ASSAUT *** IV ***

PIROS – SOUTES

Slikof était tendu sur ses appuis. Il s'était posté juste en face de l'entrée, abrité derrière un tablier en Titanium-Carbotherme, le même alliage qui composait presque l'intégralité du vaisseau. Conçu pour maintenir la cargaison en place durant les vols, ce bouclier improvisé pouvait bien s'avérer être une protection idéale contre une offensive armée. Du moins, c'était ce qu'il espérait.

Ses yeux ne quittaient pas l'obscurité tremblante de l'extérieur, scrutant le moindre mouvement, prêt à réagir. Il attendait que des silhouettes se dessinent pour ouvrir les hostilités. Pas question de leur laisser une chance de poser un pied sur ce qu'il considérait comme son territoire. L'Espion voulait éliminer la menace dès qu'elle se manifesterait – sans sommation, sans débat.

Kylburt s'était placé sur le flanc Est des soutes, profitant de sa peau et de ses vêtements sombres pour se fondre dans l'obscurité. Il misait sur une attaque frontale, espérant que sa position sur l'aile latérale lui permettrait de les prendre par surprise.

En face, Milo était accroupi, adossé à une lourde caisse de chargement métallique qui lui offrait une excellente couverture. Il s'était positionné plus près du pont, prêt à leur tirer dans le dos s'ils parvenaient à s'enfoncer davantage dans les soutes. L'officier comptait bien les prendre de revers.

En disposant ainsi leurs forces, ils espéraient donner l'illusion que l'ennemi était acculé de toutes parts, le désorienter et frapper au moment opportun.

Soudain, un bruit métallique retentit : un objet rebondit, roula sur le sol, puis s'immobilisa. Milo se pencha pour voir de quoi il s'agissait—trop tard. Une explosion secoua la pièce, suivie d'un frisson électrique dans l'air. Un plasma froid, légèrement lumineux, se répandit, ionisant l'atmosphère.

Une Disruptive VZ-9, conclut Milo. Une grenade à impulsion énergétique. L'arme parfaite pour renverser une attaque vouée à l'échec.

L'onde sphérique de désorientation frappa immédiatement : d'abord, une perturbation de l'oreille interne fit vaciller l'équilibre ; puis, une lumière pulsée à fréquence variable aveugla temporairement toute forme de vision. Enfin, une onde sonore imperceptible satura le cerveau d'un "brouillard" sensoriel, annihilant toute coordination pendant quelques secondes.

C'était sans doute la meilleure option pour entrer en fanfare.

Les silhouettes tant attendues par le Fantôme d'Ultia apparurent dans un flou presque irréel. Les yeux dorés de Golt scintillaient à travers le brouillard, tels deux phares perçant les ténèbres. Puis vinrent les premiers échanges de tirs.

Le vacarme des armes déchirait l'air, vrillant les tympans, tandis que les soutes se transformaient en un champ de bataille chaotique. Milo, encore désorienté, peinait à tenir debout, mais il resta à couvert du mieux qu'il le pouvait.

C'était six silhouettes, et non les cinq annoncées, qui se tenaient à l'intérieur du nuage créé par la grenade, telles des ombres funestes. Kylburt décocha un premier tir qui faucha l'une d'elles, la faisant vaciller avant qu'elle ne s'effondre au sol. La puissance de son fusil désintégra littéralement la jambe de l'intrus, projetant une pluie organique tout autour de lui.

Fiora repéra aussitôt l'origine du tir et s'avança prudemment dans cette direction, toujours dissimulée au sein du brouillard. Le colosse de Zoldello plissa les yeux, détectant une présence menaçante face à lui.

Derrière la cheffe ennemie, de nouveaux tirs éclatèrent, suivis d'une seconde explosion qui secoua la pièce. Fiora fut projetée violemment contre le mur, son corps soulevé comme une poupée de chiffon. L'impact contre la paroi métallique la fit sombrer dans l'inconscience pendant quelques secondes, avant que Lozy ne lui apporte son soutien pour l'aider à se relever. Surprise par ce geste, Fiora prit un instant avant de s'en saisir. La jeune femme à la chevelure de feu lui adressa un timide rictus, avant de disparaître à nouveau dans le chaos.

De l'autre côté, Slikof enchaînait les tirs, ses rayons de laser bleu du Fuzion-5 illuminant les soutes. La plupart d'entre eux se perdaient dans le vide, ne touchant aucune cible. Comment est-ce possible ? grogna-t-il entre ses dents. Les deux silhouettes qui s'approchaient semblaient se déplacer d'une manière saccadée. À chaque saut, une décharge lumineuse accompagnait leur mouvement, telle un éclair qui éclatait brièvement autour d'eux. C'était comme s'ils disparaissaient pour réapparaître instantanément ailleurs, les rendant presque insaisissables.

