FLAMME DU SAVOIR
NABHI - BORD DE MER
Il est tôt ce matin, et j'ai décidé de sortir prendre l'air, de me défouler en courant. D'aussi loin que je me souvienne, le sport m'a toujours fait du bien, et le climat d'Adhara est particulièrement agréable. La ville de Nabhi, nichée dans une vallée entre mer et montagnes, est baignée par un air chargé de sel, tandis que le vent sec venu des hauteurs est revigorant. La température est douce, et le soleil commence à pointer le bout de son nez dès quatre heures du matin. Cette planète, toujours inondée de lumière, respire la prospérité. Les paysages sont à la fois apaisants et majestueux. Le bruit des vagues qui se brisent contre les rochers m'accompagne tandis que je longe la falaise. Je cherche à vider mon esprit avant la cérémonie de la Flamme du Savoir, prévue dans quelques heures. Je ne sais pas vraiment à quoi m'attendre, mais je sens que cela va être chargé en émotion. Je rejoindrai les autres au dernier moment, car pour l'instant, j'éprouve le besoin de m'isoler.
Après avoir couru jusqu'à l'épuisement, j'opère un demi-tour en direction de Nabhi. C'est alors que je tombe sur Lilas, au détour d'un sentier qui redescend vers la rive. Droite, comme à son habitude, elle fixe l'horizon. Il n'y a ni univers ni planètes dans lesquels se perdre aujourd'hui, seulement une baie baignée par le soleil levant, entourée de villages et de montagnes.
Je ne la distingue pas bien, le soleil est bien trop éblouissant. En m'approchant, les petits cailloux roulent sous mes pieds et trahissent ma présence. Elle se retourne sans quitter son perchoir et attend sagement que je la rejoigne. Une fois à sa hauteur, je pose enfin mon regard sur elle.
Elle est là, simple et naturelle, comme je ne l'avais jamais vue. Ses cheveux blonds, légèrement ondulés, tombent librement et épousent les caprices du vent. Les reflets du soleil orangé dansent dans ses yeux noisette. Elle porte une robe d'été rouge fluide, ornée de délicats motifs floraux. Ses cheveux et les volants de sa robe flottent avec légèreté, animés par la brise. Je reste sans voix, le souffle coupé.
Elle est si belle.
— Kybop ? Est-ce que tu m'écoutes ? interpelle-t-elle en haussant les sourcils.
Je ne réalise pas qu'elle me parle. Mes yeux rivés sur son doux visage, je remarque sa bouche à moitié ouverte. Cette observation trahit le fait qu'elle vient de m'adresser la parole et qu'elle attend une réponse. C'est la première fois que nous échangeons depuis notre baiser volé sur Zoldello. J'ai fait de mon mieux pour l'éviter dans les couloirs du Piros, si mal à l'aise avec ce genre de situation à éclaircir. Je déteste devoir deviner ce que l'autre pense ou ressent. L'implicite est mon pire ennemi ; j'apprécie la clarté et la franchise. Je marque volontairement une distance et la nomme par son titre.
— Pourquoi m'avez-vous embrassée, princesse ? demandé-je, perplexe.
— Pourquoi est-ce que tu me vouvoies ? s'insurge-t-elle, refermant les traits doux de son visage.
Elle fronce les sourcils, contrariée.
— Pourquoi me tutoyez-vous ? rétorqué-je sans attendre.
Son visage se crispe, et ses poings se serrent.
— Existe-t-il plusieurs raisons d'embrasser quelqu'un ? s'agace-t-elle, avançant d'un pas.
— Je ne sais pas. Cela pourrait être un acte impulsif, une envie passagère. Il est toujours temps de regretter quelque chose, balbutié-je.
— Devrais-je donc le regretter ? articule-t-elle doucement, s'assurant d'avoir bien compris.
La tension monte... ce n'était pas le but.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire, justifié-je dans un souffle.
