33 - S'interposer (Jelle)
Au bout d'une poignée de minutes éprouvantes à ramper sous des tubes bloblotants, Jelle décide qu'elle en a assez et finit de se frayer un chemin à grands coups de talons dans les fixations d'un climatiseur, qui s'effondre un étage plus bas en libérant – enfin – un passage vers le hangar.
Elle aboutit à une grille de ventilation (fermée, mais les loquets ne font pas les malins face à ses semelles ferrées), à un peu plus de deux mètres du sol. Dessous, elle aperçoit Dick, le p'tit nouveau, là... Enguerrand, et Tadashi, qui s'écarte du mur. La sortie « standard » doit déboucher juste sous elle, déduit-elle. Et puis...
« T'as pas le droit ! » Et puis tout se précipite.
Lydia crie lorsqu'elle est saisie, soulevée, ramenée en arrière.
Dick crie en levant son arme.
Tadashi crie. « Non ! Attention à Lydia ! »
Jelle entraperçoit la tignasse châtain d'Harlock se glisser derrière la carcasse désossée d'un spacewolf.
— Captain, faites pas le con ! jure Dick. Lâchez la gosse ou je tire !
Non, désapprouve Jelle. Non, pas de « ou je tire ». Comment voulez-vous le mettre en confiance si tout le monde en vient toujours à le sédater, le gazer ou lui tirer dessus, voire les trois à la fois ?
« Faites pas le con ! » répète Dick. Les caisses d'outillage et le matériel de maintenance forment une tranchée irrégulière le long du hangar, qui gênent la visée de l'ancien boxeur et de son jeune acolyte. Les deux hommes hésitent à s'approcher, sûrement par peur d'une riposte. Jelle se penche légèrement. Mais elle, elle est bien placée. Plus proche. Plus à même de surprendre. Pas armée.
Elle inspire, bloque sa respiration, expire profondément. Pas d'arme. Il a besoin de confiance.
Elle saute, s'amortit d'une roulade, se redresse moins rapidement qu'elle n'aurait voulu.
Il est face à elle, figé dans une posture de défense, il tient Lydia d'un bras et tend l'autre devant lui comme pour l'empêcher d'avancer. Il tremble.
— Franz, dit-elle. Franz, tout va bien.
Elle garde ses paumes ouvertes et elle sourit, elle avance lentement et il amorce un mouvement de recul... puis l'interrompt.
Il tremble un peu plus. Elle sourit encore. Il a le regard fiévreux de qui a perdu contact avec la réalité, l'expression incertaine de qui suit sa propre logique et vient d'en saisir une faille. Elle perçoit de la douleur, de la colère, de la violence à fleur de peau, explosive, irrationnelle. Elle le devine prêt à sauter sur elle.
Elle refuse de céder à la peur, si facile lorsque l'on fait face au « célèbre capitaine Harlock ».
Il est capitaine, il est pirate, il est dangereux. Il a besoin de confiance.
— Franz... C'est terminé. Lâche-la, tout va bien.
Elle est assez proche pour lui saisir le poignet.
Il est assez proche pour la saisir à la gorge.
Elle voit qu'il doute.
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