Chapitre 12
Louis
Pas grand-chose n'était traditionnel dans le foyer des Tomlinson. Après que son père fut parti, alors que Louis n'avait même pas encore appris à rouler à deux roues, il avait fait tout ce qu'il pouvait pour aider sa mère à s'en sortir, racontant des blagues pour essayer de la faire sourire quand il pouvait dire que leur situation la pesait. C'était seulement eux deux contre le reste du monde jusqu'à ce qu'elle épouse Mark, puis ses sœurs avaient commencé à arriver. Même alors, ils n'étaient toujours pas la famille la plus typique et ils n'essayaient pas d'impressionner quiconque ou de jouer selon les règles ordinaires.
Cependant, Thanksgiving avait toujours été la fête préférée de sa mère, et chaque année elle insistait sur le fait qu'elle devait se dérouler de la façon la plus idéaliste et cinématique possible.
Louis y était habitué – toute sa famille n'avait pas d'autre choix que de l'être, vraiment – mais il appréciait toujours l'effet de surprise en entrant dans la maison où il avait grandi, accablé par l'odeur de tartes en train de refroidir sur le comptoir et de la dinde toujours dans le four. La salle à manger était décorée avec une décoration de table qui semblait être tout droit sortie de la couverture d'un magazine Martha Stewart et, connaissant sa mère, elle l'était probablement. C'était le genre de soucis du détail que Louis prenait pour acquis quand il était trop jeune pour se soucier d'autres choses que les vacances scolaires et d'aller jouer au football avec ses amis avant le dîner, mais il l'appréciait à présent, la beauté, l'ambiance et ces choses qui lui donnaient l'impression d'être un adulte, rien qu'avec le simple fait de les reconnaître.
Il regarda la fin de la parade de Macy et la moitié du Miracle de la 34e rue avec ses sœurs, même si la cassette qu'ils avaient était vieille et grésillait à l'écran. A la moitié, il retroussa les manches de son pull à torsades blancs quand il fit un saut dans la cuisine et trempa un petit bout de pain dans la sauce en train de bouillir dans le réchaud, puis il retourna en détalant dans le salon pour le partager avec Phoebe.
« Hé, » cria sa mère après lui, passant sa tête dans le salon. « T'as eu des nouvelles de Harry ? »
Ce n'était définitivement pas la question à laquelle s'était attendu Louis, et il lui fallut une seconde pour se reprendre.
« Euh. »
C'était un peu compliqué d'aborder ce sujet, vraiment, parce que la réponse simple serait oui, que Harry était arrivé sain et sauf à l'aéroport de Newark à vingt-trois heure quarante-six, qu'il lui avait envoyé un message dès qu'il avait atterri et qu'il avait dit à Louis qu'il le verrait après le dessert de Thanksgiving.
Mais Louis n'était pas sûr de pouvoir dire ça sans se lancer dans ce qu'il ressentait par rapport à ça, au sujet de comment il allait exploser à la simple idée que Harry soit à une aussi courte distance, sans qu'il n'ait déjà pu poser ses mains sur lui. Il ne savait même pas comment les choses se passeraient entre eux puisqu'il ne l'avait pas vu depuis la fin du mois d'août, quand sa peau était toujours bronzée et qu'il était, de plusieurs façon, toujours un peu à lui.
Le premier novembre, il avait appelé Harry dès qu'il s'était réveillé, ayant une petite gueule de bois et surtout beaucoup de regret d'avoir laisser tomber l'appel quand Harry avait de toute évidence besoin de parler. Ce n'était pas que Louis n'avait pas envie d'être cette personne, c'était qu'il avait peur, vraiment – il était terrifié de le laisser voir à quel point il voulait être la seule personne qu'il appelait quand il se sentait mal, mais il savait que le dire à Harry parce qu'il était vulnérable et parce que Louis était bourré n'était pas du tout une bonne raison.
Les choses devinrent plus faciles au fur et à mesure que novembre avançait. Louis n'admettrait jamais qu'il avait fait un petit décompte dans sa tête parce que ça voudrait dire qu'il avait beaucoup d'espoir pour quelque chose qui n'avait jamais été une garantie.
