WALDO GOLT

*En cours de réécriture*

L'AN 3427 - QUELQUE PART - DANS UNE GALAXIE INCONNUE

Les doigts de Waldo effleurent les sillons des vieilles écritures gravées sur le précieux livre. Il ne comprend pas tout, mais l'énigme le captive. Dans la pièce, seuls le froissement des parchemins poussiéreux et, par moments, le crépitement du feu rompent le silence. Sa concentration est à son comble, lorsqu'une main se pose sur son épaule.

— Toujours plongé dans ce vieux grimoire ? demande Sandor en pressant affectueusement son épaule.

Waldo lui répond d'un soupir amusé.

— Tu devrais songer à dormir, ajoute Alida avec un sourire moqueur. Ton teint fait peur à voir.

— J'y songe, Ali... j'y songe.

La jeune femme s'assoit à ses côtés, son allure empreinte d'une grâce naturelle presque royale.

— Ta fille te réclame, murmure-t-elle. Fiora déborde d'énergie, comme toujours.

— Déborde d'énergie ? Épuisante, tu veux dire ! réplique Sandor, la voix faussement outrée.

Ils éclatent de rire. Alida, pensive, laisse son regard vagabonder. Elle effleure son ventre d'un geste tendre. WALDO le remarque et lui adresse un sourire complice.

— Félicitations, dit-il. Sandor m'a déjà soufflé la nouvelle.

Elle incline légèrement la tête en signe de gratitude.

— Merci. Mais les choses vont se compliquer... Je ne serai bientôt plus en état d'aider Sandor comme avant.

— Je m'en sortirai très bien tout seul, mon amour, intervient Sandor avec un clin d'œil rassurant.

— Sous-entends-tu que ta femme ne sert à rien ? riposte Waldo avec une lueur malicieuse dans les yeux.

Alida éclate de rire, dissipant la panique sur le visage de son époux.

— Allons, ne sois pas si sérieux. Je sais que tu n'as pas voulu dire ça, ajoute-t-elle avec douceur.

Le soulagement de Sandor est palpable.

— Ne te moque pas trop de moi, Waldo, grogne-t-il en plaisantant. Je finirai par être seul à cause de toi !

Waldo se lève et serre son ami dans une étreinte chaleureuse.

— Rassure-toi, Sandor. Votre couple est comme le feu et la chaleur : inséparables.

Alida se lève également, rompant leur discussion légère.

— La vérité, c'est que Sandor aura tout de même besoin d'une personne de confiance à ses côtés, dit-elle, plus sérieuse.

Waldo acquiesce, comprenant l'allusion.

— C'est pour cela que je compte sur toi, reprend-elle. Je sais que la Prophétie te demande beaucoup, mais la Dynastie Iker doit rester ta priorité.

— Tu peux compter sur moi, Alida, répond-il fermement.

— Pendant ma grossesse, je serai moins disponible. J'espère que tu pourras épauler Sandor dans ses tâches.

— Avec plaisir, ajoute Waldo en lui assénant une tape dans le dos.

— Et moi, je ferai tout pour préserver la lignée, assure Sandor avec gravité.

Un sourire satisfait illumine le visage d'Alida.

— Bien. Si vous le permettez, je vais voir le guérisseur. Il prétend avoir une concoction miracle pour mes fatigues matinales.

Elle quitte la pièce, un sourire narquois sur les lèvres. Dès qu'elle est hors de portée, Waldo se penche vers Sandor.

— Alors... la descendance est en route ?

Sandor, submergé par l'émotion, renifle en silence.

— Oui. La lignée ne s'éteindra pas avec nous, murmure-t-il.

— Un futur Roi ou une future Reine pour Ebredès ?

— Peu importe. Ce sera l'avenir. C'est écrit.

Le silence s'installe, chargé de sens. Sandor fixe le livre sur le bureau, celui que Waldo consultait quelques minutes plus tôt.

— Encore faut-il réussir à le traduire entièrement, lâche-t-il.

