ZOLDELLO

ZOLDELLO - PALAIS D'ULTYA

Le Roi se précipite dans la salle du trône. Les couloirs du Palais sont saturés de soldats armés. Il est évident que Gotbryde fait preuve d'une prudence extrême, redoutant pour sa vie et celle de sa fille. Tout le palais est en état de haute vigilance, guidé par des directives strictes.

—Je vous écoute, déclare-t-il tout en prenant place.

—La main sur le cœur, le regard vers l'avenir, déclame Slikof.

L'homme incline légèrement la tête en signe de révérence. Son apparence soignée et parfaite laisse deviner qu'il tient un rôle important au sein de la couronne.

— Je suis ici pour vous avertir. J'ai appris qu'une nouvelle menace pèse sur votre fille.

— Encore une... murmure Gotbryde, visiblement agacé.

— Nos Oiseaux de nuit ont déjà pris l'initiative. Ce ne sera bientôt plus un problème, assure-t-il d'un ton plein de certitude.

Le Roi, pensif, s'accoude à son trône, enserrant les accoudoirs de ses doigts crispés, blanchis sous la pression.

— Jusqu'à quand ? Les menaces nous arrivent de tous les coins de Zoldello. Une nouvelle chaque jour.

— Je comprends votre inquiétude, Roi Gotbryde. Mais nos Oiseaux font tout ce qu'ils peuvent pour faire taire nos ennemis.

— Je le sais, Slikof... Et vous avez toute ma confiance. Je suis juste fatigué de voir que la révolte ne fait que croître.

— Nous ferons tout notre possible pour étouffer les contestations.

Gotbryde hoche la tête, ses yeux toujours rivés sur lui, sans jamais détourner le regard.

Slikof De Xylis est sans doute l'un de ses meilleurs alliés. Maître des Oiseaux de nuit depuis plus d'une décennie, il fait preuve d'une efficacité redoutable, digne des légendes chuchotées dans les couloirs du Palais d'Ultya. Ses cheveux bleus, signature typique des Rigéliens, n'altèrent en rien sa discrétion. Au contraire, ils renforcent son aura mystérieuse, lui conférant le surnom de Fantôme d'Ultya, un être insaisissable, invisible aux yeux de ses ennemis.

Derrière son apparence juvénile, presque angélique, se cache un homme inflexible, fidèle jusqu'à l'os, débordant de valeurs inaltérables. Il est d'une loyauté sans faille envers le Nid, son sanctuaire et raison d'être. Son visage doux, marqué par une beauté presque féminine, lui confère un avantage certain : il charme et manipule avec un naturel déconcertant, un talent essentiel pour un espion. Slikof possède cet art subtil de gagner la confiance, d'abaisser les gardes par un simple sourire, tout en dissimulant une âme d'acier, impitoyable lorsque le devoir l'exige.

— Slikof, rendez-moi service.

— Tout ce que vous voudrez, mon Roi, affirme-t-il en posant la main sur le cœur.

— Suivez-moi, ordonne Gotbryde en se redressant.

PALAIS D'ULTYA - LE SECRETOIRE

Les deux hommes franchissent une porte dérobée, juste derrière le trône. Le Secrétoire, comme l'ont toujours désigné les Hauts-Rangs du palais. La porte massive, d'un bois noble, émet un léger grincement lorsqu'ils la franchissent. Slikof est un habitué des lieux, connaissant chaque recoin de la pièce comme s'il en avait été l'architecte lui-même. L'endroit est sombre, sans ouverture, bien à l'abri des regards et des oreilles indiscrètes. Si un lieu devait avoir été le théâtre de tromperies, de trahisons ou de complots, c'est bien ici. Une pièce tapie derrière un trône, symbole de pouvoir et d'allégeance, victime parfois des convoitises de ceux qui cherchent à le renverser.

Le sol est taillé dans un marbre immaculé, de grands carreaux nacrés le tapissent, donnant l'illusion qu'il est glissant, incitant à la prudence quiconque y poserait les pieds. Des étendards aux couleurs de la famille royale, rouge et or, pendent fièrement, réguliers sur chacun des murs. Ces bannières rouge vif, arborant une simple goutte couronnée, flottent comme un avertissement silencieux, le rappel du sang royal. Les murs, faits de pierres monumentales, confèrent à la pièce une ambiance morbide, presque funéraire, semblable à un tombeau. Cette atmosphère incite au calme et au respect dans les mots, comme si l'espace lui-même exigeait une déférence tacite.

