Lacher prise

Des semaines, des mois. Même des années. Cela faisait tellement longtemps qu'Itachi subissait les pressions conjointes de son père et de Danzô, qu'il devait jongler entre les objectifs de chacun, qu'il devait mentir ou feindre l'indifférence, qu'il avait fini par perdre le compte du temps qui était passé. Et tandis que certains hommes continuaient de se laisser aveugler par leurs desseins égoïstes, d'autres se sacrifiaient pour tenter de maintenir un semblant d'équilibre et de paix.

Deux jours plus tôt, Shisui était mort. Et pour la seconde fois depuis cet événement tragique, Itachi s'était laissé envahir par la colère.

Devant lui, Inabi venait de percuter violemment le sol suivit de près par Yashiro dont le corps roula sur deux mètres. Derrière eux, Tekka tentait de se relever péniblement, le visage en sang.

Itachi avait du réunir tout ce qui lui restait de maitrise pour ne pas déchainer toute sa force sur ces trois là mais il n'était pas parvenu à s'empêcher de les frapper. Ce n'était pas uniquement la suspicion que ces hommes nourrissaient à son égard en l'accusant à demi-mot de la disparition de Shisui qui l'avait fait sortir de sa réserve habituelle. Mais c'était aussi la vanité qu'ils plaçaient en eux-mêmes et en leur nom, et cet incroyable égoïsme qui les faisait se moquer des souffrances qu'ils allaient causer en s'en prenant à Konoha.

« Comme je vous l'ai déjà dit, vous ne devriez pas juger les autres sur de simple apparence. Vous croyez connaître la Vérité sur mon compte et avoir le droit de me juger, lança Itachi d'une voix monocorde. Vous êtes venus sans connaître vos capacités ni les miennes et maintenant vous êtes à terre, vaincus, constata-t-il.

- Shisui te surveillait depuis que tu as rejoint l'ANBU, parvint à répondre Yashiro. Tes faits et tes paroles sont devenus étranges depuis ce temps. Notre méfiance est donc tout à fait légitime.

- Le clan, le clan. Vous n'avez que ce mot à la bouche. C'est cette vanité placée dans un simple Nom qui nous fait tous stagner, qui restreint nos capacités, reprocha Itachi. Mais vous préférez ne pas le voir. De quoi avez-vous donc si peur ?

- Espèce de sale ... commença Inabi !

- Arrêtes Itachi, l'interrompit soudain une voix grave. Mais qu'est-ce que tu fais ? »

Fugaku se tenait au bout de la ruelle qui menait à sa demeure, les traits déformés par l'horreur et l'incompréhension. Il alla rapidement aider Inabi à se relever.

« Je ne fais que mon devoir, voilà tout, argua Itachi.

- Alors pourquoi n'es-tu pas venu hier soir, insista son père ?

- Pour atteindre le sommet ... murmura Itachi le cœur empli de dégout pour ce pouvoir qu'il venait d'acquérir et pour la manière dont il l'avait eu. A force de vous accrocher à cette chose qu'est le clan, vous en oubliez le plus important. Rien ne changera tant que vous resterez attachés à vos attentes pitoyables. Personnellement, j'ai perdu tout espoir en ce clan pathétique, avoua-t-il finalement avec une froideur qu'il était loin de ressentir. »

Par désabusement autant que par provocation envers son père, Itachi lança un Kunai qui alla se planter en plein milieu d'un des blasons du clan peint sur le mur d'enceinte du district jouxtant leur maison.

« Quelle arrogance, ça suffit, tonna Fugaku !

- Si tu continues à dire de telles insanités, nous devrons t'arrêter, le prévint Yashiro.

- Non, nous n'en supporterons pas davantage, enragea Inabi. Capitaine, donnez-nous l'ordre de l'arrêter...

- Grand frère ! Ca suffit, arrête, cria soudain Sasuke sur le palier de leur maison ! »

Pendant quelques secondes, Itachi eut la sensation que son cœur venait de s'arrêter. Il ignorait depuis quand son frère assistait à la scène mais le son de sa voix avait suffi à éteindre sa colère. Il s'était toujours promis de veiller sur son cadet. Et ce n'était pas en perdant son sang-froid comme il venait de le faire qu'il y parviendrait. Il se laissa tomber genoux à terre et s'inclina devant son père et ses trois lieutenants.

« Je n'ai pas tué Shisui. Je vous demande d'excuser mes paroles et de pardonner mon insolence, plaida-t-il. »

Fugaku observa silencieusement son fils agenouillé devant lui. Puis il répondit :

« Tu as beaucoup de travail et de pression en ce moment. Je mettrais donc ton égarement sur le compte de la fatigue pour cette fois, décréta Fugaku.

