Chapitre 1

"La solitude est un jardin où l'âme se dessèche, les fleurs qui y poussent n'ont pas d'odeur." - Marc Levy

Je m'empresse d'allumer la lumière. Je déteste cette facette de moi. Je le dis comme s'il y a une chose que j'arrive à apprécier chez moi. Je n'aime pas mes cheveux bruns ni mes yeux verts qui pour une raison que j'ignore, s'assombrissent, eux, dans l'obscurité. J'ai une aversion pour cette mâchoire qui s'est renforcée depuis quelques années, une aversion pour moi.

La lumière envahit la pièce et mon secret est gardé, comme évaporé et pendant un court instant je m'autorise à songer à la vie que j'aurais pu avoir si j'étais normal, si cette mauvaise blague du ciel avait touché un autre bébé que moi.

Est-ce que j'aurais des amis? Est-ce que j'aurais une petite amie? Si oui, est-ce qu'elle serait belle? Est-ce que je m'aimerais? Est-ce que mon père serait fier de moi? Ces réponses sont et demeureront sans réponses, je n'aurais jamais une vie normale, je ne suis même pas normal.

Mes parents me répètent à longueur de journée que j'ai de légers problèmes de confiance en moi.

Au collège, j'ai entendu une fille de ma classe parler d'une solution miracle pour avoir confiance en soit, il fallait selon elle se fixer dans les yeux devant un miroir et se dire à quel point on est génial, beau, intelligent, et ce, chaque matin. Dans le doute, j'ai essayé, j'étais jeune et con, je n'avais rien à perdre. Je l'ai fait tous les matins durant une semaine et rien chez moi n'a changé, alors j'ai arrêté.

"-Nathan Amadeus, tu es laid et tu ne sers à rien."

J'affirme en me souriant dans la glace à moitié brisée à cause d'un coup de poing parti trop rapidement, sous le coup de l'épuisement et de l'agacement après avoir vu mon reflet illuminé.

Après un bref tour dans ma salle de bains, je me vêtis de l'uniforme aux couleurs de mon lycée, Aristote NYC Highshcool, un pantalon crème, une chemise blanche, une cravate à rayures vertes et jaunes, et, mais ce n'est pas une obligation, une veste noire.

J'entends beaucoup de filles se plaindre de notre uniforme, qui selon elles nous empêcherait de développer notre côté artistique et marquer notre singularité. Je n'ai pas vraiment d'avis sur le sujet, je crois même que je m'en fou, ce n'est pas comme si quelqu'un en avait quelque chose à faire de ce que je pense.

Je descends à grandes enjambées et déboule dans le salon de notre immense appartement situé à New-York, dans l'Upper East Side, alors que de grandes baies vitrées dévoilent ce qui semble être une immense forêt verte, le poumon de New-York, plus connu sous le nom de Central Park.

Je trouve ma mère qui prépare son thé, ainsi que mon petit-déjeuner et celui de mon père.

"-Bonjour Nathan! Elle lance en mimant un léger sourire.

-Bonjour. Je dis en m'asseyant à ma place."

Nous ne sommes pas plus démonstratifs que cela. En tous cas, pas en privé. Je n'ai jamais pu comprendre ces enfants faisant la bise à leurs parents chaque matin. Aussi loin que je puisse m'en souvenir, je n'y ai jamais été habitué.

Je mange rapidement ma tartine de pâte à tartiner au chocolat, il n'est pas question que j'arrive en retard le jour de la rentrée et que je me fasse remarquer, je suis une personne pour les plus discrètes.

Le silence habituel de cet appartement est dérangé par mes bruits de mastication et le son de pages qui se tournent. Ma mère lit encore un de ses magasines de mode aux poupées trop maigres pour être jolies en couverture.

Je perçois bientôt les pas de mon père se rapprocher depuis l'étage et je me redresse instinctivement dans mon siège.

Il porte un de ses éternels smoking hors de prix, assorti d'une montre, elle aussi hors de prix. Du haut de ses cinquante ans, avec ses cheveux poivre-sel et son assurance de grand directeur, il affiche toujours ce même charisme s'opposant à sa froideur. Ses yeux sont verrouillés sur moi alors qu'il fronce les sourcils. Je devine déjà que j'ai fait quelque chose de mal.