— Nous y arriverons, répond Waldo avec détermination. Ensemble, nous trouverons un moyen d'arrêter les Éclipses.

Sandor hoche la tête, son visage marqué par la fatigue et l'espoir.

— La Confrérie a payé un lourd tribut pour ces textes, reprend-il d'un ton grave. Trop de sang a coulé au cours des quatre derniers siècles. C'est à nous de terminer leur œuvre.

L'AN 3431 - ZOLDELLO - PALAIS D'ULTYA

Waldo se tient seul devant une large fenêtre, un livre ouvert entre les mains. Ses doigts glissent lentement sur les pages jaunies, avec une précaution presque révérencieuse, comme s'il craignait de briser un secret enfoui.

— J'ai passé ma vie à tenter de te comprendre, murmure-t-il. Te lire, te relire, tourner encore et encore tes pages...

Sa voix s'efface dans les vastes couloirs du palais. Il ferme les yeux, le poids de la fatigue alourdissant ses épaules.

— Alida et Sandor... Avaient-ils tort ? Avaient-ils mal compris ?

— Que chuchotes-tu dans les couloirs, Waldo ?

La voix du Roi résonne derrière lui. Gotbryde émerge de l'ombre, non loin de la chapelle. Waldo sursaute légèrement, mais il reprend rapidement contenance.

— Vous étiez auprès de Calyssia ? demande-t-il calmement.

Gotbryde acquiesce d'un geste lent, le regard tentant vainement de cacher sa tristesse.

— Oui. J'aime venir la voir avant le coucher du soleil. Il m'est encore douloureux de m'endormir dans un lit où son absence laisse un vide glacial.

Waldo baisse les yeux, touché par les mots du Roi.

— On ne s'imagine pas à quel point la chaleur d'un être aimé peut manquer, souffle-t-il.

Gotbryde avance jusqu'à la fenêtre et s'arrête à côté de Waldo.

— Elle n'avait pas besoin de me toucher pour que je sente sa présence. Son existence seule réchauffait ma peau, même à distance. Et maintenant... je sais que je ne ressentirai plus jamais cela. C'est comme... une éclipse.

Le mot fait frémir Waldo. Il déglutit avec difficulté.

— Vous avez votre fille, tente-t-il doucement.

— C'est vrai. Elle est tout pour moi. Mais j'aurais tant aimé que Calyssia la voie grandir...

Waldo pose une main réconfortante sur l'épaule du Roi.

— Vous êtes un homme fort, Gotbryde.

— Et pourtant, je doute. Je doute de tout, Waldo. Les prophéties, les luttes incessantes... J'ai déjà trop perdu. Je refuse de risquer davantage.

— Mais c'est justement pour ne pas perdre plus que nous devons continuer à nous battre, rétorque Waldo avec une intensité nouvelle.

— Est-ce vraiment mon combat ?

— Vous êtes un Sang Rouge, murmure Waldo en baissant le ton. Bien sûr que ce combat est le vôtre.

Gotbryde se tourne vers lui, ses yeux brillants d'une lueur inquisitrice.

— D'où venez-vous, Waldo ? Pourquoi êtes-vous sur Zoldello ? Qui vous envoie ?

Waldo inspire profondément avant de répondre.

— La Confrérie. Vous savez de laquelle je parle.

— N'êtes-vous pas un Golt ? N'êtes-vous pas en train de vous tromper de camp ?

— Pourquoi parler de camps ? demande Waldo avec calme. Nous cherchons tous la même chose : rétablir l'équilibre.

— Notre prophétie ne prône pas l'écrasement d'autres peuples pour y parvenir, réplique Gotbryde, le regard perçant.

— Et je ne suis pas de ceux-là. Vous le savez.

— Je ne sais rien, Waldo. Vous ne répondez toujours pas à mes questions.

Après une hésitation, Waldo décide de livrer un morceau de vérité.

— Je viens d'une galaxie lointaine. La galaxie d'Elso.

— Jamais entendu parler, grogne le roi.

— C'est normal. Peu de gens la connaissent.

Gotbryde se gratte la barbe, intrigué.