- Capitaine, tenta d'intercéder Ianbi !

- L'ANBU est sous le contrôle direct de l'Hokage, le coupa le chef des Uchiha. Même la police ne peut l'arrêter sans autorisation. Et puis ... je me porte garant de lui.

- Je comprends, finit par dire Yashiro, qui, étant le plus âgé savait ce qu'un père pouvait ressentir. »

Fugaku rentra alors chez lui sous le regard rageur d'Inabi. Yashiro et Tekka contraignirent ce dernier à s'éloigner à son tour. De toute façon, ils ne pouvaient rien faire de plus pour le moment.

Itachi savait que son père l'avait défendu parce qu'il était son fils. Son héritier et l'avenir supposé de leur clan. Mais malgré leur lien, Fugaku avait préféré adhérer au parti d'hommes comme Inabi ou Yashiro plutôt qu'au sien. Et il était visiblement à mille lieues de comprendre l'origine de sa colère.

Comment Fugaku pouvait-il ne pas voir combien il avait déjà mis les siens en danger ? S'il avait continué de refuser d'envisager une rébellion, Danzô aurait lui aussi dû continuer de préserver le statu quo entre le village et le clan. Shisui ne serait pas mort et lui ne se serait pas trouvé écartelé entre sa loyauté pour son village et les liens de son sang.

Et puis, il y avait ces mots sur la stèle des Uchiha ...

Et cet homme dont il avait surpris la présence ...

Son père était le chef du clan Uchiha. De quoi était-il au courant exactement ?

Itachi finit par se relever, puis il alla rapidement rassurer son petit frère qui se tenait toujours sur le pas de la maison familiale. Il lui demanda de rentrer sagement et lui promit dans un maigre sourire que tout irait bien. Mais dès qu'il se retrouva seul dans la ruelle, il s'éclipsa.

C'était officiel maintenant, après l'avoir porté aux nues dans sa jeunesse pour le génie qu'ils croyaient voir en lui, certains membres de son clan le considéraient dorénavant comme un traitre. Evidemment il s'en moquait. En revanche, cela signifiait aussi que les Uchiha ne le laisseraient pas les protéger d'eux-mêmes car leur méfiance le tiendrait totalement à l'écart des siens dorénavant.

Et pour ne rien arranger, la veille dans le bureau de l'Hokage, Itachi avait dû supporter le regard vide et sans remords de Danzô.

Ne voyant pas Shisui revenir de sa mission et n'ayant plus aucun signe de vie de lui, Sarutobi Hiruzen avait décidé de convoquer Itachi. Il lui avait révélé en partie les détails de sa dernière entrevue avec ce dernier et avait admis son inquiétude. Il espérait qu'Itachi saurait où se trouvait son cousin. Sauf qu'Itachi ne pouvait rien révéler, pas même à l'Hokage, sans provoquer un désastre.

En cet instant, Shisui lui manquait plus que jamais. Son éternel optimisme et cette volonté sans faille que rien ne pouvait ébranler. Shisui avait placé ses derniers espoirs en lui et il craignait fort de le décevoir. Danzô et les Uchiha désiraient l'affrontement. Que pouvait-il encore faire pour éviter que cela n'arrive ?

La colère, la frustration, le désespoir et la tristesse venaient s'ajouter à la sensation désagréable que tout lui échappait. Que l'issue était déjà jouée d'avance, quoi qu'il fasse. Il aurait eu besoin de prendre du recul, de parler à quelqu'un pour tenter, peut-être, d'y voir un peu plus clair. Mais Shisui n'était plus là.

Voilà pourquoi Itachi se tenait seul devant ces mêmes chutes de la rivière Naka qui avait englouti la vie de son cousin, à déchirer le vêtement avec lequel il avait inutilement essuyé le sang que Shisui avait sur le visage quand il l'avait sauvé des derniers membres de la Racines encore après lui. Et pourquoi il envisageait maintenant de faire ce qu'il avait tant de fois reprochée à son cousin.

Itachi composa les signes adéquats, puis posa sa main sur le morceau de tissu imbibé du sang séché de Shisui. Puis il y insuffla un peu de chakra. Quelques secondes passèrent sans que rien ne bouge. Et alors qu'Itachi pensait que sa tentative avait échoué, une petite détonation retentit devant lui, suivit d'un nuage de fumée blanche qui laissa rapidement apparaître le chat-ninja avec qui Shisui avait signé un contrat.