"-Nathan, il soupire d'agacement. Combien de fois je devrais te le répéter? Un esprit saint dans un corps saint. Arrête d'ingurgiter ce genre de mauvaises graisses!"

À ces mots, il tire sur ma tartine dans laquelle j'allais mordre et celle-ci vient s'écraser dans mon assiette.

"-Camille, donne lui plutôt une orange et des céréales. Il ordonne à ma mère. Et puis, c'est quoi cette coiffure? C'est un plaisir pour toi de sauter la case pourtant si nécessaire de l'application du gel?"

Je secoue juste la tête. Je n'ai jamais contredit une parole de mon paternel et je ne le ferai jamais. Je le respecte bien trop pour cela, et puis, je sais que tout ce qu'il peut me dire, c'est pour mon bien, que je réussisse professionnellement dans ma vie comme lui.

Ma mère s'active à me découper une orange et à me mettre des céréales dans un bol. Je la gratifie d'un infime sourire avant de déguster mes céréales en respectant les règles de bonnes conduite: mastiquer la bouche fermée, ne pas poser les coudes sur la table...

Une fois mon petit-déjeuner achevé, je retourne dans ma salle de bain, retouchant ma coiffure comme me l'a conseillé, exigé, mon père et c'est parti, je ferme la porte, suivant ses pas jusqu'à l'ascenseur.

Mon père est atteint de ce complexe de supériorité propre aux cadres et autres PDG. Il doit toujours être le meilleur dans tout, son entreprise doit être la première sur le marché et il doit bien-sûr toujours se situer au dessus des autres. C'est pourquoi nous vivons au dernier étage du plus grand gratte-ciel habitable de la ville qui ne dort jamais. Et c'est accessoirement aussi pour cette raison qu'il n'embauche jamais de personnes surpassant sa taille. Il est sénile je crois.

Les portes s'ouvrent et nous pénétrons dans la cage métallique illuminée. Elle est vide et une appréhension disparaît en moi. C'est plus fort que moi, dès que je mets un pied dans un ascenseur contenant d'autres passagers il m'est impossible de ne pas m'imaginer ce qu'il se passerait si il y a une panne et que la pièce est soudainement plongée dans le noir complet. Ce serait la fin de mon secret et le pire jour de ma vie.

La musique d'ambiance zen se diffuse dans l'habitacle et j'attends que les longues secondes entre le sommet du building et le sous-sol où se trouve la voiture passent fermant les yeux. S'il ne s'arrête pas en chemin, il s'écoulera exactement 46 secondes entre la fermeture et l'ouverture des portes.

Je compte mentalement, et à peine cinq secondes après la fermeture des portes, voila que l'ascenseur ouvre de nouveau ses portes. Je reconnais directement Stefan Flynn, grand, blond aux yeux verts à la peau hâlée. Je le connais depuis que je suis petit, nous avons toujours été dans la même classe, mais, ce n'est pas pour autant que nous nous fréquentons. Je ne fréquente personne d'ailleurs. Il esquisse un petit sourire narquois en m'apercevant le fixer et je détourne le regard.

Une fille qui doit certainement avoir mon âge se tient à ses côtés, brune aux yeux noirs profonds et à la peau bronzée. Je la soupçonne de rentrer tout juste de vacances au soleil. Je ne la connais pas, pourtant elle porte l'uniforme de notre lycée. Encore une nouvelle.

Je baisse la tête et observe avec passion mes nouveaux mocassins noirs essayant comme à mon habitude de me faire le plus invisible que possible.

Nous y voilà, nous sommes dans la belle cabriolet rouge de mon père, garés sur le trottoir juste en face de cette immense grille verte prêt de laquelle se trouve la proviseur, madame Elizabeth, vêtue d'un hideux tailleur gris avec son chignon habituel tiré à quatre épingles. Elle approche de la soixantaine et n'a presque pas une ride. Je ne voudrais pas m'avancer mais elle m'a tout l'air de passer régulièrement par la case, chirurgie esthétique.

Je suis en avance, mais je n'ai pas envie de traîner seul dans la cour, alors j'attends que les minutes passent avec mon père pianotant sans cesses sur son portable. Quant à moi, je sors mon téléphone surfant sur divers site d'informations tels que le New York Times.

