Chapitre 4

"L'ingratitude est fille du bienfait." - Henry Murger

J'essaye de me détendre en observant la vue que m'offre la fenêtre donnant sur le jardin du lycée, en vain. J'entends ce petit bruit aigu se répéter des milliers de fois depuis environ cinq minutes et je n'en peux déjà plus.

"-Putain! Arrête ça! Je crache à voix basse."

Marguerite se tourne lentement vers moi et me jauge afin de savoir si ma plainte lui était destinée. Elle réfléchie certainement à ce qu'elle faisait de mal puisqu'elle arrête de cogner frénétiquement son stylo contre la table et mes oreilles ainsi que mon esprit ont enfin la paix. Elle ouvre les yeux de surprise avant d'émettre un sourire aussi faux la Terre est plate.

Je sens qu'elle a une mauvaise idée en tête et je préfère me retourner. Mais c'est là que j'entends un bruit pire, à présent, elle sort puis rentre la mine de son stylo à une vitesse folle. J'ai envie d'hurler.

Je lui fais face, agacé, alors que son sourire monte jusqu'à ses oreilles. Bordel elle le fait exprès. Je tire vigoureusement sur son stylo puis regarde la fenêtre, puis Marguerite. Elle m'observe avec un air de défi. Elle se prend pour qui? J'ouvre la fenêtre et j'ai comme l'impression que c'est la première fois qu'une personne l'ouvre vu le grincement qu'elle soulève. Sans réfléchir, je balance le stylo avant de la refermer.

Je regarde fleur fanée et agaçante qui se retient d'exploser de rire et je la toise du regard. Alors que j'allais me reconcentrer sur ma contemplation du jardin, je croise le regard d'Alec. Il est assis devant moi et a pris la peine de se retourner pour à présent me fixer. Je plie un sourcil avant d'apercevoir que tous les regards sont pointés vers moi, celui des élèves ainsi que celui de monsieur Reyes.

Merde. Je bloque quelques instants avant de plonger mon nez dans mon cahier comme si de rien n'était.

"-Nathan? Marguerite? Il y a un problème? Nous interpelle le professeur."

S'il y a un problème? Oui connard. Je t'avais demandé de changer de binôme, de ne pas me laisser avec ce truc multicolore mais tu n'as pas voulu. Et maintenant, voici que cette folle s'amuse à me pousser à bout et que j'ai encore plus envie de lui briser le cou qu'au départ.

"-Non. Je réponds en déglutissant ma salive.

-Tant mieux. Il reprend. Mais puisqu'une bonne alchimie semble s'être créée entre vous, vous serez les premiers à présenter à la classe une dissertation sur le sujet, prenez vos stylos et notez. Cette remarque fait Marguerite partir dans un nouveau fou rire et je serre les mâchoires. Les écrivains sont-ils marginaux ou marginalisés? Vous avez tout le weekend."

Je prends la peine d'écrire dans mon agenda alors que madame Fleur Fanée se contente de poser la tête contre la table et de me regarder en souriant. J'ai le sentiment que ça l'amuse au plus profond de son être de me faire chier. Elle ne peut pas plutôt emmerder son petit-ami qui aime tant lui palper le corps? Son putain de Stefan.

"-Tu ressembles énormément à ton père! Elle affirme.

-Ah ouais? Je lance totalement désintéressé.

-Oui! Sauf que lui l'âge la rendu affreusement sexy! Elle affirme en se mordant la lèvre.

-Va te faire foutre Marguerite!"

Je marche à grands pas. Moi qui croyais qu'elle ne pouvait pas encore plus gâcher cette première semaine de cours, j'avais totalement tord. Elle est beaucoup trop chiante, fatigante, emmerdeuse et chieuse pour que je puisse survivre dans un rayon de moins de 50 mètres autour d'elle. En soit, je n'ai pas vraiment de raisons de la détester. Elle est comme ça, c'est dans sa nature. Mais c'est comme ça, je la déteste, c'est dans ma nature.

Mon père étant en déplacement professionnel à l'étranger et moi ayant eu la bonne idée de ne pas prendre ma voiture ce matin, je suis contraint de me coltiner 20 minutes de marche. Au moins l'air frais et les kilomètres à parcourir me permettrons de m'apaiser l'esprit. Même si pour être totalement apaisé il faudrait que je lui éclate son joli sourire.

"-Nate! Attends!

-Quoi Marguerite? Je m'exténue. Qu'est-ce que tu veux encore?

-Ce weekend, je... elle se coupe. Je n'aurais pas le temps de faire le devoir. On ne pourrait pas le faire maintenant chez toi? Je t'aurais bien invité chez moi, mais, ce n'est pas vraiment chez moi... enfin si c'est chez m...

-Laisse tomber, je la coupe. Je ne travaillerai pas avec toi.

-Mais, elle ouvre grand les yeux. C'est obligatoire!

-Je ne me rendrais pas malade pour les beaux yeux de monsieur Reyes.

-C'est vrai qu'il a de beau yeux! Elle affirme et je détourne le regard.