— Alors qu'est-ce que tu veux dire ? répond-elle.
— J'ai juste besoin de comprendre, c'est tout. Pourquoi m'avez-vous embrassée ?
J'évite soigneusement son regard et gesticule nerveusement, les yeux fixés au loin.
— Vous ne m'avez pas adressé un mot de tout le reste du voyage ! ajouté-je en la cherchant du regard.
Elle attrape mes poignets et m'oblige à croiser ses yeux.
— Regarde-moi ! ordonne-t-elle avec une douceur presque captivante.
Je m'exécute sans hésiter une seule seconde et me perds volontiers dans ses yeux légèrement dorés. Un frisson me parcourt le corps entier. Une vague de chaleur m'envahit au simple contact de ses mains sur les miennes. Savoir qu'elle me retient, moi, physiquement, me bouleverse.
— Écoute-moi, insiste-t-elle, sa voix empreinte d'une urgence sincère. Je ne sais pas exactement pourquoi tu luttes ainsi, pourquoi tu veux mettre des raisons sur tout. Pourquoi tu cherches à justifier l'intérêt que quelqu'un peut te porter, comme si cela n'était pas légitime. Mais tu es une personne qui mérite tout l'intérêt du monde. Alors, arrête de réfléchir ou de prêter de mauvaises intentions aux personnes qui ne te veulent que du bien, conclut-elle en me fixant intensément, espérant percer ma carapace.
Elle fait un pas vers moi, les rayons du soleil comme dernier obstacle entre nos deux corps. Ses mains se glissent délicatement autour de mon visage, qu'elle maintient avec une grande tendresse.
— Moi. Tu m'intéresses, murmure-t-elle en glissant ses yeux sur mes lèvres.
L'attraction est telle que, sans m'en rendre compte, j'ai également fait un pas dans sa direction. Je l'agrippe par la taille pour la maintenir prêt de moi et qu'elle ne m'échappe pas.
— Pourquoi ?
Elle me sourit tendrement.
— Parce que tu es toujours là. Mais tu ne te contentes pas d'être à mes côtés. Tu regardes aussi dans la même direction. Toi et moi, nous sommes faites pour avancer ensemble, j'en suis certaine. Mes pas se font plus doux lorsque je sais que tu me suis, et plus lourds quand tu n'es plus là, dit-elle d'une voix mélodieuse.
À mesure qu'elle parle, nos visages se rapprochent. Sa voix se fait plus faible et se transforme en un soupir envoutânt.
— J'ai besoin de toi à mes côtés. Lorsque Zorth est venu te chercher sur ce bout de caillou, le chemin de ton destin s'est éclairé. Tout comme le mien, lorsque je suis montée dans le Piros. Et c'est à cet instant précis que nous nous sommes retrouvées, à la croisée des chemins. Nous avons tant de choses àaccomplir, glisse-t-elle dans un dernier souffle.
J'ai presque pu sentir ses lèvres effleurer les miennes lorsqu'elle a murmuré sa dernière phrase. Je ne peux plus retenir ma pulsion ni mon envie. Chaque battement de mon cœur résonne comme les vagues qui s'écrasent contre les rochers en contrebas. Je la veux. Je l'attrape par la taille pour la ramener à moi dans un élan de possessivité maladive, nos lèvres se rencontrent enfin, et le monde autour de nous s'efface. Elle laisse voguer ses mains dans mes cheveux, et nous partageons un baiser passionné. Lilas serre mes cheveux dans son poing juste derrière ma nuque, un geste empreint de désir qui me transporte au-delà de mes craintes et de mes incertitudes. Mes mains entourent sa taille fine, comme si nos corps cherchaient instinctivement à se fondre l'un dans l'autre. Nous sommes là, isolés du monde, accompagnés par la beauté de l'instant et du paysage de cette planète qui se réveille.
