LE REGARD

DANS UN VAISSEAU - EN DIRECTION DE LA GALAXIE DU SEXTANT

L'ambiance dans la cabine de pilotage est électrique, chargée d'une tension palpable. Les deux binômes s'observent avec une méfiance à peine dissimulée, les regards aiguisés comme des lames.

— Pourquoi retourner sur Golton II maintenant ? demande Tiger, brisant enfin le silence.

— Je connais leur destination. Ça ne sert à rien, réplique Fiora, lassée de devoir se justifier.

— Quelle destination ? Pourquoi ? Qu'est-ce qu'on attend ? s'énerve Tiger, les sourcils froncés, le ton de plus en plus acéré.

— Et vous, alors ? Pourquoi avoir tué les Guidants d'Hasture ? Fiora les foudroie du regard, l'indignation dans sa voix.

Lozy Lane et Tiger Stern échangent un sourire machiavélique, teinté d'une satisfaction malsaine.

— Parce que c'était amusant, pouffe Lane, l'air faussement innocent.

Fiora et Drike se crispent.

— Ce n'était pas l'objectif de notre mission ! Tuer des politiciens influents ne fait qu'attirer plus d'attention sur nous ! souligne Drike, déterminé à défendre leur position.

— Du calme, mon gros... C'est vous qui avez fait appel à nous, je vous rappelle ! Lane sourit, provocatrice.

— Sans nous expliquer quoi que ce soit, à part des noms de cibles dont on n'a jamais entendu parler, ajoute son acolyte, l'air désabusé.

— Vous savez très bien comment on fonctionne. Alors, ne vous en plaignez pas, conclut Lane avec insolence.

Fiora secoue la tête, exaspérée par leur attitude enfantine.

— Revenons à l'essentiel... Pourquoi retournons-nous sur Golton II si ce n'est pas leur destination ? recentre Tiger.

— Parce que Drike est blessé. Moi aussi. C'est chez nous, et ils ne sont plus une menace pour l'instant, explique Fiora. Ils ne feront rien là où ils vont. Rentrons, reprenons des forces et préparons un nouveau plan.

Le silence retombe, lourd, après cette explication concise de Fiora Golt.

GALAXIE DU SEXTANT - GOLTON II

Après un voyage plus glacial que les profondeurs de la galaxie, ils arrivent enfin chez eux. Fiora reprend sa place en haut des marches de son antre, fièrement postée devant la Pierre des Anciens. Drike se retire pour panser ses blessures, tandis qu'il tente de joindre Bogz.

Tiger et Lane, eux, décident de se dégourdir les jambes sur Golton II. Ils marchent côte à côte comme de simples promeneurs. Ils avancent dans cette planète qui leur ressemble tant : elle ne connaît jamais l'aube, un monde de nuit perpétuelle, où les ombres dansent entre les troncs tordus d'une végétation sèche et morte, privée des rayons nourrissants du soleil.

Le sol est jonché de feuilles fanées et de branches brisées qui emettent un craquement sinistre sous leurs pas. L'air est lourd, chargé d'une humidité morose, et une brume fine s'enroule autour d'eux comme un manteau funeste. Tout est aussi sombre que leurs âmes, et chaque souffle qu'ils prennent semble les plonger davantage dans cette obscurité oppressante.

— Ça fait longtemps que Fiora n'a pas fait appel à nous, réfléchit Tiger.

— Oui... Et la dernière fois a failli mal finir...

Tiger éclate de rire et pose une main complice sur l'épaule de Lane.

— C'est vrai, j'ai failli la tuer. Fiora sait comment m'énerver.

— Insupportable, approuve Lane. Mais ça la rend d'autant plus suspecte. Je pensais vraiment qu'on ne la reverrait jamais.

— Moi aussi. Je soupçonne qu'elle nous utilise comme chair à canon, ajoute Tiger.

Lane réfléchit un instant.

— Elle nous a mis en première ligne dans cette maison d'Hasture, remarque-t-elle. Elle allie l'utile à l'agréable.

— Surtout en nous promettant une jolie petite somme... Elle sait nous parler.