— Que faisiez-vous là-bas ?

— J'aidais la Dynastie Iker, sur la planète Ebredès.

— Des Sang Rouge ?

— Oui. Mais avant tout, des amis. Ils étaient des amis, corrige Waldo un ton plus bas.

Le regard de Waldo s'assombrit. Gotbryde comprend le sous-entendu et s'en saisit.

— Étaient ?

— Oui. Comme la Reine Calyssia, tout ne s'est pas bien terminé pour eux.

Le Roi laisse échapper un ricanement discret.

— Vous espérez vraiment me convaincre avec des histoires de héros tombés au combat ?

Waldo esquisse un sourire amer.

— Peut-être est-ce maladroit, mais ces héros ont contribué à faire avancer la Prophétie. Le portail, les univers divergents, les reliques...

— Ce ne sont que des mots, coupe Gotbryde sèchement. Où est ce portail ? Que sont ces univers divergents ? Toujours les mêmes questions sans réponse. Vous ne savez rien.

Waldo serre les dents, conscient qu'il touche du bout des doigts quelque chose de crucial.

— Justement. Si nous trouvons ces réponses, imaginez ce que nous pourrions accomplir.

— Je crois que tout cela n'est qu'une chimère, tranche Gotbryde. Seule ma sœur et son époux s'accrochent encore à ces illusions.

— Peut-être ont-ils raison.

— Non. Cette bague qu'elle porte lui embrume l'esprit. Elle croit détenir une relique importante, mais ce n'est sûrement qu'un simple bijou.

Waldo fronce les sourcils, intrigué malgré lui.

— De quoi parlez-vous ?

Gotbryde hésite, mais finit par répondre d'un ton las.

— De cette bague ridicule à son index. Notre mère, la Reine Gylia, l'appelait "l'Œil". Certainement à cause de sa forme.

Le cœur de Waldo manque un battement. Le mot résonne en lui comme un coup de tonnerre. L'Œil... Ce n'est pas une coïncidence. Ce mot est partout dans le chapitre II de la Prophétie. Waldo comprend alors que Gotbryde n'est qu'un pion dans une histoire qui le dépasse. Le Roi l'observe, méfiant.

— Je repose ma question, Waldo. Que faites-vous ici ? Qu'est-ce qui vous a amené à Zoldello ?

Après un instant de silence, Waldo murmure :

— Les dernières paroles de Sandor Iker. C'est lui qui m'a dit de continuer ma quête ici.

Gotbryde marque un silence respectueux à l'évocation de Sandor. Puis sa curiosité reprend le dessus.

— Votre ami, que lui est-il arrivé ? demande-t-il, plissant ses yeux.

— Tout comme vous et vos ancêtres, il a été la cible des partisans de la prophétie des Sang Rouge, répond Waldo avec une pointe de tristesse.

— Je me doute bien. Mais que s'est-il passé exactement ? insiste le Roi.

— Ils se sont introduits de nuit dans le château, explique Waldo, le regard fixé au sol. Sandor a voulu protéger sa famille... Cela lui a coûté la vie.

Gotbryde hoche la tête, pensif.

— De nuit... Cela leur ressemble bien. Vils et fourbes, toujours dans l'ombre.

Le Roi fixe Waldo d'un regard accusateur.

— Vous devez être au fait qu'un bon nombre d'entre eux sont des Golts. Tout comme vous.

Waldo baisse les yeux, légèrement honteux. Une part de lui déteste l'idée de partager ne serait-ce qu'une infime fraction d'ADN avec cette organisation.

— Rassurez-vous, reprend Gotbryde. Je ne vous accuse de rien. Je trouve simplement étrange qu'un Golt se montre si investi dans cette cause.

— C'est vrai, concède Waldo. Je n'y étais pas destiné. Mais aujourd'hui, je le suis, et je le resterai jusqu'à mon dernier souffle.

Gotbryde observe un moment de silence, puis demande :

— Et sa famille ? S'en est-elle sortie au moins ?