En son centre, un promontoire de marbre, semblable à celui du sol, attend d'accueillir tablée d'émissaires ou bien des chefs de guerre, debout, élaborant des plans d'attaque sur une carte de Zoldello. Alors que Slikof laisse ses yeux se perdre sur le trône de fortune, placé dans le fond de la pièce, le Roi prend la parole, tranchant, sans détour.

— Ma fille va s'exiler.

— S'exiler ? Que voulez-vous dire ?

— Exactement ce que je viens de dire. Elle va partir. Ce soir. Elle sera plus en sécurité ailleurs.

— Doutez-vous de nos capacités à protéger la famille royale ? s'indigne Slikof, une lueur d'offense dans les yeux.

— Jamais. Mais l'ombre du danger n'a jamais été aussi persistante. Je crains que nous n'ayons pas les ressources nécessaires pour parer toutes ces menaces.

Slikof reste silencieux, pensif. Le Roi n'a pas tort. Depuis la Dernière éclipse, leurs détracteurs exploitent leur faiblesse militaire pour frapper sans retenue.

— Suis-je de la partie ? s'enquiert-il, une lueur d'inquiétude dans la voix.

— J'aimerais. Je serais rassuré de vous savoir à ses côtés.

— Elle sera seule ?

— Non, Kylburt sera avec elle.

— C'est une bonne chose, souffle-t-il, comme un poids en moins sur la poitrine.

Gotbryde se penche légèrement, mettant Slikof dans la confidence, lui soufflant à l'oreille le lieu d'exil de sa fille. Un repli discret, au cœur d'une partie reculée du Royaume. Un coin de Zoldello, peu fréquenté, à plusieurs dizaines de kilomètres du premier village.

— Qui nous récupère ?

— Je ne souhaite pas vous donner trop d'informations. Contentez-vous de les accompagner et de les mettre en sécurité.

— Bien.

Slikof hoche la tête d'un air entendu. Le Roi se lève, ses pas résonnent dans l'écho du Secrétoire, et la tension qui imprègne l'air persiste, tenace, comme l'odeur de la fumée qui flotte après l'extinction d'une bougie.

PIROS – CABINE DE KYBOP ET GUITRY

Loin des préoccupations qui agitent le palais d'Ultya, je repense au tumulte des déclarations du Gudjanien. Je n'arrive pas à saisir ce qu'il attend réellement de moi dans cette histoire rocambolesque.

— Je ne comprends rien...

Dire que je suis hors de moi est un euphémisme. Tout ce que Zorth nous annonce n'a aucun sens. Il reste si évasif.

Sauver l'univers ?

Comment ?

Pourquoi ?

De quoi ?

De qui ?

— Écoute, je ne vais pas me plaindre pour l'instant. On est plutôt bien accueilli ! Chambre quatre étoiles, nourriture appétissante, équipage sexy ! s'exclama Guitry en s'affalant sur le lit avec entrain.

— Tu devrais être plus méfiant, Guitry... Ça va finir par te causer des ennuis.

— De voir le verre à moitié plein ? S'amuse-t-il.

— Oui.

Guitry fait la moue.

— Il faut bien contrebalancer avec tes mauvaises ondes permanentes.

— Je n'ai pas de mauvaises ondes, m'agacé-je en tournant la tête.

— Si, tu as un mauvais Karma. Je le sens.

— C'est quoi, le Karma ? Arrête un peu avec tes croyances d'hérétiques.

Il éclate de rire et s'enfonce un peu plus dans le matelas.

— Mon Dieu. Allonge-toi, Kyb ! Ce lit, c'est quelque chose !

— Tu crois vraiment que je n'ai que ça à faire ? On est pris en otage dans un vaisseau qu'on ne connaît même pas, je te rappelle. On n'est pas là pour tester la literie ! bougonné-je en croisant les bras.

— En otage ? On est monté de notre plein gré, mademoiselle bras croisés.

