Chapitre 2
Liz cligne plusieurs fois des yeux, comme pour s'assurer qu'elle ne manque pas quelque chose, mais rien n'y fait : le garçon brun a bel et bien disparu et sa vision est redevenue normale.
« Qu'est-ce qui s'est passé ? songe-t-elle, clouée sur place, le cœur battant à mille à l'heure. Je deviens folle ou quoi ? »
Avant qu'elle n'ait le temps de continuer à s'interroger, le conducteur descend de la voiture et se précipite vers elle :
— Mademoiselle, vous allez bien ? Dieu soit loué, vous n'avez rien ! C'est un miracle absolu !
Dépassée par ce flot de paroles et encore sous le choc de l'accident, Liz balbutie quelques mots hésitants :
— Heu... Oui, ça va...
— Vous êtes sûres ? Vous êtes blanche comme un linge !
— Je vais bien, insiste l'adolescente en reculant d'un pas. J'ai juste besoin de repos. Je ne suis pas loin de chez moi, ne vous inquiétez pas !
Et, avant que l'homme n'ait le temps de répondre, elle finit de traverser, l'esprit en ébullition.
« Est-ce que j'ai des hallucinations ? Il ne m'est jamais arrivé de choses comme ça, jusqu'à présent ! Peut-être ai-je rêvé ? »
Ne trouvant pas d'explication rationnelle, elle conclut intérieurement :
« Bon, ça doit être une hallucination, à cause du choc, rien de plus. »
Croyant à peine à ses propres paroles, elle enfonce ses écouteurs dans les oreilles et repart vers son appartement, se laissant avec soulagement être submergée par la musique, ses soucis s'évanouissant dans la mélodie.
Après encore une dizaine de minutes de marche, elle arrive devant son immeuble et saisit rapidement le code. En entrant dans la cour, la jolie brune respire quelques instants l'odeur apaisante des plantes, avant de monter les vieilles marches en bois de l'escalier. Ces dernières, en plus d'être irrégulières, grincent sous ses pieds, à tel point que si quelqu'un dans le bâtiment dormait, il est sûr d'être réveillé désormais.
Lorsqu'elle ouvre la porte de l'appartement familial, sa mère crie un vague « bonjour » de l'autre bout, et elle entre en souriant. Elle pose son sac, se dirige vers la cuisine et attrape une banane en guise de goûter, qu'elle déguste allongée sur son lit aux draps bleu ciel. Inlassablement, elle revit la scène de tout à l'heure, et plus elle se la repasse dans son esprit, moins elle a l'impression d'avoir rêvé. Les détails lui paraissent bien trop précis, le visage du garçon trop net pour l'avoir imaginé...
« Pourtant, je ne vois pas d'explication. Je n'ai jamais entendu dire que quand on avait peur, ou qu'on était surpris, on voyait le monde bizarrement et des garçons bruns partout, pense en souriant malgré elle la collégienne. »
Elle a beau retourner la situation dans tous les sens, aucune réponse magique ne survient, et elle finit par se résigner :
« Bon, même si je n'ai pas rêvé, cela ne doit pas être important. J'en parlerai aux filles lundi, peut-être qu'elles sauront me dire ce qu'il m'arrive. »
Puis, s'efforçant d'oublier sa mésaventure, elle va aider sa mère à préparer le repas.
Le week-end s'écoule bien trop vite aux yeux de Liz, et bientôt le dimanche soir arrive, avec l'école le lendemain. Bien qu'ils soient passés vite, ces deux jours de repos lui ont fait du bien, et elle ne pense presque plus à ce qui lui est arrivé vendredi.
— A table ! appelle sa mère depuis la cuisine.
L'adolescente s'empresse de la rejoindre et se lave les mains avant de s'asseoir à sa place. Son père la rejoint bientôt, habillé d'un vieux t-shirt et d'un jean, suivi de sa petite sœur. De deux ans sa cadette, Charlotte énerve soudain son ainée et cette dernière le lui rend bien.
— Ce soir, gratin d'aubergine !
Une femme d'une cinquantaine d'années arrive de derrière l'îlot américain, tenant entre ses deux mains un plat qu'elle pose sur la table. Ses cheveux sont étonnamment bouclés et attachés rapidement en queue-de-cheval.
— Alors, vous avez des interrogations cette semaine, les filles ? interroge l'homme.
— Une de français, un DST d'histoire et un QCM de physique-chimie, énonce la jolie brune en soupirant. Encore une semaine chargée...
— Au moins, tu seras prête pour le brevet. Si tu t'y mettais la dernière semaine comme certains, ce serait une catastrophe.
Le repas continue, mais quand le dessert arrive, une compote de pommes maison, Liz a soudainement affreusement mal à la tête. Il lui semble être revenu sur la route vendredi après-midi, ses yeux la brulent et son cœur bat à tout rompre dans sa poitrine. Les mains sur les tempes, elle tente de se calmer et clôt ses paupières, mais rien n'y fait, la douleur ne part pas.
— Liz, ma chérie, tout va bien ? demande une voix lointaine, l'air inquiète.
La jeune fille ouvre les yeux pour répondre et sent son cœur s'arrêter quand elle voit son champ de vision étrangement déformé. Ses parents ne sont plus que des spectres aux auras bleus aux voix lointaines, la table d'un gris morne... Mais le plus étonnant, c'est la silhouette écarlate qui regarde la scène du fond de la pièce, les yeux rivés sur Liz. Elle le reconnaît aussitôt : l'adolescent de la chaussée. Et quand leurs regards se croisent, une émotion qu'elle n'arrive pas à identifier vient hanter les prunelles noisette du jeune homme. L'instant d'après, tout est revenu à la normale. Même si c'est la deuxième fois que le phénomène se répète, la jeune collégienne est toujours aussi surprise, et ne comprend pas ce qu'il se passe.
— Liz, insiste sa mère, penchée au-dessus de son assiette, que se passe-t-il ?
— Heu... je... rien, juste un coup de fatigue, ment sans réfléchir la jolie brune, le cœur battant encore bien trop vite. Je vais aller me coucher, si vous voulez bien.
Et, sans même attendre de réponse, elle se lève brusquement et retourne dans sa chambre d'un pas rapide, ne voulant pas inquiéter ses parents. Soulagée qu'ils ne la retiennent pas, elle ouvre la porte à la volée et s'allonge sur son lit, les yeux levés sur le plafond.
« Qu'est-ce qui m'arrive ? J'ai vraiment l'impression de devenir folle... J'ai des hallucinations ou quoi ? Et le jeune homme, je ne l'ai jamais vu, alors pourquoi il me parait si net, si précis ? »
Après un long débat intérieur, elle se rend à l'évidence :
« De toute façon, je n'ai aucune preuve. Il faut que j'attende, pour voir si ça passe. Peut-être que c'est le stress, après tout ? Si ça se trouve, ce n'est rien d'important, et je me fais des films pour rien, et dans une semaine ce ne sera qu'un mauvais souvenir ! «
Liz, éreintée, écarte ses pensées, se lave les dents rapidement avant de se coucher et de s'endormir, priant pour que ces étranges phénomènes cessent.
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