que vous vous fréquentez toujours, n'est-ce pas, questionna Shisui ?
- Oui ... évidemment, répondit Hitomi avec suspicion. Yumi va très bien. Elle vient d'être nommé professeur auxiliaire à l'académie. Ca n'a jamais été une grande adepte du travail de terrain. Donc j'imagine que ça vaut mieux pour elle, avança Hitomi.
- Oui, c'est sûr. Et elle est toujours célibataire j'imagine, avança l'Uchiha qui voulait sa remarque parfaitement innocente. »
Hitomi faillit s'étouffer avec son plat. Elle toussa un moment à cause du bouillon qu'elle avait avalé de travers. Et dès qu'elle reprit possession de ses moyens, elle s'égosilla :
« Qu'est-ce que c'est que cette question !
- Ah ah ah, ce n'est rien, repartit Shisui. Je me demandais juste si elle en pinçait encore pour Itachi, admis tout de même le jeune homme. Enfin, tu as raison, ça ne me regarde pas. Ne fait pas attention à mes bêtises. »
Bingo, pensa Hitomi qui avait enfin la clé pour comprendre où son ami voulait en venir. Shisui grimaça quand il vit l'expression de la jeune femme se transformer. Elle se redressa et lui dit avec le plus grand sérieux :
« Donc, tu t'inquiètes pour ton cousin et tu cherches un moyen de le distraire, résuma Hitomi.
- J'aurais dû me douter que tu ne me laisserais même pas cinq minutes avant de tout comprendre, maugréât Shisui. »
Hitomi ne réagit pas à cette remarque et continua :
« C'est vrai que, depuis qu'il a pris ses fonctions chez les ANBU, plus personne ne le voit. Y compris moi, poursuivit la jeune femme. Mais franchement Shisui, outre que ce ne soit pas très galant pour Yumi, je ne suis pas persuadée que ce genre de préoccupation fasse partie des priorités d'Itachi.
- Je ne dis pas le contraire, admis Shisui. Mais il est grand temps qu'il cesse de n'avoir en tête que des sujets grave. Et puis, c'est un adolescent maintenant. Je suis certain qu'avec un petit coup de pouce, ses préoccupations pourraient prendre un autre tour. Et au minimum, avoir un semblant de vie sociale lui ferait le plus grand bien, soutint Shisui.
- Ce n'est pas à nous de décider de ce qui serait bon ou non pour lui, tu sais, objecta Hitomi.
- Je sais, répondit sobrement le jeune homme. »
Puis il se replia sur lui-même et commença à manger ses nouilles du bout des lèvres. Il lui faisait le coup de la culpabilité, et cela même si Hitomi n'avait aucun souvenir que ça ait fonctionné un jour.
« Oh allez, fait pas cette tête ! De toute façon, Yumi m'en voudrait si elle apprenait que je lui avais fait manquer une occasion de revoir Itachi. Par contre, je te préviens, je ne serais tenu pour responsable de rien, le prévint Hitomi. Alors ... dis-moi ce que tu as derrière la tête.
- Je savais que je pouvais compter sur toi Hitomi, s'enthousiasma l'Uchiha ! »
* * *
Une pluie battante tombait depuis plusieurs jours déjà sur le village de la Brume et elle semblait ne jamais vouloir s'arrêter. Les rues étaient devenues boueuses, glissantes et elles étaient aussi inhabituellement désertes. Les villageois préféraient rester chez eux quand ils le pouvaient. Seuls les ninjas dont les missions ne s'arrêtaient évidemment sous aucun prétexte, s'aventuraient encore à l'extérieur. Lin était de ceux-là, et à cet instant, elle ne prêtait aucune attention au mauvais temps. Les vêtements déjà détrempés, elle se dirigeait avec une certaine angoisse vers les geôles de Kiri.
Construit à même la roche d'une presqu'île dont les falaises vertigineuses se jetaient dans une mer constamment démontée, ce bâtiment était quasiment imprenable. Personne dans toute l'histoire du village ninja ne s'en était échappé. Personne n'en était ressorti vivant non plus. Et c'était dans ce lieu sinistre que, pour la seconde fois de son existence, Lin était amenée à se rendre.
« Lin, l'interpella vivement une voix masculine ! Eh oh, Lin ! »
La jeune fille, toujours aux prises avec ses propres pensées, ne réagit pas à son nom avant qu'une personne essoufflée et affublée d'un large parapluie ne vienne se poster juste devant elle. Ce qui l'obligea à s'arrêter et à lever la tête.
« Mais qu'est-ce que tu fais à trainer sous la pluie comme ça, l'interpella Shon. Tu vas tomber malade.