Le félin était sur ses gardes. Ses poils étaient hérissés et ses oreilles couchées sur sa tête. Au moment où Shisui était mort, son nom avait logiquement dû disparaître du parchemin listant les humains avec qui il avait passé un pacte. Il était normal qu'il soit méfiant.

« Maru, c'est bien ton nom, demanda doucement Itachi ? »

Pour toute réponse le chat feula. Mais Itachi ne se découragea pas pour autant.

« Nous nous sommes déjà rencontré, commença-t-il. Je suis le cousin de Shisui ...

- Shisui est mort. Que cherches-tu, grogna Maru ?

- Cela concerne le pacte qui vous liait, Shisui, Lin et toi. Shisui m'a demandé de faire une chose pour lui avant de, ... hésita Itachi sans pouvoir terminer sa phrase.

- Si tu parles du message que Lin attend, devina le félin, je peux le lui porter moi-même, lâcha-t-il sèchement.

- Non, déclina Itachi plus vivement qu'il ne le voulait ! Je ... je dois la rencontrer moi même, prétendit-il à voix basse. »

Maru plissa ses yeux jusqu'à n'en faire que deux minces fentes. Il n'avait aucune raison de rendre service à un humain gratuitement. Mais il était vénal. Alors il finit par demander à Itachi ce qu'il était prêt à payer pour qu'il agréé sa demande.

« Que désires-tu, demanda simplement Itachi ? »

* * *

Lin ne put réprimer un sourire amusé lorsqu'elle découvrit que la petite ville où elle venait d'être envoyé était animée par les chants et les danses d'un festival traditionnel. Shisui avait toujours pensé que le meilleur endroit pour ne pas être remarqué était justement au beau milieu d'une foule joyeuse et criarde.

Le chat-ninja avec qui Maru avait organisé son invocation inversée se faufila au travers des jambes des passants, puis s'enfuit dans une ruelle plus calme. Lin ne l'avait jamais vu auparavant. Elle se demanda brièvement pourquoi Maru n'était plus associé à ce chat roux avec qui il avait toujours travaillé. D'ailleurs, ce n'était pas l'unique chose qui lui avait paru inhabituelle chez Maru. Sa précipitation, les informations plus que lapidaires qu'il lui avait fournis et le fait qu'il avait omis de lui dire où elle devait retrouver l'Uchiha étaient étranges.

Mais comme elle avait désespérément besoin des informations qu'elle avait demandées à Shisui, elle avait accepté de suivre le chat-ninja sans prendre le temps de se changer ou de s'armer ne serait-ce que d'un Kunai. Autant dire qu'elle n'était pas franchement à son aise.

Quoiqu'il en soit, les menaces qu'avait proférées l'ombre du Mizukage étaient limpides. Si elle n'agissait pas dans les jours qui venaient, ses amis et elle même en paieraient le prix fort. Elle respira profondément pour se calmer. Pour le moment, elle devait se concentrer sur sa rencontre avec Shisui. Elle espérait que Maru amènerait directement l'Uchiha à elle. Sans quoi, le retrouver dans une telle foule s'annonçait pour le moins malaisé.

C'est alors que la sensation particulière qu'elle connaissait bien maintenant s'insinua dans son cerveau. Ses paupières papillonnèrent un moment. Bien sûr, il n'y avait qu'un seul type de personne qui pouvait causer cette réaction chez elle. Mais elle savait surtout qu'il n'y avait qu'une unique personne dont elle pouvait sentir aussi vivement la présence. Or, bien que cette personne ne fût pas celle qu'elle attendait, elle venait justement d'arriver à l'autre bout de la ville.

* * *

La nuit de la mort de Shisui,

Tandis que la lune continuait tranquillement son voyage nocturne, Itachi s'installa sur l'épaisse branche d'un des arbres les plus hauts du domaine entourant le Temple Nakano. La nuit était bien avancée mais le jeune homme savait comment les tours de gardes étaient organisés autour du bâtiment et il ne lui restait qu'une petite demi-heure à attendre avant de pouvoir s'introduire dans le Temple en toute sécurité. De son poste d'observation, il avait une vue idéale aussi bien sur l'édifice sacré que sur le jardin et la forêt. En attendant, perdu dans ses pensées, il contemplait l'astre d'argent quand l'ombre passa devant la lune.

Itachi sortit immédiatement de sa torpeur. Il regarda rapidement en direction du temple et aperçu deux gardes effectuant leur ronde. Visiblement, ils ne s'étaient rendus compte de rien. Contrairement à lui. Ils étaient pourtant censés avoir les yeux partout, pensa-t-il.