« Il vient après le dessert, en fait, » répondit finalement Louis. « Est-ce que ça va ? »
Jay sourit grandement et acquiesça. « Bien sûr que oui, chéri. »
Louis tua le temps jusqu'au dîner en regardant du football avec le nouveau petit-ami de sa mère, Dan, et en écoutant Lottie parler du quaterback de son école de qui elle était, apparemment, tombée follement amoureuse pendant ces dernières semaines. Il fit son devoir de grand frère en lui disant qu'il était trop vieux pour elle, mais il ne put s'empêcher de trouver la façon dont ses yeux devenaient rêveurs, quand elle parlait de lui, plus qu'un peu mignonne. Peut-être qu'il s'adoucissait simplement avec l'âge, ou peut-être que c'était parce qu'il ressentait en quelque sorte la même chose à chaque fois qu'il regardait la vieille horloge dans le coin de la pièce, et se souvenait qu'il allait revoir Harry dans quelques heures.
Tout avait été confus entre eux depuis que Harry était parti, mais il avait l'impression que le fait de l'avoir à nouveau devant lui calmerait la tempête, et peut-être que ça serait comme s'il n'était jamais parti en premier lieu. C'était un lointain espoir, il le savait, parce qu'ils devaient affronter la réalité que Harry repartirait dimanche, mais il ne pouvait pas se permettre de penser à aussi loin. Il ne pouvait pas immédiatement commencer à penser aux au revoir à chaque fois que Harry revenait.
Pendant le dîner, la nourriture fut assez bonne pour étouffer tous les sentiments d'anxiété qui le submergeaient, et c'était bien, remplir son ventre et écouter sa famille parler, se mettant au courant du quotidien de chacun et rigolant à propos de toutes les mésaventures des Thanksgiving précédents.
Après un deuxième service et le dessert, Dan insista pour débarrasser la table afin que Jay puisse se mettre à l'aise et regarder le marathon John Hughes qui avait scotché les filles devant la télévision. Louis se joignit à eux, se couchant sur le sol et comatant à cause de toute la nourriture qu'il avait mangé, tandis que Molly Ringwald séduisait le garçon le plus populaire de l'école.
Il avait dû être parti assez loin, parce que la prochaine chose dont il fut conscient fut Fizzy en train de lui tapoter l'épaule et d'appeler son prénom.
« Arrête, qu'est-ce qu'il y a ? » grommela Louis, ne prenant même pas la peine d'ouvrir les yeux alors qu'il les frottait.
« Harry est là. »
Et ce fut surréaliste, d'ouvrir les yeux et de voir Harry se tenant là, le regard baissé vers lui et souriant largement avec les joues rouges à cause du froid à l'extérieur.
« J'commençais à croire que t'étais mort, » commenta Harry, tendant ses mains pour les refermer autour des poignets de Louis pour pouvoir le relever. Louis ne sut pas comment tout contrôler – le fait qu'il soit de retour, et que rien n'ait changé à propos de lui au premier regard, et que tout ce qu'il voulait vraiment était de le tirer sur lui et laisser le poids de Harry l'écraser dans le canapé.
Cependant, ça ne serait probablement pas la meilleure des idées avec toute sa famille dans la pièce. Louis se mit debout et enroula ses bras autour du dos de Harry, enfouissant son visage contre son épaule et ne parlant même pas parce qu'il était sûr que tout ce qu'il avait envie de dire serait trop.
Les bras de Harry s'enroulèrent autour du cou de Louis, le tenant encore plus fermement qu'il ne l'avait fait à l'aéroport. Il était assez proche pour entendre sa respiration, sentir son eau de Cologne. Ce fut fugace, mais il déposa un petit baiser sur la joue de Louis qui passa inaperçu par tout le monde sauf Daisy, qui gloussa.
« T'es là, » dit bêtement Louis, ses yeux se plissant affectueusement alors qu'il souriait, ce sourire qu'il réservait à Harry et que personne d'autre ne pouvait lui donner envie de faire.
« Je suis là. » Harry sourit, et il baissa les yeux vers lui tellement intensément, avec ce regard presque louche et Louis était sûr que toutes les autres personnes dans la pièce devaient se sentir mal à l'aise.
Quelqu'un s'éclaircit la gorge ; Louis n'était pas sûr de qui.
