CÔTÉ SOMBRE

ZOLDELLO - PALAIS D'ULTYA

Après avoir appris la mort de son frère, Drike s'était muré dans un mutisme inquiétant. Andras l'avait rejoint dans le véhicule, se contentant de le raccompagner jusqu'au Palais sans prononcer le moindre mot. Déjà terrifié avant même que Drike ne soit au courant du triste sort de Bogz, Sir Iker avait préféré rester silencieux, par instinct de survie.

Une fois arrivé au palais, Andras reprend enfin son souffle, retrouvant un semblant de sécurité auprès de sa garde personnelle. Pendant son absence, le conseil mis en place par la Reine Régente et Zorth Kydine s'est réuni pour discuter des conflits qui persistent encore sur Zoldello. Il ne s'agit, pour la plupart, que de querelles liées à la propriété de terres agricoles, de paysans endettés n'arrivant plus à payer leurs taxes, ou encore de quelques affaires de rixes intestines qui se multiplient au sein du royaume.

Tout cela n'est que la partie visible d'un iceberg monumental. Les dirigeants des territoires alentour assistent, impuissants, à cette montée de violence que personne ne parvient à endiguer. Pas même les oiseaux de nuit.

Depuis la dernière éclipse, la nourriture est devenue plus rare. La terre, surexploitée, a été vidée de ses dernières ressources dans une grande partie de l'Ouest de la planète, créant une rivalité malsaine entre les différents exploitants. L'Est et le Sud sont les régions ayant subi le moins de pertes agricoles et forestières. Les animaux y sont toujours présents, la viande y est abondante, ce qui est loin d'être le cas pour l'Ouest et le Nord.

Au départ très enclins au partage, les territoires les mieux pourvus ont changé d'attitude lorsque les denrées ont commencé à manquer. Régulant désormais de manière drastique leurs ressources, ils ne donnent plus que le strict nécessaire, faisant naître tensions et rancunes dans un monde déjà fragilisé.

Le Roi Gotbryde y travaillait chaque jour, tentant de réduire les animosités en réunissant des représentants des quatre coins du royaume lors de chaque soirée de vide lune. Une vieille croyance de Zoldello laissait planer l'idée que, durant ces nuits sans lune, les esprits étaient plus apaisés. Cela lui avait certainement semblé être de bon augure.

L'initiative avait porté ses fruits un temps, jusqu'à ce que l'Ouest perde l'intégralité de sa forêt la plus dense, la plus prolifique. Celle-ci s'était éteinte en l'espace d'un mois, comme un feu de paille incontrôlable, sous les yeux impuissants de ses exploitants. La région avait alors perdu tout son bois, toute sa viande ; une véritable extinction, une catastrophe humaine et planétaire.

Le désespoir s'était emparé des habitants, provoquant des mouvements de migration en direction de l'Est et du Sud. Mais ces deux régions, encore hospitalières à l'époque, avaient bientôt décidé de fermer leurs frontières à double tour. L'éternelle histoire des démunis face aux privilégiés.

L'un des conseillers croise Andras qui se hâte en direction de ses quartiers et se saisit de l'occasion pour l'interpeller.

- Sir Iker ! appelle le conseiller Fligane en levant la main.

Andras ferme les yeux en soupirant, regrettant cette rencontre pourtant inévitable. Il aurait aimé pouvoir se retirer un instant dans sa chambre pour évacuer le stress accumulé en compagnie de Drike. Mais sachant qu'il va devoir se montrer à l'écoute, un sourire franc se dessine à nouveau sur ses lèvres avant qu'il ne se tourne vers son interlocuteur.

- Conseilleur Fligane ! clame-t-il sur un ton faussement enjoué.

Ravi de l'avoir intercepté, Fligane s'approche à petits pas, affichant un air satisfait. C'est un homme de petite taille, aux cheveux grisonnants. Sa bouche fine est surmontée d'une moustache d'une longueur impressionnante, soigneusement coiffée en une boucle élégante. Cette petite fantaisie contraste avec son allure distinguée et impeccable.

Bien que de taille modeste, sa silhouette est large et bedonnante. Il porte des vêtements blancs, rehaussés de pièces en cuir sur les épaules et à la taille. Une certaine bonhomie sympathique émane de lui.

- Je voulais vous parler du dernier conseil, celui où vous étiez absent, précise-t-il en baissant le ton.

Le reproche à peine voilé du conseiller provoque un rictus nerveux chez Andras, qui tente de garder son calme.

- Oui, j'avais des affaires à régler. Des affaires urgentes. Mais je suis persuadé que le conseil s'est très bien passé sans moi. Vous êtes tous d'éminents politiciens, je suppose que vous avez trouvé des consensus efficaces, lance-t-il d'un ton sarcastique. De quoi vouliez-vous me parler ?