"-Il est bientôt l'heure! Annonce mon père. Tu devrais y aller, il n'est pas question que tu arrives en retard le jour de la rentrée, ni aucun autre jour de l'année!

-D'accord, je me détache à contre cœur, bonne journée.

-N'oublies pas, il ne suffit pas d'être bon...

-Il faut être le meilleur, je sais. J'achève sa phrase."

Je m'extirpe du véhicule et croise le regard de madame Elizabeth qui me sourit chaleureusement. Elle m'apprécie bien, mais ça, c'est parce qu'elle ne me connait pas, elle aime juste le fait que je sois bon à l'école et que je ne perturbe pas les cours. Je dévie le regard sans aucune touche de sympathie, baisse les yeux et me dirige vers la bâtisse qui m'a vu grandir et demeurer seul.

Aristote NYC, est un petit lycée privée. Le meilleur de Manhattan, les élèves y sont triés sur le volet, en principe selon leurs résultats scolaires mais en réalité, plus le parent est offrant plus il y a des chances que son enfant soit accepté. Il y a très peu de classes, une par niveau. Ce qui fait que je me paye les même têtes depuis mon entrée ici auxquelles viennent parfois se greffer des nouveaux.

J'entre dans le hall en marbre et commence directement à rechercher le tableau indiquant ma salle de cours. Il m'est ensuite facile de la trouver, je connais ces couloirs par cœur. Je passe entre les élèves, tous avec leurs téléphone au bout de leur main, comme s'il s'agissait d'une extension de leur bras. Les têtes sont familières sauf celle des plus jeunes d'entre nous, le premières années je suppose.

Je perçois quelques bribes de phrases et j'entends ainsi que Diana a passé ses vacances aux Bahamas, perfectionnant son bronzage. Elle en a profité pour aller dans une pool-party sans l'autorisation de ses parents alors que la soirée était réservée aux majeurs. Elle a ingurgité une bonne quantité d'alcool mélangé à des pilules dont elle ignorait la contenance. Elle s'est alors fait accostée par un homme ayant la quarantaine et c'est là que je rentre dans ma salle de cours, n'entendant pas la fin de l'histoire.

Comme je m'y attendais, la salle est complètement vide. Je pourrai choisir la place que je conserverais jusqu'à la fin de l'année sans être importuné. Je ne veux pas être tout devant pour passer encore plus pour l'intello de service et je ne veux pas être derrière pour qu'un faux cancre me réclame sa place. J'opte alors pour une place au milieux, près de la fenêtre devant laquelle je prévois plusieurs bonnes parties de rêveries durant les corrections d'exercices.

Je m'installe, sortant un livre histoire de faire passer le temps, il s'agit de Le Parfum de Patrick Süskind, pour faire court, c'est la vie d'un grand parfumeur, prêt à tout, même à tuer des femmes pour dénicher les odeurs les plus exquises. Oui c'est un psychopathe. J'aime beaucoup.

Les minutes passent et je me perds dans les mots de cet écrivain allemand, me transportant au 18e siècle. Et puis, la sonnerie retentit et des élèves font leur entrée dans la salle. Je les regarde faire du coin de l'œil, ils bavardent tous entre eux, rigolant même parfois. Je reconnais la majorité. Dont elle.

Marine Mitchelle. La Marine Mitchelle. Je la connais depuis la maternelle, je crois même qu'à l'époque nous étions amis, mais, je ne m'en rappelle pas réellement. Je sais juste que je la trouvais magnifique et que j'en étais secrètement amoureux. En grandissant cette sorte d'obsession s'est empirée. Elle est devenue tellement belle, grande, blonde avec des formes généreuses et une bouche qui semble accueillante et douce. Elle porte toujours ce sourire ravissant, même quand elle repositionne ses cheveux derrière son oreille à cause d'un tic. Elle à l'air tellement gentille. Après avoir écouté des milliers de conversations entre elle et ses amies, je peux l'affirmer, elle est gentille et on ne peut plus humble.

Pour elle je serais prêt à faire entorse à la consigne que m'a donné mon père, finir seul. Je serais prêt à tout partager avec elle, jusqu'à mon pire secret.

Je suis coupé dans ma contemplation. Quelqu'un vient juste de tirer la chaise voisine. Si au départ je crois à un mirage car personne ne s'assoit jamais à côté de moi, je redescends vite sur terre en comprenant que l'élève cherchait juste une chaise pour une autre table, à l'autre bout de la pièce. Je respire. Je ne suis pas timide, je n'aime juste pas les gens.