Il ne s'agit plus d'un baiser volé au détour d'une situation particulière. Nous sommes en train de nous ouvrir l'une à l'autre, comme le soleil qui se lève lentement sur Adhara et qui illumine tout sur son passage. En moi, quelque chose s'éveille, une chaleur douce et réconfortante qui chasse les ombres de mes doutes. Le baiser s'arrête tendrement et nos fronts demeurent connectés. Nos yeux clos, nous savourons cette intimité.
Guitry disait souvent que l'on appréciait davantage les choses les yeux fermés. Selon lui, notre esprit devait se soustraire à toute stimulation visuelle pour se concentrer pleinement sur les sensations. Il évoquait les souvenirs de sa mère et me confiait qu'il pouvait la voir le soir, lorsque ses paupières étaient closes, et que cela lui procurait des frissons. Dans cet instant suspendu, je comprends qu'il avait raison : la vie est bien plus belle les yeux fermés, et je ressens, plus que jamais, l'importance de cette connexion entre Lilas et moi.
ADHARA - CÉRÉMONIE DE LA FLAMME
Une heure plus tard, tout le monde se réunit à l'emplacement indiqué par Binny. Le lieu de la cérémonie trône majestueusement sur une montagne non loin de Nahbi et offre un panorama à couper le souffle. La foule s'y presse de toute part, et pour l'occasion, les habitants d'Adhara ont revêtu leurs vêtements traditionnels. C'est un événement historique, et les familles se bousculent pour apercevoir la Porteuse de Lanterne.
Binny se trouve déjà devant le foyer, un sourire ineffable accroché à ses lèvres. À ses côtés, Katany, Dozik et leur mère se tiennent fièrement. Une immense flamme jaune, d'au moins cinq mètres de haut, brûle juste derrière eux et projette une lueur éclatante sur la scène.
Lorsque je scrute le reste de l'équipage, je remarque que Slikof est aux premières loges. Ses yeux ne quittent pas Binny ; il l'observe avec une intensité remarquable, et je crois même apercevoir une pointe d'admiration dans son regard. C'est l'occasion parfaite d'aller lui demander s'il a des nouvelles d'Houda.
— Salut, Slikof.
Il tourne la tête vers moi et me salue d'un simple geste, sans un mot.
— Des nouvelles de vos oiseaux ?
— Non, rien, répond-il brièvement, avant de retourner son attention sur Binny. Mais ne vous inquiétez pas, si j'apprends quoi que ce soit, vous serez au courant.
Un sourire taquin se dessine au coin de mes lèvres.
— Quand mes yeux pétillent autant que les vôtres, c'est que je pose mes yeux sur quelque chose que je compte consommer, déclaré-je en levant un sourcil.
Il lève les yeux au ciel, exaspéré.
— Vous n'allez pas vous y mettre non plus, s'agace Slikof en soufflant.
— Ha ! Alors c'est que je ne suis pas la seule à l'avoir remarqué, réponds-je avec un sourire malicieux.
J'ose lui donner un coup de coude complice. Il secoue la tête pour tenter de nier l'évidence.
— Vous devriez le lui dire, lançé-je en l'encourageant.
— Dire quoi ? À qui ? feint-il de ne pas comprendre.
— Slikof... grogné-je amusé.
L'espion entre dans sa petite phase de déni. C'est amusant de le voir incapable d'aller à l'encontre de son langage non-verbal. Il se tend, son visage trahit un désaccord qu'il ne parvient pas à affirmer complètement. Face à moi, se tient un homme qui, visiblement, en pince pour quelqu'un, mais refuse de l'assumer.
— Vous savez, je suis comme vous, Slikof, dis-je en le fixant.
— Alors là, je serais bien curieux de savoir en quoi nous pourrions nous ressembler, rétorque-t-il sur un ton condescendant.
— Vous êtes un idiot. Comme moi.
Il fronce les sourcils, offusqué.