« J'vais aller dans ma chambre, » dit Lottie, puis elle jeta un dernier regard à Louis alors qu'elle se dirigeait vers le couloir. Harry et Louis prirent la place qu'elle laissa sur le canapé, se calant l'un contre l'autre.
« Comment s'est passé Thanksgiving ? » demanda Harry, et ce fut une marque de leur maîtrise de soi mutuelle qu'ils soient tous les deux capables de tenir une conversation totalement insouciante. Harry était poli, il posa les bonnes questions, et la mère de Louis et Dan furent charmés par lui alors qu'il leur racontait comment il avait dû s'asseoir à côté de son grand-père, qui n'avait plus de dents et avait presque coupé son appétit en macérant sa nourriture. La conversation était légère et décontractée, et Louis dut se retenir très fortement de ne pas fixer Harry alors qu'il parlait, mais la chaleur et le poids de son corps à côté du sien, ainsi que les vibrations de sa voix profonde, étaient assez pour le moment.
Le film Rose Bonbon finit et la pièce se vida de façon plutôt abrupte, laissant Harry et Louis finalement seuls, pour la première fois depuis août.
Il y avait plein de place sur le canapé mais aucun d'entre eux ne bougea. Louis se tourna pour le regarder, s'autorisant vraiment à le fixer, et comme si ce n'était pas déjà clair, il lui avait vraiment, vraiment, manqué. Son ventre semblait faire des sauts périlleux alors que leurs yeux se rencontraient ; ces filtres Instagram trop lourds ne rendaient pas justice à la réalité.
« Salut, » dit Harry.
« Salut. »
« Salut, » répéta-t-il, et il prit en coupe le visage de Louis, se penchant pour l'embrasser correctement. Louis attrapa les poignets de Harry, l'encourageant à garder ses mains à cet endroit, et il se demanda comment il avait fait à tenir si longtemps sans, parce que rien que le premier effleurement de leurs lèvres le fit se sentir stupidement et déraisonnablement heureux.
Il avait quatre jours, se rappela-t-il. Harry repartait à nouveau dans quatre jours, et il n'y aurait plus de ça, plus de Harry arrivant dans un blazer en tweed, plus de ses pouces retraçant la lèvre inférieure de Louis ; tout ça était très temporaire.
Harry sembla sentir que l'enthousiasme de Louis avait disparu, et ses sourcils se froncèrent, lui donnant presque cet air en colère qui se répandait sur son visage quand il était inquiet ou particulièrement concentré sur quelque chose. Louis voulait l'embrasser pour le faire disparaître, pour redonner à ses traits un air serin, comme il l'avait été quand il s'était tenu au dessus de lui au début.
Cependant, quand il s'engagea pour un autre baiser, Harry recula légèrement et continua juste à caresser la lèvre de Louis avec son pouce ainsi que le long de sa pommette.
C'était étrange, parce que Harry était si libre avec son affection et il n'avait jamais empêché Louis de l'embrasser ou de le toucher. Ce seul fait, cette seconde d'hésitation fut assez pour lui donner l'impression d'avoir été frappé dans le ventre parce qu'il savait que ça signifiait quelque chose.
« Louis... » commença-t-il, son souffle irrégulier. Louis attrapa le poignet de Harry pour éloigner sa main de son visage, reculant instinctivement.
Harry tendit immédiatement à nouveau ses mains vers lui puis il caressa ses avant-bras de haut en bas. Le contact rendit Louis confus parce que même s'il savait que quelque chose allait se passer, il n'arrivait pas à mettre son doigt sur ce que ce serait exactement. Ce n'était pas comme si Harry pouvait rompre avec lui alors que la carte du couple n'avait jamais été mise sur la table. Il considéra le fait que, peut-être, Harry avait rencontré quelqu'un autre avec qui il voulait que ça devienne sérieux. L'idée lui avait déjà traversé l'esprit, mais ça ne l'avait jamais vraiment inquiété, pas quand il savait à quel point Harry était volage quand il était question de relation.