— Je ne leur fais pas confiance ! On doit rester sur nos gardes !

— Sur nos gardes ? Tu as vu Zorth ? Un mauvais coup de vent et il disparaît.

— Zorth, oui, mais l'Adhara et le Capitaine, ce serait une autre paire de manches.

Guitry ne peut qu'acquiescer.

— Et si ça se trouve, ils ne représentent aucune menace ? suppose-t-il.

— Eh bien, ce sera tant mieux. Mais ça ne nous empêche pas de rester vigilants.

— Ok. Soyons vigilants, m'imite-t-il de manière exaspérée.

Je lui lance un regard menaçant qui n'a d'effet que de l'amuser.

Un bruit nous arrête dans notre conversation. Dans un glissement, la porte de la cabine s'ouvre. Nous tournons la tête en même temps pour voir qui vient d'entrer. C'est la scientifique dont j'ai avalé le nom. Les portes se referment derrière elle, et elle demeure immobile, les mains posées de manière militaire le long de son corps. Visiblement prête à nous dire quelque chose, solennellement.

— Ravis de voir que vous êtes bien installée. J'aimerais m'entretenir avec vous, Mlle Flokart. Si vous le voulez bien, déclame-t-elle sans exprimer aucune émotion.

Je remarque que les yeux de Guitry trahissent un certain intérêt pour cette jeune femme. Un éclair d'attirance fugace qui ne m'échappe pas. Je me lève et fais quelques pas dans sa direction, sentant une étrange tension.

— Qu'est-ce que vous me voulez ?

— J'aimerais vous emmener dans le laboratoire.

— Le laboratoire ?

L'expression de mon ami change brusquement, et je vois une ombre de méfiance traverser son visage.

— Pourquoi faire ? interroge-t-il, les sourcils froncés, suspicieux.

— Simple contrôle de routine. Je dois m'assurer que tout le monde est en bonne santé. Nous allons partager un espace clos pendant une longue période. Je ne voudrais pas que quiconque propage un quelconque virus. Au même titre que le Capitaine, responsable de la sécurité du vaisseau, je suis responsable de votre bien-être et de la bonne santé de tout l'équipage à bord du Piros.

Je fronce les sourcils, tentant de sonder ses intentions, mais elle reste implacable, les yeux fixés sur moi, comme une lame invisible qui attend de frapper. Ses mots résonnent, mais la froideur de son regard me déconcerte.

— Bon, d'accord... Je vous suis.

Sans un mot de plus, Sylice tourne les talons et ouvre la porte de notre cabine. En sortant, je lance un dernier coup d'œil à Guitry. Il me fait un signe de tête, comme pour assurer qu'il restera vigilant, mais, fidèle à lui-même, il se laisse retomber sur le matelas avec une nonchalance désarmante. Dans un roulement d'yeux exaspéré, je ne peux m'empêcher de penser qu'il est parfaitement légitime de douter sérieusement de sa prétendue vigilance.

PIROS - LABORATOIRE

Les portes s'ouvrent sur un laboratoire ultramoderne, où chaque surface lisse et brillante semble crier perfection. Pourtant, la vue de tous ces appareils me met mal à l'aise. Leur apparence aseptisée ne suffit pas à masquer leur nature intrusive, et je ne peux m'empêcher de les associer à des instruments de torture. Je n'ai jamais eu d'affinité avec les médecins ou autres professionnels de la santé. L'idée de leur faire aveuglément confiance sous prétexte que la science serait infaillible m'a toujours perturbée.

"Rien n'est au-dessus de la science", répétait inlassablement Guillermo, le vieux docteur de la mine, en s'entortillant la moustache avec son index.

— Installez-vous sur la chaise, déclare Sylice d'un ton dénué de toute chaleur, sans même me lancer un regard.

— Vous parlez toujours comme ça ? Vous êtes toujours aussi directive ? rétorqué-je, sur la défensive.

Elle ignore complètement ma remarque, me tournant le dos avec une indifférence désarmante, comme si ma présence ne méritait aucune considération.

