Chapitre 19

Harry

« Comment ça s'est passé ? »

Harry ferma la porte derrière lui et retira son blazer, le laissant pendre sur le dossier du canapé. Il faisait tellement chaud dehors pour porter plus qu'une couche de vêtements – pour des vêtements tout court, selon l'avis de Harry. Mais pour un entretien d'embauche, il n'avait pas vraiment d'autre choix que d'avoir l'air d'un jeune diplômé apte à être engagé qui savait comment s'habiller convenablement pour le travail.

Niall le regarda, une guitare posée contre son torse, les doigts de sa main gauche toujours placés sur les cordes, même s'il ne faisait que regarder Harry avec l'air d'attendre une réponse.

« Super bien, en fait, » admit Harry. Il déboutonna sa chemise jusqu'à la moitié et s'assit sur le canapé à côté de lui, détendant ses muscles. Il était soulagé d'être chez lui après une matinée pleine de stress à se tracasser pour son CV et à se demander quelle était la meilleure façon de se vendre devant des adultes professionnels.

« Tu penses que t'auras le boulot ? » Niall commença à gratter une douce mélodie avec ses doigts et Harry l'observa, réfléchissant.

« Eh bien, » commença-t-il, puis il s'arrêta. L'entretien n'aurait pas pu mieux se passer, en toute honnêteté, et le boulot en lui-même était une parfaite entrée en matière, quelque chose qui aurait l'air bien dans son CV quand il voudrait passer à quelque chose de plus grand. C'était juste un poste de relecteur, le genre de chose pour laquelle il aurait pu postuler n'importe où, mais ils adoraient Harry ; ils lui avaient pratiquement offert le poste sur le champ, le message ressortant à travers les formalités étant qu'ils lui donneraient des nouvelles lundi.

« Je pense que je vais l'avoir, ouais, » dit-il finalement. Il ne voulait pas vraiment dire la prochaine partie mais il n'était pas sûr de pouvoir regarder Niall dans les yeux sans l'admettre. « Mais je sais pas. »

Niall savait qu'il avait quelque chose de plus à dire et il lui donna un coup de coude dans les côtes. « Quoi ? »

« Tu dois être honnête avec moi, » dit Harry, se tournant pour faire face à Niall, qui cessa de gratter ses cordes pour le regarder droit dans les yeux. L'expression sur son visage disait qu'il le serait évidemment.

« A quel point ça craint pour moi de vouloir, genre. » Harry déglutit et baissa ses yeux, appuyant sa langue contre sa joue pendant une seconde. « Ne pas prendre le job à cause de, genre. »

« Bon Dieu, mec, crache le morceau. »

« A cause de Louis. »

Niall pencha sa tête sur le côté puis rigola, il détourna ensuite le regard et continua à rire jusqu'à ce que ses épaules soient secouées, se pliant en deux contre sa guitare.

« Quoi ? » Harry pinça son bras.

« Rien. Je l'avais juste vu venir. »

« Eh bien, alors. Réponds-moi. » Harry fronça des sourcils, frustré, ce qui fit à nouveau glousser Niall. Il était vraiment curieux, cependant, parce qu'il n'était pas entièrement sûr de si c'était ou non une bonne idée de refuser une très bonne opportunité en Californie en espérant que Louis veuille toujours de lui une fois qu'il serait à New York, même si cette idée lui envoyait un frisson d'excitation dans tout le corps. Ça devait être écrit sur son visage parce que Niall lui lança un regard triste.

« T'as déjà fait ton choix, mon pote. Ce n'est pas comme si tu démangeais au milieu de nulle part, tu vois. Genre, New York est énorme, non ? Pleine d'opportunité. »

« J'ai juste l'impression que c'est tellement primitif de ma part, tu vois ? Genre, c'est tellement cliché d'abandonner ta vie à un endroit et déménager à l'autre bout du pays pour être avec quelqu'un, » Harry passa une main à travers ses cheveux, les ébouriffant.