— Vous semez vos sentiments dans un labyrinthe sans issue, argué-je. Vous pensez à tort qu'ils ne s'en échapperont jamais. Mais c'est faux. Cela finira par vous ronger, quoi qu'il arrive. Réprimer, c'est souffrir en silence.
— Vous oubliez mes devoirs, réplique-t-il en haussant les épaules. J'ai fait une promesse au Nid. L'amour, les idylles, ce ne sont que des rêveries pour moi. Mes convictions et ma raison resteront infaillibles. Aimer, c'est être vulnérable et les espions doivent rester intouchables.
— La raison, les convictions... Cela abîme les sentiments, fais-je remarquer. S'abîmer, c'est s'affaiblir. S'affaiblir, c'est être vulnérable. Alors, à quoi bon se priver ?
Il reste muet, son regard se perd dans le vide. Je vois bien qu'il a dû sacrifier bien des choses pour devenir l'homme qu'il est aujourd'hui : respectable, irréprochable. Un maître, espion de renom qui jouit des faveurs de la cour, de la famille royale et de bien d'autres à travers la Galaxie d'Ultya. Mais à quel prix ?
La cérémonie va commencer. Une assemblée de musiciens s'est placée non loin de la flamme, prête à faire sonner leurs instruments. Lorsque la mélodie débute, la musique tribale qu'ils jouent me prend aux tripes. La foule se fait silencieuse, attentive, et les regards s'affolent en direction de l'immense flamme jaunâtre. Binny monte les deux marches qui la séparent d'elle et se place face au peuple, venu s'agglutiner devant leur héroïne pour assister à l'événement. Hirsule l'Ancien vient la rejoindre pour prendre la parole.
— Adhara ! Le moment est venu de raviver la Flamme de Savoir sur notre planète, résonne sa voix dans la vallée. Après des siècles d'absence, nous espérons faire briller à nouveau le bleu Azurin de l'Oracle sur son foyer originel.
Il lève le bras en direction de Binny pour l'inviter à procéder au rituel tant attendu. Son impatience se lit sur son visage. Elle jette un rapide coup d'œil à sa famille avant de s'avancer complètement dans la flamme et de disparaître sous quelques cris de panique. Mon regard se fixe une seconde sur Slikof, dont l'inquiétude est palpable. Il est prêt à intervenir. Mais tout à coup, le jaune éclatant du foyer commence à vaciller, comme s'il dansait ou se débattait contre une force inconnue. Une lumière éclatante s'en libère, puis s'éteint aussi rapidement qu'elle était venue. Cela me rappelle lorsque l'Oracle s'était penché à l'oreille de Binny dans le temple sacré et lui avait confié quelque chose dont elle seule connaissait la nature.
Soudain, une onde de choc retentit et la foule se protège instinctivement le visage. Le souffle est tel que certains couvre-chefs s'envolent au loin. Lorsque tout le monde recentre son attention sur la flamme, celle-ci brille d'un bleu éclatant. La foule comprend que le rituel est un succès et des applaudissements se propagent parmi les habitants d'Adhara. Mais ce n'est pas le cas de notre équipage, encore à la recherche de Binny, qui n'est jamais sortie de ce brasier. Slikof s'avance d'un pas, prêt à aller à son secours, quand elle réapparaît enfin. Elle ne semble ni blessée ni brûlée, mais subit un débordement d'émotion, tout comme Tamy, qui a du mal à retenir ses sanglots. Binny se tourne vers le foyer et le regarde brûler. Je l'observe et remarque qu'elle chuchote quelque chose, une larme sur la joue.
— À toi, papa... L'Azurin brûle à nouveau. La mission des Ristoc est enfin achevée. Où que tu sois... sois en paix.