Je m'installe finalement sur le fauteuil, résignée, fixant le plafond d'un blanc immaculé, d'une monotonie désolante. Sylice termine quelques ajustements sur un appareil et s'avance vers moi avec un plateau d'ustensiles qui me semblent tout sauf rassurants.

— Je vais vous faire une prise de sang. Rien de bien méchant, lâche-t-elle mécaniquement.

Je décide de ne pas compliquer les choses et obtempère.

— Votre bras, ordonne-t-elle sèchement.

— Vous parlez toujours en injonctions, ou il vous arrive d'utiliser des formules de politesse ?

Elle ne répond pas, mais son agacement se trahit par un froncement imperceptible de ses sourcils. Elle m'attrape le poignet avec fermeté, ses gestes précis mais dépourvus de douceur.

— Vous ne pouvez pas juste faire ce qu'on vous demande ? soupire-t-elle.

— On m'a toujours dit de me méfier des inconnus, surtout de ceux qui manipulent des aiguilles, riposté-je avec un sourire provocateur.

Elle lève les yeux au ciel, visiblement agacée.

— Et qui est ce on ? sonde-t-elle, un brin de curiosité perçant dans son ton.

Je lui réponds par un haussement de sourcils exagéré, comme si je détenais un secret d'État. Alors que je réalise à peine ce qui se passe, elle a déjà prélevé mon précieux liquide. Cette petite maligne a clairement détourné mon attention. L'éprouvette, désormais remplie, scintille sous la lumière froide du laboratoire.

Sylice la tient entre son pouce et son index, scrutant le contenu avec une satisfaction presque inquiétante.

— Parfait ! s'écrie-t-elle, un sourire étrange étirant ses lèvres.

ZOLDELLO – FORÊT IMMEMORIALE

Le Royaume est plongé dans l'obscurité d'une lune sombre, synonyme de mauvais présage dans les contrées du Sud. Mais il n'y a pas de temps pour les superstitions. La princesse s'engage dans un exil clandestin avec son ami de toujours.

Ils traversent les bois des Originels, cette forêt immémoriale de Zoldello. Les lieux sont paisibles et rassurants. Les lucioles ancestrales, vénérées par de nombreux Ultyens, scintillent d'un vert opalin, symbolisant la fertilité et l'abondance de la planète verte.

Tant que brillent les lucioles ancestrales, Zoldello abondera de denréesLivre Saint d'Ultya, Chapitre 4, verset XI.

Cette atmosphère confère à leur périple une dimension presque mystique. Au détour d'un chemin de terre, Kylburt prend un dernier virage avant d'annoncer discrètement :

— Nous sommes arrivés.

— Et maintenant ? signale Lilas, inquiète.

— On attend.

Celui-ci reste de marbre, visiblement peu inquiet. Soudain, un bruissement derrière des herbes hautes se fait entendre et, avant même qu'elle ne puisse réagir, une silhouette émerge. Slikof pose sa main sur le cœur en courbant l'échine.

— Princesse.

— Slikof ! s'exclame-t-elle, surprise.

Elle jette un regard étonné à Kylburt, qui lui sourit avec malice.

— Kylburt, vous étiez au courant qu'il nous suivait, c'est ça ?

— Exactement, princesse.

— Simple sécurité, Votre Altesse, appuie-t-il pour soutenir Kylburt.

Le silence, jusqu'alors réconfortant, se transforme en un mutisme lugubre. Aucun des trois futurs exilés ne sait exactement ce qui les attend, rendant la situation déroutante. Slikof, plus habitué au mystère, passe du statut d'invité surprise à celui de meneur du groupe. Sa présence rassure la princesse, bien qu'elle se méfie de lui comme de la peste. Elle déteste les personnes qui agissent dans l'ombre, vivant de secrets et de dissimulations ; le mystère lui est insupportable, et Slikof incarne toutes ces aversions.

La menace vient du secret —Livre Saint d'Ultya, Chapitre 2, verset III.

Ce précepte l'a toujours profondément touchée, d'autant plus que sa mère, la Reine de Zoldello, a péri à cause d'une conspiration, empoisonnée par un réseau de fanatiques. La Reine Calyssia D'Ultya, respectée, douce et juste, avait été emportée par le délire d'une poignée de sympathisants de la Prophétie des Sang-Rouge.

