Chapitre 58

Max est toujours tiré à quatre épingles. Pour se rendre au feu d'artifice et bouffer au resto, il nous a sorti son pantalon bleu marine Ralph Laurenet son polo blanc assorti. Une vraie gravure de mode, et puis tu as moi à côté, avec ma vieille paire de Converse noires et mon short de bain bleu. Je n'ai même pas de haut, puisqu'il fait trente-cinq degrés.

— Tonio, me demande ma tante. Ne me dis pas que tu n'as pas au moins un T-shirt à te mettre ?

— Baaahhh...

J'hésite à lui répondre franchement et je fais semblant de chercher sur le siège à côté de moi ce que je n'ai pas. C'est sûr qu'elle va encore me pourrir et probablement me punir à nouveau. J'y peux rien pourtant, ce n'est pas une nécessité de s'habiller avec une chaleur pareille.

— Mais je t'ai demandé avant de partir si tu étais prêt, et tu m'as répondu que oui...

— J'étais habillé, c'est l'été ! Il fait chaud ! Un maillot me suffit.

— Tonio, on est à Cannes ! insiste-t-elle désespérée. Aucun restaurant ne va t'accepter torse nu !

— Bah, on fait comment ?

Je ne comprends vraiment pas où est le problème. Torse nu, torse nu, mais moi, je passe ma vie comme ça ! Ma tante se met à gigoter à l'avant du fourgon. Elle lève le bras droit, puis le bras gauche, puis se dandine encore et finit par passer par-dessus sa tête un semblant de tissu orange qu'elle me balance à l'arrière.

— Tu n'as qu'à mettre le débardeur que j'avais sous ma chemise !

Je réceptionne et déroule son textile froissé qui pue le parfum de femme.

— Hey, mais je mets pas ça, moi ! je me révolte aussitôt en découvrant l'horreur. C'est en dentelle, c'est pour les femmes !

— Non, mais mon coco, je ne te laisse pas le choix ! La prochaine fois, tu penseras à t'habiller !

Et me voilà en train d'enfiler son marcel orange fluo en tissu ajouré pour arpenter La Croisette de Cannes. Je venais juste de me débarrasser de mes ongles rouges, bordel ! C'est beau, un mec en débardeur, avec du poil sous les bras... Bien évidemment, je deviens la risée de toute ma tribu qui me surnomme désormais Toniotte. En vrai, j'aime bien devenir l'attention du groupe, et cette tenue me permet d'en rajouter des masses.

Quand nous nous sommes présentés au premier restaurant non bondé, tous les yeux se sont rivés sur moi. Dans le dos de ma tante, je ne me retiens pas de faire un fuck à tout le monde. Ce geste est incroyable, il met tout le monde d'accord. Avec mon majeur, j'arrive à faire baisser tous les regards. Louise, qui m'a vu, n'hésite pas à me mettre un coup de coude en éclatant de rire.

— T'es intenable ! Reste tranquille, pour une fois qu'on sort du camping ! se fâche-t-elle.

Après le dîner, nous faisons une promenade sur le bord de la plage afin de trouver l'endroit idéal pour regarder le feu d'artifice. Le bord de plage est calme. Je rage intérieurement de voir la mer muette. Mon océan est tellement chantant à côté... Le coucher de soleil est étriqué par les immeubles qui dominent la baie de Cannes.

La rue pavée est large mais bondée. Ça me fait sérieusement râler de croiser des gosses sur leurs skates. Le mien m'attend dans la voiture. Ça fait un bail que je n'ai pas marché, j'avais oublié comment c'était chiant.

— Oh gamin, t'as pas lu le panneau ! je crie à un nain de jardin de dix ans qui sert à rien.

— Quoi ? me questionne le troll en descendant de son skate Rip Curltout neuf.

— Interdit aux skates ! Donc tu fais comme moi ! Tu marches, gamin !

Ma tante est loin devant et ne m'a pas entendu. Avec Clothilde, nous devenons les agents de la circulation des trottoirs anti-roulettes de la Croisette. Pas de skate pour moi, pas de skate pour les autres !

J'ai une chanson qui me trotte dans la tête depuis le début de la soirée. Elle tourne en boucle. C'est vraiment casse-couilles quand ça arrive, parce que c'est jamais une chanson géniale.

— Mon pantalon est décousu, si ça continue, on verra le trou de mon... pantalon est décousu, si ça continue, on verra le trou de mon... pantalon est décousu, si ça continue, on verra le trou de mon...

Je transmets mon enthousiasme à ma cousine qui l'entonne avec moi. Elle a une voix grave et gueule aussi fort que moi. Bras dessus, bras dessous, nous chantons en longeant la plage. Tous les deux, nous continuons également notre petit jeu de justicier de l'ordre du trottoir.

— Oh le mioche, descends de ton skate !

— Il a été plus vite que toi, celui-là !

— Mouais, le prochain, je l'arrête avec une taloche derrière la tête, tu vas voir qui va être le plus rapide !

— Ouais Speed ! Je te crois ! se moque-t-elle de moi.

— Te fous pas de moi, tu vas voir ce qu'il va prendre !

Alors que nous sommes en train de nous amuser follement dans notre jeu de rôle au milieu de la foule grandissante, ma tante s'arrête à un stand de confiseries pour faire le plein de bonbons.

Tandis que nous sommes tous collés contre la table recouverte de délices sucrés plus colorés les uns que les autres, la tentation est vraiment trop grande pour moi. Tata, Laura et Louise sont à l'opposé de l'étalage. J'agite ma main droite au-dessus des bonbons pour montrer à Clothilde les fraises Tagadaque j'adore, alors que ma main gauche remplit discrètement la poche droite de ma cousine de Dragibuset Carensac. Personne ne se rend compte de rien. C'est une technique facile que je maîtrise à merveille. Je fixe les vendeurs occupés à peser des sachets de réglisse en leur offrant mon sourire innocent. Je montre ma main droite en faisant le mec qui réfléchit à ce qu'il va acheter. C'est tellement pratique d'être gaucher et de piquer tout ce qui me fait envie !

Ma tante s'attarde car Laura et Louise sont indécises sur le choix de la dernière poignée de bonbecs. Paulo fume une clope en matant toutes les meufs qui passent. Max est sur son tél, probablement à discuter avec Agathe.

Je n'ai aucune appréhension ni culpabilité à voler. Je chaparde pour le plaisir, comme si c'était naturel chez moi. Depuis le portable du CPE, j'ai tout de même arrêté les objets précieux.

— J'ai plus de place, m'arrête soudain Clo en bloquant ma main.

— Déjà ?

— J'ai les deux poches de pleines !

— Attends, c'est des sucettes ! C'est con de les laisser, je lui dis en chargeant mon maillot de bain.

Clothilde et moi éclatons de rire en nous éloignant du stand, les poches et la bouche pleines...

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