Des Rebondeurs Quantiques, devina finalement l'Espion. Le dispositif fixé à leur ceinture captait l'énergie cinétique d'un tir qui leur était destiné, la convertissant en un saut directionnel instantané. Chaque tentative de les toucher les propulsait ailleurs, les rendant presque impossibles à atteindre. Il ne pouvait rien faire. Slikof se remit à couvert, dans l'espoir de les toucher en combat rapproché.

Kylburt avait quitté son nid d'obscurité et s'approchait dangereusement de Fiora, tandis que Tiger envoyait des rafales, accompagné d'un ricanement diabolique, en direction de l'officier de police. Ce dernier, toujours à couvert derrière son abri de fortune, n'arrivait pas à trouver de fenêtre de tir pour riposter et tenter de se déplacer. Les trois hommes étaient dans une position délicate, incapables de faire reculer leurs assaillants. Rien ne se passait comme prévu.

PIROS – PORTE EST

Le cœur toujours battant de la jumelle commençait à être envahi par une nouvelle émotion : un mauvais pressentiment. Les tirs incessants indiquaient que le combat s'éternisait. Et si celui-ci n'en finissait pas, c'était forcément que ses deux amis et ce flic de malheur étaient probablement en mauvaise posture.

— On ne peut pas rester là... Ils sont sûrement en galère là-dedans ! On doit les rejoindre, leur donner un coup de main !

— Ce ne sont pas les directives de Slikof, tempéra le prince Hyldon.

Kybop se pinça les lèvres. Elle était partagée entre les ordres et son ressenti. Intimement persuadée qu'il fallait intervenir, elle ne tenait plus en place. La sensation de les laisser seuls face au danger la rendait malade. Elle savait que quitter la porte Est était risqué, cela affaiblirait l'accès et pourrait permettre à l'ennemi de pénétrer dans le vaisseau, mais elle n'en pouvait plus.

— On n'est pas obligés d'y aller tous les trois. Vous pouvez rester ici, tous les deux, cria-t-elle. Tenez la position !

Fyguie l'attrapa brutalement par le bras, fronçant un sourcil désapprobateur.

— T'es folle ou quoi ? On reste ensemble !

Un instant, elle resta suspendue à son regard. Son frère n'était pas suppliant, il ne demandait rien. C'était la première fois qu'elle voyait cette expression sur son visage. Il lui ordonnait, sans détour. Fyguie refusait de la laisser partir. Mais Kybop connaissait bien son manque d'expérience au combat et savait qu'elle ne pouvait pas l'envoyer en plein cœur du chaos. Si quelque chose lui arrivait, elle ne se le pardonnerait jamais. Elle souffla, évacuant son désespoir, avant de reprendre sa position, le son des matériaux explosant et le claquement sourd des armes dévastatrices en fond sonore.

PIROS – PORTE OUEST

La famille aux cheveux roses savait pertinemment que quelque chose n'allait pas. Leur instinct, presque animal, leur criait qu'il était temps d'agir. Ce fut Katany qui exprima cette urgence, son visage marqué par la tension.

— On doit les rejoindre, ça ne sent pas bon !

Binny serra les dents. Elle savait que sa sœur avait raison, mais elle n'arrivait pas à se résoudre à se jeter dans la gueule du loup. Elle se remémorait ses longues discussions avec le maître espion sur l'impulsivité maladive des Adharas. Slikof, souffla-t-elle intérieurement. L'inquiétude pour ce piaf de malheur lui serrait la poitrine. Tous les éléments étaient réunis pour la faire céder et foncer dans le tas. Son émotivité prenait largement le dessus sur sa raison. Et c'était là la qualité première de son peuple, même si d'autres y voyaient une faiblesse inutile.

Après un regard appuyé en direction de sa mère et de son frère, Binny prit la décision d'agir. Sans plus de réflexion, elle se dirigea vers Tamy pour lui expliquer sa stratégie.

— M'man, Katany et moi on va aller voir ce qu'il se passe. Vous, vous restez à l'arrière. Si la situation n'est pas catastrophique, on tentera de les aider du mieux qu'on pourra.

— Et si elle l'est ? s'inquiéta son frère.

— On revient. Et on attend que l'ennemi approche...

Tamy ferma les yeux un instant, puis céda à sa demande. Dans un élan maternel, elle attrapa ses deux filles dans ses bras.

— Je vous aime.

Dozik se joignit à l'étreinte familiale, non sans une pointe de crainte. Celle que cela puisse être un adieu. Une fois libérées de leurs bras, les deux jeunes femmes se dirigèrent vers la porte. D'un geste assuré, Binny enclencha son ouverture.

PIROS – SOUTES

Le glissement de la porte Ouest passa inaperçu, tant le tumulte était apocalyptique. Binny et sa sœur firent face à l'officier Kal, toujours retranché derrière son caisson métallique. Il ouvrit grand les yeux en les voyant et prit le risque de balancer une salve de tirs pour les couvrir.