Il se leva sans attendre et se dirigea furtivement dans la direction où était partie cette ombre. Il ne l'avait aperçu qu'un bref instant, mais il savait déjà qu'il ne s'agissait pas d'un animal. Et encore moins d'un fantôme comme certain le prétendaient au sein du clan. Itachi n'aurait jamais cru que cette histoire puisse dissimuler une quelconque vérité.

Quoi qu'il en soit, avec la pénombre, il lui était difficile de pister cette personne. Mais son instinct le poussait malgré tout à aller voir de quoi il retournait. Et aussi étrangement qu'heureusement, sa cible ne prenait qu'un minimum de précaution. Elle semblait particulièrement sûre d'elle.

Sa traque dura encore de longues minutes. Itachi faisait ce qu'il fallait pour ne pas se faire repérer quand, à au moins dix mètres devant lui, il perçu le faible écho d'une voix masculine.

Lentement, précautionneusement, il se dirigea vers la source de ce bruit tout en restant cependant à bonne distance de l'homme qui parlait. Ce dernier se trouvait de dos, tout près de l'entrée d'une petite grotte et il parlait à une seconde personne qu'Itachi ne pouvait pas voir de là où il était.

« Alors ? Qu'en est-il de sa mission, demanda l'inconnu ?

- Comme tu l'as vu toi-même, elle n'a pas encore tenu son engagement, se désola une voix fluette. Mais il semble tout de même qu'il se trame quelque chose. Les Uchiha ne cessent de se rencontrer en secret, révéla-t-il. Je ne sais pas s'il y a un lien ou non. Comme tu le sais, ils sont plus prudents que par le passé et je ne peux pas passer les barrières qui protègent leur salle de réunion. Et toi Madara, as-tu trouvé ce que tu désirais ?

- Evidemment, rétorqua l'inconnu avec une pointe d'agacement. Et pour ce qui est des barrières, tu vas pouvoir me rapporter ce que manigance ces imbéciles à partir de maintenant. En ce qui concerne notre chère amie, il lui reste encore quatre jours pour agir. Mais si elle ne passe pas à l'action comme prévu, c'est que son utilité est arrivée à son terme, trancha-t-il. Je trouverai bien un autre moyen. »

Madara ! Même si plus personne n'avait nommé son enfant de la sorte à Konoha depuis des générations, Itachi connaissait ce nom. Tous les membres de son clan connaissaient ce nom. Mais le plus important était que celui qui avait contribué à fonder Konoha, l'ancien chef renégat des Uchiha, était censé être mort depuis fort longtemps. Tout cela posait la question de l'identité de cet homme et de son appartenance ou non au village de Konoha. Car, il semblait particulièrement bien renseigné sur les faits et gestes de son clan. D'autre part, Itachi se demandait à quelle mission il pouvait bien faire allusion.

Le plus discrètement possible, Itachi rebroussa chemin et laissa Madara et son acolyte à leur conversation. Tout cela ne lui plaisait pas, mais il n'en savait pas assez pour confronter ces deux hommes. De tout façon, il avait d'autres choses à régler avant la fin de cette nuit.

Cependant, il comptait bien garder un œil sur eux s'il le pouvait.

Après cet interlude, il s'était rapidement faufilé à l'intérieur du Temple. A cette heure, les gardes avaient terminé leur ronde et ils resteraient chacun à un poste d'observation fixe pendant plus d'une heure. Lorsque l'on savait où chacun était placé, il était facile de passer inaperçue.

Une fois devant la stèle des Uchiha, Itachi s'était rendue compte qu'il était capable de déchiffrer une bien plus grande partie du texte qui y était gravé que par le passé. Tout semblait être exposé ici bien que certains passages se refusèrent toujours à lui. Les origines de son clan et du pouvoir contenu dans les yeux des Uchiha. Et aussi, les différents stades de leur évolution vers un sharingan plus puissant : Le Mangekyo sharingan. Le pouvoir que son cousin lui avait offert, avec ses incroyables techniques et sa capacité à manipuler les bijûs.

Bien sûr, Itachi avait entendu parler de ses yeux particuliers. Mais avec le temps, les gens avaient commencé à croire qu'il ne s'agissait que d'une légende.