Niall le regarda de façon incrédule, grattant un accord au hasard et semblant de mauvais augure. « Et t'es à peu près aussi cliché que ça l'est. C'est drôle, non ? »

Harry lui lança un regard noir qui sembla plutôt amuser Niall, coinçant son médiator dans le manche de la guitare, sous les cordes, et la posant pour pouvoir se rapprocher de Harry avec ses avant-bras croisés sur ses genoux.

« Ecoute. Tu l'aimes et tu veux être avec lui, c'est aussi simple que ça. Arrête d'essayer de compliquer les choses. Si ça ne fonctionne pas à New York, tu peux toujours revenir ici. »

Harry se figea avant même que Niall ne finisse de parler, se raidissant sur le canapé et ouvrant sa bouche pour protester. Le truc était que, peu importe à quel point il essayait de former les mots sur ses lèvres, rien ne sortit.

Niall faisait une sacrée supposition et Harry n'arrivait même pas à lui dire que, non, ce n'était pas vrai. Il n'avait jamais autorisé la perspective de l'amour à entrer dans sa périphérie avant, mais soudainement ça clignotait partout dans sa tête et il ne put s'empêcher de se demander si tout le monde s'en était rendu compte avant lui. Quelque part en cours de route, entre les côtes et les draps, il avait craqué pour Louis et ça pourrait très bien déjà être un secret dévoilé que personne ne s'était donné la peine de lui faire savoir.

« Merde. Tu ne lui as pas encore dit, hein ? » Les sourcils de Niall s'haussèrent tellement haut que Harry était convaincu qu'ils avaient peut-être atteint l'arrière de sa tête.

« Putain, non. J'y ai même pas... j'y avais même pas pensé. »

C'était étrange parce que, généralement, il aimait en quelque sorte tout le monde et il se sentait momentanément amoureux de la majorité des personnes qu'il rencontrait, ou du moins le concept, mais toute la notion d'être amoureux était quelque chose d'entièrement nouveau pour lui. Il ne l'avait jamais vraiment ressenti jusqu'à Louis et ce n'était pas du tout comme l'image idéalisée de l'amour qu'il s'était fait dans sa tête. Ce n'était pas un sentiment étourdissant, parfait, un remède à tout. C'était rugueux et bon, c'était comme tous ces moments qu'ils avaient partagé s'installant en lui et le désir pour plus de ces moments.

« Eh bien, c'est le cas ? »

Harry n'eut pas besoin de dire un seul mot. Son silence réussit à le faire pour lui et Niall s'installa confortablement au fond du canapé, le regardant durement avant de faire un sourire en coin.

« J'suppose que je ferais mieux de commencer à chercher un nouveau coloc', hein ? »

« Ne vas pas plus vite que la musique, » rouspéta Harry, malgré le fait qu'il se sentait presque enthousiaste par toute cette nouvelle information. Pour la première fois depuis qu'il s'était rendu compte qu'il avait de sérieux sentiments pour Louis, tout semblait possible, réalisable, à portée de main, et il n'en avait pas peur.

« Est-ce que je peux être ton témoin ? Mon oncle est traiteur, il te fera une bonne remise sur le filet mignon. »

Harry attrapa l'un des coussins derrière lui et le lança sur sa tête.

**

Ça lui resta en tête pendant le reste de la journée. L'amour. L pour La façon dont tu me regardes. L pour Louis. L pour la seule lettre qui ne s'était pas effacé de son horrible bracelet venant de leur promenade sur la côte. L pour la lettre que Louis avait dessiné sur son poignet pendant cette soirée dans son jardin.

L pour La façon dont Harry avait sans aucun doute perdu la tête.

**

Pendant les trois semaines suivantes, l'esprit de Harry fut encombré, débordant presque avec un tas de merde qu'il ne se sentait pas vraiment prêt à affronter à tout moment, encore moins dans la quantité de temps qui lui était donné.