- Oh, ce n'est pas tant le contenu du conseil, ni les problèmes abordés. Mais nous nous sommes demandé où était la Reine, et quand les noces promises auraient enfin lieu, énumère-t-il en faisant des ronds avec sa main, comme si ces sujets n'étaient pas importants.

- Tout cela vous sera communiqué en temps et en heure, conseiller Fligane, répond-t-il brièvement, balayant le sujet sans plus de détails.

Andras lui sourit, supposant que la conversation était terminée, puis se retourne pour reprendre sa marche en direction de ses quartiers. Ses pas résonnent dans les couloirs lorsque le conseiller, toujours immobile derrière lui, se permet une remarque piquante.

- Le savez-vous seulement, Sir Iker ?

Sans se retourner, le jeune Sir se fige. Il se redresse, une posture qui cherche à masquer sa colère sous-jacente, comme un homme qui refuse de se laisser abattre par ses propres doutes. Ses poings se serrent, les ongles s'enfonçant dans la paume de ses mains, une douleur silencieuse qui témoigne de son combat intérieur. Chaque fibre de son être crie pour céder à la provocation, mais il se maîtrise. Lentement, il se tourne enfin, son visage impassible, ses yeux fixant son interlocuteur avec une froide intensité.

- Si votre inquiétude réside dans le fait que je ne sois pas au fait des desseins de la Reine et de sa cousine, ma future femme, soyez rassuré. En tant que futur roi de cette planète, dit-il avec une lenteur mesurée, je suis dans la confidence. Et cela signifie, bien sûr, que certaines informations doivent rester scellées.

Sur ces mots faussement rassurants, Andras se faufile enfin dans sa chambre. Une fois la porte refermée derrière lui, il s'appuie contre le mur, son dos tendu cherchant la sécurité de cet espace clos. Une inquiétude presque irrationnelle le pousse à jeter un regard furtif autour de la pièce, vérifiant que personne ne se cache dans l'ombre. Lorsqu'il en est certain, un long soupir de soulagement s'échappe de ses lèvres sèches, comme une libération enfin permise. Il rejoint son bureau et s'y installe dans un calme absolu. Celui-ci se trouve juste devant une grande fenêtre, offrant une vue imprenable sur les jardins du Palais. Les buissons taillés avec un soin méticuleux, les plantes luxuriantes provenant des quatre coins de la planète, entretenues par les plus grands jardiniers du royaume, donnent le vertige lorsqu'on imagine le budget nécessaire à un tel entretien. Mais au loin, à l'horizon presque brumeux, l'obscurité des forêts noircies laisse entrevoir les tumultes qui agitent les habitants de Zoldello.

Andras, les yeux rivés sur le paysage, tire machinalement un cahier du tiroir, un geste devenu presque instinctif. Le livre, scellé par une ficelle de lin légèrement effilochée, glisse entre ses doigts avec une fluidité qui trahit l'habitude. Il défait le nœud d'un mouvement précis, presque ritualisé, avant de l'ouvrir à la page marquée. Un marque-page, usé par le temps, dévoile un symbole : une planète scindée en deux, moitié noire, moitié blanche. Sans même détourner les yeux de l'horizon, il saisit de quoi écrire.

Lorsque la pointe du stylo commence à glisser sur le papier, son attention se recentre entièrement sur sa tâche. Ses sourcils se froncent légèrement, et une gravité s'installe sur son visage. Il consigne méthodiquement les événements de la journée, chaque détail trouvant sa place entre les lignes serrées d'une écriture cursive élégante. C'est un journal. L'usure de la couverture et les pages légèrement jaunies par le temps témoignent de son usage régulier. Chaque passage, soigneusement annoté, semble vouloir capturer des fragments de son quotidien, comme s'il craignait que tout disparaisse si quelque chose lui arrivait. L'épaisseur du carnet, alourdi par des années de confidences, d'observations et de pensées, témoigne silencieusement de l'importance de ce rituel dans sa vie.

Une fois son récit achevé, les lueurs d'un soleil rasant viennent l'éblouir à travers la fenêtre. Fatigué, il plisse les yeux pour atténuer l'éclat, puis reprend son carnet entre ses mains. Comme à son habitude, il conclut ses écrits en murmurant son texte à voix haute.

- Je repense aux promesses de Fiora Golt, murmurées dans les ruelles sombres d'Ebrédès. Elle avait vu en moi bien plus qu'un enfant des rues, bien plus qu'un survivant. Et aujourd'hui, je me vois, prêt à tenir mon rôle jusqu'à mon but ultime : gravir les marches du trône de Zoldello, au bras de la Princesse d'Ultya, Lilas. Peu importe ceux qui oseront se dresser sur mon chemin. Je ne veux plus être un simple usurpateur. Je veux être le Roi.