Quoi qu'il en soit, un passage en particulier du texte avait retenu l'attention d'Itachi. Celui décrivant la manière radicale de développer volontairement le Mangekyo en supprimant soi-même un être cher. Cette stèle était considérée comme le bien le plus sacré de son clan. Itachi aurait donc aimé ne pas croire que cet objet pouvait contenir de telle incitation, pourtant c'était bien là, juste sous ses yeux. Jusqu'à quel point fallait-il que les siens soient assoiffés de pouvoir pour accepter de suivre ce conseil ? Etait-ce seulement déjà arrivé ?

Itachi ferma les yeux. Le reste du texte semblait vouloir pousser les détenteurs du Mangekyo à développer encore plus loin leur faculté. Si tant est que ce fût réellement possible, cela devait libérer les Uchiha. Cette partie du texte était particulièrement obscure et Itachi n'était pas en mesure de la lire entièrement. Il n'avait donc pas la moindre idée de ce que sous-entendait cette soi-disant libération.

Une chose était certaine, le Mangekyo sharingan prenait naissance dans la douleur. Une douleur que jamais Itachi ne pourrait oublier et qu'il ne voulait jamais revivre. Quant au Uchiha, la seule chose dont ils avaient besoin de se libérer selon lui, c'était de leur propre arrogance.

* * *

Dès qu'ils furent arrivés dans la ville où Itachi devait retrouver Lin, ce dernier se rendit compte que Maru s'était moqué de lui. Il aurait largement préféré un endroit plus calme et surtout plus discret que celui où le félin venait de l'amener. Mais malgré le prix exorbitant qu'il avait exigé, le chat-ninja cherchait sans doute à lui rappeler qu'il n'était pas à son service.

« Où doit-on la retrouver, demanda-t-il à l'intention du félin ?

- Ca c'est ton affaire, répondit le chat avec nonchalance. D'ailleurs elle est déjà arrivée. En attendant, je vais faire un tour, annonça-t-il avant de s'enfuir par les toits avec la célérité de sa race. »

Itachi soupira, puis il s'engagea dans une rue bondée de monde. Il n'avait rien contre les chats, loin de là d'ailleurs, mais il se demandait vraiment pourquoi Shisui avait choisi un animal aussi exaspérant que celui-ci. Maintenant il lui fallait retrouver Lin au beau milieu de cette foule en sachant qu'il n'avait qu'une heure devant lui. C'était tout ce que Maru leur avait accordé.

Machinalement, il activa ses sharingans et se mit à scruter les alentours à la recherche de la jeune fille. Autour de lui, une foule déjà dense s'amassait tout le long de la rue principale et de nouvelles personnes arrivaient continuellement des ruelles adjacentes pour rejoindre la fête. La musique, les rires et les cris saturaient l'air. Malgré tout, Itachi continuait d'avancer et tentait de scanner calmement les visages devant lui en espérant enfin apercevoir celui de Lin.

« Eh, Itachi ! »

Le cœur d'Itachi manqua un battement lorsqu'il entendit sa voix. Il se tourna brusquement dans sa direction. Lin était de l'autre côté de la rue, juste à sa hauteur et se faufilait tant bien que mal parmi un groupe de danseurs improvisé que la musique emportait. Si elle ne l'avait pas interpellé, il l'aurait peut-être manqué.

La jeune fille arriva à sa hauteur. Elle portait une simple robe de civile courte, à fine bretelle et ceinturée à la taille. Itachi ne l'avait jamais vu sans sa tenue de ninja et il se retrouva un instant à la regarder comme un idiot et à ne pas savoir quoi dire. Mais il revint vite sur terre quand il s'aperçu que Lin avait les yeux cernés et les traits fatigués d'une personne que l'angoisse minait. C'était une sensation qu'il connaissait suffisamment bien lui-même pour la reconnaître chez les autres.

Le regard de la jeune fille sonda l'espace autour de lui. Le cœur d'Itachi se serra. Elle cherchait Shisui.

« Shisui n'est pas avec toi, s'inquiéta Lin ?

- Shisui est ... hésita longuement Itachi. »

Evidemment, Il aurait dû se douter qu'elle lui poserait d'emblé la question. D'ailleurs, il voulait lui dire ce qui s'était passé. Que Shisui n'était plus. Mais les mots refusaient de sortir pour le moment.

« Il ne pouvait pas venir lui-même, éluda-t-il finalement. Il m'a demandé de t'apporter quelque chose à sa place. »

Lin eut l'air dubitative mais elle n'insista pas.

« On devrait aller dans un endroit plus calme, proposa-t-elle.

- Oui. Suis-moi, acquiesça Itachi. »

Ils s'élancèrent alors, sautant de toit en toit pour éviter la foule jusqu'à s'éloigner peu à peu du centre du village. Itachi était parfaitement silencieux. Et même si cela n'avait rien d'inhabituel chez lui, cette fois cela mettait Lin particulièrement mal à l'aise. Sa dernière rencontre avec lui s'était assez mal terminée et savoir Shisui absent n'arrangeait rien.

