ASSAUT *** III ***
PIROS – SOUTES
L'équipage de la mission Minden était sur le qui-vive. La menace qui grondait à l'extérieur les ramenait à des assauts passés, et aucun d'entre eux n'avait envie de subir de nouvelles pertes. Une fois réunis dans les soutes, chacun pendait aux lèvres du maître espion, qui commença à dérouler son plan d'accueil.
— Bien. Au vu des informations fournies par le capitaine, nous avons affaire à six individus. Je ne sais absolument pas quel plan ils ont concocté, ni ce qu'ils comptent faire une fois le pont descendu. Il est difficile de dire s'ils lanceront un assaut groupé ou s'ils tenteront une approche plus subtile. Ce qui est certain, c'est que nous serons là pour répondre à l'intrusion.
Kylburt, qui se trouvait à ses côtés, prit aussitôt la relève des directives.
— Mais nous ne pouvons pas nous permettre de tous rester ici. Le risque, c'est d'être tous pris en défaut, selon l'arsenal qu'ils détiennent. Je propose donc que trois d'entre nous forment le comité d'accueil principal. Pour les autres, il faudra protéger les autres accès du vaisseau.
— Il y en a deux, précisa le capitaine. En face de nous, le pont donnant sur l'extérieur. Derrière nous, cette porte mène à la salle des machines, une voie sans issue. Il reste les deux portes Ouest et Est. L'idée principale, c'est de créer des comités d'accueil secondaires à partir de celles-ci.
Tout le monde comprit l'implicite. L'objectif était de les empêcher d'aller plus loin que le premier accès. Aussitôt les directives comprises, certains groupes se formèrent de manière instinctive, mais Zorth intervint pour interrompre le mouvement.
— Il serait de bon ton que Dame Alida, la Princesse Tyra et Houda soient mises à l'abri des foudres de l'assaut qui se profile à l'horizon.
Personne n'émit d'objection, bien entendu ; les deux souveraines et la scientifique n'avaient rien à faire ici. Tyra s'approcha de son époux et l'étreignit, un geste qui trahissait son inquiétude profonde. La jolie rousse prit l'une des mains de Brizbi et lui souffla quelque chose à l'oreille. La hackeuse esquissa un sourire amusé avant de lui rendre son baiser. Au même moment, le capitaine s'approcha d'elles, sans la moindre gêne à l'idée de les interrompre.
— Eh, Brizbi, j'aurais peut-être besoin de vous dans les couloirs... Si jamais ils touchent à nos systèmes, j'aurais bien besoin d'un rat informatique comme vous pour régulariser la situation.
— Ok. Errer dans l'ombre et tripoter des fils a toujours été dans mes cordes.
Il posa une de ses lourdes mains sur l'épaule de la jeune femme, lui offrant un signe de reconnaissance.
— Mais n'hésitez pas à utiliser votre lame si quelqu'un s'aventure plus loin dans les entrailles de mon vaisseau.
Brizbi lui répondit avec un sourire carnassier, qui en disait long sur son envie d'en découdre. De l'autre côté de la pièce, Alida se tourna vers Fyguie, posant une main bienveillante sur sa joue, jetant à sa fille quelques regards empreints de tendresse.
— Soyez prudents... J'ai encore tant de choses à vous dire...
— Ça ira, répondit le jumeau.
Kybop lui lança un regard entendu, sans plus d'effusion. Alida se détourna, empruntant le chemin des couloirs, accompagnée de Tyra, Houda et Zorth. Il n'y avait aucun doute sur les membres du groupe qui occuperaient les soutes : Slikof, Kylburt et Milo. Les trois hommes étaient les mieux préparés à protéger le reste de l'équipage, forts de leurs formations respectives, qu'il s'agisse des ordres du nid, de l'armée du roi ou de la police de Durian. La défense de la porte Est serait assurée par les jumeaux, désormais inséparables, accompagnés du prince Hyldon. Quant à la porte Ouest, la famille Ristoc se tiendrait prête.
Avant de prendre leur position, le capitaine regagna son cockpit, prêt à toute éventualité : qu'il s'agisse d'un départ précipité, du suivi des caméras du vaisseau, ou encore de prises de décisions concernant la condamnation de certaines parties du Piros. Ainsi, il pourrait agir en ange gardien de ceux qui allaient risquer le pire dans les dédales de sa boîte de métal.