« Faisons juste... » Harry laissa phrase en suspens, et la façon dont il tenait les avant-bras de Louis semblait apaisante et restreinte. « Je pense qu'on devrait juste essayer de y aller doucement pendant que je suis ici. »
Oh. Louis cligna des yeux et libéra ses bras de la prise de Harry pour pouvoir les croiser sur son torse. Tout ce qu'il put faire fut de répéter un mot qui n'avait aucun sens pour lui, un que Harry devait lui définir.
« Doucement. »
« Ouais, genre. Je pars dimanche, et c'est en quelque sorte... »
« Bien, » le coupa Louis, faisant de son mieux pour faire semblant d'être d'accord avec lui, qu'il approuvait tout même si le fait que Harry veuille qu'ils y aillent doucement était un choc total. Il pensait s'être préparé adéquatement à cette possibilité, mais une grande partie de lui n'avait pas vraiment dû croire que ça arriverait.
La partie la plus étrange, et la pire, était que l'expression d'Harry ne correspondait pas du tout à ce qu'il disait.
« Tu vois ce que je veux dire ? » demanda Harry, comme s'il était prêt à en finir avec cette partie. Louis acquiesça, et c'était un mensonge, parce que ce n'était vraiment pas le cas.
« Est-ce que ça veut dire que tu vas te défiler pour le black Friday ? » Louis essaya de faire un sourire, mais il avait plus l'air d'une grimace.
« Pas moyen. » Harry semblait déjà plus détendu, et il se mit debout pour enlever son blazer et le draper sur le dossier du canapé, puis il retira, également, ses chaussures du bout des pieds. « J'ai définitivement envie d'attendre dans des queues avec toi à quatre heures du matin, alors ouais, on fait toujours ça. »
« Si tu vas te plaindre à propos de ça, Harold, je te laisse sur le parking de Best Buy. »
Et il y eut cet éclat de rire. Louis sourit également, parce qu'il n'avait jamais rencontré quelqu'un avec une réaction plus satisfaisante à ses blagues que Harry Styles.
Il s'installa confortablement de son côté du canapé, en chaussette et dans un tee-shirt léger qu'il portait sous le blazer. Louis avait juste envie de ramper sur lui mais il resta recroquevillé dans le coin opposé, écoutant attentivement Harry parler de son vol et de ses dernières semaines de cours. Il demanda des nouvelles des enfants, de la rechercher de boulot de Louis et il rigola à chaque fois au bon moment. Ça rappela à Louis comment c'était avant qu'ils ne s'embrassent dans la pool-house de Harry, un moment qu'il idéalisait tellement qu'il n'était plus sûr de ce qu'il avait construit lui-même dans sa mémoire.
Ils se retournèrent tous les deux pour regarder la télévision quand The Breakfast Club commença, et malgré tout ce qui pesait sur son esprit, son état comateux à cause de la nourriture était toujours aussi présent et Louis arrivait à peine à garder ses yeux ouverts. Il somnola et fut réveillé par Harry qui grimpa de son côté du canapé, se faufilant derrière Louis pour qu'ils soient parfaitement calés l'un contre l'autre.
Louis essaya de ne pas s'emballer, il ne comprenait pas pourquoi des baisers occasionnels étaient trop mais que dormir dans cette position était acceptable. Il se sentit, quand même, véritablement heureux avec les bras de Harry autour de lui, en sécurité, détendu, comme s'il était enfin à la maison, même s'il avait été là toute la journée.
Harry
Harry se réveilla à l'alarme étouffée venant du téléphone dans la poche arrière de Louis. La télévision était toujours allumée, les crédits de la seconde diffusion de Rose Bonbon défilant à l'écran. Il se sentit désorienté pendant un moment par rapport à où il était, jusqu'à ce que Louis fasse un petit bruit dans son sommeil et courbe son corps un peu plus contre lui.
Sur la base de ses nouvelles règles, il devrait probablement se retirer doucement de derrière lui ou remuer délicatement Louis pour le réveiller afin qu'il se rende compte de ce qu'il faisait, mais Harry le laissa juste se pelotonner contre lui, déposant sa main sur le ventre de Louis pour le garder près de lui. Il attrapa le téléphone dans la poche de Louis et l'éteignit avec un soupir, essayant de se ressaisir.