« Heureusement que tu as activé tes sharingans tout à l'heure. Sans quoi je ne sais pas si j'aurais réussi à te retrouver avec tout ce monde, dit Lin pour tenter d'engager une conversation. Je ne comprends pas ce qui a pris à Maru ...

- Que veux-tu dire, la questionna Itachi sans attendre ? »

Il stoppa alors sa course sur le sur le toit d'un temple à l'écart de la ville. Lin l'imita de justesse. Elle fronçait les sourcils, perplexe.

« Pourquoi est-ce heureux que j'ai activé mes sharingans, reprit-il voyant qu'elle ne comprenait pas ?

- Et bien ... parce que je peux les sentir, dit-elle doucement. Je croyais que tu le savais, s'étonna-t-elle.

- Tu ... non, admit-il surpris. »

Il y avait visiblement bien des choses dont il n'avait pas saisi l'occasion de parler avec elle. Mais même si cette information l'étonnait, il n'avait guère le loisir de s'étendre sur le sujet. Il se mit alors à fouiller dans la pochette qu'il portait à la taille et en retira un petit rouleau qu'il tendit à Lin.

« C'est pour toi, annonça Itachi. De la part de Shisui, précisa-t-il. »

Lin se saisit du rouleau avec une soudaine vague de soulagement. Enfin Shisui avait répondu à sa demande. Elle s'assit sur le toit, puis elle commença à défaire le rouleau. Il n'aurait pas été prudent de le ramener avec elle à Kiri. Elle allait donc le lire ici même.

« Tu ne l'as pas lu, s'étonna Lin en constatant que la missive de Shisui n'avait jamais été décacheté !

- Est-ce si surprenant que cela, répondit Itachi ?

- Je ... ce n'est pas ça, balbutia Lin. Mais tu fais toujours preuve de tant de prudence que ... j'aurais pu comprendre si tu l'avais fait, avoua-t-elle en tentant de ne pas le froisser.

- De prudence, répéta doucement Itachi en venant s'asseoir à côté d'elle. »

La jeune fille jeta un coup d'œil intrigué à son voisin. Il n'avait pas fait preuve d'autant de pondération envers elle depuis bien longtemps. Puis elle déroula le parchemin de Shisui et se plongea dans sa lecture.

« Je n'ai pas été un très bon ami, dit Itachi après un long moment. »

Lin se tourna doucement vers lui.

« Tu n'avais jamais employé ce mot avant aujourd'hui, finit-elle par dire.

- Non, admit placidement Itachi. J'appartiens aux sections spéciales de mon village. Je ne suis pas censé employer ce mot avec quelqu'un qui n'en fait pas parti, affirma-t-il avec une froide conviction. Tout comme toi d'ailleurs. Pourtant, ... je suis loin d'être aussi irréprochable que je le prétends. Je t'avais promis de ne jamais te mettre en danger en révélant ta capacité. Et je ne l'ai jamais fait. »

Lin pencha la tête et sourit. Il y avait tout de même une personne à qui il avait dû parler de ses capacités.

« Une chance que Shisui soit une personne de confiance, lui rappela-t-elle. »

Itachi eut un léger sourire qui s'évanouit presque aussitôt.

« Oui ... je lui aurait confié ma vie, murmura-t-il. »

Lin cessa immédiatement de sourire elle aussi. Elle avait parfaitement noté l'utilisation du passé par son compagnon. Et elle voyait bien que quelque chose n'allait pas chez lui depuis le départ.

« Itachi, qu'est-ce qui ne va pas, lui demanda-t-elle avec douceur ?

- Je ... Rien. Tu devrais sans doute terminer ta lecture, lui conseilla-t-il pour dévier son attention.

- C'est déjà fait, annonça-t-elle. »

Lin demeura silencieuse un moment, laissant ainsi le loisir à Itachi de lui parler. Mais il n'en fit rien. Instinctivement, elle leva la main et la posa sur son avant bras. Il tressaillit légèrement, comme s'il sortait d'un rêve.

En venant ici, Itachi avait décidé de rendre à Lin la confiance qu'il lui portait jadis. S'il l'avait fait plus tôt, Shisui n'aurait sans doute jamais eu à affronter seul Danzô et ses sbires.