EBREDES - DEVANT LE MUR

Voilà bientôt une heure que je longe ce mur imposant, à la recherche d'une faille, d'un passage, de la moindre ouverture. Mais rien. Rien d'autre qu'une paroi lisse et infranchissable qui s'étend, semble-t-il, à perte de vue. Je lève les yeux, mes espoirs s'effilochant un peu plus à chaque pas. Une part de moi sait que je perds mon temps, mais une autre refuse d'abandonner. La balade, en soi, n'est pas désagréable. Pourtant, je ne parviens pas à apprécier pleinement la nature environnante. Mon esprit, prisonnier de son obsession, ne me laisse qu'une pensée : découvrir ce qui se cache de l'autre côté.

Me croyant seul, je m'éloigne du mur pour évaluer si je suis capable de l'escalader. Mais alors que je recule d'un pas, je heurte brusquement quelque chose - ou plutôt quelqu'un. Prise de surprise, je me retourne brusquement. Mon regard tombe alors sur Brizbi. Une sucette coincée entre ses lèvres, elle me fixe avec son éternel air désinvolte, comme si ma présence ne l'étonnait pas le moins du monde. La connaissant, elle a sûrement suivi chacun de mes gestes depuis son visiocommunicateur, comme à son habitude.

-Brizbi... soufflé-je presque de soulagement. Qu'est-ce que tu fous là ? Tu n'en as pas marre de me suivre ?

Elle me sourit, faisant tournoyer le bâton de sa sucette entre ses doigts.

- Pas vraiment, avoue-t-elle en s'asseyant sur un rocher le long du chemin. Il n'y a que toi qui vadrouilles, les autres restent en groupe et traînent. Rien de bien folichon.

Je plisse les yeux en l'observant, tentant de mieux cerner l'humeur qu'elle dégage. Mais à part de l'ennui et de la lassitude, je ne détecte rien d'anormal.

- Et Houda ?

Elle roule des yeux, visiblement agacée par ma question.

- Tu n'as vraiment que ça à la bouche.

Après un léger ricanement, je m'installe à côté d'elle. Le froid du rocher se faufile immédiatement à travers mes vêtements, et je me rends compte qu'il semble être un vestige des travaux du mur que nous avons sous les yeux. Je me penche en arrière, apposant mes paumes sur la surface rugueuse, et laisse mon regard courir jusqu'au sommet de ce qui semble être le plus grand mystère d'Ébrèdes.

- C'est juste que vous aviez l'air si proches quand on vous a récupérées sur Hasture. Et maintenant, vous êtes souvent chacune à vaquer à vos occupations. Il y a de l'eau dans le gaz ? demandé-je, non sans curiosité.

- Disons que depuis qu'elle a retrouvé ses parents baignant dans leur sang, elle n'est plus vraiment la même, répond sèchement Brizbi, son ton tranchant laissant clairement entendre qu'elle ne veut pas s'étendre sur le sujet.

Son envie de ne pas se confier ne m'échappe pas. Je décide alors de me recentrer sur l'objet de ma présence ici : ce foutu mur. Dans un mouvement énergique, je me redresse et m'en approche.

- Je me demande si on ne pourrait pas passer de l'autre côté... lancé-je discrètement.

Varane me rejoint d'un bond, ses yeux brillant d'une excitation nouvelle.

- Quoi ? Tu veux aller de l'autre côté de ce truc ? Pourquoi ça ? demande-t-elle, un sourire malicieux éclairant son visage.

- Pourquoi pas... Je ne comprends pas la présence de cette muraille infranchissable. J'ai l'impression qu'il y a quelque chose à découvrir de l'autre côté.

Brizbi, toujours installée, lève les yeux vers les nuages tout en jouant avec sa sucette.

- C'est faisable, finit-elle par annoncer tranquillement. La roche n'est pas complètement lisse, il y a des interstices entre les pierres. Avec un peu de volonté, on pourrait grimper facilement.

C'est l'approbation que j'attendais. Non pas que je n'aurais pas tenté sans elle, mais cette petite flamme de défi qui scintille dans ses pupilles agit comme un véritable déclencheur. Elle attise en moi une envie presque irrépressible de franchir ce mur, de voir ce qui se cache au-delà.

Je pose une main sur la roche, réchauffée par les rayons du soleil et inspire profondément. Sans attendre une seconde de plus, j'entame l'ascension. Chaque interstice devient une prise, chaque aspérité un point d'appui. Derrière moi, j'entends Brizbi siffler doucement, amusée.

- Sérieusement ? Tu crois vraiment que c'est une bonne idée ? lance-t-elle, son ton oscillant entre la moquerie et un intérêt sincère.

Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule, un sourire en coin.

- Si je tombe, tu me rattraperas, non ?

Elle éclate de rire.
- Essaie pour voir.

Son rire léger résonne dans l'air, mais elle finit par me suivre, toujours avec cet air détendu qui contraste si vivement avec les risques que l'on s'apprête à prendre. Elle semble presque jouer, prenant appui avec une agilité inattendue.

- Allez, dépêche-toi, marmonne-t-elle en croquant dans sa sucette.