PIROS- PORTE EST
Le coeur de Kybop battait la chamade, un rythme effréné qu'elle n'avait jamais connu. Certains événements de sa vie refirent surface : les nombreuses rixes dans les sous-sols d'Eltanin, ou encore les missions furtives avec Guitry, qui lui avaient fait battre le cœur à tout rompre. Mais aujourd'hui, c'était différent. D'abord, parce qu'elle se trouvait aux côtés de son frère, mais aussi parce que l'armement lourd qu'elle portait lui donnait l'impression que l'irréparable pouvait se produire à tout instant. La tension du danger, mêlée à la présence de ces personnes qu'elle avait fini par apprécier, nourrissait en elle une rage dévorante. La perte de Guitry sur les Askyrs lui revenait en tête, et elle refusait de perdre une âme de plus.
L'Eltanienne observait son frère avec une attention toute particulière. La mâchoire tendue par la pression du moment trahissait à quel point il était prêt à tirer son premier coup de feu, un geste qu'il n'avait jamais fait. Lui qui n'avait jamais combattu qu'avec des atomes, ou d'autres éléments scientifiques, dans la froideur d'un laboratoire aseptisé.
Kybop tenait fermement un Nano450-Z, une arme Glatorienne, entre ses doigts. Aussi destructrice que vicieuse, cette arme était capable de projeter des balles contenant des nanobots programmés pour détruire l'intérieur des machines ou des structures biologiques. Les nanobots se déployaient pour causer des destructions internes précises. L'idée de ce pouvoir lui glaçait le sang autant qu'elle la rassurait. Lorsqu'elle avait pénétré dans l'armurerie, elle s'était précipitée sur cette arme, bien consciente de ses capacités. Ce qu'elle recherchait, c'était ce qui pourrait faire le plus de dégâts.
Son frère, bien moins familiarisé avec les objets présents dans l'armurerie, s'était tourné vers celui qui lui paraissait le plus simple à manipuler : un Blaster/G. Une arme utilisant des champs gravitationnels, permettant de propulser des projectiles lourds ou créer des ondes de choc. Elle pouvait également générer des trous noirs miniatures, capables d'aspirer des objets ou des ennemis à proximité. Le tout résidait dans la gestion de l'arme. Lorsqu'il l'avait saisie de manière tout à fait hasardeuse, Kylburt s'était empressé de lui expliquer son fonctionnement de la manière la plus concise possible. L'urgence du moment n'avait pas permis aux deux hommes d'aller plus loin qu'un simple tutoriel express. Pourtant, le scientifique avait bien pris note des instructions et avait finalement confirmé son choix par un simple hochement de tête, auquel Kylburt avait répondu par une tape amicale sur l'épaule.
Le prince s'était tourné vers ce qu'il connaissait, une arme qui le rassurait probablement. Un modèle courant à travers l'Univers, qui n'avait plus à faire ses preuves : le gerenda2830. Cette arme était monnaie courante sur de nombreuses planètes. Il s'agissait d'un canon tirant des faisceaux de particules subatomiques. Son principal avantage résidait dans sa précision implacable et sa portée impressionnante.
Le trio se tenait prêt. Bien que le sentiment dominant fût la peur de perdre l'un d'eux, bien plus que celui de gagner la bataille qui se dessinait devant eux.
PIROS – PORTE OUEST
La famille Ristoc, au complet, s'était postée de manière stratégique près du sas de la porte. Leur équipe était la plus nombreuse et, pour cette raison, ils avaient décidé de se répartir en binômes. Binny et Katany occupaient la première ligne, tandis que Dozik et leur mère se tenaient près de l'accès du second sas Ouest. L'aînée de la fratrie vérifiait constamment derrière elle, s'assurant que son frère et leur mère étaient à une distance sécuritaire. Tamy, la plus âgée, possédait une expérience bien plus grande, tandis que Dozik restait le moins aguerri, il ne devait pas se tenir devant. Sa sœur se tenait droite à ses côtés, résolue à ne pas flancher. Binny, émue, admirait sa détermination. Lors de leur escale sur leur planète natale, plusieurs de ses connaissances, qu'elle avait revues, n'avaient pas tari d'éloges sur l'entraînement exceptionnel de sa cadette. Sortie en tête de l'académie de Toké, la capitale, avec les meilleurs résultats de son groupe, elle était une référence dans les arts du combat. Et la voilà maintenant, prête à mettre en pratique des années de dévouement.
Dans l'armurerie, les Ristoc s'étaient d'abord dirigés vers des armes de combat rapproché, le type de combat dans lequel ils excellaient. Cependant, un rappel de l'Espion de Zoldello les incita à faire preuve de pragmatisme et à se procurer des fusils et autres revolvers. Néanmoins, aucun d'eux n'abandonna l'idée de finir le combat au corps à corps. Chacun s'était équipé d'une lame énergétique : Katany avait pris une épée, Tamy une hache, Binny un poignard et Dozik un simple couteau. Ces lames, formées de champs d'énergie concentrée, pouvaient trancher à travers presque n'importe quel matériau.