Mais que savait-il de ce qu'elle même vivait en ce moment, lui qui avait toujours refusé de s'y intéresser. Il avait bien vu son état de fatigue. Elle n'avait peut-être pas besoin qu'il lui apporte d'autres problèmes en ce moment.

Par ailleurs, lui même ne savait pas par où commencer. Son clan, son village, Danzô, l'inconnu du Temple. Tout cela faisait beaucoup de sujet d'inquiétude. Et même s'il était décidé à parler, il ne pouvait pas se montrer trop indiscret vis à vis de son village non plus.

Quoiqu'il en soit, il devait admettre que la présence de la jeune fille avait quelque chose d'apaisant. Peut-être parce qu'elle était déconnectée de ses propres problèmes. Ou tout simplement parce qu'il retrouvait cette sensation inexplicable et lointaine qu'il n'avait rien à craindre à ses côtés. Qu'il n'avait pas besoin d'être sur ses gardes. Comme lorsqu'ils étaient enfants. S'il y songeait, il était assez étrange que ce soit une personne d'un autre village qui soit à l'origine d'un tel sentiment. Mais, qu'importe, cela lui faisait du bien.

Lin observa encore un moment Itachi. Le regard du jeune homme était irrémédiablement plongé dans l'obscurité qui s'étendait à leur pied. Puis, il glissa une main dans une de ses poches et en ressortit un collier qu'il lui tendit. Lin reconnu immédiatement le collier de Yashiro. Et bien qu'elle soit touchée par l'attention d'Itachi, qui n'avait visiblement rien oublié de leur promesse d'enfant, elle ne se sentait absolument pas légitime en le récupérant. Elle prit doucement la main d'Itachi qui tenait le bijou et lui fit refermer les doigts tout autour.

« Son premier propriétaire en avait fait le symbole de sa volonté de protéger votre village. Alors il t'ira bien mieux qu'à moi, conclut Lin d'une voie étrange. »

Elle relâcha alors la main du jeune homme, puis pris son inspiration pour poursuivre, comme si elle avait besoin de se donner du courage.

« Shisui, commença-t-elle la voix serrée, s'il n'est pas venu c'est parce que ... parce qu'il ...

Elle ne pouvait pas terminer cette phrase. Itachi ferma les yeux et hocha discrètement la tête. La jeune fille était fixée. Surtout, elle devinait combien la peine d'Itachi devait être grande. Mais elle ne pouvait rien y faire, si ce n'était s'en vouloir de l'avoir exacerbé en lui posant à demi-mot cette question.

« Parle-moi, la pria soudain Itachi.

- De quoi veux-tu que je parle, demanda-t-elle simplement ?

- De tout, répondit-il. »

Lin prit une grande inspiration. Elle comprenait parfaitement qu'il ait besoin d'entendre parler d'autre chose. D'oublier, même pour quelques secondes. Elle tacha donc de faire un effort. Et puis, il y avait une chose dont elle avait prévu de parler ce soir. Même si à l'origine, elle avait pensé s'adresser à Shisui.

« Je crains de ne pas être une personne très distrayante en ce moment, s'excusa-t-elle. Enfin ... j'imagine que tu te souviens aussi bien que moi de notre première rencontre, demanda Lin pour la forme ? »

Itachi acquiesça en silence. Elle continua.

« Tu m'avais dit qu'il était possible que quelqu'un, à Kiri, soit au courant de ma capacité opportuniste. Et bien voilà, la dernière fois que nous nous sommes vu toi et moi, je venais de découvrir combien tu avais raison, déclara Lin.

- Qui est-ce, parvint à la questionner Itachi ?

- J'ignore son nom. Et il dissimule son visage derrière un masque, se désola Lin. La seule chose que je puisse te dire, c'est qu'il possède une pupille comme les tiennes. A l'œil droit, précisa-t-elle. »

Lin s'était attendu à ce qu'Itachi ait une réaction semblable à celle de Shisui. A ce qu'il se sente accusé. Mais ce ne fut absolument pas le cas. D'une certaine manière, c'était même assez logique pour le jeune homme. Il aurait pu former beaucoup d'hypothèse. Mais, que la capacité de Lin soit le fruit du hasard ou d'une expérience ratée, son lien avec le Dojutsu des Uchiha était manifeste.

Itachi se tourna enfin vers Lin et la regarda droit dans les yeux. Il savait au moins de quoi Shisui et elle avait parlé ce fameux soir.

« Tu comptes t'en prendre à lui, devina Itachi. Pour ton père ? »

Lin laissa échapper un étrange rire.