Son attitude désinvolte nourrit davantage ma volonté d'avancer. Le sommet n'a jamais semblé si proche.

EBREDES - 138 RUE DU COMMERCE - CÔTÉ LUMIÈRE

Zorth, toujours méfiant malgré tout ce qu'il a affirmé devant l'équipage au sujet de la confrérie, avance à pas de chat dans cet étroit immeuble. Le bâtiment semble avoir rentré son ventre pour se glisser entre deux commerces, tant l'espace est étriqué.

Il n'y a qu'une mince cage d'escalier, et il peine à monter sans effleurer les murs. Lui, pourtant si fluet, a du mal à imaginer Kylburt ou même Crylon se faufiler jusqu'aux étages supérieurs. Il passe les paliers lentement, scrutant chaque porte et les noms inscrits dessus, quand il y en a.

Dans un dernier effort, il atteint enfin le dernier étage - le quatrième, pour être exact. Sur le seuil, un tapis marron, presque neuf, attire son attention. Ce détail étrange donne l'impression que personne n'entre ni ne sort de cet appartement. Une limite invisible qu'il s'apprête à franchir, délibérément.

Zorth ferme les yeux un instant, rassemblant son courage. D'un mouvement brusque, il se penche au-dessus de la rampe, espérant apercevoir Slikof, mais le vide répond à son regard. Hésitant, il avance vers la porte, partagé entre frapper ou appuyer sur la sonnette. Avant qu'il ne prenne une décision, une voix féminine, sèche et impérieuse, l'interpelle :

- Entrez !

Il obéit, tourne la poignée ronde et dorée, étrangement semblable au bouton des sonnettes d'entrée. Lorsqu'il entre, une enivrante odeur florale flotte dans l'air, un parfum fin et délicat. La voix se manifeste alors une deuxième fois :

- Je vous en prie, installez-vous, Monsieur Kydine, lance-t-elle avec douceur.

Zorth avance en direction de ce qui ressemble à un petit salon. Arrivé dans l'embrasure de la porte, il observe la scène qui s'offre à lui. De grandes fenêtres, tout en longueur, inondent la pièce d'une lumière tamisée, filtrée par des rideaux orangés. Une petite table basse en bois, au style ancien, trône au centre d'un ensemble de fauteuils dépareillés. Sur l'un d'eux est assise la femme avec qui Zorth a échangé lors de sa dernière communication depuis le Piros.

Accroché au mur, juste derrière elle, un tableau d'une beauté saisissante attire son attention : un portrait de famille, digne de ceux exposés dans le Palais d'Ultya. Tandis qu'il prend place sur un fauteuil, son regard reste fixé sur l'œuvre. Il reconnaît immédiatement la femme. C'est Madame Iker... si ce nom est bien le sien. Pourtant, son apparente jeunesse contraste avec l'époque que semble évoquer le portrait. Elle n'est pas une vieille dame, mais ses traits, délicatement marqués par de fines rides, témoignent du passage du temps. Zorth lui donne la cinquantaine, peut-être un peu moins.

Il décide d'utiliser cet élément du décor pour entamer la conversation d'une manière légère.

- Ne s'agirait-il pas de vous, sur ce tableau ? lance-t-il en désignant l'œuvre d'un geste poli mais direct.

La femme se tourne, un sourire tendre étirant ses lèvres.

- En effet, c'est bien moi. Il y a fort longtemps, hélas, soupire-t-elle avec une pointe de regret. Et ici, c'est mon époux... ou plutôt, c'était. Paix à son âme, ajoute-t-elle à mi-voix, presque dans un murmure. Je peux vous offrir quelque chose ?

Elle se penche au-dessus de la petite table basse où repose une vieille théière accompagnée de deux tasses à fleurs, finement dorées. Zorth observe les objets, intrigué par la présence de ces trésors dans un si modeste appartement. D'un signe de tête, il accepte l'offre d'une boisson chaude.

- Eh bien, Madame, si ce n'est pas trop indiscret... Pourrais-je enfin avoir l'honneur de connaitre votre identité ? demande-t-il avec un sourire malicieux, bien que son regard trahisse une réelle curiosité.

- Alida Iker. Ce nom vous éclaire-t-il en quelque chose ?

Zorth cligne des yeux, le nom lui paraissant soudain familier. Puis, l'évidence le frappe. Il se souvient que ce nom est aussi celui de Sir Andras.

- Eh bien, figurez-vous que le promis de ma très chère Princesse Lilas, future reine de Zoldello, porte ce même nom. Sir Andras Iker. Mais, d'après ce que j'ai pu entendre à son sujet, il n'a plus de famille depuis fort longtemps.

Alida fronce les sourcils, une lueur de méfiance teintant son expression.

- Effectivement... J'ai eu vent de cette future union. Et c'est précisément pour cela que je vous ai fait venir ici, déclare-t-elle, le ton soudain plus froid. Ce Sir Andras Iker n'est qu'un vulgaire usurpateur. Je ne sais pas comment il est parvenu à ses fins sans éveiller les soupçons de votre roi, mais il n'a absolument rien à voir avec la famille royale d'Ebrédès, crache-t-elle avec amertume.

