Chapitre 3
C'est avec une insupportable sonnerie que se réveille la jolie brune, bien trop tôt à son goût. Elle se lève, se rince le visage puis va petit-déjeuner. À la cuisine, sa mère beurre un morceau de pain. Elle s'installe à sa place et fait de même sans trop y penser, l'esprit vagabond. Après quelques minutes dans le silence, sa petite sœur arrive telle une tornade et s'assoit. Charlotte a toujours été du matin et choisit de se lever plus tôt exprès quelques fois, ce qui est inconcevable pour Liz qui adore dormir.
— Alors, tu vas mieux, ma chérie ?
Il faut une dizaine de secondes à la jeune collégienne pour comprendre qu'on s'adresse à elle, avant de répondre :
— Oui, oui, je vous avais dit que ce n'était rien...
— Super, dit, soulagée, sa mère. Tu pourrais prendre des médicaments dans ton sac au cas où ?
— Oui, maman, acquiesce, plus pour la rassurer qu'autre chose, la jolie brune. Bon, je vais me préparer !
Désireuse de parler à ses amies des « apparitions », elle s'habille et prépare son sac en quatrième vitesse, attrape une paire de clés et sort de l'appartement. L'esprit occupé, elle ne pense même pas à mettre ses écouteurs et fait tout le trajet avec pour seule bruit ses pensées. La nuit passée ne semble pas avoir déterré de solution ou de réponse magique, et elle a peur de refaire une « crise » comme vendredi ou la veille.
« Peut-être que c'est juste ça, au fond, songe-t-elle soudain. Des sortes de crises qui provoquent des hallucinations. »
Un brin rassurée par cette idée, elle arrive bientôt près de la porte de l'école, devant laquelle attendent ses deux amies.
— Hey ! crie-t-elle.
— Salut ! répondent en cœur les deux adolescentes.
— Alors, comment s'est passé ton week-end ? Tu as pu réviser pour la physique ?
— Ça allait. Dites, je dois vous parler de quelque chose.
La jeune collégienne ne sait pas vraiment comment expliquer la situation à ses amies, et elle ne sait pas à quoi s'attendre comme réaction. Après tout, qui croirait à son histoire, qui semble sortir tout droit d'un livre ?
— Oulala ! rit Shemsy.
— Qu'est-ce qu'il y a ? l'interroge, perplexe, Liz.
— Tu as l'air très sérieuse ! Ça ne te ressemble pas vraiment.
— Je sais, mais il m'est arrivé quelque chose de bizarre.
Les élèves commencent à rentrer dans le bâtiment et les trois amies se retrouvent bientôt seules dans la rue. Le surveillant, Mr Silvhand, les regarde, l'air agacé, mais il leur reste quelques minutes avant que la sonnerie ne résonne.
— Vendredi soir, en rentrant, une voiture a failli me percuter, explique l'adolescente. Soudain, j'ai eu très mal à la tête, quelque chose d'atroce, comme si on m'ouvrait le crâne ! J'ai fermé les yeux, et quand je les ai rouverts, je voyais bizarrement, tout était flou... Et, à quelques mètres, il y avait un garçon brun... Deux secondes après, je n'avais plus mal, ma vision était normale et il avait disparu.
Durant quelques secondes, un silence pesant règne sur la rue, et Liz continue, mal à l'aise devant l'absence de réaction des deux filles.
— Je pensais que j'avais rêvé, mais au diner hier soir, j'ai eu de nouveau mal à la tête au moment du dessert. Ma vision est redevenue étrange, et j'ai revu le même garçon, qui, comme vendredi, a disparu juste après.
À mesure qu'elle parle, la jolie brune se rend compte du peu de crédibilité de son histoire. Mais elle n'a pas le choix, elle doit en parler à quelqu'un si elle ne veut pas devenir folle. Et puis, jamais Emma et Shemsy ne l'ont laissé tomber, elles trouveront sûrement une solution.