Tout comme le groupe Est, la tension se lisait dans chaque muscle, mais ici, tout était sous contrôle. Tel un groupe de lionnes prêtes à chasser, la famille partageait le même goût pour la justice et le sang.
PIROS - CHAMBRE DE LILAS
Dans les quartiers voyageurs, les deux jeunes souveraines attendaient, rongées par l'angoisse. Soudain, dans l'attente de nouvelles informations, un bruit se fit entendre de l'autre côté de la porte, suivi du cliquetis d'une autorisation d'ouverture. Dans un soulagement total, les deux cousines virent Zorth entrer, accompagné d'Alida et de la princesse Tyra. Aussi rapidement qu'ils étaient entrés, le conseiller condamna la porte derrière lui.
— Zorth, que se passe-t-il ? s'inquiéta Lilas.
— Nous devons demeurer confinées ici jusqu'à la fin de l'assaut. Ne vous en faites point, tout est sous contrôle.
Saranthia échangea un regard avec sa mère, étonnée de l'absence de son père. La mention de l'assaut ne fit qu'accroître son inquiétude. Allait-il en faire partie ? Sans mot dire, sa mère la rejoignit sur le rebord du lit et lui prit la main d'un geste calme et rassurant. Cette approche apaisée ne perturba en rien la Régente ; bien au contraire, elle éprouva une profonde satisfaction de recevoir ce soutien émotionnel de la part de sa mère. Une sensation étrangement familière, qu'elle avait fini par oublier. La jeune souveraine déposa à son tour sa main sur celle de Tyra.
Alida prit place, le visage marqué par l'angoisse, rongée à l'idée de ne pas revoir ses enfants, qu'elle venait tout juste de retrouver. Parmi les personnes présentes, seul le conseiller connaissait cette information et lui adressa un sourire qui se voulait rassurant. Un léger soupir s'échappa des lèvres de Dame Iker, accablée par une attente qui risquait de devenir insoutenable. Lilas regarda la porte de sa cabine, consciente que plusieurs amis, dont celle qu'elle aimait, étaient maintenant en grand danger derrière ces parois métalliques de malheur.
Zorth balança légèrement son bras pour établir la communication.
— Capitaine, nous nous trouvons dans la cabine. J'ai également pris soin de déposer Mlle Monty en le laboratoire, afin qu'elle puisse prêter secours à Sylice dans ses recherches.
— Parfait. Tout semble être en ordre. Je vais lancer l'ouverture des soutes. Préparez-vous, ça risque d'être bruyant.
EBREDES – EXTERIEUR DU VAISSEAU
Dans un souffle d'air comprimé, le pont s'abaissa lentement, éclairant l'extérieur d'un filet de lumière jaune, tel un rayon venant troubler l'obscurité d'un couloir clos. Cette lueur silencieuse plongea Fiora dans la réflexion. Pourquoi personne ne se décidait à sortir ? Et si personne n'avait l'intention de quitter le vaisseau, pourquoi ouvrir le pont ? Elle n'était pas dupe : ils avaient été repérés. Cette porte entrouverte n'était qu'une invitation à l'affrontement. Il n'y avait que deux options : y aller ou ne pas y aller. Les yeux de Tiger et Lozy s'illuminèrent d'un feu d'artifice d'excitation, la lumière de cet accès vers l'assaut se reflétant dans leurs pupilles d'un noir profond.
— Pourquoi personne ne sort de votre tas de ferraille ? grogna l'un des hommes de main de Fiora.
— Ils nous offrent le choix : se jeter dans la gueule du loup ou renoncer, rétorqua-t-elle.
— Mon père disait toujours : quand une décision doit être prise, choisis la plus amusante, lança Lozy.
Tiger soutint sa réplique par un rire étouffé. L'idée de foncer dans la mêlée les mettait dans un état second. Comme deux félins affamés devant une proie blessée, à leur merci. Une âme affaiblie avec laquelle s'amuser, juste pour le plaisir.
Fiora, presque emportée par leur folie destructrice, écarta l'idée de fuir. Tout ce qu'elle cherchait à détruire ou à récupérer se trouvait en un seul et même endroit. L'opportunité était trop belle. Elle vérifia une dernière fois l'arsenal à sa disposition, et le doute d'une défaite s'envola rapidement. Ils ne pouvaient pas leur échapper.
Abandonnant son instinct de survie, elle et ses chevaliers de l'apocalypse s'avancèrent vers le halo de lumière qui baignait le pont grand ouvert. Le retour en arrière était désormais impossible..
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