- La famille royale d'Ebrédès ? s'étonne Zorth, une lueur de passion dans la voix. Veuillez excuser mon ignorance, mais je n'ai vu aucun château ni le moindre signe d'un royaume aux alentours.

- C'est parce qu'elle n'existe plus, depuis que les Golts l'ont divisée et décimée, répond Alida, d'un ton lourd de ressentiment, avant de boire une gorgée de son thé.

Les pupilles de Zorth se dilatent alors qu'il repose son regard sur le portrait. Il comprend que sa première impression n'était pas anodine. Ce tableau avait peut-être réellement orné les couloirs d'un château, autrefois. Cette femme, et son époux, faisaient certainement partie de la cour.

- Seriez-vous en train de m'avertir que cet usurpateur ne serait pas un Sang-Rouge ? demande-t-il, la voix presque tremblante sous le poids de ses soupçons. Et que, par ce simple fait, il mettrait en péril la pérennité de la lignée pure d'Ultya ?

- C'est en effet ce contre quoi je voulais vous mettre en garde, assure-t-elle en accrochant son regard au sien, avec une intensité presque hypnotique. Mais ce n'est pas tout. Laissez-moi vous montrer quelque chose.

Avec une grâce naturelle, Alida se lève et fait signe à Zorth de la suivre. Intrigué, il lui emboîte le pas jusqu'à une minuscule pièce adjacente.

Il s'agit d'une chambre, ou plutôt d'un placard aménagé. Un lit une place est plaqué contre un mur, laissant à peine un espace suffisant pour une petite table de chevet. Les murs, d'un beige passé, semblent renfermer les souvenirs d'une vie recluse. Quelques portraits, plus modestes, sont éparpillés sur la tapisserie. Kydine s'immobilise pour ne pas envahir le lieu, préférant observer Mme Iker qui ouvre le tiroir du seul meuble présent dans la chambre. Elle en sort un livre, recouvert d'une couverture de cuir usée. D'un geste, elle le tapote pour en chasser la poussière, créant un véritable nuage autour d'elle. Alida toussote en riant, avant de pousser délicatement Zorth vers un endroit où l'air serait plus respirable.

- Désolée, je n'aurais pas dû l'épousseter, j'ai pris un risque inconsidéré, plaisante-t-elle en reprenant place dans le petit salon.

- Que renferme ce livre, Mme Iker ? demande Zorth.

- La Prophétie de l'Équilibre, il s'agit du numéro deux, annonce-t-elle, comme si c'était une information sans intérêt.

Zorth est transi de surprise et reste sans voix.

- Laissez-moi vous raconter une histoire, M. Zorth Kydine, lance-t-elle en s'enfonçant dans son fauteuil.

ÉBRÉDÈS - CÔTÉ SOMBRE

Alors que nous avons entamé la descente de l'autre côté du mur, je peine à croire que nous en voyons enfin le bout. L'air devient plus lourd et moite, tandis que mes pieds s'enfoncent légèrement dans une terre détrempée. Les murmures de la brise qui soufflait de l'autre côté est remplacés par un silence lourd et une obscurité presque surnaturelle.

Varane est juste derrière moi. Je me retourne et lui tends une main libératrice pour l'aider à franchir les derniers centimètres qui la sépare du sol. Ses doigts s'agrippent aux miens, mais dès qu'elle touche terre, elle retire sa main dans un geste brusque, presque nerveux, comme si ce bref contact avait réveillé une sensation gênante.

Son regard évite le mien alors qu'elle s'époussette, cherchant à faire disparaître la poussière et la saleté accumulées sur nos vêtements pendant notre aventure improvisée.

- Bon, et maintenant ? interroge-t-elle mordillant le baton de sa sucette.

En regardant autour de moi, je ne détecte qu'une forêt dense, tellement qu'elle nous cache le peu de soleil couchant que nous avions laissé de l'autre côté. La visibilité n'est pas incroyable, mais nos pupilles commencent lentement à s'adapter. Je distingue ce qui ressemble à un sentier et propose d'un mouvement du menton de le suivre. Ce simple geste suffit à Brizbi, elle emboîte le pas.

En suivant le sentier, nous gravissons une petite colline qui nous offre une vue un peu plus dégagée. Enfin libérée de la végétation, je frissonne au contact de l'air, bien plus froid et sec que je ne l'avais imaginé.

- Il caille par ici, annonçé-je en me frictionnant les bras. Regarde là-bas.

Brizbi suit mon doigt du regard et distingue ce qui ressemble à un village. Mais le fait qu'aucune cheminée ne dégage de fumée laisse penser qu'il est totalement désert. Impossible, par ces températures, de ne pas chauffer son foyer, à moins que les habitants de ce côté du mur soient immunisés contre le froid.