Un bruit soudain interrompt les pensées de la princesse.

— Un vaisseau. Baissez-vous ! commande Slikof d'un geste de la main.

— C'est un engin de notre flotte, Slikof. Fabrication Tucanienne...

D'un coup d'œil, il donne raison à Kylburt. L'appareil est très silencieux, parfait pour un départ furtif. Une fois au sol, le pont s'ouvre, laissant deviner une silhouette fine et de petite taille.

— Qu'il me soit permis de vous adresser mes salutations !

GALAXIE DU SEXTANT - DANS LES TREFONDS DE GOLTONS II

Goltons II, planète mère des Golts. Une civilisation légendaire, considérée comme la plus ancienne de l'espace connu.

Peu nombreux, les Golts jouissent d'une aura quasi divine aux yeux des autres peuples stellaires. Ils sont à l'origine de nombreuses croyances, ayant inspiré la naissance de multiples cultes et courants religieux à travers les âges. Leur influence est particulièrement forte parmi les adeptes de la Prophétie des Sang-Rouge, qu'ils défendent avec ferveur.

— Où sont-ils ? rugit Fiora, sa voix résonnant comme un coup de tonnerre.

— Nous avons suivi leurs traces jusqu'à Eltanin, murmura Drike, visiblement mal à l'aise.

— Et ?

— Ils se sont échappés à bord d'un vaisseau, ajouta timidement Bogz, baissant instinctivement la tête, comme s'il redoutait un châtiment imminent.

— Quel vaisseau ?

— Un appareil de la flotte ultyanienne, Votre Sainteté, finit-il par lâcher, la voix tremblante.

Fiora plissa les yeux, réfléchissant, avant de poser une main élégante sur son menton.

— Intéressant...

Elle esquisse un léger sourire, aussi froid qu'énigmatique.

— Ainsi, le vieux Roi Gotbryde reprendrait du service... Je pensais qu'il avait abandonné sa Confrérie après l'assassinat de sa chère et tendre Calyssia. Ce drame aurait pourtant dû suffire à briser son esprit... Mais visiblement, il en faut plus à ce bon vieux Roi de pacotille.

Elle marque une pause, scrutant tour à tour les visages tendus de ses deux subalternes.

— Où se trouve la princesse ?

Un silence pesant s'abat sur la pièce. Ni Drike ni Bogz n'ose répondre, leurs regards fuyants celui de Fiora. Finalement, Drike prend une grande inspiration et risque une réponse.

— Sur Zoldello, Votre Sainteté.

— En êtes-vous sûr ? demande-t-elle, chaque mot lourd de menace.

— Nous allons le vérifier, répondt-il d'un ton qu'il tente de rendre assuré, bien que sa voix vacille légèrement.

Fiora esquisse un sourire glacé.

— Oui... vérifiez... articule-t-elle lentement, chaque syllabe prononcée avec une précision menaçante.

GALAXIE D'YZON - TERRE II - DANS UN LABORATOIRE

Sur Terre II, bien loin du tumulte qui accapare les nouveaux occupants du Piros, deux scientifiques subissent les affres de l'échec dans un laboratoire de l'Agence Spatiale Inter-Planétaire Yzonnienne. Malgré leurs efforts acharnés, ils semblent incapables de mener leurs expériences à terme.

— Je ne comprends pas... Pourquoi ? s'emporte Fyguie, tapant du poing sur le plan de travail. J'ai refait l'expérience trois fois ! J'ai modifié les composants comme indiqué dans ce maudit bouquin ! Pourquoi je n'obtiens pas ce fichu—

— Hey ! Du calme, Fyguie, l'interrompt Houda en posant une main apaisante sur son épaule.

Sous ses doigts, elle perçoit la tension dans chaque muscle de son collègue. Fyguie est un homme rigoureux, presque obsessionnel. Sa passion pour les sciences a consumé une grande partie de sa vie. Ce grand gaillard aux cheveux d'ébène, autrefois doté d'un humour mordant, semble aujourd'hui étranger aux plaisirs simples de l'existence, absorbé par sa quête de compréhension.

— Relaxe, mon grand. On a encore trois mois pour trouver une solution, tente-t-elle de le rassurer.

