12 - Cache-cache (Lydia)

Le capitaine n'a pas voulu qu'elle le conduise à l'infirmerie. Il a dit « on va se mettre à l'abri, ils ne te feront pas de mal », avant de la prendre dans ses bras et de s'enfoncer dans les étages inférieurs de l'Arcadia. Lydia ne sait trop quoi en penser. D'un côté elle est toute excitée de parcourir ces couloirs inconnus, emplis de tubes, de fils, de boîtes et de petites diodes qui clignotent, de l'autre elle est un peu perplexe : qui sont ces « ils » qui veulent lui faire du mal ?

Elle se tortille pour regarder derrière elle. Personne n'a l'air de les poursuivre, mais le capitaine ne ralentit pas sa course pour autant. Il slalome dans une forêt de poteaux métalliques, se baisse, est presque à quatre pattes parfois, indifférent à la lumière qui se raréfie et aux ombres de plus en plus denses.

— On est bientôt arrivés, capitaine ?

« Chut », la rabroue Harlock. Elle se renfrogne. Une angoisse sourde remplace peu à peu son excitation initiale. Le capitaine halète, sa respiration est comme un râle, ses vêtements sont imbibés de sueur moite et exsudent une odeur désagréable. À travers le tissu, Lydia peut sentir la chaleur irradier. Chaud. Beaucoup trop chaud.
Elle se retient de poser la main sur le front d'Harlock, effleure timidement sa tempe, s'étonne d'y trouver une barbe naissante, comme celle de son grand-père, comment appelle-t-il ça, déjà ?... Ah, oui. Des favoris.

— Capitaine, tu as de la fièvre, souffle-t-elle.

Harlock ne répond rien. Elle ignore s'il l'a entendue.
Il stoppe dans une clairière baignée d'un halo verdâtre, îlot perdu au milieu d'un fouillis de câbles.
Il la dépose sur une plateforme surélevée tapissée d'un treillis grillagé.

— Tu bouges pas, dit-il. Tu es en sécurité, ici.

Elle opine en silence. Deux grandes armoires électriques sont des sentinelles menaçantes, les lumières qui les animent sont des yeux braqués sur elle.

— Est-ce que Grand-père va venir ? demande-t-elle.

Harlock la fixe et elle devine confusément que la question le prend au dépourvu, qu'il ne sait pas comment y répondre, que peut-être il ne l'a même pas comprise. Son estomac se serre. Sa peur s'étend. Le capitaine a traversé trop de couloirs et fait trop de détours pour qu'elle puisse retrouver son chemin sans aide. S'il est malade et que la fièvre le fait s'évanouir, comment saura-t-elle quelle direction prendre pour rentrer ?

— Tu devrais te soigner, ajoute-t-elle.

Harlock s'est accroupi. Il a noué ses mains derrière sa nuque et il balance sa tête d'un côté et de l'autre au rythme d'une mélopée qu'il est seul à entendre. Elle ne distingue pas son regard derrière ses cheveux.
Elle est sûre qu'il a mal quelque part.
Elle n'ose pas lui demander où.

Est-ce que quelqu'un viendra les chercher ? s'inquiète-t-elle. Il fait trop noir et elle n'arrive pas à voir s'il y a un visiocom tout près. Mais le capitaine doit savoir.

— On pourrait appeler M'sieur Tochiro, propose-t-elle.

M'sieur Tochiro, c'est le meilleur ami du capitaine, il l'a dit. Et ce sont les meilleurs amis qu'on appelle quand on a besoin d'aide, non ?
La proposition n'a pas l'effet escompté.
Harlock est debout. L'instant d'après, il s'est fondu dans les ombres.

Elle est seule.

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