BRIZBI VARANE *** II ***

ZYLCON - VILLA DE KREST ZIDUR

C'est comme ça que j'ai été embarqué dans cette histoire. En suivant cet homme, Krest Zidur, dans sa gigantesque villa au bord d'une falaise, je ressentais un mélange de peur et d'excitation. L'endroit, avec ses fenêtres gigantesques surplombant l'océan, semblait être le repaire d'une ordure de première, comme le nid d'un rapace tout en haut d'un arbre. La vue imprenable sur les caprices de la nature offrait un écrin bien à l'abri des menaces, que Krest pouvait voir venir de loin. Sans scrupules, ni valeurs, il ne se souciait que d'une chose : la couleur de l'argent.

Sa mission était des plus simples : je devais attirer un type qui lui devait un gros paquet de monnaie sur un site de rencontre en ligne. Je me montrai de-ci de-là à la caméra, un appât dans ce jeu dangereux. Mais je l'acceptais, je ne me sentais pas vraiment en danger, avec cet écran comme bouclier.

Le type en question, un vieux pervers de septuagénaire, était plein aux as mais trempait dans des histoires pas nettes. Cela ne m'a pris que trois jours pour le convaincre de me rejoindre à l'endroit indiqué par Krest. Mais dans son dernier message, j'avais remarqué quelque chose d'étrange dans ma page de codage. L'adresse IP de mon interlocuteur n'était plus du tout la même que celle habituelle. Un frisson me parcourut l'échine, comme un mauvais pressentiment. Je devais signaler ça à Zidur.

VILLA DE KREST ZIDUR - BUREAU

J'étais devant sa porte, hésitante. Puis, avant même de pouvoir toquer, il ouvrit la porte.

— Qu'est-ce que tu fous là ? lança-t-il en me dévisageant de haut en bas, l'irritation flottant sur ses traits.

— Je... J'ai quelque chose à te dire, hésitai-je, ma voix tremblotante.

— À propos de quoi ? s'impatienta-t-il, les sourcils froncés.

— L'homme à qui je parle.

— J't'écoute, me pressa-t-il d'un ton sec, comme s'il n'avait pas de temps à perdre.

— L'adresse IP n'est plus la même.

Son visage se crispa, une lueur de suspicion dans ses yeux.

— De quoi est-ce que tu me parles ? s'agaça-t-il soudainement, ne comprenant rien au jargon informatique.

— Eh bien, elle a changé !

— Et comment est-ce que tu sais ça ?

— Je l'ai vu dans la page de codage.

Zidur marqua une pause, son expression changeant lentement alors qu'il réalisait que j'essayais de l'avertir d'un danger imminent.

— Et ça veut dire quoi ? demanda-t-il, son ton s'adoucissant légèrement, posant sa main sur mon épaule.

— Une adresse IP permet d'identifier un périphérique connecté au réseau. Cette IP est unique. Cela veut dire qu'il a changé d'appareil, expliquai-je, soudainement pleine de confiance.

— Et pourquoi est-ce qu'il ferait ça ?

— Je ne sais pas... Peut-être n'est-il plus au même endroit ?

— Et comment on peut savoir ça, ma p'tite ? interrogea-t-il d'une voix que je ne lui connaissais pas, teintée de gentillesse.

— En le géolocalisant ! m'exclamai-je, un sourire illuminant mon visage, heureuse de pouvoir utiliser ma passion pour l'informatique.

— Et tu peux faire ça ?

— Oui, c'est un jeu d'enfant, répondis-je en souriant, pleine de satisfaction.

Son regard sur moi changea du tout au tout. Il ne me voyait plus comme une petite fille innocente, mais comme une personne utile. Krest voulut en savoir plus. Il me suivit dans la salle des ordinateurs et s'installa dans l'un des fauteuils, non loin de la baie vitrée. Après quelques manipulations auxquelles il ne comprenait rien, je lui expliquai la différence entre les deux adresses IP.

— C'est étrange... murmurai-je, fronçant les sourcils.

— Quoi ? s'enquit-il en se relevant d'un bond.