— Oui. Enfin... je crois. La dernière fois que je les ai vus, ils étaient vivants, dit Waldo, hésitant.

Gotbryde soupire.

— Comme j'aurais aimé pouvoir donner ma vie pour les miens...

Waldo ne répond pas. Il comprend les paroles du Roi, mais le souvenir de Sandor le hante encore.

— Lorsque je l'ai retrouvé, baignant dans son sang, je l'ai pris dans mes bras, murmure-t-il. Nous avons échangé quelques mots. Pour la dernière fois.

Gotbryde émet un grognement grave.

— Les derniers mots d'un mourant, dit-il lentement. Cela n'est jamais à prendre à la légère.

Waldo ferme les yeux un instant, submergé par l'émotion du souvenir.

— Oui, souffle-t-il. J'étais suspendu à ses lèvres. Je n'osais plus respirer, de peur qu'il s'éteigne avant de pouvoir me confier ses derniers secrets.

Gotbryde arque un sourcil.

— Et vous a-t-il dit ce que vous espériez entendre ?

— Ce qu'il m'a confié m'a amené ici, sur Zoldello.

Gotbryde secoue la tête, désabusé.

— Mais cela ne vous apportera rien, Waldo. Je ne veux plus entendre parler de tout ça.

— Parce que la Reine est morte ? demande Waldo, avec prudence.

— Parce qu'elle a été assassinée ! tonne Gotbryde. Et parce que je veux que ma fille vive. Le plus longtemps possible !

La colère du Roi est palpable. À chaque mention de Calyssia ou de Lilas, son ton devient plus dur.

— Mais, Roi Gotbryde... Si vous perdez autant de gens autour de vous, ne croyez-vous pas que c'est justement parce qu'il y a des choses à découvrir ?

— Le prix est bien trop élevé, tranche-t-il. Je refuse de retrouver ma chair et mon sang baignant dans leur propre sang un matin.

— L'enjeu est immense, rétorque Waldo, tentant de garder son calme.

— Sauver l'Univers, c'est ça ? ironise Gotbryde. Comment voulez-vous faire cela ? C'est insensé !

Waldo sent que la discussion tourne à l'impasse. Le Roi n'a plus la volonté de poursuivre ce combat.

— Écoutez, Waldo... reprend Gotbryde en adoucissant légèrement le ton. Avec tout le respect que je vous dois... Vous devriez partir. Il n'y a rien à voir sur cette planète.

Waldo l'observe attentivement, espérant discerner une faille, une ouverture.

— Ma fille ne sait rien de tout ça. Et ma sœur... Ma sœur est jeune et fougueuse. Cette fougue la perdra sûrement un jour.

Waldo esquisse un léger sourire.

— Votre sœur semble être un sacré personnage, dit-il, presque en admiration.

Gotbryde se détend légèrement.

— Elle l'est, concède-t-il. Mais ils feraient mieux de concentrer leurs efforts sur Saranthia que sur cette bague ridicule.

À ces mots, l'intérêt de Waldo se ravive.

— Cette bague ? demande-t-il, intrigué.

— Oui, répond Gotbryde, le ton plus distant. Notre mère nous en parlait quand nous étions enfants. Elle l'appelait l'Œil, à cause de sa forme.

Waldo peine à masquer sa surprise. Ce mot, l'Œil, le ramène aussitôt à ses recherches. Mais il feint l'indifférence. Il comprend alors que Gotbryde n'est peut-être pas la clé. Sa résignation est un obstacle insurmontable. Tyra, en revanche... La Princesse semble bien plus ouverte à l'écouter.

— Et si votre sœur avait raison ? Si ce bijou et ce qu'il représente étaient réellement importants ?

— Peu importe ! gronde Gotbryde. Cela ne me concerne plus.

— Très bien, concède Waldo. Mais Sandor m'a dit de venir ici. Et les derniers mots d'un mourant sont toujours empreints d'une vérité profonde. Je suis au bon endroit, j'en suis certain.