- Ça n'a pas l'air d'être très loin. Je dirais dix bonnes minutes de marche, annonce-t-elle avec assurance. Allons-y. De toute façon, maintenant qu'on est là... sourit-elle avec malice.

Elle passe à côté de moi, frôlant mon épaule avec entrain. Je l'observe avancer vers l'inconnu en ma compagnie. J'ai du mal à comprendre sa présence auprès de moi. Elle ne me demande rien, elle ne me doit rien, elle n'a même pas d'intérêt à m'accompagner.

Pourquoi s'obstine-t-elle à me suivre partout ?

Nous entrons dans le village avec prudence, une étrange sensation m'envahissant à mesure que mes pas s'enfoncent dans l'épaisse couche de neige qui recouvre le sol. L'endroit semble figé dans le temps, abandonné, comme s'il avait été laissé là sans raison, sans explication. Des voitures, leurs portières grandes ouvertes, jonchent la ruelle, témoins d'une fuite précipitée.

Les habitants ont-ils dû évacuer dans l'urgence, abandonnant tout sur place ?

Les devantures des commerces, autrefois accueillantes, rappellent celles de la charmante ville de Kereskedo que nous avons explorée plus tôt. Mais ici, tout est en ruine, comme si une longue négligence s'y était installée. La scène prend des airs presque apocalyptiques, glaciale et dévastée. Quelque chose de terrible s'est produit, et ce mur, dressé tel une barrière, semble avoir enfermé l'événement dans le passé, l'enfouissant dans une époque révolue, comme une erreur soigneusement dissimulée au fond d'un tiroir oublié. La neige, étouffant le moindre bruit, renforce l'impression d'un décor artificiel, comme si nous nous trouvions dans une boule à neige abandonnée sur une cheminée poussiéreuse. Alors que je continue d'avancer, Brizbi pose sa main sur mon épaule pour attirer mon attention.

- Il y a de la lumière là-dedans, me chuchote-t-elle près de mon oreille.

Elle a raison. Dans l'une des vitrines, la lueur d'une bougie vacillante capte notre attention. Après un échange de regards furtifs, nous décidons d'entrer.

Là, un homme court sur pattes apparaît derrière le comptoir. Il est tout sourire et n'est visiblement pas plus étonné que ça de nous voir débouler de nulle part. À l'intérieur, la température est agréable. Le petit homme, qui affiche un visage rond et rougi sur les joues, comme s'il avait souffert trop longtemps du froid, nous adresse un bonjour de la main. Ses cheveux sont blancs, et ses yeux ainsi que son front sont marqués de rides nombreuses mais harmonieuses, épousant ses expressions joviales.

- Bonjour, Mesdemoiselles ! En quoi puis-je vous aider ? lance-t-il d'une voix étrangement aiguë.

Hésitante, je m'avance devant le guichet. Seule sa tête en dépasse ; il ne doit pas faire plus d'un mètre vingt. Lorsque j'arrive en face de lui, il lève le regard en plissant les yeux, comme pour me voir plus clairement. Finalement, il se baisse et récupère quelque chose en fouillant bruyamment dans un meuble du comptoir.

- Bonjour, Monsieur. Euh... Nous sommes où ?

L'homme relève la tête, son nez surmonté de grosses lunettes jaunes pétard.

- Alors ça ! Quelle étrange question ! réplique-t-il, hilare, en ajustant ses lunettes. Vous êtes dans le village d'Erdo.

- Pas l'impression qu'il y ait foule, lance Brizbi avec un sourire en coin, s'adossant nonchalamment au mur froid de la boutique.

- Oh, les gens sont partis depuis un moment, c'est vrai. Mais il reste encore quelques irréductibles... moi inclus, dit-il en jouant distraitement avec la monture de ses lunettes.

- Oui, on a pu remarquer... Mais que s'est-il passé exactement ? demandé-je, les yeux rivés sur la baie vitrée, observant la rue désertée.

- C'est une longue histoire... Du moins, difficile à résumer en quelques mots. Ce que vous me demandez, c'est l'histoire de notre planète tout entière, répond-il avec un sourire amusé.

- Vous pouvez toujours essayer, propose Brizbi, sa voix trahissant une menace à peine voilée.

L'homme descend d'un petit marchepied derrière le comptoir et s'avance vers nous. Il s'arrête devant la grande vitre de la devanture, fixant la neige qui tombe délicatement, ajoutant une nouvelle couche à celle qui recouvre déjà sur le sol.

- Je ne vous connais pas, mais j'ai comme l'impression que vous venez de l'autre côté. Est-ce que je me trompe ?

- De l'autre côté ? Vous voulez dire, de l'autre côté du mur ? demandé-je, hésitante.