— Je sais... Mais ça me rend fou. Cette matière n'obéit à aucune règle connue, Houda.

Elle hausse les épaules, une moue résignée sur le visage.

— On devrait aller prendre l'air. Boire un coup.

— Pfff... Si tu penses que ça va résoudre quoi que ce soit... marmonne-t-il sans conviction.

Houda lui asséne une tape vigoureuse dans le dos, son visage illuminé d'un sourire malicieux.

— Boire un coup ne résout rien, mais ça fait toujours du bien ! lance-t-elle avec un entrain presque enfantin.

Un sourire fugace étire les lèvres de Fyguie. Houda Monty a ce don rare de désamorcer les tensions par sa simple présence. Sa positivité rayonnante semble se heurter à son sérieux comme un rayon de soleil perçant les nuages. Jeune femme au teint hâlé, ses cheveux cuivrés et ses yeux noisette pétillants ajoutent à son charme irrésistible, particulièrement lorsqu'elle sourit, révélant une légère fossette au coin de sa joue qui accentue son allure séduisante.

— Deux ou trois Liqueurs de Sabran et on n'en parle plus !

— Oui, tu m'étonnes qu'on n'en parle plus... Avec ses cinquante-cinq degrés, cette liqueur ferait taire un volcan, réplique-t-il avec un brin de sarcasme.

— C'est exactement ce qu'il nous faut ! On refait le monde, comme avant !

— Avant quoi ? On se connaît depuis cinq mois, Houda, fait-il remarquer avec amusement.

— Oh, c'est vrai ! Ce sera une première alors. Je ne t'ai jamais vu saoul.

— Je te préviens, je suis encore plus ennuyeux avec quelques grammes dans le sang.

— Je ne crois que ce que je vois, lance-t-elle en ponctuant sa phrase d'un clin d'œil espiègle.

Houda finit par le convaincre, tirant sur son bras avec un regard suppliant dont elle a le secret. Fyguie cède finalement, un soupir amusé lui échappant.

Leur journée est trop longue, trop frustrante ; elle a raison, ils ont bien mérité un moment de répit. Leur destination est toute trouvée : le Bar d'Avant l'Éclipse, un lieu presque malfamé, mais où l'on ne s'ennuie jamais.

TERRE II - BAR D'AVANT L'ECLIPSE

Fyguie et Houda ont troqué leurs blouses de scientifiques contre des tenues plus discrètes, adaptées à la foule citadine et moderne de la ville de Durian.

— Haaa, tu sens cette odeur ? déclame Houda en écartant les bras, prenant une profonde inspiration comme pour savourer l'air ambiant.

— Non, répond Fyguie avec son habituel pragmatisme.

— Si ! Cette petite odeur rance avec une pointe d'acidité... Un mélange entre le vomi et l'alcool !

Elle mime un geste exagéré de connaisseur, frottant ses doigts sous son nez comme si elle savourait un grand cru.

— T'es timbrée, s'esclaffe Fyguie en lui donnant un coup d'épaule complice.

Houda, rayonnante, lui attrape le bras et l'entraîne vers le bar. Ils s'installent sur les chaises hautes, familiers des lieux, comme le feraient des habitués. Levant le bras, elle interpelle le barman avec une assurance teintée d'enthousiasme :

— Une ligne de Liqueur de Sabran !

Certains surnomment cette boisson le poison d'Yzon. À doses modérées, elle provoque une douce euphorie, mais à fortes doses, elle promet des désinhibitions incontrôlées, voire des hallucinations. Le secret réside dans une molécule rare, la thuyone, qui agit comme une véritable potion chimique.

— Du C10H16O ! Une cétone monoterpénique ! déclare Fyguie avec un petit sourire satisfait, le doigt levé comme un professeur en pleine leçon.

— Exact, mon bon Monsieur ! confirme Houda, amusé par cette précision scientifique.

La soirée s'envole entre blagues osées et boutades dignes de scientifiques. Ils rient, trinquent, et se défient à coup de petites anecdotes absurdes.