- Hein, que ... Excuse-moi, qu'est-ce que tu as dit, balbutia la kunoichi.
- Eh bien, tu n'as pas l'air dans ton assiette aujourd'hui, constata Shon. Je rentre chez moi là. Mais je peux faire un petit détour par ton appartement. On ... mon parapluie est assez grand pour deux ... proposa-t-il après une brève hésitation.
- Merci Shon. C'est très gentil de ta part mais ... j'ai une chose importante à régler pour le moment, expliqua Lin. C'est pour le Mizukage, ajouta-t-elle subitement.
- Ah, répondit-il visiblement déçu. Vraiment !
- On se voit plus tard ajouta-t-elle en s'éloignant d'un pas rapide. »
Shon resta planté là, au beau milieu de la rue. Et alors qu'il se posait des dizaines de questions au sujet de son ancienne camarade, Lin l'oublia presque instantanément. Son esprit tout entier était empli des mots de Yagura. Ou plus précisément de l'homme qui, elle le savait maintenant, se cachait dans son ombre.
* * *
« Tu trouveras l'identité de ta cible à la première page de ce carnet. Mais attention, il ne s'agit pas d'un assassinat ordinaire cette fois, mais d'une mise en scène. Cette mort devra paraître intolérable et avoir été commise par des personnes bien précises. Tu trouveras tous les renseignements nécessaires à ta mission dans le carnet que je t'ai confié. Les noms des coupables désignés, ainsi que des informations sur les proches de ta cible. Ton objectif est de faire naitre une révolte sanglante qui sonnera la fin définitive de ce clan.
- Et si les choses tournent mal et que le village de Kiri est directement mis en cause, se risqua à objecter Lin ?
- Tu n'es pas censé discuter le bien-fondé de mes ordres, kunoichi, la rabroua Yagura ! Cependant, se radoucit-il, tu dois comprendre que je suis le mieux placé pour savoir à quel point ce clan représente un danger pour le monde ninja dans son intégralité. »
Lin fut littéralement soufflé par cette insinuation. En entrant dans le bureau, elle avait effectivement été assaillit par l'aura laissée par un sharingan. Cette fois, ça n'avait pas été qu'une sensation fugace comme par le passé. C'était on ne peut plus clair. Et c'était directement à cela que Yagura faisait maintenant allusion. Mais pourquoi ?
Dehors, la pluie continuait de tomber à verse. Un éclair lointain dispersa momentanément la pénombre dans laquelle était plongée le bureau du Mizukage. C'est là qu'elle aperçut la silhouette d'un homme se détacher d'un angle de la pièce et faire quelques pas dans la direction de Yagura. Il posa sa main sur le dirigeant de Kiri.
« Je sais que tu ne comprends pas ce qui motive mon action. Mais fais-moi confiance, je ne suis pas celui qu'il faut redouter dans cette histoire, débitèrent en cœur le kage et l'homme qui se tenait dans son dos. »
Les battements du cœur de Lin s'accélérèrent follement sans qu'elle puisse les contrôler. Elle avait la sensation oppressante qu'au moindre faux mouvement, le monde allait s'écrouler sous ses pieds et l'engloutir dans sa chute. Elle découvrait avec stupeur que les choses allaient bien au-delà de tout ce qu'elle avait jamais imaginé. Elle avait devant elle un homme qui avait la capacité de manipuler rien de moins que le dirigeant de ce village. Et qui le faisait depuis des années sans jamais avoir été découvert. Un homme suffisamment discret et rusé aussi pour l'avoir maintenu, elle, sous sa coupe.
Lin plissa les yeux pour tenter de distinguer le visage de l'homme. Il fallait qu'elle sache qui il était. Malheureusement, ce dernier avait pris soin de le garder dissimulé dans un pan d'obscurité.
Et c'est avec sa propre voix cette fois que l'inconnu continua :
« Pour te prouver ma bonne foi, j'ai l'intention d'ordonner la libération de Yashiro en échange de l'accomplissement de cette mission, lâcha Obito. »
Un long silence suivit cette déclaration. Quand Lin se décida à parler, elle prit soin de bien articuler chacun de ses mots.
« Pour quelles raisons feriez-vous une chose pareil, demanda la jeune fille ?