NABHI-BAIE
La journée se déroule dans une succession de festivités et d'éclats de joie. Nourriture et boissons affluent de toutes parts. Adhara est une terre de partage. Après la cérémonie, Binny m'explique une de leurs traditions ancestrales, celle de « l'Ange inconnu ». Quand une famille traverse des difficultés, le soir venu, quiconque le souhaite dépose devant leur porte de la nourriture ou toute autre offrande dont elle pourrait avoir besoin. Au matin, lorsqu'elle découvre les présents sur le seuil, elle ne sait pas qui sont ses bienfaiteurs, car la croyance exige de ne jamais révéler l'identité des donateurs. Ainsi, chacun devient potentiellement l'Ange inconnu. Cette coutume nourrit bienveillance, altruisme et bonheur. Sur Adhara, il est essentiel de renforcer l'entraide et la solidarité
J'aime cette planète...
QUELQUE PART DANS L'ESPACE
— Kapu, tu dis ? interroge Brizbi.
— Oui, en tout cas, c'était sa dernière destination connue...
— Qu'est-ce qu'il y a là-bas ?
— Je ne sais pas. Un portail.
Brizbi hoche la tête sans même chercher à en savoir plus.
— C'est loin. On devra faire des escales, le vaisseau qu'on a volé n'est pas vraiment de toute dernière fraicheur... Il consomme.
— Alors, on s'arrêtera ici.
Houda pointe une planète du doigt.
— C'est quoi ce caillou ? demande Brizbi.
— Hasture.
— La planète des cerveaux ?
— Ma planète, oui.
Brizbi hausse les sourcils, étonnée.
— Je ne m'en serais jamais doutée, plaisante-t-elle.
— Merci...
Houda s'enfonce dans son siège en soupirant.
— On va rendre visite à mes parents, grogne-t-elle sans cacher son manque d'enthousiasme.
— Déjà ? Je ne pensais pas que tu étais prête à me présenter à ta famille.
Houda secoue la tête. Elle trouve la remarque amusante, mais préfère couper court à ses faux espoirs.
— Que ce soit bien clair entre nous : on n'est pas un couple.
— Ok, rétorque Brizbi instinctivement.
— Je ne suis pas ta petite amie, précise Houda.
— J'avais compris, ma belle.
Houda la sonde. Brizbi ne semble pas du tout affectée par ses paroles.
— On est ici pour rejoindre l'équipage et les aider dans la mesure du possible. Si, bien sûr, tu peux te rendre utile...
— Ok.
La situation est encore confuse pour Houda. Elle-même ne comprend pas ce qu'elle ressent pour Brizbi. C'est la première fois qu'une femme lui fait cet effet-là, mais elle s'en méfie autant qu'elle s'en soucie. Elle se laisse entraîner par sa nouvelle acolyte dans ce voyage vers son passé. Retrouver ses parents ne la réjouit pas, mais l'escale est nécessaire.
NABHI - MAISON D'HIRSULE
Hirsule tourne et vire dans son salon. Il a encore du mal à se dire que la flamme est de nouveau sur Adhara.
— Maintenant que l'Azurin est allumé, l'Oracle pourra communiquer directement avec nous depuis le Temple Sacré.
— Oui, les choses vont enfin pouvoir redevenir comme avant, répond Tamy avec soulagement.
— Le peuple Adhara redeviendra le sauveur des peuples, souligne Hirsule.
— Oui. Je n'en reviens toujours pas... ajoute Binny en secouant la tête.
Binny est déchirée. Elle n'a pas envie de briser la joie qui envahit de nouveau les personnes qu'elle aime. Leur dire qu'elle doit repartir, qu'elle a décidé de poursuivre la mission Minden jusqu'au bout, est difficile. Katany, à ses côtés, lui tient le bras comme si elle risquait de disparaître à tout moment. Mais elle n'a pas le choix ; elle doit leur annoncer son départ, consciente qu'il n'y a pas de bonne manière de le faire.
— Je dois vous dire quelque chose. Vous êtes tous ici, et j'en suis si heureuse. Vous retrouver a été mon plus grand bonheur. Mais...
Ils la regardent tous, une certaine appréhension dans les yeux. Ce "mais" a un goût amer de déjà-vu. Kat resserre la main autour du bras de sa sœur.