— Mais à ce rythme, on ne verra jamais la couleur de cette récompense. Elle fera tout pour qu'on y passe à sa place, récoltant les honneurs tout en se débarrassant de nous. C'est vicieux...

— Faisons semblant de ne rien comprendre, propose Tiger. Continuons à avancer prudemment et voyons pourquoi elle prend autant de risques pour des inconnus. Il y a peut-être une récompense bien plus intéressante qu'on ne l'imagine.

Le sourire de Lane s'élargit au fur et à mesure que Tiger développe ses hypothèses.

— Et dès qu'on comprend ce qui se passe, dès qu'une faille nous permet de rafler la mise, on fait tout foirer. On récupère et on disparaît.

Stern brûle de satisfaction en entendant Lane finir la phrase à sa place. Ces deux-là ont toujours été sur la même longueur d'onde.

ZOLDELLO - PALAIS D'ULTYA

Cela fait maintenant une heure que Milo et la Régente arpentent les couloirs du palais en discutant. Ils marchent côte à côte, ils échangent des plaisanteries. Leur complicité semblable à celle de vieux amis. Saranthia lui fait découvrir les différentes ailes du bâtiment, un sourire éclairant son visage alors qu'elle l'initie aux secrets des lieux.

— Et ici ? demande Milo, désignant une porte ornée de gravures délicates.

Saranthia continue d'avancer, le regard perdu dans ses pensées avant de laisser échapper un léger soupir.

— C'était la chambre de mes parents, murmure-t-elle, sa voix presque un souffle.

Milo comprend que cet endroit rouvre des blessures anciennes chez Saranthia. Au lieu de la suivre, il s'arrête, contemplant les gravures qui dansent sous la lumière des chandeliers.

— C'est très beau, dit-il, admiratif.

Saranthia finit par se tourner vers lui, mais elle reste à distance, comme si la proximité l'effrayait. Elle joint les mains et inspire profondément, le poids de ses souvenirs lourds dans l'air.

— Oui. C'était une commande de mon regretté père. Il voulait quelque chose qui raconte leur histoire.

Milo capte l'ombre de la tristesse dans ses yeux, moins pétillants qu'à l'accoutumée. Elle semble prête à se dévoiler, mais les souvenirs de ses parents sont un fardeau qu'elle porte en silence. Il ne se laisse pas démonter, il l'encourage :

— Racontez-moi.

Saranthia tremble légèrement, mais une voix intérieure lui dit qu'elle doit répondre. Elle lève les yeux, et il lui tend la main avec douceur pour l'inviter à se rapprocher. Elle lui sourit faiblement, puis tend la sienne en retour. Une fois côte à côte, ils contemplent ensemble cette porte qu'elle avait si longtemps évitée.

— Pourquoi des chouettes ? demande-t-il, intrigué.

— Cet animal est réputé pour sa fidélité. Une fois en couple, elles restent ensemble toute leur vie. Mon père les trouvait majestueuses... Et il a instauré la garde des Oiseaux de Nuit.

— Et la chouette est un animal nocturne, malin, ajoute Milo.

— Oui, cela représente leur union et ses accomplissements royaux. En arrière-plan, on voit le palais d'Ultya, la forêt ancestrale, et... les Askyrs, dit-elle d'une voix de plus en plus faible.

Pour ne pas la laisser sombrer dans ses pensées, Milo enchaîne rapidement :

— Et ça ? Que signifie cette inscription ?

Saranthia fronce les sourcils pour scruter les mots qu'il désigne du doigt.

— Je ne sais pas. C'est un dialecte très ancien. Il est écrit "Sub rosa". Beaucoup se sont posé la question.

— Et vous n'avez jamais demandé à vos parents ? s'étonne-t-il.

Elle laisse échapper un petit rire amer.

— Non... J'étais très jeune quand ils ont disparu. Je ne prêtais pas attention aux inscriptions sur la porte de leur chambre...

— Je comprends, conclut-il doucement, compatissant.

— En tout cas, cette inscription figure sur la couverture d'un livre. Peut-être un titre.

— Et le dessin sur la couverture ? interroge-t-ilà nouveau.