-Si tu le dis. Bye.

-Désolée, désolée, désolée Nate! Elle me supplie du regard.

-Nathan. Je la corrige sentant qu'elle n'est plus en mesure de faire la capricieuse.

-Nathan, elle soupire. Je te promets que je serai calme et que je ne ferai rien de mal..."

Elle replace ses cheveux derrière ses oreilles et force un petit sourire. Je peux vous affirmer que dans son uniforme et avec l'expression qu'elle a adopté, quiconque pourrait la croire adorable et attachante. J'aurais presque envie de la prendre dans mes bras.

Je sais que je n'ai pas le choix, je dois accepter. Je n'ai pas envie que ma première note de l'année soit un zéro et de recevoir les foudres de mon paternel. Et puis, elle se tiendra bien.

"-C'est ok, mais on le fait à ma manière."

Nous marchons depuis une dizaine de minutes et c'est tout juste si nous sommes à la moitié du chemin. Marguerite commence déjà à se plaindre et je regrette d'avance ma décision.

"-Tu vois Nate, elle se racle la gorge, enfin, Nathan. Si tu ne t'étais pas mis à péter ton petit câble en solitaire, j'aurais pu demander à Stef de nous ramener. Là je commence à avoir mal aux pieds.

-La douleur c'est dans la tête, je la rassure.

-Ouais, mon cul, elle ronchonne à voix basse, et mon ampoule au pied c'est dans la tête aussi?"

Je rigole silencieusement. Je ne crois pas que j'étais censé capter sa phrase, alors, faisons comme si de rien n'était.

Avant de rentrer chez moi, j'ai eu la délicatesse de lui proposer d'aller se changer chez elle, c'est pour cette raison que je me trouve à ce moment même dans sa chambre, assis sur son lit alors qu'elle choisit ses vêtements dans son placard. Vu le peu de décoration et le fait qu'elle soit nouvelle au lycée, je pense qu'elle vient à peine d'emménager.

"-Poupée?"

Des pas en provenance du couloirs se font de plus en plus proches et bientôt la porte de la chambre s'ouvre sur Stefan. En apercevant Marguerite, il se dirige très rapidement jusqu'à elle et comme à son habitude tâte son corps de ses mains avant de plonger sur ses lèvres. Leur façon de démontrer leur amour est répugnant. J'ai l'impression d'assister à un documentaire animalier montrant la reproduction sexuée chez un cheval et une jument.

Je suis très mal à l'aise. Je ne sais même pas où je dois regarder. Dans le doute, je me racle la gorge et Stefan se recule vivement de sa jument.

"-Il fou quoi ici? Il l'interroge perdu.

-Il attend que je me change pour qu'on aille travailler chez lui, tu sais la dissert... elle explique de façon synthétique.

-Ah oui! Il rigole. Le petit Amadeus se rebelle enfin! Mieux vaut tard que jamais.

-Arrête, expire Marguerite. C'est à cause de moi si Nate...

-Nate? Il l'a coupe. Je croyais que j'étais le seul à qui tu donnais des surnoms."

Sa phrase aurait pu être un reproche, mais la voix qu'il a adopté se veut bien trop aguicheuse. Je crois que ça l'excite d'être jaloux. Il retourne embrasser langoureusement sa copine. Ils me répugnent.

Ils ont fini par se détacher quand Stefan a reçu un appel. Il s'est ensuite dépêché de sortir, avertissant Marguerite qu'il rentrera tard. Nous entrons maintenant dans mon appartement et elle observe calmement les alentours.

"-Nathan? C'est toi? Lance la voix de ma mère depuis la cuisine."

J'entends ses talons se rapprocher et quand elle me découvre accompagnée elle adopte une tête surprise et embarrassée.

"-Oh, mais... tu aurais dû me dire que nous recevions quelqu'un! J'aurais fait un effort vestimentaire. Je la dévisage septique, elle porte tout de même une robe qui a certainement coûté aux alentours de deux cent dollars. Je suis Camille, la mère de Nathan!

-C'est bon, je soupire, on vient juste travailler! Je dis le tout en tenant Marguerite par les épaules afin de lui montrer la voie.

-Travailler? Ma mère se racle la gorge de façon suspicieuse.

-Oui. Travailler.

-Vous ne voulez pas rester dîner? Vous êtes sûre? J'ai prévu de faire des lasagnes.

-A la bolognaise? Marguerite se retourne subitement.

-Ce serait avec joie qu'elle puisse rester manger, j'affirme, mais il se trouve que Marguerite doit aller au restaurant avec ses parents ce soir!

-Non, non! Elle secoue la tête. Ça a été annulé.

-Et bien c'est réglé! S'enthousiasme ma mère. Marguerite reste dîner ce soir."

Je ne prends même plus la peine d'adresser un regard à Marguerite et me dirige vers ma chambre. Elle se fout de moi? Je lui donne la main et elle prend tout le bras. Cette gosse est atteinte. Je m'assieds sur mon lit et croise les bras. Elle rentre dans la pièce et observe les alentours avec attention.