— Ramenez-vous !

Les sœurs accoururent avec agilité pour le rejoindre, glissant sur le dernier mètre qui les séparait de lui. Les yeux plissés pour se protéger des projectiles qui fusaient de tous côtés, elles tentèrent d'échanger quelques mots dans ce vacarme infernal.

— Vous n'avez pas réussi à en abattre quelques-uns ? tenta Katany.

— Si, je crois que Kylburt en a eu un. Mais les cinq autres, c'est une autre affaire.

— Les cinq autres ? Ils sont six ? s'informa Binny.

— C'est ça. On en a loupé un... regretta Milo. J'en ai deux qui me canardent depuis le début. De Xylis aussi est en difficulté. Il n'y a que Kylburt qui se retrouve en tête-à-tête.

Binny jeta un coup d'œil rapide à la position de Slikof. Malgré le fin brouillard mêlé à la poussière, elle parvint à l'apercevoir. Deux hommes s'en approchaient. Il était pris au piège. Son cœur manqua un battement à l'idée de le voir de nouveau blessé, ou pire. La prudence qui sommeillait en elle lui conseillait de ne pas tomber dans le piège, mais son sang d'Adhara lui murmurait tout autre chose : je vais me les faire.

Ses pensées s'interrompirent lorsqu'elle aperçut la porte Ouest se refermer, sous le regard paniqué de sa mère et de son frère. Leur sort était désormais scellé : elles étaient là pour prêter main-forte, pas pour rester cachées à attendre une attaque qui pouvait leur être fatale.

Binny prit une profonde inspiration, serrant son arme contre sa poitrine comme pour y chercher un peu de réconfort et d'apaisement. Un doudou létal, froid et rigide. Katany activa la lame de son épée, qui se déploya dans un faisceau lumineux violet. Le reflet de cette lumière éclatante dansait dans ses pupilles, émerveillées par l'objet d'exception qu'elle tenait entre ses mains.

— Vous ne comptez quand même pas y aller de front ? Ils sont armés jusqu'aux dents et vous tueront avant même que vous ayez fait un pas ! s'interposa Milo.

— La fumée nous permettra d'avancer furtivement, rétorqua Binny.

— Vos cheveux sont roses, putain !

Dans un ricanement, les deux sœurs sortirent de leur cachette, armes luminescentes en main. Milo se releva dans un grognement, essayant de les couvrir du mieux qu'il le pouvait. Face à eux, il distingua une tignasse rougeoyante, et crut apercevoir l'espace d'un instant, le fantôme de Manko Krane. L'officier la visa, lançant un assaut plus précis qu'une simple salve de couverture. Son tir résonna et sembla faire mouche, la silhouette s'affaissa en avant. Binny aperçut la femme en difficulté et s'élança vers elle, son poignard à lame verte brandi. Bien décidée à lacérer de la chair fraîche. De son côté, Katany se lança avec agilité vers un homme chétif. Son regard bleu azur la transperça, et il tira rapidement dans sa direction. D'un geste presque chorégraphié, elle dévia les projectiles avec le faisceau de son épée, les faisant ricocher sur la carcasse de la soute, du moins ce qu'il en restait. L'officier profita de la confusion de ses deux assaillants pour tenter de rejoindre Slikof. Il essuya quelques rafales hasardeuses, mais parvint à s'approcher de l'espion sans pour autant l'atteindre. Ce dernier, retranché derrière sa rambarde de maintien, attendait la confrontation finale.

Fiora, debout mais hagarde, porta une main à l'arrière de son crâne, là où une douleur lancinante pulsait. Tout en se mettant à l'abri, elle sentit sous ses doigts la chaleur poisseuse d'un liquide. La plaie était ouverte. Sa paume, désormais couverte de sang verdoyant, reflétait la même teinte que les écritures gravées sur la pierre des Anciens. Une faible lueur en émanait, comme si le sang était animé d'une vie propre, vibrant au rythme d'un battement imperceptible. Ou peut-être n'était-ce qu'une illusion ?

Elle secoua la tête, chassant toute réflexion parasite. Ce n'était ni le moment de douter ni celui de s'attarder sur des mystères insolubles. Ce qui importait, c'était d'avancer, de s'enfoncer plus profondément dans le vaisseau. Son objectif ? Mettre la main sur les deux jeunes souveraines et leurs maudits anneaux. Elle n'en pouvait plus d'enchaîner les échecs. Il fallait en finir avec la mission Minden, rétablir l'ordre et rendre aux Golts l'honneur qui leur revenait.

Animée par ces convictions, elle reprit sa route d'un pas chancelant, déterminée à ne laisser aucun obstacle entraver sa progression. La première porte qui se dresserait sur son chemin ne serait qu'un détail à effacer d'un tir bien placé. Fiora comptait ouvrir une brèche et offrir à son équipe l'opportunité de semer le chaos.

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