— Ce sont deux yeux. Symbolisés par de simples ovales.

Milo acquiesce, respectueux de la douleur derrière ses mots.

— Merci de m'avoir raconté tout cela.

Saranthia hoche la tête. Son regard se pose une dernière fois sur la porte avant de reprendre sa marche. Milo observe cette œuvre d'art, puis finit par se détourner pour la rejoindre.

PIROS - SALLE PRINCIPALE

Je suis encore au centre de l'attention. Les regards sont rivés sur moi, et je sens leur attente, ce mélange de tension et d'espoir. Ma prise de parole n'a pas été vaine : elle a planté les premières graines du débat qui doit suivre. Les mots se sont enfoncés dans leurs esprits, et je vois, dans leurs yeux, les rouages de leurs réflexions déjà en mouvement. Maintenant, il nous faut débattre de ce qui se passe, comprendre chaque angle, chaque intention, pour tirer la meilleure décision possible.

Je décide de parler du sujet qui brûle les lèvres. Parlons de ce que tout le monde pense être un piège.

— Vous savez, je suis d'accord avec vous... Depuis le départ, on nous annonce les Golts comme nos ennemis numéros un, et le message nous envoie directement dans la gueule du loup. Mais comme je vous l'avais dit, je trouve ça trop grossier pour être vraiment un piège.

Personne ne réagit vraiment, mais je vois que Sylice a envie de prendre la parole. Je l'invite à le faire et elle se lève de sa chaise.

— Il y a deux éléments importants qui nous permettraient de mieux jauger le contenu de ce message et que nous n'avons pas en notre possession.

— Lesquels ? demande Fyguie en la dévorant des yeux.

— Le temps et l'origine ! répond Binny avec sa joie habituelle.

Sylice lui lance un regard complice.

— Exactement, confirme-t-elle. Nous ne savons pas de quand ce message date, ni d'où il provient.

— Qu'est-ce que cela pourrait bien y changer ? interroge Dozik en haussant les sourcils.

— Eh bien, si ce message date d'il y a cinq cents ans, voire d'un an, il est fort probable qu'il ne nous était pas forcément destiné personnellement. Et s'il ne nous était pas destiné, il est probable qu'il ne s'agisse aucunement d'un piège, tente de convaincre Sylice.

— Oui... Mais cela pouvait être un piège pour les destinataires originels qui s'approchaient eux aussi de Kapu, s'inquiète Slikof, frileux à l'idée de poser le pied sur cette planète.

— Oui, peut-être, valide Sylice sans sourciller.

— Et pour l'origine ? reprend Katany.

— Nous ne connaissons pas la personne qui a lancé ce message, indique Sylice. Provient-il directement de Goltons II ? Qui est la personne qui parle ? Est-ce un Golts ? Cela nous apporterait de précieuses indications quant aux intentions derrière tout ça.

— Oui... Mais nous ne pouvons pas avoir ces indications, regrette Katany.

— Je peux peut-être vous aider sur l'un de ces deux points, interrompt Brizbi.

Un léger sourire satisfait s'affiche sur le visage d'Houda.

— Je suis plutôt douée avec la technologie. Avec le bon matériel, je peux déterminer d'où le signal est émis.

— De quel matériel aurais-tu besoin ? s'empresse de demander Fyguie.

— Je pense qu'avec tout ce qui se trouve dans le labo et la salle de soin, je pourrais largement faire ce que j'ai à faire.

— Alors vas-y, affirmé-je brièvement.

Brizbi n'attend pas une seconde de plus et se lève pour suivre Sylice dans le labo. Il est évident que son activité favorite lui manque. Une fois qu'elles sont éclipsées de la pièce, je relance le débat.

— D'autres points à aborder ?

Mon frère lève alors la main, en bon élève qu'il est. Je lui souris et lui fais signe du menton qu'il peut parler.

— Dans le message, la voix parle d'un Regard.

— Oui... Je ne sais pas de quoi il s'agit, confirmé-je.

Autour de la table, chaque membre de l'équipage se creuse les méninges à sa manière.

