Chapitre 11

Depuis qu'elle a découvert la bibliothèque, Liz passe presque tout son temps à lire. Elle qui n'avait plus le temps de lire depuis son entrée en quatrième, la voilà servie. Au milieu de tous les fragments se trouvent heureusement quelques livres humains qu'elle dévore les uns après les autres, tâchant de ne pas sombrer dans l'ennui.

Cela est de plus en plus dur depuis qu'elle passe ses journées seule. Mats épluche tout ce qu'il trouve comme supposé indice et reste enfermé dans le bureau de son père. Elle ne le voit plus qu'aux repas et il lui manque un peu, mais après tout, il n'a pas le choix. Malgré le calme temporaire qui semble couver sur l'appartement, elle sait qu'il ne pourra pas durer indéfiniment et qu'un jour, ils seront forcés de sortir au grand jour.

En préparation, elle s'exerce aux techniques d'influence spectrale, afin de rattraper son retard considérable. A sa plus grande surprise, elle se débrouille assez bien et maîtrise très rapidement l'invocation ainsi que la téléportation, du moment que ce ne soit que l'histoire de quelques mètres. L'adolescente craignait au début d'être repérée si elle les utilisait, mais son ami lui a appris que des dissimulateurs empêchait les signaux spectraux de s'échapper de l'appartement, les rendant ainsi indétectable.

Chaque soir au dîner, Mats lui demande ce qu'elle a fait de sa journée et elle lui raconte ses entrainements et ses lectures. Lorsqu'elle l'interroge en retour sur ses possibles découvertes, il répond la plupart du temps par « J'avance » ou un « Je suis sur la bonne piste ». Mais après trois semaines passées dans ce fragile équilibre, elle n'y croit plus. Aussi, lorsqu'il lui annonce avoir trouvé quelque chose, elle croit tout d'abord avoir mal entendu :

— Tu as trouvé quelque chose ? répète-t-elle stupidement.

— Oui, c'est ce que je viens de dire ! rit le jeune Spectre. Quelque chose de très important même...

Le ton mystérieux qu'il utilise énerve au plus haut point Liz, qui a vu sa patience diminuer drastiquement au cours des dernières semaines à force de faux-espoirs et de déceptions. N'étant pas d'humeur à rire avec lui, elle le fusille du regard et son sourire disparaît bien vite. Il ferme les yeux quelques instants et un carnet en cuir apparaît dans ses mains. Il le tend à son amie qui le prend. Elle examine sa couverture qui est d'un brun tout à fait banal, mais est surprise en l'ouvrant.

— Il y a des choses écrites !

« Si un humain me voyait, il me prendrait pour une folle à m'étonner de voir des pauvres lettres noires sur des feuilles blanches, alors qu'un Spectre réagirait de la même manière. Plus le temps passe, plus je leur ressemble » se rend compte l'adolescente avec amertume.

Tentant d'oublier le goût amer qui lui remplit la bouche, elle se tourne vers Mats et lève un sourcil, l'air de demander une explication. Ce dernier récupère son carnet avec son éternel sourire et déclare, l'air fier :

— C'est parce que c'est un carnet humain, avec de la vraie encre ! Je t'ai déjà dit que les Spectres pouvaient retracer nos auras et nos influences, puisqu'elles sont toutes différentes. Or, si cet endroit échappe aux détecteurs du Gouvernement, notre demeure familiale était surveillée. Mon père avait des affaires à ton sujet dans presque toutes ses demeures, et il ne pouvait courir le risque que quelqu'un tombe sur ce cahier en remontant son influence.

— Malin, acquiesce Liz. Mais qu'y a-t-il dans ce carnet pour qu'il soit si important ?

— L'adresse d'une place publique de Bruxelles. J'ai dû fouiller, mais j'ai fini par trouver pourquoi elle y est.

— Et alors ? demande-t-elle, incapable de se retenir.

— C'est sur cette place que s'effectuent les recrutements pour la Résistance.

— Il y a une Résistance chez les Spectres ?

Mats hoche la tête, fier de son effet. L'adolescente, elle retombe en arrière et se cogne la tête contre le dossier. Avec un grognement de douleur, elle se frotte le crâne, toujours surprise. Elle n'en revient pas et reste silencieuse quelques instants, avant de l'interroger :

— Mais pourquoi on ne la rejoint pas ? Elle est sûrement plus puissante et doit avoir plus de moyens que nous ! Et puis, si ton père a son adresse, peut-être qu'il collaborait avec elle.

— À vrai dire, je n'en avais jamais entendu parler jusqu'à aujourd'hui. Je pensais que ce n'était qu'une rumeur qui circulait. Avant la mort de mon père, je n'avais aucune idée de tout ce qu'on nous cachait et de toutes les injustices de notre monde. Je ne m'intéressais pas vraiment à ce type d'activités, j'étais encore assez naïf pour croire en la perfection de notre peuple.

Sa dernière phrase est pleine d'amertume, chose compréhensible étant donné qu'il a vécu quinze ans dans le mensonge.

— Je te rappelle que j'ai passé quatorze ans à croire que j'étais humaine, tente de le réconforter Liz. On fait une belle équipe, tous les deux.

Son intervention fait sourire Mats. L'air rasséréné, il reprend d'un ton plus assuré :

— Comme tu l'as dit, il serait intéressant d'entrer en contact avec eux, au moins pour savoir s'ils disposent de renseignements à ton sujet qui pourraient nous aider. Après tout, ne dit-on pas que les ennemis de nos ennemis sont nos amis ? Je ne sais pas si une collaboration serait possible, cela dit. Ils pourraient toujours choisir de nous livrer ou nous utiliser, alors il vaut mieux être prudent et ne pas se précipiter.

La jolie brune a l'impression d'entendre ses parents lui dirent de faire attention. Frustrée, elle retient malgré elle un soupir et l'interroge, curieuse d'en savoir plus :

— Et qu'est-ce qu'on sait sur cette Résistance exactement ?

— Pas grand-chose, à vrai dire. D'après le peu d'informations que nous avons, ils seraient dirigés par un homme se faisant appeler « le Princeps ». Ce serait lui qui déciderait quoi faire, ce qui signifierait que notre présence dépendrait de sa bonne volonté. Elle compterait plusieurs centaines de membres, et ce serait une véritable communauté dans laquelle des familles entières vivraient. Ils sont aussi très secrets, et il est extrêmement dur d'obtenir des renseignements à leur sujet. Mon père a dû user de ses relations et faire des pieds et des mains pour avoir cette adresse. Comme tu l'as dit, il est possible qu'ils aient collaboré.

— Dans ce cas, nous devons les rejoindre ! Ils sont les plus à même de nous aider.

— C'est dans mes projets, à vrai dire, mais j'aimerais d'abord voir si nous avons d'autres informations. Il me reste de nombreux carnets à fouiller.

— Et combien de temps penses-tu que cela prendra ? l'interroge Liz, les yeux brillants d'enthousiasme.

— Peut-être une semaine, peut-être plus, peut-être moins, je n'en ai aucune idée. En attendant, tu dois continuer à t'entrainer à maîtriser tes pouvoirs, il vaudrait mieux être prêt à tout.

— Comme tu veux, soupire-t-elle en baissant la tête.

— Je suis désolée, je sais que c'est long, mais je veux prendre le moins de risque possible. Notre survie en dépend peut-être.

— Tu as raison.

Malgré tout, l'adolescente ne peut s'empêcher d'être déçue : elle qui pensait voir le bout du tunnel à l'impression d'être dans un souterrain sans fin.

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