Sur ces mots, Gotbryde tourne les talons et s'éloigne en direction de sa chambre. Waldo reste immobile, les yeux fixés sur la silhouette du Roi qui disparaît dans les méandres des couloirs du palais. Un étrange sentiment l'envahit.

Il était venu ici avec l'espoir de faire du Roi un allié, de retrouver un écho de ce qu'il avait partagé avec la famille Iker. Mais il n'a devant lui que le reflet amer de ses propres contradictions. Un Golt, cherchant désespérément à aider les Sang Rouge... Quelle ironie du sort.

Waldo inspire profondément, laissant l'idée se graver en lui. Ce n'est pas grave. Gotbryde n'est pas prêt. Tyra, elle, le sera. Et si elle hésite, il trouvera un moyen de la convaincre. Qu'elle le veuille ou non.

TROIS MOIS PLUS TARD - CHAMBRE D'HYLDON ET TYRA D'ULTYA

Tyra fait les cent pas dans leur chambre, ses mouvements trahissant son agitation. Hyldon, assis sur le lit, l'observe calmement.

— Calme-toi, Tyra. Ton frère ne pensait pas ce qu'il a dit.

— Que je me calme ? Je suis la seule dans ce palais à me soucier de l'avenir de l'Univers !

Hyldon lui adresse un regard réprobateur. Elle s'interrompt, se rendant compte de l'exagération de ses propos.

— Enfin... nous sommes les seuls.

Hyldon se lève pour l'enlacer doucement.

— Il est inquiet, voilà tout.

— Gotbryde traite cette relique comme une simple breloque ! Lui qui, autrefois, était si engagé dans cette quête...

— Mets-toi à sa place une seconde, tente Hyldon.

Tyra se redresse, posant ses mains sur son torse, les yeux brillants de conviction.

— Si quelqu'un t'assassinait, je n'abandonnerais pas, bien au contraire ! Cela nourrirait encore davantage mon envie de rétablir l'équilibre !

— Et penses-tu que tu agirais par détermination ou par vengeance ?

Elle s'écarte, le repoussant délicatement.

— Bien sûr que la colère serait un guide, mais j'aurais besoin de comprendre, de rétablir la justice et la vérité !

— Ton frère agit différemment. Il est un bon Roi pour Zoldello, mais...

— Mais il n'est pas investi dans la quête de notre famille ! Cette quête est notre devoir !

Hyldon serre les lèvres, cherchant ses mots. Il sait que calmer sa femme ne sera pas simple.

— Et il refuse d'écouter ! Ces nouveaux écrits sont apparus comme par magie dans le livre ! Comment est-ce possible ?

Les poings de Tyra se serrent malgré elle, ses ongles blanchissant sous la pression. Elle revoit les éclats de leur dernière dispute, son frère balayant ses propos d'un revers de main, comme si tout cela n'avait aucune importance. Ces nouveaux écrits, surgis sans explication, désignaient un lieu précis sur leur propre planète. La prophétie prenait une tournure tangible, et elle avait cru, naïvement, que Gotbryde partagerait son excitation.

Mais sa réaction avait été tout l'inverse. Il avait explosé, rejetant en bloc l'idée même d'y accorder une once d'intérêt, comme si ce qui se profilait n'était qu'une menace supplémentaire. Tyra revoit ses yeux brûlant d'une colère qu'elle ne comprenait pas. Était-ce de la peur ? Du désespoir ? Son déni avait été si catégorique qu'elle se demandait s'il ne cachait pas quelque chose.

— Je les lui ai montrés, Hyldon ! Je lui ai tendu le livre sous les yeux, et il les a détournés comme si de rien n'était. Il ne veut rien savoir ! Puis il m'a simplement hurlé : "Tu n'es qu'une idiote si tu penses pouvoir régler quoi que ce soit avec ce livre et ce bibelot ridicule à ton doigt !"

Hyldon soupire, attristé par cette situation.

— Il perd son sang-froid. Je pense qu'il faut envisager de continuer sans lui.

Ces mots attristent Tyra. Malgré tout, elle aurait voulu que son frère partage ce combat avec elle. Hyldon, voyant son hésitation, prend sa main et l'entraîne doucement vers le lit.