- Je sais que tu te poses beaucoup de questions, observa patiemment Obito. Et tu dois probablement m'en vouloir de t'avoir fait venir ici, mais il fallait que tu deviennes forte pour faire ce à quoi tes capacités te destinent. Yashiro refusait de voir l'évidence, c'est pourquoi il a fallu le mettre à l'écart. Mais tu vas bientôt voir qu'il a été mieux traité que tu ne l'imagines. Même si j'ai dû te faire croire l'inverse à une époque, se désola faussement Obito. Et si mes méthodes sont discutables, penses à ce qu'il te serait arrivé si au lieu de moi, cela avait été un de ces Uchiha qui t'avait mis la main dessus, insinua-t-il ? Ils n'auraient vu en toi qu'une menace à éliminer.
- Mes ... capacités, répéta Lin ?
- Oui, continua Obito, tes capacités t'imposent un devoir auquel tu ne dois pas te dérober. Comprends ceci : la nature est régie par une notion d'équilibre qu'elle fait toujours en sorte de maintenir, expliqua-t-il, dogmatique. Quitte à créer de véritable fléau pour rappeler les hommes à la Raison. Beaucoup pense par exemple que c'est l'explication de l'apparition des démons à queues, continua-t-il. Or, ce clan particulier a déjà mis à mal cet équilibre à plusieurs reprises par le passé. Et, aujourd'hui, il s'apprête à recommencer, lui certifia Obito. Ton devoir Lin, est de rétablir l'équilibre. »
* * *
Les choses prenaient enfin forme dans l'esprit de la jeune fille. Celui qui avait été le véritable Mizukage pendant toutes ces années avait eu connaissance de sa capacité opportuniste depuis le tout début. Et il avait toujours eu l'intention de s'en servir contre le clan Uchiha. Il avait simplement attendu le moment opportun.
Lin ne pouvait nier qu'il s'était montré très convaincant quand aux raisons qui l'avaient poussées à agir de la sorte toutes ces années. Elle aurait presque pu le croire. Cependant, il avait menti, manipulé et fait souffrir tant de personnes à Kiri, qu'il était difficile pour Lin d'accorder du crédit à ce qu'il lui avait déclaré. Et quand bien même elle aurait réellement eut un rôle à jouer auprès du clan Uchiha, rien ne prouvait qu'il dût être aussi funeste. Elle ne pouvait pas croire qu'elle se soit à ce point méprise sur les deux seuls autres membres du clan Uchiha qu'elle connaissait. C'était tout bonnement impossible !
Pourtant, le doute s'était insinué dans son cœur. Devait-elle jouer le tout pour le tout au profit d'un clan dont elle ignorait les vertus autant que les vices en trompant le Mizukage ? Assassiner un jeune garçon innocent et déclencher une émeute meurtrière comme l'homme au sharingan le désirait serait la pire des infamies. Et c'était contraire à la voie qu'elle avait finalement choisi d'emprunter. Mais qu'arriverait-il si elle se trompait dans son jugement ?
Quoi qu'il en soit, Lin était entrée dans son jeu et n'avait pas refusé d'obéir à l'injonction du véritable Mizukage. Ca aurait été terriblement imprudent pour elle, Yashiro et même ses amis. Elle craignait qu'il était capable du pire pour obtenir satisfaction.
Elle n'avait cessé de réfléchir à tout cela sur le chemin de la prison et elle avait réduit son problème à deux questions : La première devait définir à quel point elle était attachée à Shisui et à Itachi. Car si elle décidait d'empêcher une fois de plus l'accomplissement des plans de l'inconnu au sharingan, et donc de protéger leur famille, elle risquait fort de le payer de sa propre vie. La deuxième question était plus complexe et nécessitait de regarder la situation dans son ensemble : Y avait-il un lien entre les recherches des identités de tous les jinchuriki, et la volonté d'anéantissement du clan Uchiha ? Le véritable Mizukage désirait visiblement autant l'un que l'autre. Mais que cherchait-il réellement à obtenir avec tout cela ? Il n'était pas impossible qu'il ait eu un plan bien plus vaste qu'il ne le prétendait.
Lin avait conscience que le temps lui était maintenant compté et il était peu probable qu'elle puisse répondre à toutes ces questions. Cet homme dissimulait encore tant de choses ! Il lui faudrait faire un choix.
Dans l'immédiat, feindre d'obéir ou obéir réellement aurait la même conséquence. Yashiro, l'homme à qui elle devait d'avoir vécu une enfance paisible allait enfin être libre. Tout cela semblait trop beau pour être vrai.
Dans sa poche, le petit carnet noir qui contenait, entre autres, l'identité de sa cible semblait peser une tonne. Lin sentit ses doigts fourmiller sous l'envie d'ouvrir de nouveau ce carnet, même si ce qu'elle y avait déjà entrevu quand le Mizukage le lui avait donné l'avait glacé.
Pour l'heure, elle devait se concentrer sur son objectif. Elle était déjà sortie des parties civiles du village à proprement parler et c'est au détour d'un chemin escarpé qu'elle atteint son but.
