Chapitre 4
Lorsqu'elle entre dans la cuisine, Liz se retrouve nez-à-nez avec le jeune homme. Vêtu du même pantalon et de la même veste en cuir que le vendredi passé, il fait un bond en arrière en la voyant, semblant extrêmement surpris de la voir à cet endroit. Tremblante, mais s'efforçant de faire bonne figure, elle demande :
— Qui es-tu et que me veux-tu ?
Passée sa stupeur première, le fantôme répond d'une voix assurée :
— Tu ne devrais pas me voir.
Liz ne peut s'empêcher d'être déstabilisée et fronce les sourcils :
— Comment ça ? Tu es un fantôme ou quoi ? Si tu veux me convaincre, il va falloir trouver quelque chose de plus crédible.
— Et si je te dis que oui, je suis un fantôme, tu en penserais quoi ?
— Que j'ai un téléphone pour appeler l'asile, répond du tac au tac l'adolescente.
À sa grande surprise, le jeune homme esquisse un sourire en coin, très vite remplacé par une grimace. Il passe une main dans ses cheveux bruns et pousse un long soupir, l'air dépassé par la situation. Après quelques secondes d'un silence pesant, il reprend :
—Je suppose que je n'ai pas vraiment le choix. Si tu es toi aussi une Spectre alors ils ont dû te repérer.
— Écoute, tu pourrais parler français deux secondes ? Je ne comprends rien à ce que tu dis, et si ça ne te dérange pas, j'aimerais bien savoir ce qu'il m'arrive ! Je n'ai jamais demandé à devenir un alien qui voit rouge et bleu et qui a mal au crâne tout le temps ! lâche Liz.
— Tu as mal à la tête ? répète l'inconnu, l'air soudainement intéressé, avant de rajouter : désolé, c'est juste que je n'arrive pas à croire ce qui arrive.
— Moi non plus, figure-toi. Alors, si tu pouvais m'éclairer, ça m'arrangerait.
Il lui semble tout d'abord que le fantôme ne l'a pas entendu tant il met de temps à répondre. Finalement, il déclare :
— Bon, je n'ai pas vraiment le choix, je vais devoir te faire partir d'ici. Sinon, ils te trouveront.
— Comment ça, partir ? J'habite ici, au cas où tu ne le saurais pas.
— Bien sûr que si, je le sais et crois-moi, j'aimerais que ce soit plus simple, mais je n'ai pas le choix. Je te promets que je t'expliquerai tout dès qu'on sera parti.
— Tu penses sérieusement que je vais t'écouter ? Il est hors de question que je parte de ma propre maison ! Ils en penseraient quoi, mes parents ?
— Ils ne s'en apercevraient pas, répond simplement l'inconnu.
— Bien sûr ! Leur fille disparaîtrait et ils s'en ficheraient ! explose de rire Liz. Tu sais ce que c'est, des parents au moins ?
Cette conversation commence à l'énerver, surtout que le jeune homme en face n'a pas l'air décidé à lui dire de quoi il est question. Elle commence vraiment à avoir peur. Pas peur de lui, non, peur de ce qu'il lui arrive. Peut-être a-t-elle développé des super-pouvoirs ? Ou peut-être qu'elle est en train de se transformer en monstre mutant ?
Ok, il faut que je me calme, pense-t-elle. Je dois être fatiguée, c'est tout. Si je ferme les yeux, il ne sera sûrement plus là...
Priant de tout son cœur pour avoir vu juste, elle clôt ses paupières, compte jusqu'à cinq et les rouvre.
Il est toujours là.
Et surtout, il la regarde comme une idiote :
— Heu, ça va ? Tu as si mal au crâne que ça ? demande-t-il, hésitant.
— Non, c'est juste que tout ça paraît...
— Étrange ? Incompréhensible ? Tiré par les cheveux ? Si j'étais à ta place, c'est probablement ce que je penserais.
— Dans ce cas, tu pourrais me dire ce qu'il m'arrive ? S'il te plaît ? supplie Liz, lasse de ne rien comprendre.
— J'aimerais bien, mais on n'a pas le temps. Ils risquent d'arriver d'un instant à l'autre. Liz, il va falloir que tu me fasses confiance sur ce coup-là, et je te jure que je te dirai tout dès qu'on sera dans un endroit plus sûr ! On doit vraiment y aller, là !
— Il est hors de question que je suive un parfait inconnu dans un endroit tout autant inconnu.
L'adolescente attend des explications, mais celles-ci ne viennent pas. Le brun ferme les yeux et elle craint un instant de l'avoir énervé, mais son aura devient soudain rouge fluorescent. Il s'illumine ainsi durant quelques secondes, et quand ses paupières se rouvrent, il tend la main et un bocal apparaît à l'intérieur. Stupéfaite, elle recule de deux pas, commençant à sérieusement paniquer. Alors qu'elle s'apprête à fuir, il attrape le couvercle et l'ouvre.
S'élève alors une affreuse odeur sucrée qui emplit les narines de Liz. Elle tousse sans pouvoir s'arrêter et ses yeux lui semblent soudain lourds, très lourds. Ses jambes s'affaissent sous son poids et elle se retrouve à genoux. Elle bat frénétiquement des paupières pour tenter de rester éveillée, mais rien n'y fait. C'est comme si le sommeil l'attirait sans qu'elle puisse résister, comme si elle s'embourbait inextricablement dans des sables mouvants. Ses pensées sont confuses, ses sentiments paraissent appartenir à quelqu'un d'autre. Elle se sent partir, lentement mais sûrement, et dans un dernier élan de désespoir, elle lève les yeux vers le fantôme écarlate.
Ce dernier affiche un air terriblement coupable et est penchée au-dessus d'elle. Il murmure des choses qu'elle ne comprend pas, et, juste avant de perdre définitivement connaissance, une phrase se distingue des autres :
— Je suis désolé, mais je n'ai pas le choix.
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