— Je dois repartir.
— Quoi ? s'exclame Tamy.
— Mais qu'est-ce que tu racontes ? s'énerve Katany en fronçant les sourcils.
— J'ai une mission à terminer avec mes amis.
— Jamais ! Tu as déjà accompli l'impossible ! On vient à peine de te retrouver ! grogne sa sœur.
— Kat a raison. Tu ne peux pas ! ajoute Dozik, la main sur le cœur.
— Vous ne comprenez pas... Ce n'est pas une mission ordinaire. Il s'agit de l'univers tout entier, argumente Binny.
Elle commence à leur expliquer ce qu'ils n'imaginent jamais entendre. Mais à mesure que son récit avance, les visages se ferment, et l'inquiétude se lit dans leurs yeux. Les Adhara sont toujours sensibles au sort de l'Univers ; la vie, la survie.
— Si tu pars, je pars ! affirme Katany en tapant du pied.
— Moi aussi ! ajoute son frère en s'avançant d'un pas.
Tamy les arrête immédiatement.
— Non, calmez-vous. Personne n'ira nulle part ! réplique leur mère, tentant d'apaiser les tensions.
— Elle a raison, les Adhara ne peuvent pas s'éclipser comme ça, souligne Hirsule. Nous avons chacun notre rôle ici. Tu as pu partir en tant que Porteuse de Lanterne, mais tu ne peux pas partir sans but.
— J'ai un but ! interrompt Binny.-
— Toi peut-être, mais pas ton frère et ta sœur.
— Si le sort de l'univers est en péril, alors nous sommes tous concernés, souligne Katany.
— Katany a raison. C'est notre affaire à tous. Qui veut partir le pourrait, appuie Dozik.
— Calmez-vous, mes enfants !
Le cœur de Tamy se serre, elle ne veut pas voir l'un de ses enfants repartir d'Adhara.
— Quelles sont vos chances, exactement, ma chérie ? demande-t-elle, inquiète, en prenant délicatement les mains de Binny dans les siennes.
— Je ne sais pas. Je n'ai aucune certitude. Je sais juste que nous nous rendons sur une planète appelée Kapu.
Hirsule se fige de surprise et ne peut s'empêcher d'intervenir.
— Kapu ? Mais pourquoi ?
— Il y aurait quelque chose là-bas... Un portail, précise Binny en scrutant le visage de Hirsule. Pourquoi cette surprise ?
— Une vieille prédiction me revient en mémoire, murmure Hirsule, visiblement troublé. Elle est rédigée dans un ancien dialecte, et la traduction a toujours été ambiguë. Mais elle évoque Kapu, cette planète précisément.
— Que dit-elle ? demande la mère, ses yeux brillants d'intérêt.
— "Három rózsaszín fej fogja Adhara nevét vésni Kapu-ra." Cela signifierait, en langue ancienne : « Trois têtes roses graveront sur Kapu le nom d'Adhara. »
Tamy laisse échapper un long soupir. Les prophéties, pour les Adhara, sont sacrées, suivies comme des lois ancestrales. Et à présent, elle comprend que ce destin pourrait la forcer à laisser partir ses trois enfants.
— Ma famille... N'a-t-elle pas déjà assez donné ? murmure-t-elle, la voix étranglée.
Hirsule pose une main ferme sur son bras, en signe de soutien.
— Tu pourrais les suivre, Tamy.
Le visage de ses enfants s'illumine de surprise, une attente suspendue à ses lèvres.
— Les suivre ? répète-t-elle, encore ébranlée par la suggestion.
— Oui, dit doucement Hirsule. Comme l'a très justement dit Katany, l'univers est l'affaire de tous.
Soudainement consciente de cette nouvelle voie qui s'ouvre à elle, Tamy redresse les épaules, une flamme de détermination dans le regard.
— Alors, oui, je les suivrai !
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