— C'est tout de même étrange que cela se soit déclenché si près de Kapu, intervient le Capitaine Dogast.

— Oui, jusqu'à présent, l'Œil n'avait jamais rien fait de similaire ? demande Tamy à la princesse.

— Non. Jamais. Sauf sur les Askyrs. Mais nous savions que quelque chose allait s'y produire.

Binny murmure quelque chose. La connaissant, je sais que c'est forcément pertinent. Je l'invite à partager sa réflexion avec le reste du groupe.

— Binny ? Quelque chose à ajouter ?

Elle relève la tête, surprise d'avoir était entendu.

— Je pensais tout haut, désolée. Je... hésite-t-elle. C'est bête, mais quand vous avez parlé du Regard... J'ai immédiatement pensé à l'Œil.

— Oui, c'est normal, Bin. C'est l'Œil qui s'est mis à briller et à émettre ce mystérieux message, confirme Fyguie.

— Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Mais l'Œil, le Regard... Et s'il n'y en avait pas qu'un ?

Je fronce les sourcils, perplexe.

— Qu'un quoi ?

— Qu'un Œil. Et s'il y en avait deux ?

La table reste silencieuse. Binny est si perspicace. Nous savons tous qu'elle parle plusieurs dialectes, qu'elle a étudié de nombreux mythes et légendes toute sa vie. Les histoires des peuples à travers les âges semblent n'avoir aucun secret pour elle. Elle a résolu tant d'énigmes depuis notre départ, mais sa vivacité d'esprit continue de nous surprendre.

— Deux yeux forment un regard, non ? finit-elle par dire simplement. Et si quelqu'un nous avertissait de ne pas y aller sans les deux reliques ?

Elle a raison, cela semble si vrai. Même si nous ne sommes sûrs de rien, son explication tient la route.

— D'accord, gardons cette possibilité en tête. Merci, Binny. Les autres, d'autres sujets ?

Mais personne ne me répond. La plupart d'entre eux se contentent de faire un signe de tête pour indiquer que nous avons suffisamment élaboré sur tous les sujets. Il est temps de clore cette entrevue, d'autant que nous avons maintenant deux nouveaux éléments : la supposition très pertinente de Binny et la mission que Brizbi se propose de mener.

— Bien. Restons à l'arrêt le temps que Brizbi avance sur l'origine du signal.

Lilas m'observe fièrement, satisfaite de voir qu'elle avait raison : je suis capable de mener le groupe. Je dois m'imposer et me faire confiance.

Alors que je me rassois, Brizbi revient dans la Salle Principale pour demander à Lilas de la rejoindre au labo. Elle ne peut pas remonter correctement le signal sans sa présence. La princesse se lève et, en passant à côté de moi, pose une caresse légère sur mon bras avant de s'éloigner.

Lorsqu'elles sortent de la salle principale, Houda se lève d'un air absent et se dirige vers la sortie. Depuis ce qui s'est passé sur Hasture, je ne lui ai pas adressé un mot. Je décide de la suivre.

PIROS - COULOIR

Elle avance, lointaine, vers sa cabine. Inutile de crier dans le couloir, autant la rattraper. Je trottine pour me mettre à son niveau et, sans prévenir, lui attrape le poignet pour qu'elle s'arrête. Elle se fige.

— Quoi ? lance-t-elle, visiblement agacée.

— Je veux juste qu'on parle.

— Ah, tu veux qu'on parle de mes parents sauvagement assassinés dans leur cuisine ? Par deux inconnus ? répond-elle froidement, comme dépossédée d'émotions.

Ses mots me coupent le souffle. Je reste figée, bouche ouverte, incapable de répondre.

— Laisse tomber, dit-elle en secouant la tête. On n'était pas si proches, de toute façon. J'ai passé ma vie à fuir mes responsabilités, à chercher leur reconnaissance dans ce que je suis, dans ce que je fais. Oui, je suis triste. Dévastée, même. Mais je ne vais pas m'effondrer. J'ai construit une vie sans eux, bien avant qu'ils ne deviennent... Deux corps froids sur un carrelage de marbre. J'ai besoin de temps, comme n'importe qui. Mais pas de pitié.