— Écoute, il faut que je te parle de quelque chose. Viens, asseyons-nous.

Elle inspire profondément pour se calmer, puis s'assied à côté de lui, attentive.

— Tu te souviens de cette missive, il y a quelques semaines ? Celle venue d'une planète inconnue ?

Tyra hoche la tête.

— Oui. Celle dont on n'a jamais connu le contenu ?

— Justement. Je l'ai lue.

Tyra arque un sourcil, surprise.

— Elle n'était pas cachetée, donc... je me suis permis d'être indiscret. Ou curieux. Appelle ça comme tu veux.

Un sourire fugace illumine son visage.

— Et qu'est-ce qu'elle disait ?

Hyldon hésite, cherchant ses mots.

— Promets-moi de ne pas t'énerver.

— Parle, Hyldon.

Il se racle la gorge.

— C'était une lettre d'un homme qui proposait de l'aide à Gotbryde. Il disait savoir que la relique était sur Zoldello et se disait ami de notre cause. Elle était signée Waldo.

Le choc se lit sur le visage de Tyra.

— Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé plus tôt ?

Hyldon se penche en avant, visiblement embarrassé.

— Gotbryde m'a surpris en train de la lire. Il me l'a arrachée des mains et l'a survolée rapidement. Puis... il m'a attrapé par le col. Je ne l'avais jamais vu comme ça.

Les yeux de Tyra s'élargissent d'incrédulité.

— Qu'a-t-il dit ?

— Il m'a averti que cet homme n'apporterait que des ennuis et qu'il fallait s'en méfier. Ensuite, il m'a fait promettre de ne rien te dire.

Elle se détourne, frustrée.

— Et tu as tenu cette promesse...

Hyldon acquiesce à contrecœur.

— Jusqu'à aujourd'hui. Mais il y avait quelque chose d'étrange. Gotbryde semblait déjà connaître cet homme. Sinon, pourquoi m'aurait-il mis en garde aussi violemment ?

Tyra croise les bras, intriguée.

— Tu crois que cette lettre n'était pas destinée à Gotbryde ? Qu'on voulait que tu la lises ?

Tyra plante son regard dans celui de Hyldon, une lueur de doute et d'inquiétude brillant dans ses yeux.

— Elle était destinée au Roi, mais... elle n'était pas cachetée, répond Hyldon après un instant d'hésitation. Cela ressemblait à une invitation à être indiscret. Les lettres pour Gotbryde sont toujours cachetées, c'est une règle stricte. Et ce qui me trouble encore plus, c'est que le garde me la remise directement, en insistant sur le fait qu'elle devait passer par moi. Ce n'était pas une coïncidence. Cela ressemblait davantage à une condition qu'à un simple détail.

Hyldon et Tyra réfléchissent intensément, tentant de comprendre le but de cette manoeuvre. Tyra finit par proposer une théorie, sa voix à peine un murmure :

— Si cette lettre était un message déguisé, elle était forcément destinée à quelqu'un. Mais pourquoi toi, et pas directement Gotbryde ?

Hyldon secoue la tête, le regard plongé dans le vide.

— Peut-être que celui qui l'a envoyée savait que le Roi refuserait de la lire. Ou peut-être qu'il voulait semer la discorde entre nous... ou pire, entre toi et ton frère.

La princesse fait non de la tête, fermement, un éclat de compréhension dans les yeux. Elle croit avoir saisi les intentions du mystérieux messager.

— Faire allusion à la relique, cela revient à s'adresser directement à moi, murmure Tyra. Cet homme savait que si tu lisais cette lettre, elle finirait par m'atteindre.

Hyldon lui prend la main, hésitant à poursuivre.

— J'ai cru bien faire en te protégeant de ça, surtout avec les nouveaux écrits...

Tyra se tourne vers lui, attrape son visage entre ses mains et plante ses yeux dans les siens.

— Ne me cache plus jamais rien, Hyldon. Promets-le-moi.

