13 - Résolution (Jelle)

 — Il n'est pas là. Il n'est pas en passerelle non plus.
— Merde.

Jelle écoute les deux hommes penchés sur une console avec un sentiment de malaise grandissant au creux de la poitrine. Bien sûr elle n'est pas née de la dernière pluie, bien sûr elle a très vite remarqué que le capitaine avait, euh, « quelques problèmes » (qui n'en aurait pas avec les vies qu'ils mènent), mais est-ce légitime d'évoquer ça comme s'il ne s'agissait que d'un inconvénient mineur dans le fonctionnement courant du vaisseau ? Hé ! On parle d'un être humain, là, pas d'un vulgaire circuit informatique à rebooter !

— Si je parvenais à le détecter j'irais au plus simple et je gazerais toute la tranche, mais il ne sort pas sur les capteurs de présence... Il a dû partir se planquer dans les ponts inférieurs.

Jelle grimace. Décidément, le professeur Oyama se montre beaucoup trop détaché. Et le fait que le docteur Zero acquiesce sans protester n'est pas non plus de nature à lui plaire.

— Est-ce qu'on ne pourrait pas... je ne sais pas... essayer de discuter avec lui ? intervient-elle.

Zero lui adresse une mimique qu'elle ne déchiffre pas. De la résignation ? De l'embarras ?

— Franchement, je préfère m'assurer qu'il est inoffensif avant d'initier la conversation... Il est armé en permanence, et la dernière fois qu'il nous a pété une durite il s'en est fallu de peu que le chef ne soit décapité. Tu as vu l'impact de plasma dans le mur du local technique derrière le hangar à spacewolfs ? On t'a raconté comment c'est arrivé là ?

Oui, Jelle avait vu. Un trou d'une cinquantaine de centimètres de diamètre, à hauteur de tête. Un mécano lui avait dit « si tu veux savoir, c'est ce genre de dégâts que cause un cosmodragon à bout portant ». Le gars ne s'était pas étendu sur le pourquoi d'un impact de cosmodragon à cet endroit. Et Jelle n'avait pas enquêté plus avant.
Elle croise les bras.

— Il existe sûrement une option plus... pacifiste, s'entête-t-elle.

Le doc s'agace.

— En général on attend qu'il calanche tout seul, répond-il d'un ton acerbe. Il a toujours la fièvre agressive, on s'habitue.

Jelle inspire. Non, « on » ne s'habitue pas. D'abord parce qu'ils ne sont même pas sûrs qu'il s'agisse de fièvre, ensuite parce qu'elle ne peut pas s'empêcher de trouver la méthode « on commence par tirer, on discutera ensuite » un peu trop... pirate ?
Elle soupire.

— Il y a peut-être des causes plus profondes à rechercher, non ?

Zero hausse les épaules.

— Paranoïa, ma p'tite dame. Mais je ne suis pas psy, hélas... Je fais ce que je peux avec lui.

Ce qui est certain en tout cas, c'est que gazer son patient pour l'immobiliser ne doit pas contribuer à améliorer sa paranoïa. Jelle garde toutefois ses réflexions pour elle. Elle a croisé le chemin d'Harlock alors qu'il était en position de faiblesse et elle est consciente qu'elle s'est attachée à lui de manière irrationnelle. Le gosse perdu qui s'est nommé « Franz » devant elle est en réalité un pirate redoutable et redouté, elle devrait en prendre son parti.

Elle devrait.

Elle sait que c'est peine perdue.

Face à leur console, Zero et Tochiro parlent de confinement, d'évacuation et d'envoi de drones renifleurs sans plus se préoccuper d'elle. Ils ont dit « les ponts inférieurs ». Elle serre le poing.
Il y a une meilleure solution.

Il y a toujours une meilleure solution.

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