Je fronce les sourcils, agacée.

— Quelle pitié ? Je m'inquiète pour toi, c'est tout. Tu es mon amie. Je veux juste savoir que tu vas t'en sortir.

Elle reste silencieuse un instant, puis relâche un soupir, les traits adoucis.

— Oui... J'irai mieux.

— C'est tout ce que je voulais entendre.

En la regardant, je perçois à quel point la peine l'habite. Je ne suis pas bête, je vois bien qu'elle est bien plus peinée que ce qu'elle me raconte. Ses yeux sont cernés, irrités par ses pleurs incessants. Elle refuse simplement de le montrer. Une impulsion me pousse à la prendre dans mes bras. J'avance pour l'enlacer, hésitante. Houda, surprise, ne résiste pas, bien au contraire. Une fois contre moi, elle resserre fermement ses bras autour de mon dos. J'en profite pour lui murmurer à l'oreille :

— Tu n'es pas seule sur le Piros. Tout le monde s'inquiète pour toi, moi la première.

Elle ne répond rien, mais son étreinte se prolonge un instant. Finalement, elle me relâche, un sourire ténu aux lèvres, puis se dirige vers sa cabine sans un mot de plus.

PIROS - LE LABORATOIRE

Brizbi a installé une série d'appareils et tapote frénétiquement sur son clavier, ses doigts filent à la vitesse de la lumière. Des suites interminables de chiffres et de lettres défilent sur l'écran tandis que le message se répète en boucle dans la pièce. Lilas, nerveuse, garde une main posée sur l'amplificateur de fortune utilisé plus tôt par Sylice.

— Alors ? demande-t-elle, pressée d'en savoir plus.

— Attends... J'y suis presque, mais... le message est parasité par des bruits étranges.

— Des bruits ? questionne Sylice, perplexe.

— Oui, quelque chose brouille les données. Ça complique un peu les choses.

Lilas se tait et retient son souffle pour ne pas gêner Brizbi. Finalement, après ce qui semble être un casse-tête sans fin, Brizbi donne un dernier coup franc sur le clavier, un sourire satisfait étirant ses lèvres.

— Ça y est !

Sylice et la princesse se rapprochent, les yeux rivés sur l'écran. Brizbi fronce les sourcils, concentrée. Elle tente de déchiffrer les informations qui apparaissent.

— Goltons II...

— Donc... le message a été émis directement depuis là-bas ? demande Lilas, une lueur d'inquiétude dans les yeux.

— Exactement. La personne qui a envoyé ce message était, ou est encore, sur cette planète.

La nouvelle ne les enchante guère, un silence tendu s'installe.

— Attendez, ce n'est pas tout, ajoute Brizbi en pointant un détail à l'écran. Vous voyez ce petit symbole, là ?

Sylice et Lilas se penchent et acquiecent en coeur.

— Ce symbole signifie qu'il s'agit d'un enregistrement... Un peu comme un signal de détresse. Cela pourrait dater d'il y a deux jours, ou de trois mille ans. Le message a été programmé pour se répéter en boucle.

Lilas écarquille les yeux.

— Il faut qu'on avertisse les autres !

La princesse pose ses mains sur les épaules de Brizbi, qui tressaille à ce contact inattendu.

— Merci, Brizbi. Excellent travail ! dit-elle avec chaleur. Houda a eu raison de vous ramener parmi nous !

La jeune femme lui répond d'un sourire hésitant, troublée par cette proximité nouvelle. Puis, sans plus attendre, les trois se lèvent et se dirigent d'un pas rapide pour annoncer la découverte au reste de l'équipage.

PIROS - COCKPIT

Alors que Dogast rejoint son antre, il détecte quelque chose sur son radar.

— C'est quoi ce truc ? On dirait un jouet !

Un objet non identifié approche à grande vitesse dans leur direction. Le Capitaine du vaisseau ne prend pas cet élément à la légère, mais il a un sourire moqueur aux lèvres. Il tente d'entrer en communication avec l'appareil.

— PIROS à l'inconnu au bataillon. Identifiez-vous.