C'était un moment délicat pour se rendre compte qu'il était amoureux de quelqu'un qu'il avait étiqueté comme un plan cul pendant toute une année. Il n'était pas sûr de comment il était supposé s'occuper de ça en plus des examens finaux, en plus de la remise des diplômes et en plus de devoir dire au revoir à la vie qu'il avait, très confortablement, vécu depuis quatre ans à présent. Harry se jugeait être temporaire, adaptable, pas pointilleux sur son environnement, mais il y avait quelque chose d'absolument dévastateur quand il pensait à la finalité de tout ça. Chaque pas à travers chaque couloir semblait être un au revoir pendant la dernière semaine avant la remise des diplômes, et ça pesait sur lui quand il voyait Niall débarrasser sa chambre. Le voyage dans le passé qu'il faisait quand il emballait tout ce qui lui appartenait n'aidait probablement pas.

Il y avait sa situation professionnelle, également, ce qui était le pire de tout. Ça déciderait si à la fin il prenait ou non le boulot à Santa Barbara ou s'il déménageait à nouveau sur côte Est pour travailler à New York et – il espérait, parce qu'il ne lui en avait même pas encore parlé – être avec Louis dans une certaine mesure.

C'était le sujet de conversation de chaque semaine d'intégration auxquelles il avait participé, cependant heureusement que le but de ces choses semblait être 'défoncez-vous autant que possible la gueule avec vos professeurs,' donc les gens déblatéraient sur l'économie et se disaient les uns aux autres que ça allait bien se passer pour eux puis ils portaient des toasts à eux, à la promotion deux-mille-treize, à leur futur diplôme.

La cérémonie était un jeudi et une chose était sûre pour lui, sa famille serait là le mercredi matin et Louis également. Ils iraient dîner puis Harry porterait son chapeau et sa robe jeudi matin et il en aurait fini avec tout ça, enfin. Il en aurait fini avec ce au revoir traînant à son expérience universitaire.

Mardi, il se réveilla avec une gueule de bois particulièrement impressionnante après avoir fait un karaoké jusqu'à trois heure du matin au barbecue des étudiants en anglais, comme ça avait été assez drôlement nommé. Ça s'était transformé en quelque chose d'un peu plus que ça, et si le téléphone d'Harry n'avait pas été en train de vibrer sans arrêt sous son oreiller, il aurait dormi pendant toute la journée comme il l'avait espéré.

« Euh ? » dit-il dans son téléphone, les yeux toujours fermés.

« Harry ? »

« Lou ? »

Il rigola. « T'es réveillé ? »

Harry bailla et se redressa, clignant des yeux et éclaircissant sa gorge pour essayer d'avoir l'air d'une personne vivante. « Ouais, j'suis debout. Ça va ? Qu'est-ce qu'il y a ? »

« J'suis en train de regarder la chaîne météo, » dit Louis, et Harry fronça ses sourcils parce que, eh bien.

« Quoi ? »

« Ouais, et ils disent qu'une sorte de tempête de vent est prévu à Santa Barbara, est-ce que t'en as entendu parler ? »

Harry se leva et commença à sortir de sa chambre pour se diriger vers l'entrée de son appartement, collant son visage contre la fenêtre. « 'Y a rien du tout, » marmonna Harry. « J'suis sûr que tout ira bien. Qu'est-ce que tu fais ? T'as déjà fait tes valises ? »

« Ouais, mais genre, tu peux vérifier, pour moi ? Ils disent que les lignes électriques tombent et je sais qu'il y en a une juste devant chez toi. »

Harry ne savait pas s'il avait vraiment seulement la gueule de bois ou si la demande de Louis était inhabituellement vigilante, mais il était trop fatigué et Louis était trop convainquant pour ne pas être cru. Alors il marmonna son accord et ouvrit la porte d'entrée, sortant en ne portant rien d'autre que son boxer.

C'était une magnifique journée ensoleillée. Il n'y avait pas de vent. Un oiseau gazouilla près de sa tête puis s'envola.

« Louis, le temps est foutrement parfait dehors. »

Il put l'entendre rire à travers le téléphone puis il put l'entendre réellement rire, et ensuite il put entendre Niall rire à l'intérieur. Harry se retourna et il y avait Louis. Il laissa tomber son téléphone sur le sol et jeta ses bras autour de lui, son cœur battant à la chamade.

