Jelle est très remontée lorsqu'elle entre dans l'infirmerie en tenant Kei par la taille et qu'elle assoit d'autorité la jeune femme sur un fauteuil.

— Doc, il y a un gros problème avec le capitaine ! lance-t-elle de but en blanc.

Le doc hausse un sourcil inquiet. Il a parfaitement entendu l'emphase que Jelle a mis sur l'adjectif jouxtant « problème », et son deuxième sourcil rejoint le premier lorsqu'il examine Kei de plus près.
La navigatrice tressaille lorsqu'il approche la main. Zero s'assombrit tandis qu'il note l'ecchymose naissante au bas de la mâchoire, la tunique déchirée, les tremblements compulsifs, et tout ceci accolé au mot « capitaine ». Il ne va pas aimer la conversation qui va suivre.

— Expliquez-moi, dit-il. Que s'est-il passé exactement ?

Kei renifle. Jelle croise les bras et relève le menton d'un air de défi.

— Ne faites pas comme si vous n'aviez jamais vu ça, doc, crache-t-elle. C'est évident, non ? La pitchoune s'est faite agresser, et je veux bien que Franz soit d'un naturel sanguin, mais ça, c'est non !

Zero repense à l'épave. À l'examen qu'il s'est promis de réclamer et qui n'a pas eu lieu. À Harlock que Jelle s'obstine à appeler « Franz ».

— Je le trouve... distant depuis quelque temps, admet-il.

Plus que d'habitude, en tout cas. Il s'y attarde quelques secondes. Cela remonte à une grosse semaine avant « l'affaire » de l'épave, juste après leur halte sur...
Jelle interrompt le cours de ses réflexions par un grognement réprobateur.

— Ce n'est pas une question d'être « distant », doc. On parle de l'agression d'une jeune fille, là. Vous pensiez qu'il lui aurait fait quoi si elle ne s'était pas enfuie ?

Zero se renfrogne davantage. Le cas « Harlock » n'est pas une sinécure, entre son caractère, hem, compliqué, sa propension quasi pathologique à se mettre en danger par tous les moyens imaginables, et les névroses que n'importe qui discutant plus de deux minutes avec lui peut deviner sous la cuirasse. D'un point de vue strictement objectif, c'est le genre de type instable que toute personne saine d'esprit devrait chercher à éviter.

— Ce n'est pas tolérable ! poursuit Jelle. Je ne sais pas s'il s'est pris un coup de chaud ou s'il a de la frustration à décharger, mais on ne peut pas laisser passer ça !

Zero grimace. Jelle n'a pas embarqué depuis très longtemps mais elle n'a pas pu ne pas remarquer les ragots qui s'échangent autour du capitaine, les commentaires sur ses qualités au combat, sur sa témérité, sur son imprévisibilité, les « il est dangereux » qui se concluent toujours par un « mais heureusement qu'il est de notre côté, haha » avec un petit rire gêné de part et d'autre. Le capitaine est dangereux, et le capitaine est de leur côté... en général. Les seules exceptions que Zero a constatées avaient toutes trait au domaine médical.

Il soupire. Les épreuves de force avec Harlock ne sont jamais des parties de plaisir.

— Je vais demander à Tochiro de sortir les tasers.