— La première adresse se trouve à trois mille cinq-cents kilomètres et la deuxième est dans la ville.

— Ici ? Tu veux dire, dans notre ville ? s'exclama-t-il encore sous le choc.

— Oui. On dirait qu'il est déjà là. À Zylcon.

— Comment est-ce possible ?

— Attendez ! repris-je, une alerte s'éveillant en moi face à quelque chose d'inhabituel.

Mes doigts parcouraient le clavier à une vitesse folle, tentant de résoudre cette énigme.

— Je n'y crois pas ! C'est l'arroseur arrosé ! riai-je comme si la situation était amusante.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— C'est lui qui nous a géolocalisés en premier ! Je crois qu'il avait les mêmes intentions que vous.

MAISON DES VARANE

Après cet épisode, la relation de confiance qui avait toujours été solide entre mes parents se fissura. Mon petit frère ne leur adressa plus la parole, les tenant pour responsables de la mort de Saumon. Ma sœur fut tiraillée entre ma mère et mon père, cherchant à ménager les deux. Quant à moi, j'essayai de passer à autre chose, mais l'ambiance était lourde entre nos quatre murs. Mon père vivait dans la crainte et la culpabilité, tandis que ma mère se sentait trahie. L'équilibre de la famille Varane fut rompu. Plus rien n'était simple ; la communication devint catastrophique. Personne n'osa vraiment me demander ce qu'il m'était arrivé pendant cette semaine de disparition. Ils s'assurèrent simplement que j'étais en bonne santé.

Un matin, je surpris mon père, seul sur la terrasse, en train de pleurer. Jamais je n'avais entendu le son du chagrin chez lui. Il semblait brisé, accablé par les mauvaises décisions qu'il avait prises. Je voulais tellement lui parler, essayer de le réconforter. Mais ce matin-là, j'étais en retard. J'avais raté mon bus. Calyss et Pizos étaient déjà parties. Je n'avais d'autre choix que de faire la route à pied.

Sur le chemin du lycée, une voiture s'arrêta à ma hauteur.

— Hey, le p'tit génie ! lança une voix familière.

Je n'en revenais pas. C'était Krest, cheveux au vent, le bras nonchalamment accoudé à la portière.

— Zidur ? répondis-je, surprise de le voir dans cette décapotable rouge si rétro.

— Tu vas où comme ça ? demanda-t-il innocemment.

— En cours.

L'assassin de mon chien était là, à me lancer un grand sourire.

— Ha... C'est dommage.

Ce simple mot éveilla ma curiosité.

— Pourquoi ?

— Ho, rien... J'avais juste une petite mission pour toi, me lança-t-il, une moue malicieuse accrochée à ses lèvres.

— Encore ?!

— Oui, mais c'est trois fois rien. J'avais juste besoin d'une adresse, et vu notre dernière mission, j'ai l'impression que ce ne serait qu'une formalité pour toi, non ? questionna-t-il, toujours souriant.

— Pourquoi faire ? rétorquai-je, tentant d'obtenir plus d'informations.

— Un gars. Un mec qui me cause quelques soucis, expliqua-t-il simplement.

Je n'avais pas envie de lui rendre service. Mais je repensais à sa petite tape sur l'épaule quand j'avais réussi à percer le mystère de l'autre type. C'était la première fois de ma vie que je me sentais utile, en faisant ce que j'aime : le piratage informatique.

— Si je t'aide, qu'est-ce qui se passe ?

— Trois cents.

— Quoi, trois cents ?

— Trois cents billets. Je te les file.

De l'argent. Il me proposait de l'argent pour passer du temps sur un ordinateur. Mon sang ne fit qu'un tour. C'était comme si mon instinct s'était évanoui. Celui qui vous met en garde, qui vous donne un petit doute pour vous faire comprendre que vous glissez peut-être sur la mauvaise pente. Celui qui avait aussi fait défaut à mon père lorsqu'il avait demandé de l'argent à Krest. Sans le savoir, je venais de mettre un pied dans la tombe de Brizbi Varane, celle que je ne serais plus jamais.

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