Chapitre 63
C'est notre dernier jour à Nice. Je ne peux pas vraiment dire que je suis heureux de partir puisque nous allons maintenant passer une semaine à Paris dans le minuscule appartement de ma tante. Eva et Claire sont parties hier. Je suis plus que soulagé par leur départ, c'est tout de même la première fois que je suis en couple et ça aura duré quarante heures ! Je suis fier d'avoir battu mon record qui d'habitude se restreint à une soirée.
Pour ce dernier jour, nous nous rendons pour l'après-midi sur la plage de Nice. Il fait toujours aussi chaud et nous passons beaucoup de temps dans l'eau au milieu des vagues qui sont bien différentes de celles de l'Atlantique. Ici, elles sont si courtes que je les trouve ridicules. Pour couronner le tout, la plage est absolument inconfortable avec tous ses galets qui cassent les pieds et les fesses.
Nous disposons de très peu de place, nous sommes entassés les uns sur les autres. Chaque serviette touche celle de son voisin. Décidément, hormis sa couleur bleu turquoise, la Méditerranée n'aura pas réussi à me séduire... Alors que Paulo, Max et moi tapons le ballon sur un petit coin un peu retiré le long de la baie, nous sommes abordés par un couple extravagant et assez BCBG.
— Bonjour, vous êtes frères ? nous demande la femme cachée sous une grande paire de lunettes de soleil qui lui couvre la moitié du visage.
— Ouais, je lui réponds en renvoyant le ballon dans les jambes de Paulo qui s'éloigne de nous pour jongler.
— Vous avez quel âge ?
— Qu'est-ce que ça peut vous foutre, je leur rétorque.
Je fais aussitôt signe à Paulo de me renvoyer la balle. Non, mais c'est vrai, ils nous veulent quoi, ces deux-là... Le couple ne se démonte pas et se dirige alors vers Paulo qui tire un coup dans le ballon que je loupe. Je cours le récupérer et lorsque je reviens, Paulo est en grande discussion avec la femme qui a retiré ses lunettes et le gars qui fouille dans ses poches.
— Donc si ça vous intéresse, on pourrait faire des essais... conclut l'homme alors que j'arrive à côté d'eux.
— Je ne sais pas, dit Paulo en haussant les épaules.
— Voici ma carte, nous sommes une agence très sérieuse, nous avons découvert plusieurs modèles qui travaillent désormais avec les plus grandes maisons du monde, comme Elite.
— C'est quoi ? je les interromps sans gêne.
— Ces gens me proposent de faire des photos ! m'explique Paulo qui n'a pas l'air convaincu par l'invitation du couple.
Il me reprend même le ballon d'un coup de pied habile alors que moi, je commence à trouver ces deux personnes intéressantes.
— Ah ouais, et moi ? je les interroge pour tester leur sensibilité à ma beauté naturelle. Je suis plus beau que lui !
— Àvrai dire, toi, tu es encore vraiment trop jeune, comme ton autre frère ! commente la femme en me détaillant par-dessus ses lunettes.
— T'es pas mal, mais tu reviendras nous voir dans trois ou quatre ans, hein ! me complimente le gars en me tapotant l'épaule.
Leur franchise ne me démonte pas le moins du monde, il m'en faut plus pour me remettre en question. J'analyse leurs propos en ma faveur : en effet, je suis beau, mais beaucoup trop jeune... Ça me convient parfaitement.
— Donc, je vous laisse ma carte, il y a mon portable, continue l'homme qui tend un papier blanc à Paulo.
— Comme vous êtes mineur, il me faut le consentement de vos parents, ajoute la femme en remettant ses lunettes.
Les sentiments de Paulo suite à cette rencontre sont difficiles à analyser. Son attitude ne change pas. Il ne semble même pas flatté par les compliments reçus. Il a rangé la carte dans sa poche, en nous disant qu'il verrait ça plus tard...
En rentrant de notre soirée du camping, je décide de saluer une dernière fois mon cher voisin que je vais quitter le lendemain. Il est deux ou trois heures du matin et je fais exprès de traîner loin derrière mes frères qui arrivent les premiers à notre tente. Une fois qu'ils disparaissent à l'intérieur, je monte délicatement sur la terrasse du mobil-home du gros con. Je ne dois faire aucun bruit et j'ai peur de faire craquer les lattes du plancher en marchant dessus. Une fois en haut, je m'avance jusqu'à la porte d'entrée pour uriner sur la poignée. Je badigeonne la porte de pisse et ça me ravit... J'espère bien que ce gros con en aura plein les doigts demain matin. Mon voisin est tellement flemmard que je n'ai aucune appréhension. Il doit dormir comme un porc, je perçois d'ailleurs ses ronflements qui font vibrer les cloisons en tôle. Un sifflement provenant de ma tente me rappelle à l'ordre. Paulo et Max m'observent une fois de plus en rigolant. Je soupçonne même Max d'être en train de me filmer. Peu importe ce qu'ils disent et pensent, je termine mon sale boulot jusqu'au bout, enfin, jusqu'à la dernière goutte...
— T'es content de toi, merdeux ? m'interroge Paulo quand je rentre me coucher.
— Parfaitement, je dirais même que je suis soulagé, trou du'c ! Et si j'avais eu envie de chier, je lui aurais même lâché une bouse sur son tapis tout propre !
Max éclate de rire en m'entendant déblatérer mes conneries.
— Je t'imagine tellement, accroupi devant la porte pendant que le voisin sort ! conclut Paulo qui rigole avec nous.
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