Il sourit doucement, vaincu par l'intensité de son regard.

— Promis. Excuse-moi... mais que pouvais-je faire ? Ton frère est le Roi, je lui dois obéissance.

— Et moi, je suis ta femme. Tu me dois une transparence absolue.

Hyldon incline légèrement la tête avant d'accoler son front au sien.

— Nous devons rentrer en contact avec cet homme, mais discrètement. Nous ne savons pas qui il est, ajoute-t-il.

Tyra opine du chef, puis se détache de son époux.

— Commençons par examiner ces écrits de plus près.

Le couple se lève, prêt à replonger dans les mystères de la prophétie. Deux jours plus tard, ils partiront pour les Askyrs, à la recherche de réponses. Mais ce qu'ils ignorent, c'est que cet instant marquera le début de ce que les Ultyens appelleront l'Eclipse Royale, cet évènement tragique qui changera leur destin et celui de Saranthia à tout jamais.

GOLTON II – SALLE DE LA PIERRE DES ANCIENS

Après leur enlèvement, Hyldon et Tyra se retrouvent dans les tréfonds d'une planète humide et sombre. Tandis qu'ils se demandent probablement quel sort Waldo leur réserve, celui-ci se tient immobile, les mains dans les poches, les yeux rivés sur la Pierre des Anciens. Les lignes gravées dans la pierre semblent presque se mouvoir, et une étrange vibration s'en dégage, un murmure presque inaudible qui résonne dans les tréfonds.

— Qu'est-ce que je fais maintenant ? Qu'est-ce que vous feriez à ma place ?

Ces paroles s'envolent à travers le gouffre, directement adressées à la famille Iker.

— Es-tu seulement encore en vie, Alida ? As-tu pu protéger la lignée ?

Interrompu, une petite voix l'interpelle.

— Papa ? À qui parles-tu ?

Il se tourne, lui adressant un sourire.

— À moi-même, ma chérie. Je pense à voix haute.

Waldo descend les escaliers pour la rejoindre.

— Qui sont ces gens que tu as ramenés ?

— Des personnes que j'aimerais aider.

— Pourquoi les as-tu enfermés alors ?

— J'ai besoin qu'ils me fassent d'abord confiance.

Fiora fronce les sourcils, suspicieuse et inquiète.

— Comme Sandor et Alida ?

Waldo soupire de tristesse.

— Oui. Comme Sandor et Alida.

Fiora sait qu'elle a causé leur perte. Mais elle ne comprend pas pourquoi son père a encore ramené des Sang-Rouge sur Golton II.

— Grand-père ne va pas être content.

Waldo pose alors son index sur les fines et délicates lèvres de sa fille.

— Alors, cette fois-ci, ne dis rien.

Fiora acquiesce, mais un léger tremblement parcourt ses mains. Elle prend son père dans ses bras, et son petit menton se pose sur son épaule. Ses yeux se lèvent vers la Pierre des Anciens, et une lueur étrange semble se glisser dans ses pupilles dorées. Quand son regard croise les inscriptions, ses yeux brillent d'un éclat vert émeraude, et une force inconnue l'envahit. La pierre semble répondre à son contact, des lueurs fugaces émanant de ses fissures.

Tout disparaît en un éclair quand Waldo la relâche, comme si la magie s'éteignait d'un coup.

— Je vais aller leur parler un peu. Tu devrais aller te coucher, il est tard.

— D'accord, papa.

Il s'éloigne, disparaissant dans les ombres des tréfonds, mais Fiora reste là, son esprit tourmenté. Lorsqu'il ne reste plus qu'un souffle de silence, elle monte les marches, son cœur battant la chamade. Une impulsion la pousse à poser sa main sur la pierre. Immédiatement, celle-ci s'éclaire à nouveau, ses lignes vibrantes dégageant une énergie invisible qui envahit son corps. Ses yeux se noircissent, et le monde autour d'elle semble se fondre dans une obscurité glacée, comme si un rideau venait de se tirer devant la lumière du jour.

— Nem segítesz a vörösvérűeknek.

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