Chapitre 12
Les jours suivants s'écoulent lentement, dans l'attente que Mats donne le feu vert pour entrer en contact avec la Résistance. Liz passe ses journées à lire ou à s'exercer à la pratique de la téléportation : désormais, elle réussit à le faire d'un bout à l'autre de l'appartement, tout comme elle peut invoquer des objets qui se trouvent dans d'autres pièces.
Mais malgré ces petites victoires, elle s'ennuie à mourir et rêve de sortir, ne serait-ce que pour quelques minutes. Elle qui protestait quand sa mère voulait l'emmener se promener se surprend à regretter le temps où elle était libre de faire ce qu'elle voulait. Le mieux qu'elle puisse faire est de regarder par la fenêtre. Parfois, elle reste ainsi de longues minutes à observer ce qui se passe et va jusqu'à lire accoudée aux barreaux de protection pour profiter de l'air frais.
— Est-ce que je reverrais un jour ma famille ? Est-ce que je pourrais retourner à l'école, revoir mes amis ? Est-ce que ma vie redeviendra un jour comme avant ?
Sans réellement s'en rendre compte, elle a posé ses questions à voix haute, comme pour recevoir une réponse. Toutes ces interrogations qu'elles gardent pour elle la rendent folle, et elle se sent de plus en plus étouffée et compressée. Elle vit au jour le jour, dans la crainte que le Gouvernement la retrouve, la capture et la torture... voire pire.
Rien qu'à cette idée, elle frissonne. En bas du haut immeuble, les voitures se succèdent, toutes grises, et elle se surprend à regretter le temps où elle voyait « normalement ». Elle pensait sa vie compliquée à cause des trop nombreuses évaluations, des disputes avec ses amies, des activités avec sa famille, mais désormais elle se rend compte à quel point elle était simple.
Elle ne se levait pas le matin avec la peur lui nouant le ventre à l'idée d'être découverte. Elle ne passait pas ses journées enfermée à attendre un moment qui n'arriverait peut-être jamais. Elle n'était pas seule avec un quasi-inconnu, elle avait une famille, des amies et des passe-temps. Tout ce qui lui paraissait si banale, elle en rêve désormais.
Mais les rêves sont faits pour être rêvés. Ils ne sont pas faits pour être réalisés, et si c'était si simple d'y parvenir, il ne serait plus des rêves, mais des réalités.
« J'y arriverais. Je sortirai de cette épreuve, et j'aurais la chance de vivre pleinement. Peu importe si ça prend un mois, un an ou dix ans, j'y arriverais. »
— Liz ?
Cette dernière fait volte-face, effrayée et voit avec soulagement Mats. Il la regarde, un sourcil levé et la tête penchée, l'air de ne pas comprendre. Si le moment n'était pas si sérieux, elle aurait éclaté de rire devant sa grimace comique. Elle se contente cependant de sourire légèrement, avant de répondre avec une mine contrite :
— Désolée, j'étais perdue dans mes pensées. Il y a un problème ?
— Je t'ai appelé plusieurs fois, je voulais te parler ?
— C'est-à-dire ? Tu as trouvé autre chose ? l'interroge-t-elle, les yeux pétillants et brillants d'enthousiasme.
— Non, justement. J'ai retourné tout l'appartement, fouillé tout ce que j'ai trouvé et tous les livres de la bibliothèque, mais j'ai l'impression que le carnet que je t'ai montré est la seule piste valable que nous ayons.
Son ton léger ne masque pas son anxiété. Il paraît très nerveux à l'idée de prendre des risques, rappelant une fois de plus ses parents à l'adolescente. Néanmoins, elle le comprend : il ne s'agit pas d'une blague, mais de la réalité.
— Alors...
— Oui. Je vais aller les rencontrer.
Durant un bref instant, la jolie brune sent son cœur se gonfler de joie à l'idée d'enfin quitter cet appartement, certes confortable, mais quand même étouffant à la longue. Seulement, cet élan de bonheur disparaît bien vite quand elle comprend le sens de la phrase. Espérant avoir mal entendu ou mal compris, elle répète :
— Je ? Tu veux dire nous, pas vrai ?
— Écoute, Liz, je suis désolée, mais il serait trop dangereux que tu m'accompagnes. On ne peut pas courir le risque qu'ils te voient avant de s'être assuré de leur honnêteté. J'ai moins de valeur que toi, s'ils me capturent et me livrent au Gouvernement, il me suffira de dire que j'étais anéanti par la mort de mon père et que ça m'avait fait dérailler.
— Mais s'ils t'emprisonnent, je n'aurai plus personne ! Et qu'est-ce que je pourrais faire seule ? Autant me faire capturer.
— Il y a des rations de survie pour des années entières dans cet appartement. Et puis, en admettant que je me fasse prendre, je trouverais toujours un moyen de revenir, ou de t'en faire parvenir d'autres.
— Comment tu peux dire ça ? Tu ne peux pas partir et me reléguer comme ça au second rang, c'est de moi qu'il s'agit ! Il n'est pas question que j'attende ici tranquillement pendant que tu vas rencontrer la Résistance ! s'insurge l'adolescente.
Elle fronce les sourcils, hors d'elle à cette simple idée. Sa voix s'élève dans les aigües, mais Mats ne cède pas. Il est aussi sûr de lui qu'elle l'est, et elle sait très bien qu'il ne lâchera pas l'affaire.
— Liz, ça n'a rien à voir. Bien sûr que je préfèrerais que tu viennes, simplement, c'est une question de logique. Je te promets de revenir et de t'y emmener plus tard, ce n'est l'affaire que de quelques heures. Au dîner, je serais revenu et je te raconterais tout.
— Donc tu veux partir... maintenant ? l'interroge sans comprendre la jolie brune.
— Le plus tôt sera le mieux. Tu peux manger ce que tu veux au déjeuner, te détendre cet après-midi, prendre un bain. Avant même que tu t'en rendes compte, je serais rentré.
— Tu penses sérieusement que je vais réussir à me détendre ? s'énerve encore une fois l'adolescente. Mats, j'ai tout sauf envie de ça, surtout si je sais que tu rencontres une bande de hors-la-loi potentiellement dangereux !
— Liz, ce n'est pas à toi de choisir ! C'est la vraie vie, ici, et si je t'avais écouté, on serait déjà morts, ou pire, emprisonnés par le Gouvernement !
— Comment oses-tu dire ça ? Tu sais très bien que je fais de mon mieux, tu dois me comprendre.
Son ton se brise malgré elle, et les larmes lui montent. Les paroles de son ami lui brisent le cœur, et elle sait qu'elle risque de craquer.
— Écoute, je suis désolé. Ce n'est pas du tout contre toi, c'est juste une question de survie. On en parlera à mon retour, d'accord ? Là, je dois vraiment y aller.
Incapable d'ouvrir la bouche sans éclater en sanglots, Liz hoche la tête, les lèvres pincées. Mats s'attarde un instant sur ses yeux brillants et semble prêt à dire quelque chose, avant de se raviser. Il se retourne et se dirige vers l'entrée. Quand il revient, un manteau passé à la va-vite sur ses épaules, il lui adresse un léger sourire et lui dit :
— J'y vais, ne t'inquiète pas, je serai très vite de retour. À tout à l'heure !
Avant qu'elle ne puisse le retenir, il ferme les yeux, se concentre et disparaît.
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