- Exactement. Le « côté lumière », comme ils aiment l'appeler... Ici, nous sommes du « côté sombre ». C'est amusant, cette idée d'associer une simple orientation géographique à des notions positives ou négatives. Certes, notre ciel est moins généreux et le soleil plus avare de ses rayons de ce côté, mais tout de même... Cela ne rend pas justice à notre région, dit-il avec un sourire ironique. Puis, se tournant vers nous, les yeux pétillants : Je ne me suis pas présenté : Gano Chimli, pour vous servir.

- Enchantée, Gano. Moi, c'est Kybop, et elle, c'est Brizbi.

Brizbi lève brièvement la main à l'entente de son nom, et il lui adresse un petit signe de tête en guise de salut.

- Eh bien, mes très chères Kybop et Brizbi, bienvenue dans l'ancien Royaume d'Ebrédès, annonce-t-il en écartant légèrement les bras, comme pour désigner un héritage invisible. Autrefois, cette planète ne formait qu'un tout. L'Est et l'Ouest vivaient unis, sous la gouvernance de la famille royale Iker, qui tenait les rênes d'un royaume prospère. Mais cette époque dorée a pris fin. Tout s'est effondré.

Son ton devient plus grave, et son regard se perd un instant dans la neige au-dehors.

- Après la chute des Iker, l'Est a rejeté l'idée même de monarchie, tournant le dos à une famille qu'ils jugeaient défaillante. Tous ses membres ayant été assassinés ou contraints à l'exil, l'Est a refusé de laisser quiconque reprendre le trône. Ils ont préféré embrasser les nouvelles technologies et une politique plus ouverte, se détachant de leur passé.

Il marque une pause, ses doigts glissant distraitement sur la vitre embuée. Du bout de l'index, il trace un cercle, qu'il divise ensuite d'un geste précis en deux moitiés, comme une illustration silencieuse de son récit.

- L'Ouest, au contraire, n'a jamais cessé de regretter ses souverains déchus. Ils ont tout fait pour préserver l'idée d'un royaume, même si cela signifiait rester figés dans le temps.

Il observe un instant le symbole qu'il vient de dessiner, puis laisse échapper un soupir presque imperceptible.

- Cette fracture idéologique a fini par devenir une réalité tangible : ce mur que vous avez manifestement traversé.

Je comprends mieux, maintenant. Cette barrière monumentale n'est pas qu'un simple mur de pierres. Elle incarne la séparation de deux visions politiques, le vestige d'un conflit interne qui a détruit une union autrefois fragile. Une fracture née de la chute des dirigeants de cette planète : les Iker.

Un frisson me parcourt. Ce nom... Les Iker.

C'est le même foutu nom que celui du promis de Lilas.

- Que savez-vous sur cette famille ? Les Iker ? Reste-t-il certains d'entre eux sur la planète ou ailleurs ? demandé-je précipitamment.

- Tout ce que je sais, c'est que je suis certainement le dernier à avoir vu la Reine après l'assassinat du Roi, répond-il calmement.

L'intérêt de Varane pour cette histoire transparaît immédiatement sur son visage, un rictus se formant sur ses lèvres.

- Comment ça ? demande-t-elle en se décollant du mur, soudainement attentive.

- C'était une fin d'après-midi comme celle-ci, se rappelle-t-il en fixant la neige qui tombe lourdement derrière la vitre. Les flocons recouvraient une rue bien plus animée à l'époque, loin des tumultes qui allaient nous frapper. J'étais derrière mon comptoir lorsqu'elle est entrée.

- Pourquoi la Reine viendrait-elle dans votre boutique ? demandé-je, surprise par son histoire.

- Ce n'est pas une boutique, rectifie-t-il avec un hochement de tête. C'est une pouponnière. Les gens venaient ici pour confier leur progéniture au royaume. Et c'est précisément pour cela qu'elle est arrivée jusqu'à moi. Bien sûr, elle ne s'est pas présentée comme la Reine.

Il marque une pause, son regard se perdant un instant dans ses souvenirs.

- Elle portait une longue cape blanche avec un capuchon large, visiblement conçu pour masquer son visage. Dès qu'elle a ouvert la porte, j'ai su que j'avais affaire à quelqu'un de la cour. Les tissus qu'elle portait étaient d'une finesse rare, digne des grands orfèvres d'Ebrédès. Et son visage... il m'a rappelé les traits de la lignée Iker. Fins, délicats. Ses cheveux noirs d'ébène contrastaient avec la pâleur presque irréelle de son teint. Mais j'ai fait semblant de ne rien remarquer, et je l'ai traitée comme tous ceux qui franchissent le seuil de cet établissement : avec respect et empathie.

Avant de reprendre son récit, il retourne sur son marchepied derrière le comptoir et en sort un vieux calepin poussiéreux. Brizbi et moi nous approchons instinctivement, curieuses. Gano tourne lentement les pages, jusqu'à trouver l'année qu'il cherchait.

- Ici.

Son doigt glisse sur le papier jauni, suivant des lignes griffonnées d'une écriture fine.