Seulement, lorsqu'elle achève son histoire et lève la tête pour scruter les réactions de ses amies, toutes deux se regardent, l'air sceptique. Elles semblent parler par télépathie et la métisse finit par l'interroger d'une voix peu sûre d'elle, ce qui est assez rare :
— Heu... Tu es sûre de ne pas en faire un peu trop ?
— Comment ça ? demande la collégienne sans comprendre.
— Ce qu'elle veut dire, explique Emma en venant au secours de son amie, c'est que c'est un peu... exagéré... Si tu as rencontré quelqu'un, pas besoin d'inventer des histoires aussi faramineuses !
— Vous pensez que je mens ?
— Non, mais tu en fais un peu des caisses. Tu n'es pas obligée de te la jouer aussi mystérieuse, tu sais ?
— Oui, dis-nous juste son nom et on sera contentes !
Leur réaction blesse profondément Liz, et elle vacille un instant, dévastée.
— Vous ne me croyez pas...
Plus qu'une interrogation, c'est une affirmation. Elle qui croyait que ses amies trouveraient aussitôt la solution et lui diraient ce qu'il se passe, voilà qu'elle a l'impression d'être piégée au fond d'un gouffre noir.
— Bon, ça va sonner, s'impatiente le surveillant, rompant le malaise qui s'est installé.
Sans dire un mot de plus, la jolie brune entre dans le bâtiment, suivie de ses deux amies qui échangent des regards étonnés.
La matinée s'écoule lentement, très lentement même, et Liz évite les deux filles. Ces dernières ne semblent pas comprendre ce qui lui arrive et tentent plusieurs fois de lui parler, mais elle part toujours. Après une heure d'histoire, durant laquelle le professeur explique à ses élèves l'architecture au Moyen-Age à grand renfort de constructions de crayons, elle range ses affaires et s'engage sur l'avenue pour rentrer chez elle. Le lundi, elle mange toujours à la maison, et ce jour-là encore plus que d'habitude, elle est contente de ne pas avoir à affronter la cantine.
Ses écouteurs dans les oreilles, elle marche, l'esprit en ébullition.
— Je n'arrive pas à y croire, souffle-t-elle tout haut. Elles pensent sincèrement que je mens. Mais ce n'est pas le cas, je n'invente rien ! Je dois leur prouver que ce que je dis est vrai.
Seulement, elle a beau se creuser la tête, elle ne trouve pas comment, jusqu'à ce qu'une idée surgisse dans son esprit.
— Minute. Et si j'essayais de retrouver le garçon ? Si elles le voyaient, elle me croirait enfin ! s'exclame-t-elle, toute excitée, oubliant qu'elle se trouve au milieu de la rue.
Un passant lui jette un regard réprobateur qu'elle ignore, trop heureuse d'avoir enfin trouvé quoi faire, et elle redouble de vitesse pour arriver chez elle. Elle grimpe les marches de l'escalier quatre à quatre, ouvre la porte à la volée et la claque derrière elle, sans considération pour les voisins.
Liz n'a que deux heures pour mettre son plan à exécution, alors elle met les pâtes à cuire avant de s'installer dans le salon. Les mains sur les tempes, elle s'efforce de se calmer et de ralentir sa respiration, avant de se remémorer de la sensation exacte du mal de tête. Quand elle la retrouve, elle lui paraît tout de suite plus réelle, et la douleur enfle, encore et encore, jusqu'à être la même que la veille. Se rappelant ce qui s'est passé, la jolie brune ferme les yeux, inspire un grand coup avant de les rouvrir.
Elle sait immédiatement qu'elle a réussi en voyant le salon d'une couleur bleutée. Ne souhaitant pas que sa vision redevienne « normale », elle tente de ralentir les battements de son cœur affolé et fouille la pièce du regard, à la recherche d'un adolescent aux cheveux en bataille. Quand elle aperçoit un étrange aura rouge émaner de la cuisine, elle s'approche d'un pas tremblant avant d'entrer brusquement.
Face à elle se trouve le jeune homme qui la hante.
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