Le bar lui-même est un lieu à part : bruyant, bondé, et chaotique. Une véritable institution dans la galaxie d'Yzon, tenue par un Goubalkien, dernier survivant de sa planète, réduite en cendres lors de la dernière éclipse. Ici, les disputes se règlent parfois par des éclats de voix ou des bagarres spectaculaires, mais rien n'entame l'attrait de cet endroit mythique.

Après plusieurs verres de la fameuse liqueur, Fyguie et Houda, visiblement éméchés, décident qu'il est temps de rentrer.

— On se voit d'main ? demande Fyguie, la voix traînante, luttant pour garder les yeux ouverts.

— J'sais pas... Si j'arrive à m'lever... marmonne Houda, déjà à moitié endormie sur ses jambes vacillantes.

— J'te raccompagne, décrète Fyguie d'un ton protecteur, bien qu'il marche lui-même en zigzag.

Alors qu'ils se dirigent vers la sortie, Houda, espiègle, lui donne une pichenette derrière l'oreille.

— Le premier arrivé chez moi !

Sans attendre de réponse, elle s'élance en courant maladroitement, manquant de s'étaler au premier pas. Fyguie secoue la tête, amusé, mais l'alcool réveillant une étincelle de compétition, il se met à courir à son tour.

Les deux sortent du bar en riant, se bousculant contre les portes battantes. Une fois dans les rues éclairées par les néons de la cité, leur course improvisée prend tout son élan. Ils zigzaguent entre les passants, se chamaillant à chaque détour, comme deux enfants insouciants sous un ciel sans étoiles.

ZOLDELLO - LIEU DE L'EXIL

Les trois fuyards reconnaissent immédiatement le conseiller du roi, dont l'apparence singulière se distingue par des tenues qui, bien que paraissant désuètes, sont de grande qualité, ainsi que par sa morphologie frêle

— Zorth ! Je vous pensais en mission pour le Roi ? s'étonne Slikof.

— Ceci est loin d'être inexact, Slikof De Xylis. Mais pas le temps de palabrer ! Montez, je vous en prie.

Zorth tient une fois de plus son index debout pour relever le propos. Kylburt et le Fantôme d'Ultya laissent la princesse monter en premier. Sur son passage, Zorth place sa main sur son cœur en prononçant la devise du Royaume. Lilas lui fait un signe pour lui témoigner son affection ; elle connaît Zorth presque aussi bien que son père.

Depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvienne, il a toujours été le plus fervent conseiller de la couronne. Sa mère l'adorait. Ils pouvaient passer des heures dans le Secrétoire à échanger des ragots de la cour, non pas pour en tirer quelque chose de constructif, mais simplement pour s'en amuser autour d'un thé de Tébane. Ainsi, elle monte dans le vaisseau sans crainte, se sentant en sécurité, sans aucune méfiance. C'est un réconfortant sentiment de rentrer chez elle, entourée de visages familiers et rassurants.

PIROS - LABORATOIRE

Alors que les nouveaux arrivants font leur entrée dans la salle principale, je suis toujours dans le labo. Entre les mains de la charmante mais néanmoins maléfique Sylice.

— Bon, c'est bon ? Vous avez terminé ? m'impatienté-je.

— Ce sera terminé, quand j'aurai dit que c'est terminé.

Je lève les yeux au ciel. Je viens de tomber sur bien plus agaçant que moi. Heureusement, quelqu'un vient enfin interrompre cette torture en ouvrant la porte de ce laboratoire de malheur.

— Le loup est dans la bergerie ! proclame le Capitaine, les poings posés sur ses hanches comme un super-héros ridicule.

Sylice lui lance un regard dédaigneux, avant de reposer son matériel et de retirer ses gants en latex.

— Bien. J'arrive.

— Quelqu'un m'explique ? De quoi parlez-vous, Capitaine ?

— De quoi ? Vous voulez dire, de qui ? reprend-il.

Il est visiblement tout fier de son annonce, alors que Sylice laisse échapper un soupir empreint de lassitude.

— Oui, peu importe ! De qui parlez-vous ? confirme la scientifique.

— Eh bien, elle est enfin à bord de mon Vaisseau !

— De qui parlez-vous, à la fin ?! m'impatienté-je en les fusillant du regard.

— La princesse ! annonce le Capitaine d'une voix théâtrale.

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