Il répète son message plusieurs fois, sans obtenir de réponse, et l'objet continue sa course effrénée. Le Capitaine doit prendre une décision rapidement.

— Réfléchis, Crylon. Est-ce une menace ? Ou juste un vaisseau pour enfant qui s'est perdu ?

Il allume l'un de ses cigarillos à la vanille, un sourire malicieux sur le visage.

— Je parie que c'est un mini-vaisseau. On va peut-être avoir le droit à un démarchage en bonne et due forme ? Un revendeur d'assurance ? Il se penche sur le radar pour voir l'objet plus en détails. Pas de canon, pas d'arme détectée...

Dogast crache un épais nuage de fumer avant de continuer ses élucubrations.

— Ça doit être un vaisseau de tourisme. On devrait les inviter pour un café ! Un voyageur ? Un vol commercial ?

DANS LE VAISSEAU INCONNU AU BATAILLON

— Il nous a repérés !

— Ils sont à l'arrêt... Étrange...

— On doit les rejoindre ! Ils ne sont qu'à une minute de vol.

— Si on s'approche de trop, ils vont nous canarder.

— La radio ?

— Hors Service...

— Merde... Tant pis. On doit y aller.

PIROS - COCKPIT

Le capitaone constate que le vaisseau continue sa route droit sur eux. Dogast prend une grande bouffée de son poison favori et s'affaisse dans son siège, l'air pensif. Il fouille dans l'une de ses poches et en sort une vieille pièce Dutarienne, usée, mais toujours belle.

— Allez, ma belle... Dis-moi ce que je fais maintenant. Pile, je tire ; face, je le laisse venir...

Il claque les doigts sur le métal et lance la pièce en l'air. Celle-ci tournoie et scintille sous la lumière de la cabine, avant de retomber dans sa lourde main. Il la pose sur le dessus de son autre main.

— Face... Ok. Voyons ce qu'il se passe...

Le capitaine s'installe confortablement dans son siège. Il allume son cigarillo et laisse la fumée s'épanouir autour de lui pour créer une atmosphère réconfortante. Malgré la menace imminente, un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres.

— Après tout, la vie est une question de choix, même si cela signifie jouer avec le destin.

PIROS - SALLE PRINCIPALE

Malgré son pari sur le destin, le Capitaine a alerté le reste de l'équipage en déclenchant l'alarme. Tout le monde déboule en trombe dans la salle principale.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? s'exclame Tamy.

— Qui a déclenché l'alarme ? demandé-je à tout le monde.

— C'est moi, répond calmement Dogast. Un vaisseau devrait nous accoster d'ici moins de...

Il jette un coup d'œil sur son visiocommunicateur.

— Trois, deux, un...

Un nouveau bruit fait trembler tout le bâtiment. Le pont vient de s'ouvrir.

— Bordel, Dogast! C'est quoi cette histoire ? s'énerve Slikof devant tant d'imprudence.

— Je n'ai pas pu prendre de décision, ils étaient déjà bien trop proche de toute façon. Soit je le faisais exploser, soit je le laissais approcher.

— Vous auriez pu nous demander notre avis ! s'insurge l'espion.

Des bruits de pas retentissent dans le couloir lorsque la porte se déverrouille soudainement. Slikof, Binny et moi mettons en joue les inconnus qui viennent de s'introduire dans notre vaisseau. Un cri de joie éclate derrière moi et me fait sursauter.

— ZORTH ! KYLBURT !

Lilas vient littéralement de leur sauter dans les bras, en pleurs. Tout le monde baisse sa garde, encore sous le choc de leur arrivée. De Xylis ne peut s'empêcher de lancer un regard noir à Dogast, qui a bien failli mettre tout le monde en danger, mais celui-ci n'a pas l'air d'en tenir rigueur.

— Bonjour, princesse ! déclame Zorth tout sourire.

— Salut, Lilas, répond Kylburt calmement.

Ces retrouvailles ont le goût du soulagement. Tout le monde pensait qu'ils étaient morts, sans jamais en discuter. C'est comme s'ils venaient de revenir à la vie. Tant de questions habitent les lèvres de chacun, mais l'urgence n'est pas là. Zorth a le teint blafard ; il est clair qu'il a vécu des moments difficiles. Cependant, il se lève et prend la parole.

