Dépression
Qu'est-ce qui ne va pas ?
Merde alors, j'aimerais pouvoir te répondre. Mais depuis toutes ces années, je n'ai toujours pas trouvé les bons mots pour expliquer « ce qui ne va pas ». Alors essayons autrement.
Imagine une immense plaine, complètement vide et lisse, avec de l'herbe bien verte, des fleurs colorées et un grand soleil qui brille au-dessus. C'est le terrain sur lequel tu vas bâtir ta vie. Au fil des années, ce vaste terrain va se remplir : tu y mettras tes souvenirs, tes émotions, les différents traits de ta personnalité. Tu t'approprieras ce champ en le décorant de tout ce qui t'appartient, et cela jusqu'à ta disparition.
Mais soudain, tu te rends compte qu'un un énorme trou noir est en train de se creuser en plein milieu de ton champ. Un trou béant, sombre, qui n'a de cesse de croître. Tous les jours, tu le vois anéantir un peu plus la beauté de ce paysage sans que tu ne puisses rien y faire. En voyant cette horreur engloutir tout ce que tu as créé, tu te mets à réfléchir à une solution. D'abord, tu essaies de reboucher ce trou en créant de nouvelles choses : tu fais de nouvelles expériences, tu sors rencontrer du monde, cherches de nouveaux passe-temps, tu travailles dur pour remplir ce vide. Mais lorsque tu jettes ces choses dans le trou en espérant qu'à force d'en rajouter, elles le rempliront complètement, tu réalises que le fond de cette cavité est tapissé de sables-mouvants qui avalent tout le fruit de ton travail. Tu te rends compte que tu ne fais que nourrir ces ténèbres qui contaminent ton paysage. Alors le désespoir s'empare de toi. Tu te réfugies le plus loin possible du trou, de sorte à ne plus le voir, et tu t'accroches aux choses qui sont encore hors de portée de sa gueule cruelle.
Cachée dans ton coin, tu parviens à mener une vie stable en ignorant ce qui se passe dans ton jardin secret. Mais au bout d'un moment, le trou grandit tellement qu'il se met à avaler les choses les plus importantes qui constituent ton paysage, ce qui te pousse dans une très grande tristesse. Tu vois tout ce que tu as bâtit tomber dans le noir avec un sentiment d'impuissance qui te ronge. La peur te paralyse parce que tu crains qu'il ne finisse par t'engloutir toi tout entière.
Lorsque ce vide devient grand au point que les autres personnes s'en rendent compte, on t'envoie de l'aide, de l'amour, du soutien. Tu ajoutes à ton champ de nouveaux éléments que l'on t'a donné pour combler le vide et l'angoisse. Pendant un moment, ça va mieux. Mais le trou noir revient toujours. Alors tu essaies quelque chose de nouveau : un voile pour couvrir le trou et donner l'illusion d'une parfaite plénitude, comme avant. A partir de là, les choses vont mieux. Mais le sol n'est plus aussi fertile qu'avant. Tu t'efforces de reconstruire ta personne sur ce No Man's Land cabossé, en vain. Tout ce que tu construis est trop fragile et finit par s'écrouler et te rappelle qu'en-dessous de ce trompe l'œil se trouve le même vide qui te ronge depuis toujours, et qu'il ne disparaîtra jamais. Alors tu décides d'accepter ce terrain vague comme ta maison. Tu plonges tes mains dans les poches et joues au funambule au-dessus du vide. Parfois, tu manques de très près de tomber dans les sables mouvants. Mais à quoi bon de toute façon ? Il ne te reste plus rien.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top