Avant que je sois un spectre, je dansais toute la nuit dans les bars. Je buvais de l'alcool sans me contrôler, je vivais ma vie dans une boucle sans fin de fête nocturne entourée de filles et de ce que je croyais être des amis.

Je ne travaillais même pas, trop occupé à picoler pour cela. Mon père payait tout, j'avais un accès illimité à sa carte de crédit. Il a fait fortune à la bourse et pour se déculpabiliser de ne pas avoir pris soin de moi quand j'étais plus jeune, m'offrait tout ce que je voulais sans discuter.

Puis je suis décédé... bêtement. J'ai déboulé un escalier parce que j'avais trop bu pour tenir mon équilibre entre deux marches. Mon crâne a explosé sur le plancher de béton au bas de l'escalier sous les lumières colorées et la musique tonitruante de la boîte de nuit Gold.

Je pensais que la vie cessait après la mort mais me voilà devenu fantôme. Est-ce que vous y croyez vous ? Un gars condamné à voir les autres boires, et fêter sans pouvoir participer. Une vraie torture! Est-ce que c'est ce qu'on appelle l'enfer ?

Lorsque ma tête a fracassé le sol, mon âme, enfin mon ectoplasme, a quitté mon corps pour voler dans la pièce. J'ai tenté de regagner mon enveloppe sans succès puis je me suis amusé à me promener de tous les côtés pour entendre les conversations juteuses entre mes amis.

J'ai découvert que Cindy trompe Charles, avec Antoine et celui-ci se tape également Cassandre la conjointe de Benjamin que j'ai embrassé dans un coin la semaine précédente!

Charles se drogue comme un défoncé et Benjamin a une relation très intense avec le concierge de l'immeuble. Je suis resté bouche bée devant ce surplus d'informations, et j'ai demandé une bière au barman pour me remettre les idées en place, mais celui-ci n'a évidemment pas réagi.

Me voilà donc, éberlué, mort, au comptoir d'un bar, en train de regarder les gens passer à côté de mon corps étendu sur le sol sans lui porter attention probablement parce qu'ils pensent que ce n'est rien d'autre qu'un gars trop saoul ou trop drogué pour se relever.

Lorsque l'endroit commence enfin à se vider, un employé m'aperçoit sur le plancher et me pousse à l'aide d'un balai.

— Allez, debout sale ivrogne! Retourne chez toi !

Comme il voit que je ne réagis pas, il s'approche pour me mettre sur le dos et le sang coule de ma tête. Reculant sous le coup de la surprise, il court avertir le gérant qui pour éviter les problèmes, fait jeter mon corps à l'extérieur dans la ruelle sans même appeler les secours.

Je tente de sortir du bar, sans succès, car je suis retenu ici par des murs invisibles. Je passe mes membres translucides au travers des dernières personnes présentent, mais aucune d'elles ne réagit.

— Je suis là !

Je fais des gestes débiles pour attirer l'attention, je crie et je tape des mains, mais rien ne fonctionne. J'essaie de faire bouger des objets, mais je ne peux en saisir aucun. Je suis désespéré. Je suis à jeun pour la première fois depuis des années et totalement désarçonné.