Tout semblait bizarre, être dans la maison des parents de Louis, entendre le tic-tac de l'horloge de leur grand-père et voir le visage de Louis dans la pièce sombre. Harry pouvait seulement apercevoir son profil, mais il pouvait voir ses yeux bouger derrière ses paupières, comme s'il était en train de rêver et il se demanda si c'était quelque chose de beau ou drôlement absurde dont il entendrait parler plus tard.
Il avait l'air tellement paisible que Harry se demanda presque s'il était vraiment d'accord avec sa décision. Louis n'avait même pas demandé pourquoi et Harry ne pouvait pas s'empêcher de prendre ça comme une sorte de confirmation que ce n'était pas trop mal, qu'il avait pensé la même chose et ça le faisait se sentir un peu mieux à ce propos, même si l'échange s'était passé un peu trop en douceur.
« Louis, » chuchota-t-il, directement à son oreille. Son prénom le fit s'agiter légèrement, mais Louis ressemblait presque à un chaton, essayant de se recroqueviller sur lui-même alors qu'il luttait pour rester endormi.
Harry poussa un soupir, souhaitant ne pas trouver tout ce que Louis faisait aussi mignon parce que ça serait beaucoup plus simple d'y aller doucement avec lui. Cependant, la vérité était que c'était le cas et il savait que ça voulait dire qu'il allait simplement devoir lutter un peu plus fort contre lui-même.
Après Halloween, il s'était rendu compte exactement du nombre de chose qui était resté en suspens entre eux. Leurs vies étaient tellement différentes et la dernière chose qu'il voulait faire était d'être constamment en proie à des pensées remplies de jalousie, et de se languir pour quelqu'un qu'il ne pourrait jamais avoir à plein temps.
Harry ne savait même pas s'il voulait ça avec Louis ou n'importe qui d'autre, et ça ne correspondait absolument pas à l'image parfaite qu'il avait en tête pour les prochaines années. Il lui semblait que ce serait être plus facile de s'éloigner de ces sentiments forts, mais jusqu'à présent, c'était même encore plus un fardeau de tenir Louis à distance et il faisait déjà un boulot de merde à ce propos.
« Louis, réveille-toi, » murmura-t-il, déposant ses lèvres contre sa pommette et remontant sa main sur son torse, voulant sentir la façon dont son rythme cardiaque s'accélérait alors qu'il se réveillait.
« Mmf, » marmonna-t-il, puis il roula vers Harry. Il ouvrit ses yeux et Harry ne put pas supporter l'expression sur son visage alors qu'elle passait de détendue à renfermée.
« Il est temps d'aller acheter cette nouvelle télé à ta mère, » chuchota Harry, se défaisant de Louis pour pouvoir se mettre debout et Louis grogna.
« Je le regrette déjà. » La voix de Louis était légèrement enraillée et la fin de sa phrase fut coupée par un bâillement. Il tapa dans ses mains, déterminé à y aller. « D'abord, on a besoin de provisions. »
**
Ils firent un arrêt dans un 711 en allant à Best Buy pour se ravitailler et Louis émergea quelques minutes plus tard avec deux tasses de café drôlement énormes et quatre donuts, laissant tomber le sachet sur les genoux de Harry avant de démarrer la voiture. Son bonnet était de travers et Harry eut envie de l'arranger, il avait toutes ces envies domestiques avec Louis et c'était comme jouer au jeu de la taupe pour toutes les garder à l'écart.
Les choses entre eux étaient principalement comme avant le départ de Harry, sauf qu'ils semblaient tous les deux avoir la même résolution de ne pas se regarder dans les yeux, et à chaque fois que c'était le cas, le contact se brisait immédiatement. C'était plus facile de cette façon, du moins pour Harry, parce qu'il pouvait sentir sa contenance glisser à chaque fois que leurs yeux se rencontraient, et il devait se rappeler une fois de plus qu'il restait seulement soixante-douze heures avant que son vol ne parte pour la Californie.
Ils ne se touchèrent pas non plus, ce qui était différent. Ils rigolèrent quand même ensemble quand Louis dépassa une trentaine de personne dans la file et qu'ils s'en sortirent impunément. Ils fonctionnaient toujours en quelque sorte en synchronisation, d'une façon que Harry avait oubliée. S'il ne vivait pas à quatre mille kilomètres, il n'hésiterait pas à se faufiler derrière Louis dans la file pour Toys R Us et chuchoter quelque chose de cochon dans son oreille simplement pour le regarder se tortiller.