— Chers amis, nous sommes si heureux de vous retrouver... Nous prendrons le temps de parler de ce qui nous est arrivé, mais j'aimerais savoir ce qui s'est passé pendant notre absence et surtout... Pourquoi le Piros est à l'arrêt ?

Les explications sur tous les événements que nous avons vécus s'engagent alors. Zorth et Kylburt prennent connaissance de tous les éléments avec le plus grand sérieux. Vient enfin le moment où nous leur annonçons l'éveil de l'Œil, qui a provoqué la diffusion d'un message mettant notre mission en péril.

— Et alors ? En avez-vous appris davantage sur ce message ?

L'équipage se tourne vers Brizbi, qui les observe à son tour. Elle semble quelque peu étonnée de cette attention et de cette considération qu'ils lui portent.

— Euh... En quelque sorte, oui. Il vient bien de Goltons II.

Les visages se ferment. Ce n'est pas la nouvelle qu'ils attendaient.

— Mais j'ai découvert autre chose. C'est un message enregistré. Il tourne en boucle, tout comme le ferait quelqu'un qui enverrait un appel de détresse. Peut-être que cette personne a saisi l'occasion de l'envoyer avant de perdre l'accès à un moyen de communication, suppose-t-elle justement. C'est là tout l'intérêt de laisser le message tourner en boucle.

— C'est un détail intéressant, Mlle Varane... relève Zorth en dressant son index. Cela voudrait dire que quelqu'un veut prévenir le détenteur de l'Œil de ne pas aller sur Kapu sans ce fameux Regard. Regard qui, comme l'a suggéré Mlle Ristoc, pourrait être le résultat de la présence d'un autre artefact identique. Ce qui signifie que, peu importe quand ce message a été enregistré, le détenteur de l'Œil était bien le destinataire de ce message. C'est l'éveil de ce dernier qui a provoqué la diffusion du message de détresse.

— Si je peux me permettre, interrompt Brizbi. Maintenant, que vous soulevez ce point, la fréquence très spécifique sur laquelle le message se diffuse suppose que seul cet objet peut le recevoir, un peu comme le fonctionnement d'un émetteur et d'un récepteur.

— Alors, il semblerait que nous ayons un changement d'itinéraire... conclut Zorth.

Je suis soulagée de compter Zorth Kydine à nouveau parmi nous. Cela me déleste du poids des décisions, que je lui laisse volontiers.

GOLTONS II - SALLE DE LA PIERRE DES ANCIENS

Drike et Fiora se retrouvent enfin. Il est toujours sans nouvelles de son frère, ce qui commence à vraiment l'inquiéter. Fiora est prise par ses plans, son esprit en ébullition. Elle a tant à perdre... Tant à gagner.

— C'est quoi la suite ? demande Drike.

— La suite ? Je ne sais pas. Ils ne feront rien sur Kapu. Nous allons attendre qu'ils partent pour une autre destination. Laissons-les perdre leur temps et profitons-en pour nous reposer et peaufiner nos préparatifs. La priorité, c'est de tuer les Sangs Rouges et la princesse au plus vite.

— Et la Régente ?

— Bogz s'en chargera, répond-elle sur un ton peu assuré.

— Avez-vous des nouvelles ?

— Non. Mais c'est un idiot ; s'il se trouve, il ne sait même pas comment allumer son visiocommunicateur.

— Si, il...

— SILENCE ! aboie Fiora.

Elle l'interrompt pour éviter d'aborder le sujet. Elle sait très bien qu'il n'est plus, et elle ne veut surtout pas que cela se sache. Drike pourrait alors ne plus être de la partie, et elle a besoin de tous ses sbires à ses côtés. Drike comprend que le sujet est clos. Malgré sa frustration, il continue son interrogatoire.

— Et pour Tiger et Lane ?

— Ils nous causent plus d'ennuis qu'autre chose, mais je vais avoir besoin d'eux. Viendra le temps où les Golts brilleront enfin à travers tout l'univers.

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