"-Ces murs blancs... elle souffle. On dirait un hôpital. Ses yeux divaguent dans la pièce jusqu'à mon miroir que j'ai brisé d'un coup de poing. Un hôpital psychiatrique. J'aime beaucoup! Elle sourit."

Vous voyez cette gosse est atteinte. Je n'avais jamais vu quelqu'un évoquer un hôpital psychiatrique avec autant de bonheur sur le visage. D'ailleurs, elle devrait se faire interner. Je la regarde dénué d'émotions alors qu'elle me lance un regard intrigué.

"-Quoi encore Nathan? elle expire.

-Quoi encore? Je m'offusque. Tu vois je fais des concessions, j'accepte que tu viennes chez moi alors que très franchement je ne te supporte pas. Et toi, putain, toi! Je la pointe du doigt. Tu en profites pour te laisser inviter à dîner?

-Mais c'est mon repas préféré, je n'ai pas pu résister. Elle dit la voix tremblante, presque douce. Mais, si tu veux je peux aller voir ta mère et lui dire que je ne mange pas ici finalement.

-Tu t'occupes de démontrer que les écrivains sont marginaux. De mon côté je montrerai qu'ils sont marginalisés. Je coupe court à la discussion."

Elle hoche vivement la tête sans dire un mot et s'installe à mon bureau. Elle sort quelques affaires avant de se retourner timidement vers moi. Je vois bien qu'elle a envie de parler, elle a toujours quelque chose à dire, mais cette fois elle se retient et se retourne.

"-Qu'est-ce qu'il y a? Je le dis le plus gentiment que possible.

Comme si je venais de la soulager d'un énorme poids, elle se met à respirer.

-Tu sais, normalement je n'oublie pas ma trousse. Enfin si, c'est assez courant, je suis un peu tête en l'air je crois, mais là, tu...

-Tu veux un stylo? Je la coupe dans son élan."

Elle hoche la tête et je me retiens d'émettre un sourire. Elle aurait pu le dire simplement sans avoir besoin de me faire tout un speech à m'en casser les oreilles. Je me lève et attrape un stylo que je lui tends. Elle l'attrape en me gratifiant d'un petit sourire.

Nous travaillons chacun de notre côté depuis plus d'une cinquantaine de minutes dans le plus grand des silence. Il n'y a que le bruit cyclique de l'air conditionné qui le perturbe. Je me suis surpris à plusieurs reprises à l'observer entre deux lignes. Ses cheveux bruns lui glissent sur le visage alors qu'elle mordille sa joue tout en écrivant. Jamais je n'aurais cru avoir l'occasion de la voir aussi calme et concentrée. Ça fait du bien, je retrouve un peu d'espoir dans ce monde. Je laisse mon stylo glisser sur la feuille, retraçant à la lettre mes pensées.

"-J'ai fini."

Je me retourne surpris vers elle alors qu'elle a posé sa tête contre le bureau, signe de son ennui. J'attrape sa feuille et lis ses mots m'attendant au pire venant d'elle. Je me suis déjà monté la tête avec divers scénarios. J'ai imaginé qu'elle passe en réalité tout son temps à faire un dessin sur la feuille, écrive juste un "va te faire foutre" avec des caractères de calligraphie.

Je ne m'étais en revanche pas préparé au fait qu'elle me rende un travail propre, soigné et avec du sens. Je me sens soudainement fautif d'avoir autant d'a priori sur Marguerite. Cette une enfant certes dérangée mais elle n'en reste pas moins brillante. Finalement je n'ai peut-être pas tant à craindre pour mes notes en littérature.

"-Mouais, tu aurais tout de même pu faire mieux monsieur Amadeus! Elle s'exclame dans mon dos."

Je me retourne amusé par la situation. Sur ce point j'ai une grande confiance en moi, ce n'est pas pour rien que j'ai toujours été le meilleur de ma classe. Je suis doué et je ne me repose pas sur mes lauriers, alors croyez moi quand je vous dis que ma rédaction est parfaite. Si avec elle je venais à ne pas obtenir la note maximale, ça signifierait que monsieur Reyes a un cerveau bien trop simpliste ou qu'il est simplement de mauvaise foie.

Avec Marguerite, nous peaufinons l'introduction et la conclusion, ainsi que les derniers petits détails et je dois bien dire que même si j'ai eu du mal à l'avouer elle a eu un bon nombre d'idées judicieuses.

Elle range ses quelques affaires dans son sac et je l'observe faire silencieusement.

"-Je sais que je vais certainement le regretter, mais tu veux rester dîner? Je finis par lâcher."

*******

Hey!❤️

J'espère que vous allez bien,

Et que ce chapitre vous a plu!

N'hésitez pas à me dire ce que vous pensez des personnages jusque là? ^^

Aussi j'ai fait une interview pour Ecrivaine13 dans son œuvre "critique d'auteurs" je vous laisse le lien http://my.w.tt/UiNb/SxcadvbSLw
so you can go check that out ! Oui je suis bilingue... enfin... non mais chut!

Kiss kiss

Noémie =)

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