Le seul plaisir qu'il se permit fut de le fixer ouvertement quand Louis ne regardait pas : quand il lisait l'arrière d'un DVD ou fouiller dans les boîtes de Legos ou remonter son pantalon. Harry avait pensé que ce serait plus facile et c'était un imbécile, parce qu'il n'avait jamais eu de contrôle avec Louis et c'était un effort physique de ne pas le toucher alors qu'ils étaient aussi proches.
Il était midi quand ils s'arrêtèrent dans l'espace de restauration, mangeant des bretzels gras à une petite table alors que Louis faisait défiler la liste que sa mère lui avait envoyé par email.
« J'crois que je suis tellement fatigué que je suis en train de délirer, » dit Harry, puis il frappa le pied de Louis sous la table quand il ne répondit pas, et il espéra qu'une question le ferait réagir. « Qu'est-ce qu'il reste sur la liste ? »
« J'dois juste m'arrêter à Barnes and Noble et puis on aura, enfin, fini. » Il tendit la main pour attraper quelque chose et Harry lui donna la limonade. Il regarda ses joues se creuser quand il prit une gorgée, et il baissa les yeux vers les miettes sur la table pour se distraire.
« Et ensuite ? »
« Ensuite je vais faire la sieste la plus longue au monde, » dit Louis, comme si c'était évident.
Harry leva sa main pour un high five. « J'serai de la partie. »
Louis tourna brusquement sa tête, toisant Harry sous ses sourcils froncés, regardant sa main puis ses yeux et à nouveau sa main.
« Ce n'est pas contre tes règles, mon pote ? »
C'était moche, la façon dont il le disait. Harry n'avait jamais vraiment reçu une remarque négative de la part de Louis, mais il détestait ça, même quand Louis faisait de toute évidence de son mieux pour le faire sonner comme une blague.
« Touché, » dit Harry, tentant de faire un sourire.
« J'dois te maintenir dans le bon chemin. »
Harry déglutit. « En fait, je – »
« Merde, c'est Liam ! » Louis sembla vraiment ravis – peut-être soulagé – et il l'appela à nouveau, criant aussi fort que possible jusqu'à ce que Liam les voit, lève une main et leur fit un sourire endormi pour les saluer.
« Joyeux Thanksgiving, les gars, » dit-il, laissant tomber ses sacs pour les étreindre. Il recula et les regarda à tour de rôle, ses yeux s'attardant sur Harry pendant une seconde. « Comment se passent les courses ? »
« Super. Une femme m'a foncé dessus avec son caddie à Best Buy. »
Louis roula des yeux et fit un geste vers la marré de sachets à leurs pieds. « J'dirais que ça a été un succès. J'ai presque tout ce qui était sur la liste. Il est juste de mauvaise humeur parce qu'on est debout depuis quatre heure du matin. »
Liam sourit en coin et avant même qu'il parle, Harry eut une vague idée de ce qu'il allait dire et il grinça des dents quand il découvrit qu'il avait raison.
« Genre, comme si vous avez dormi. »
Harry détourna juste le regard, mettant le dernier bout de son bretzel dans sa bouche alors qu'ils tombaient dans un silence gênant qui était particulièrement choquant, en considérant tout le bruit et le mouvement permanent autour d'eux tandis que les gens se précipitaient d'un magasin à l'autre, essayant de dénicher les affaires de dernières minutes sur de la camelote qui finirait inévitablement sous la poussière dans leurs garages.
Liam était toujours insouciant. « J'veux dire, vous avez été loin pendant tout ce temps, et vous connaissant tous les deux... »
Ça continuait juste à s'aggraver. Harry savait qu'il devrait probablement dire quelque chose pour le bien de Liam, mais tout ce qui lui venait à l'esprit serait une claque encore plus grosse dans la figure.
Finalement, Louis intervint et Harry ne sut pas s'il était reconnaissant ou pas après ce qu'il dit.