- J'ai tout de suite vu dans ses yeux une étincelle de peur. Une menace grandissante. Elle fuyait quelque chose, mais je ne savais pas encore quoi. Ce n'est qu'après que j'ai appris la vérité : le Roi avait été assassiné la veille.

Il lève les yeux vers nous, marquant une pause avant de reprendre.

- Elle a soulevé sa cape et m'a montré ce qu'elle y cachait. Sa progéniture, murmure-t-il.

Andras...

- Je lui ai demandé ce qu'elle souhaitait faire. Elle a hoché la tête, incapable de parler, et s'est effondrée en sanglots. Un déchirement maternel comme je n'en avais jamais vu.

- Et qu'avez-vous noté dans ce calepin ? interroge Brizbi en s'appuyant sur le bord du comptoir.

Gano fait courir son index sur les lignes jusqu'à s'arrêter sur celle qui l'intéresse.

- "3427, troisième brise neigeuse. Jeune femme - deux vies."

- Deux vies ? répète Brizbi, confuse.

- Oui, c'est la seule fois où cela m'est arrivé. Elle portait deux nouveau-nés dans ses bras.

Je déglutis difficilement, un nœud se formant dans mon estomac.

- Je lui ai alors demandé son nom. J'ai vu la panique dans ses yeux. Elle a jeté un regard furtif vers la rue avant de me répondre d'une voix tremblante : "Flokart."

Mon cœur se fige, comme si une main invisible venait de l'enserrer pour l'empêcher de battre. La douleur est vive, tranchante. Elle me saisit d'un coup, me coupant le souffle. Instinctivement, ma main se porte sur ma poitrine, comme si je pouvais en atténuer la souffrance. La sensation est lancinante, presque insupportable, et une urgence irrésistible me pousse à sortir. L'air semble soudainement se raréfier dans la pièce. Je me précipite vers la porte, l'ouvrant avec brusquerie, et me retrouve à genoux dans la neige, haletante, mes mains ancrées dans le sol froid, cherchant à reprendre le contrôle de ma respiration.

C'est alors que Brizbi arrive à mes côtés. Sans un mot, elle pose une main ferme mais douce sur mon dos, me permettant de retrouver un semblant de calme alors qu'une bouffée d'air frais effleure enfin mes poumons.

- Putain... C'est un cauchemar, craché-je, un nuage de fumée se formant devant mon visage.

Je me redresse péniblement dans la neige, mes yeux embués de larmes que je garde au fond de moi, par crainte qu'elles ne s'arrêtent plus jamais de déferler sur mes joues. Devant moi, une façade verte, faiblement éclairée par la lueur de la lune, attire mon regard. "Bougies Flokart". Le nom m'assène un coup brutal, comme une gifle que je n'aurais pas vu venir. Et je comprends alors : le dernier regard désespéré que notre mère a jeté à travers cette vitre, c'est celui-là qui nous a donné ce nom. Un nom choisi dans la précipitation, un nom sur lequel, pendant des années, j'ai bâti l'espoir de découvrir qui j'etais vraiment. Et me voilà, face à cette devanture portant le nom d'un inconnu, un homme qui ignore jusqu'à l'existence de Fyguie et moi. Un inconnu dont l'identité a été usurpée dans l'urgence, pour effacer nos racines et cacher nos véritables origines. Une lignée effacée, ensevelie sous un mur de silence, sur une planète divisé en deux.

Je laisse échapper un dernier souffle, comme si j'éteignais la mèche de la bougie qui illuminait le mystère de notre existence. Ici, dans l'obscurité d'une ville fantôme enneigée, les genoux humides et le cœur meurtri. Mon regard se perd une dernière fois sur la boutique dont je porte le nom, puis je laisse ma tête s'installer sur l'épaule de Brizbi, désespérée d'y trouver le réconfort que je cherche. Étrangement, j'y trouve une chaleur enveloppante et rassurante que je n'attendais pas. Et nous restons là un moment, dans le silence, sous les flocons qui ne cessent de recouvrir ce royaume déchu et l'histoire de ma vie.

EBREDES - 138 RUE DU COMMERCE - CÔTÉ LUMIÈRE

Dans la lueur pâle de la lune, Alida conclut son récit, laissant Zorth complètement figé, abasourdi par ses révélations inattendues.

- Une fois sûre qu'ils seraient en sécurité, loin d'Ebrédès, à l'abri des Golts, je me suis entièrement consacrée à la confrérie, dans l'espoir de les retrouver un jour. Et maintenant, vous êtes là. Avec mes deux bébés sous votre responsabilité, avoue-t-elle, un air de culpabilité sur le visage.

Elle marque une pause, cherchant à maîtriser l'émotion qui monte en elle.

- Je sais que votre mission est cruciale, et je ne veux pas entraver vos objectifs. Mais, l'issue restant incertaine, murmure-t-elle, j'aimerais les voir avant que vous ne partiez pour Kapu.

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