Chapitre 7

Liz s'éveille sous un lourd soleil, des rayons caressant son visage. Elle reste ainsi quelques minutes, savourant cet instant de calme avant la tempête. Malheureusement, la réalité la rattrape très vite, et avec elle la peur, l'appréhension, l'indécision. La veille, le sommeil l'a emporté sans même qu'elle ait le temps de réfléchir à ce qu'elle avait appris, mais à présent elle ne peut s'empêcher de se questionner. Étrangement, elle ne doute pas de ce que Mats lui a dit. En même temps, il y a bien trop de preuves qui montrent qu'il a dit la vérité.

Soudainement, elle a l'impression d'être un de ces héros des films, qui découvrent un beau matin qu'ils appartiennent à un univers plein de paillettes. Sauf qu'elle, son monde n'est pas plein de paillettes, mais plutôt de guerres. À ce que lui a dit le jeune brun, les Spectres sont un peuple sanglant, et ils n'hésitent pas à se battre.

« Évidemment, je ne pouvais pas tomber sur un endroit bien sympathique, plein de licornes et de fées, non, moi j'ai eu le droit à des fantômes et à des types louches vêtus comme des motards et qui suivent les gens, soupire-t-elle en son for intérieur. Franchement, la vie est injuste. »

Malgré tout, Mats n'a pas été méchant avec elle, loin de là, il a été étrangement compréhensif. Encore une chance qu'il ne soit pas trop insupportable, puisqu'ils vont devoir cohabiter pendant les prochains mois.

— Toc toc toc ! appelle une voix claironnante à travers la porte.

L'adolescente bondit hors de son lit, passe une main dans ses cheveux décoiffés pour les arranger un peu, avant de grogner en constatant que ça ne fait qu'empirer les choses. Abandonnant toute tentative pour arranger sa coiffure, elle ouvre la porte au jeune homme brun. Ce dernier lui adresse un sourire rayonnant et déclare  :

—  Salut ! J'espère que tu as bien dormi. En tout cas, le petit-déjeuner est prêt ! Si tu veux faire un brin de toilette avant, il y a une salle de bain, première porte à droite !

— Merci beaucoup, je vais prendre une douche rapide avant, répond Liz.

Elle trouve la porte indiquée et entre dans une pièce d'une dizaine de mètres carrés, comportant une douche à l'italienne et deux lavabos. Les murs sont noirs, donnant une allure sobre et chic à l'endroit, et sur celui en face se trouve un peignoir blanc, qui doit être le sien. Après s'être déshabillée, elle entre dans la cabine. Les commandes lui sont étrangères, si bien qu'elle se retrouve sous un jet d'eau glacée, avant de comprendre comment cela fonctionne.

Quelques minutes plus tard, elle ressort, les cheveux humides et les sèche avec un sèche-cheveux présent dans un tiroir, avant d'enfiler le peignoir. Il est très confortable et doux, et c'est presque à regret qu'elle s'habille d'un jean et d'un t-shirt blanc. À Paris, l'hiver règne, accompagné de pluies fréquentes, mais à New York, on se croirait en été et il fait une chaleur insoutenable.

Liz rejoint la salle à manger et voit Mats, assis au bar sur un haut tabouret. Elle s'installe à ses côtés et remarque un plateau posé en face d'eux, sur lequel reposent des dizaines de cubes. Ils font tous la même taille, mais leur couleur et leur texture sont différentes : certains sont dorés et semblent fondants, d'autres bruns paraissent aussi durs que de la roche... Perplexe quant à ce qu'elle voit, elle interroge le jeune Spectre :

— Heu... Qu'est-ce que c'est au juste ?

— Je te présente ton petit-déjeuner ! claironne l'adolescent. Tu as de tout, des croissants, des pancakes, du bacon, des crêpes...

— Mais pourquoi ils ont cette forme ?

— Et bien, ils sont densifiés.

— Et qu'est-ce que ça veut dire ? demande-t-elle, perdue.

— Qu'ils sont plus denses en nourriture qu'on y croirait. Un seul de ces cubes contient la valeur nutritionnelle d'un repas.

Étonnée, Liz fronce les sourcils. Elle ne comprend pas vraiment l'intérêt de faire ça, surtout qu'on ne peut pas profiter du goût et demande au Spectre la raison de cette forme.

— C'est une économie considérable de nourriture, explique-t-il. Les Hommes se nourrissent de façon démesurée et irresponsable, et d'ici une vingtaine d'années, ils manqueront encore plus qu'aujourd'hui de nourriture. C'est pour cela que les Spectres se sont tournés vers une alimentation durable, et, avec un petit coup de pouce de l'un de nos scientifiques, Rufo. Il a découvert comment rendre plus dense les aliments, mais s'est malheureusement suicidé.

Comme pour être respectueux envers le défunt, il s'arrête quelques secondes avant de poursuivre :

— C'est assez récent, d'ailleurs, une quinzaine d'années. Rufo était très jeune quand il a découvert comment faire, et je crois que c'était l'état du monde des Hommes qui l'a inspiré. Il a confectionné un générateur avec ce qu'il avait appris, encore utilisable de nos jours. Le Gouvernement s'en sert pour produire de la nourriture et fournir tous les habitants.

— Mais ce n'est pas un peu risqué d'en acheter ? Je veux dire, il ne risque pas de le remarquer ? s'inquiète la jolie brune.

— Normalement si, mais mon père a fait des stocks impressionnants de nourriture. Nous en avons pour des mois, voire des années, et je pense que c'était le but. Il savait qu'un jour ou l'autre, cet appartement accueillerait des fugitifs. Encore une chose que j'ignorais sur lui, conclut d'un ton amer Mats.

Ne sachant pas quoi faire pour le réconforter, Liz garde le silence et un malaise soudain envahit la pièce. Elle attrape finalement un cube doré au hasard et l'approche de son nez pour le sentir.

— Wouah, on dirait... du croissant ! s'exclame-t-elle, une expression surprise sur le visage.

Elle avait l'habitude d'accompagner sa mère à la boulangerie le week-end afin de faire les courses du petit-déjeuner. En tant que grande fan de viennoiseries, elle adorait goûter tous les plats du magasin, mais le meilleur était sans aucun doute le croissant. Aux anges, elle croque dedans avec enthousiasme et savoure le goût familier qui lui envahit la gorge. La texture onctueuse fond dans sa bouche comme du beurre et elle profite au maximum de ce pur instant de bonheur.

— C'en est, rit Mats. Les Spectres ont emprunté beaucoup de recettes aux Hommes, ils sont très doués en cuisine, bien plus que mon peuple.

Un sourire sur le visage, il se sert à son tour et prend un cube beige tacheté de brun, qu'il avale d'une seule bouchée.

— Bon, tu veux autre chose ? demande-t-il ensuite, l'air rassasié.

— Non merci, le croissant m'a largement suffi !

— Dans ce cas, suis-moi, je dois te montrer quelque chose de très important, lui intime avec un air mystérieux Mats tout en se levant.

Piquée de curiosité, Liz descend à son tour de sa chaise et le suit dans le couloir, impatiente de savoir de quoi il est question.

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