« Ouais, c'est... pas vraiment comme ça, Li. »
« Oh. » Liam tourna son regard vers Harry puis à nouveau vers Louis avec les sourcils haussés, la compréhension s'installant sur ses traits. Il gratta le côté de son cou puis attrapa ses sachets. « Très bien, alors, c'était sympa de vous voir. J'dois encore aller faire quelque course, alors on se voit plus tard, hein ? Bon vol si on se revoit pas avant que tu partes, Harry. »
Liam sourit et leur fit un signe de la main. Une fois qu'il fut parti, la tension ne se dissipa pas de la façon dont Harry le voulait. L'atmosphère semblait beaucoup plus lourde qu'elle ne l'avait été pendant toute la journée, et maintenant il semblait qu'il y avait plus de distance entre eux que pendant les mois que Harry avait passés en Californie.
Il regarda Louis de l'autre côté de la table, observant son profil alors que ses yeux se posaient partout sauf sur lui. Quand il surprit finalement Harry en train de fixer directement dans sa direction, il souffla de frustration, semblant plus fragile que Harry ne l'avait jamais vu avant, comme s'il arrivait à peine à s'empêcher d'éclater en morceaux.
« Quoi ? »
« Tu veux encore de la limonade ? »
Louis se leva. « Allons-y. »
« D'accord. » Harry reprit l'un des sachets. « Barnes and Noble est de l'autre côté, je crois. »
« Non, j'pense que j'ai juste envie de rentrer, » dit Louis, ramassant les déchets sur la table. « J'en ai marre de cette foule, tu vois ? »
C'était une excuse décente, considérant le fait qu'un gamin venait de vomir sur le sol à côté d'eux, mais Harry se sentait quand même coupable et il n'arrivait pas à mettre son doigt sur le pourquoi, puisque sa décision était supposée les aider tous les deux à la fin. Peut-être qu'il aurait dû parler à Louis avant de revenir, de ses plans consistant à mettre de la distance entre lui et les aspects les plus intimes de leur relation. Ça serait plus facile si Louis se disputait avec lui à ce propos, mais il le connaissait bien, il savait que sa fierté était blessée et c'était définitivement la faute de Harry.
Ils essayèrent d'améliorer les choses pendant le retour, et ça fonctionna en quelque sorte. Louis mit la station de radio de Noël pendant la route et il fit rire Harry quand il ouvrit la fenêtre à un feu rouge et fit résonner « Worderful Christmastime » à plein volume, mais les personnes dans la voiture à côté d'eux ne trouvèrent pas ça aussi drôle.
Il y eut le plus fort sentiment de déjà-vu au monde quand Harry se gara devant l'appartement de Louis ; s'il n'y avait pas les feuilles sur le sol et l'air froid, il aurait juré que rien du tout n'avait changé.
« Alors tu vas chez Gemma demain ? » demanda Louis, baissant le volume à un décibel plus raisonnable.
« Ouais, elle et son fiancé viennent d'emménager. J'lui ai dit que je l'aiderai à peindre le salon. » Harry s'arrêta pour regarder Louis, le regardant fixement jusqu'à ce qu'il abandonne et le regarde également. « Cependant, on se voit dimanche matin, hein ? »
Louis sembla hébété. « Ton vol n'est pas à genre, neuf heure du matin ? »
« Si, mais j'veux te dire au revoir avant de partir. Je t'enverrai un message, d'accord ? »
Louis ne dit rien et Harry pensa un instant à le supplier pour qu'il fasse, au moins, semblant d'aller bien pour qu'il ne soit pas obligé de repartir alors que son visage était aussi renfrogné.
« D'accord, Lou ? » essaya-t-il à nouveau, détestant devoir lui demander deux fois.
« Ouais, » dit finalement Louis, et il dut lire dans l'esprit de Harry parce qu'il se tourna pour lui sourire tandis qu'il ouvrait sa portière. « Ouais, super. Envoie-moi un message. »
La portière claqua et Harry regarda Louis reculer vers son appartement avec les bras plein de sacs. Il avança au ralenti le long du trottoir, attendant que Louis se retourne pour lui faire un signe de la main, ou un sourire, ou un doigt d'honneur, ou n'importe quoi avant qu'il ne rentre.
Il ne le fit pas, cependant. La porte d'entrée se ferma et il avait disparu.
Harry compta jusqu'à dix puis démarra réellement, se demandant ce qu'il avait foutrement fait.
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