« C'est quoi ce bordel ? » demanda-t-il rigolant dans les cheveux de Louis. Il savait qu'il devait sentir l'alcool et son haleine matinale mais il s'en ficha et embrassa l'énorme sourire de Louis, tenant son visage et jurant que c'était le meilleur remède au monde contre la gueule de bois. « T'es venu plus tôt ? J'étais genre... mais de quoi il parle avec son vent, putain, » Harry rigola et fit un pas en arrière pour le regarder, le détaillant. « Bon Dieu, salut, t'es magnifique. »

« Salut, » rit Louis, le meilleur son au monde, puis il caressa ses bras. « J'ai pensé venir un peu plus tôt pour t'aider à faire tes valises. Te regarder les faire, » ajouta-t-il en haussant ses épaules. Il se mit à nouveau sur la pointe des pieds pour embrasser le menton de Harry. « Tu sens le gin. »

« J'ai bu, » admit Harry, gardant son bras autour de lui alors qu'ils rentraient dans l'appartement. Niall était sur le canapé et Harry ne pouvait pas s'empêcher de sourire. Il tenait Louis comme s'il était son sujet d'exposé pour un cours. « Niall, Louis est là ! »

Niall enfonça une énorme cuillère de Lucky Charms dans sa bouche et hocha de la tête. « Je sais, » dit-il avec la bouche pleine. « Salut, Louis. »

Louis lui fit un signe de la tête et Harry les regarda à tour de rôle. « Tu savais ? Tu savais qu'il venait ? »

« Euh, ouais, » dit Niall en rigolant, posant son bol pour pouvoir taper dans le poing que Louis lui tendait. « On fait une fête aujourd'hui. J'lui ai dis qu'il pouvait pas louper ça. »

« Niall ! » Harry rayonna, lâcha Louis pour pouvoir s'accroupir et déposer un baiser humide sur la joue de Niall, puis un autre jusqu'à ce qu'il se débatte pour lui échapper et dise quelque chose à propos de ces céréales se détrempant.

Normalement, il l'aurait tapé à l'épaule de lui avoir caché une aussi grosse surprise ou d'avoir joué les cupidons, dans un sens, mais Harry ne ressentait rien d'autre que de la gratitude pour peu importe ce qu'il avait dit pour faire en sorte que son boy soit là vingt-quatre heures plus tôt que prévu. Même avec la fête et le fait qu'il allait y avoir une horde de personnes dans leur apparemment dans quelques petites heures, c'était extrêmement agréable d'avoir Louis pour lui, avant que sa famille n'arrive et que son attention ne doive être divisée équitablement entre tout le monde.

Tous les préparatifs pour la fête avaient déjà été faits, mettre en place les bols et la grande quantité d'alcool qu'ils avaient acheté n'allait pas prendre plus de quinze minutes avant l'arrivée des invités. Harry regarda donc Louis de façon taquine, enveloppant une main autour de chacun de ses poignets et reculant pour se diriger vers la chambre.

Niall roula des yeux, jetant un coup d'œil dans leur direction avant de retourner immédiatement à ses céréales, parce que rien que l'idée des deux en train de se retrouver pour une baise de salut-tu-m'as-manqué-ne-pars-plus-jamais dans l'autre pièce était assez pour faire décroître son intérêt pour la nourriture.

« Merde, mettez au moins de la musique. Je me suis toujours pas remis de vous deux baisant comme des lapins la dernière fois que Louis était là, » cria-t-il.

Harry se moqua de lui mais ce fut extrêmement inefficace parce qu'il avait déjà ses lèvres fermement pressée contre celles de Louis, s'ouvrant sous l'attente de plus. Il ne fallut qu'une demie seconde une fois qu'ils furent derrière la porte fermée de la chambre pour qu'il accule Louis contre elle.

Ça avait été trop long, ça semblait toujours trop long et tout semblait un peu différent cette fois, par défaut. Il voulait s'y accrocher et, pensa-t-il, peut-être que ça pourrait arriver. La façon dont Louis l'embrassa, passionnément, à bout de souffle et comme s'il s'était contenu depuis la derrière fois seulement pour enfin tout laisser sortir, rendait difficile le fait de ne pas croire que c'était exactement comme ça que les choses devraient être.

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