Un des murs du centre de détention émergeait en partie de la roche. Sa façade était totalement lisse et grise, sa hauteur était vertigineuse et seules quelques minuscules fenêtres venaient troubler çà et là la monotonie de cette architecture minimaliste. Pourtant, cette unique partie visible de l'édifice n'était qu'à l'usage exclusif du personnel de la prison.
Bien qu'elle n'y fût jamais revenue durant toutes ces années, Lin se souvenait parfaitement de ce lieu et du dédale de souterrain et de contrôle qu'il fallait traverser avant d'atteindre la zone où étaient gardés les prisonniers.
Elle refoula les vieux souvenirs que cet endroit évoquait et prit un instant supplémentaire pour rassembler son courage. Beaucoup de choses avaient changé depuis la dernière fois qu'elle avait vu Yashiro. A commencer par elle.
Elle sortit de sa poche le laisser passer que Yagura lui avait fourni, ainsi qu'un ordre cacheté à l'intention du directeur de la prison et se présenta au premier portique de contrôle.
Lorsque, une bonne vingtaine de minutes plus tard, elle atteint enfin la zone où était détenu son père adoptif, Lin sentit son pouls s'accélérer brusquement. Un gardien au corps trapu la conduisit ensuite dans une salle spécialement dédiée aux entretiens avec les prisonniers. Evidemment, en temps normal il s'agissait plutôt d'interrogatoires musclés que de simple visite.
Puis, les bruits de pas d'une personne qui se rapprochait montèrent à ses oreilles et la porte se trouvant en vis à vis de celle qu'elle avait utilisé pour entrer s'ouvrit lentement. Elle se referma sur un homme qu'elle devinait être Yashiro, avec un affreux bruit de métal dont l'écho se répercuta pendant quelques secondes le long des couloirs sans fin de la prison. On aurait dit que le couperet du bourreau venait de s'abattre froidement sur sa victime.
Yashiro la dévisagea un long moment avant que ses yeux ne s'écarquillent lentement à mesure qu'il prenait conscience de l'identité de la personne en face de lui. De son côté, Lin ne put que constater à quel point son père adoptif avait changé. Il avait terriblement vieilli. Son dos vouté témoignait de ce qu'il avait vécu en ses murs. Il avait pris du poids aussi. Le manque d'activité, couplé à tout ce qu'elle avait été autorisée à lui procurer comme confort ou comme nourriture pendant ces années avait eu raison de son corps de ninja.
Son cœur se serra. Elle ne le reconnaissait absolument pas. Malgré tout ce qu'elle savait lui devoir, c'était comme si elle se trouvait en face d'un complet étranger. Un sentiment de culpabilité commença à l'envahir. Heureusement pour elle, ce fut Yashiro qui, le premier, brisa le silence.
« Lin ! C'est bien toi, commença Yashiro ? »
Lin acquiesça silencieusement d'un mouvement de tête. Il se rapprocha ostensiblement d'elle sans toutefois oser la toucher.
« Tu as tellement grandi, s'extasia-t-il d'une voix rauque. Est-ce que tu vas bien ? J'ai tellement craint ce qu'on avait pu te faire subir dans ce village, continua-t-il. »
D'un geste de la main, Lin chassa ces inquiétudes comme on chasse un insecte. Puis elle prit une grande inspiration et releva le menton pour dissiper sa gêne en forçant son assurance. Mieux valait en venir rapidement au fait.
« C'est pour toi qu'il fallait t'inquiéter ... Je suis venu
- Pour moi ! Même s'ils le font à contrecœur, les gardiens me traite bien. Ils m'ont même procuré plus de confort qu'à tous les autres prisonniers réunis ces dernières années. Je sais pertinemment que c'est à toi que je dois toutes ces faveurs. Et j'ai peur du prix que tu as dû payer pour tout cela. »
Lin ne pût s'empêcher de grincer des dents. Sans le savoir, Yashiro mettait le doigt sur un point sensible dont elle n'avait ni l'intention ni le temps de discuter avec lui.
« Ca n'a aucune espèce d'importance, trancha-t-elle d'une voix moins neutre qu'elle le voulait. Je ne suis là que pour t'annoncer une bonne nouvelle te concernant. Dans quelques jours, tu seras libre. C'est la seule chose qui compte maintenant, affirma-t-elle.