Le professeur rentre dans la salle. Je ne l'avais jamais vu auparavant. Une masse de cheveux bruns bouclés trônent sur sa tête alors que ses lunettes noires mériteraient d'être ajustées. Il semble tout droit sorti de l'université.

Tous les élèves le fixent et des chuchotements se font entendre.

"-Bonjour! Il commence en accrochant sa veste sur le porte manteau. Je me présente, Jack Reyes. Je serai votre professeur de littérature durant toute cette, je l'espère, belle année scolaire. Comme vous l'avez peut-être remarqué, je suis plutôt jeune, je crois même être le plus jeune prof de ce lycée et en plus je suis nouveau. Mais ce n'est pas pour autant que mon cours sera une débandade. Mais vous verrez, on va bien s'amuser! Il finit en souriant."

Je vois des filles se recoiffer discrètement, bomber leur poitrine tout en fixant monsieur Reyes. Elles sont sérieuses? Je regarde Marine et suis soulagé de voir que la fille de mes rêves n'est pas une chaudasse.

"-Avant de vous expliquer en quoi consiste le programme pour votre dernière année, il reprend, laissez moi vous expliquer comment se dérouleront les cours. Je suppose que vous êtes tous de très bons élèves, sinon vous ne seriez certainement pas ici, mais vous avez pris l'habitude de travailler seuls, chacun pour soit. Moi, je veux défaire cela, je ne veux pas que vous finissiez comme certains adultes de ce quartier, égoïstes. C'est pourquoi, je vais mettre en place un système de binômes. Vous serez liés jusqu'à la fin de l'année, vous devrez travailler ensemble pour les devoirs maisons, mais, attention, il n'est pas question qu'il n'y en ait qu'un des deux qui travaille parce qu'après avoir récupéré les devoirs maisons, je vous donnerai systématiquement un devoir sur table et je ferai la moyenne des deux notes obtenues par le binôme. Ainsi, si l'élève numéro 1 a disons un 20/20 et que l'élève 2 a un 0, l'élève 1 et l'élève 2 auront alors une note de 10/20."

J'entends un lot de contestations dans la salle et je suis bien d'accord avec mes camarades de classe. J'ai toujours été le premier de ma classe et je ne perdrai pas ce titre et la fierté de mon père à cause d'un binôme incompétent et ne sachant pas travailler.

"-Vous verrez, il sourit, vous me remercierez! J'ai effectué un tirage au sort au préalable pour former plus rapidement les duos."

Il cite des noms depuis un peu moins de deux minutes et je vois certains de mes camarades se réjouir de leur binôme et d'autres s'apitoyer sur leur sort, suppliant le professeur de changer de groupe. Je jette un coup d'œil à Marine, elle n'a pas encore été appelée. J'ai l'immense espoir que monsieur Reyes m'associe à elle. Nous pourrions ainsi, enfin, faire connaissance.

"-Nathan Amadeus, je prête l'oreille en levant discrètement la main pour signaler ma présence et il me sourit. Alors Nathan, tu seras avec Marguerite Conover.

-C'est Maggie! Le corrige la concernée."

Je la reconnais, c'est la petite brune de l'ascenseur. Génial.

*******

Hey!

J'espère que vous allez bien,

Et que ce chapitre vous a plu!!

Si vous ne comprenez pas tout sur l'anomalie de Nathan, ne vous inquiétez pas je la détaillerai un peu plus tard dans l'histoire. Sachez juste que ce n'est pas une maladie qui lui cause des problèmes de santé.

Aussi, au début de chaque chapitre, je mettrai une citation. Je me suis inspirée du livre de Musso, Demain et comme j'ai toujours adoré découvrir de nouvelles citations, je me suis dit pourquoi ne pas les partager aussi? Si vous voulez aussi en trouver, voici le site sur lequel je les recherche: www.1001-citations.com

Aussi pour le moment, je posterai 2 chapitres par semaine un le mercredi et l'autre le dimanche, mais avec les cours je ne pense pas que je pourrai le faire très longtemps... Mais je vous promets au moins 1 chapitre par semaine, je m'organiserai =)

Coeur coeur ❤️❤️

Noémie =)

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