« Yashiro ne fait plus partie de ma vie dorénavant, dit-elle avec une nonchalance feinte qui ne trompa pas le jeune homme. Itachi, poursuivit la jeune fille sans aborder ce sujet davantage, il y a une chose qu'il vaudrait sans doute mieux que tu saches.

- Oui, l'encouragea-t-il. »

Lin détourna légèrement son visage. Malgré l'obscurité, Itachi aurait juré qu'elle rougissait. Elle n'était pourtant pas le genre de fille à s'empourprer. Elle n'était ni timide, ni maniérée. Mais quand il la vit glisser ses doigts dans son corsage, il comprit qu'elle était simplement gênée. Lui même détourna immédiatement son regard et ne put empêcher ses joues de rosirent à leur tour.

Puis elle lui tendit un petit morceau de papier plié en quatre. Itachi s'en saisit en tachant de ne pas trop penser à l'endroit d'où il provenait.

« Avant que tu ne le déplies, je dois te donner quelques explications, déclara-t-elle. Si l'homme dont je te parlais tout à l'heure m'a maintenu sous sa coupe si longtemps, c'est parce qu'il avait une mission bien particulière à me confier. Une chose qu'il veut que je fasse à sa place afin que le monde Shinobi ignore son existence, je pense. Mais, je ne peux tout simplement pas faire ça, dit la jeune fille. Je me retrouve donc dans une impasse. Il a manipulé le Mizukage pendant longtemps et a eu un règne sanglant par son intermédiaire. Il n'hésitera donc pas à s'en prendre à ceux qui me sont les plus proches à Kiri si je ne le contente pas. Mais ce serait encore pire si je lui obéissait, ajouta-t-elle avec une angoisse évidente. Dans les deux cas, je doute qu'il ait prévu de me laisser vivre une longue vie, affirma Lin. Donc tu as raison, je compte effectivement tenter quelque chose contre lui. Même si ce n'est pas directement.

« Lin, murmura Itachi. »

Il n'avait aucune envi d'entendre la jeune fille lui dire qu'elle s'apprêtait à se sacrifier pour les autres en s'en prenant à une personne capable d'une prouesse telle que celle qu'elle venait d'évoquer. Pas après le sacrifice de Shisui. Mais il ignorait comment la convaincre de ne prendre aucun risque alors qu'il ne pouvait pas l'aider. Quant à lui conseiller de fuir, il était quasiment certain qu'elle refuserait. Il y avait parfois des responsabilités auxquelles un Shinobi ne pouvait pas échapper.

« Tu ne laisserais jamais ceux que tu aimes face à un tel danger Itachi, dit Lin comme si elle avait deviné sa pensée. Et même si je n'ai pas les moyens de tout arranger, au moins je donnerai tout ce que je peux pour éviter le pire.

- Je comprends, répondit-il à regret. Mais ...

- J'ai peur qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps, regretta Lin. Sur le papier que je t'ai donné se trouve l'identité d'une cible que cet homme m'a désignée. Une cible grâce à laquelle je devais déclencher une émeute qui aurait à son tour servit de point de départ à ni plus ni moins qu'un génocide. Je ne pensais pas que ce serait à toi que j'en parlerais. Mais c'est mieux comme ça je crois. »

Itachi commença alors à déplier le morceau de papier. Il avait un mauvais pressentiment. Pourquoi tenait-elle à lui donner le détail de sa mission puisqu'elle ne comptait visiblement pas la remplir ?

« Je doute que nous nous revoyons un jour, continua Lin d'une voix éteinte. Cet homme, je ne sais pas qui il est. Mais saches qu'il est résolu à voir votre fin arriver, lâcha- t-elle finalement.

Alors que Lin parlait, Itachi découvrait avec horreur l'identité de sa cible. Et quelque chose se mit soudain en place dans son esprit. Les propos qu'avait tenu l'inconnu du Temple lui revenaient en mémoire avec une incroyable clarté. Ainsi que le nom sous lequel il se faisait appeler. Ca ne pouvait pas être un simple hasard. Il sortit immédiatement de sa réserve.

« Attends, s'écria Itachi ! C'est beaucoup trop dangereux ! Ne fait pas ça ... »

Une légère brise se leva, emportant avec elle les feuilles les plus fatiguées. Au dessus des deux jeunes ninjas, la lumière de la lune se disputait avec les feux éclatants du village en fête. Lin s'était penchée vers Itachi tout en posant sa main sur sa joue pour le faire taire.

Ca n'avait durée que quelque seconde. Puis son corps avait disparu dans un nuage de fumée.

Mais il se souviendrait longtemps de la chaleur de sa peau et du gout de ses lèvres.

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