- Vraiment, s'ébahit Yashiro dans un premier élan de joie ! »
Mais il se ravisa vite, et après un moment de silence, il ajouta :
« Lin, je suis un vieil homme aujourd'hui, dit Yashiro. Ma vie est déjà derrière moi. Ce qui compte, ça n'est pas moi, c'est la jeune génération comme toi, continua-t-il très sérieusement. Je ne peux qu'imaginer le mal que tu t'es donnée pour en arriver à me faire libérer. Mais, j'aurais préféré te savoir loin d'ici, en sécurité, et à ne pas perdre ton temps et ta vie dans ce village pour sauver la mienne, conclut-il.
- J'ai ... perdu ... mon temps ... répéta-t-elle comme un automate. C'est ... une plaisanterie ! J'avais sept ans quand on nous a amenés ici, s'écria-t-elle subitement. Dis-moi, qu'est-ce que j'étais censé pouvoir faire à un âge pareil. Comment peux-tu imaginer que j'aurais été capable de m'enfuir. De m'enfuir, répéta-t-elle plus fort, et de laisser un innocent derrière moi. »
Cette fois, Lin avait bel et bien perdu son sang-froid. Et pour ne rien arranger, tout ce que Yashiro trouva à faire fut d'émettre un petit rire qui agaça davantage la jeune fille.
De son coté, Yashiro jubilait. Il avait enfin l'impression de retrouver la petite fille qu'il avait recueillie. Elle était devenu une kunoichi et avait acquis cette manie qu'ont tous les ninjas dignes de ce nom de cacher leurs états d'âme derrière un masque d'indifférence et de considérer des actes simples comme des missions. Il se félicitait donc de la voir laisser enfin parler son cœur.
« Evidement, chuchota alors le vieil homme, un ninja de Konoha n'abandonne jamais ses compagnons. Du moins, pas tant que la sécurité du village est assurée, récita Yashiro avant de rire à nouveau. Je suis heureux que tu te sois souvenu de ce que je t'ai appris. »
Lin dévisagea l'homme qu'elle avait en face d'elle, le souffle coupé. Il se trompait.
Yashiro avait une vision des choses qui différait de celle de Lin. Elle avait grandi dans un tout autre village que son père adoptif et elle avait fait des choix bien différents de ceux qu'il aurait probablement faits.
Mais surtout, elle ne se souvenait absolument pas qu'il lui ait déjà tenu ce genre de propos. Si elle ne l'avait pas abandonné, c'était parce qu'elle lui était redevable et qu'elle se sentait coupable de ses années d'enfermements.
« Je ne suis pas une kunoichi de Konoha, déclara froidement Lin. »
Yashiro cessa soudain de sourire. Il comprenait tout ce que sous-entendait cette affirmation. Ces années au sein du village de Kiri l'avaient peut-être plus changé qu'il ne l'avait cru au premier abord. Quelle que soit la manière dont elle s'était construite en grandissant, elle venait d'affirmer qu'ils ne partageaient plus les mêmes valeurs. Tout du moins, plus exactement.
Lin commença à tourner les talons. Elle lui avait dit ce qu'elle avait à lui dire et elle s'apprêtait à partir.
« Lin, a ... attend, bégaya-t-il tout en cherchant ses mots. Tu te souviens du collier, celui que je t'avais confié pour que tu n'oublies jamais les valeurs que je t'avais apprises. Pour que tu suives toujours la bonne voie, même si je n'étais pas là. Je suis sûr que tu l'as encore. Tu ne peux pas avoir oublié ça ! »
Lin ferma les yeux un bref instant. Puis elle se retourna une ultime fois vers l'homme qui l'avait recueilli et élevé.
« Je m'en suis débarrassée, lui appris-t-elle sèchement. Il y a déjà bien longtemps. »
Et avant qu'il ait eu le temps d'ajouter quoi que ce soit, elle sortit et claqua la porte dans son dos. Bientôt, Yashiro serait libre. Et même si elle venait sciemment de couper tout lien avec lui, c'était un véritable soulagement pour elle. Bien sûr, elle n'était pas devenue suffisamment froide pour ne pas ressentir la peine qu'elle venait de lui faire. Mais les fins de conte de fées, ça n'existaient pas dans la vie réelle. Mieux valait pour lui qu'il parte sans rien qui le rattache à elle ou à cet endroit maudit.
La vie d'un ninja ne comptait pas. Seul sa capacité à agir pour le bien des autres avait de l'importance.
Lin avait une toute dernière mission à accomplir pour le Mizukage au sharingan. Et maintenant qu'elle n'avait plus d'entrave, il ne lui restait qu'à déterminer dans quel sens elle allait réellement l'exécuter.
Dans sa poche, elle serra le carnet noir dans lequel trônait en première page cette photo d'un tout jeune garçon aux yeux d'encre et au regard encore si naïf.
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