10 - Douleur (Harlock)

Son monde est un maelström de stimuli extérieurs, qui assaillent ses sens comme des corbeaux affamés. Harlock agite les bras vainement pour les faire fuir, recule, se replie sur lui-même. Il songe à Kei. Sa présence l'avait empli d'une chaleur brûlante, dévorante, exaltante. Hélas, lorsqu'il tente de se remémorer la scène, les images s'éparpillent en flashs discordants. Pourquoi s'est-elle enfuie ?

Il se balance vers l'avant, vers l'arrière, accroupi en équilibre sur ses pointes de pied, incertain du sens à donner à... tout ça.

Clic.

La porte bascule sur ses glissières, s'ouvre sur Lydia. Il se fige. Elle le fixe.

— Oh capitaine, tu as mal ?

Il pense « oui ».

— Non, répond-il.

Elle fait un pas en arrière, il hume sa peur, quelque chose au fond de lui crie que ce n'est pas normal.
Il secoue la tête. Rien n'est jamais normal.

Lydia recule d'un autre pas. Elle a envie de courir, il le sent, il le sait. Elle devrait courir.
Il écarte les lèvres, dévoile lentement ses dents. Elle devrait.

— Grand-père a dit qu'il allait te tirer dessus pour pouvoir te soigner à l'infirmerie, souffle-t-elle. Avec des lasers.

Une partie de lui objecte que le doc n'a sûrement pas parlé de « lasers » (pas son genre). L'autre, plus insidieuse, plus puissante, laisse enfler la colère. Alors comme ça, ils veulent le contraindre ? N'ont-ils pas compris qu'il était plus fort qu'eux ?

— Capitaine, il y a du rouge dans ton œil... Ça te fait mal ? C'est grave ?

La petite fille se tourne sur le côté, tend les doigts vers le commutateur des panneaux lumineux. La clarté inonde la pièce, blanche, aveuglante. Harlock gémit. Comment la commande de l'intensité a-t-elle pu se dérégler à ce point ? larmoie-t-il.
Il pose son front sur ses genoux, enfouit son visage dans ses bras, enserre son crâne de toutes ses forces comme s'il avait ainsi pu créer une barrière étanche avec l'extérieur.

Il sursaute quand une petite main effleure son avant-bras.

— Capitaine si tu veux, je peux te guider jusqu'à l'infirmerie...

Le mot agit comme un électrochoc. Non. L'infirmerie est le danger, tout son corps le lui hurle. Non. L'infirmerie est l'ennemi. Non ! La colère l'étouffe.

— Capitaine... Tu viens ?

On le tire par la main. Il cligne des yeux, se demande qui est cette enfant blonde qui se tient devant lui, ce qu'elle lui veut, si elle est seulement réelle, il entend sa voix cristalline, il entend son rire en écho lointain. Lydia.

La rage monte et la panique le prend, parce que Lydia est fragile, Lydia est innocente, Lydia n'a pas à subir la violence, le sang et toutes les horreurs que le monde recèle, Lydia est un pétale de lumière dans un océan d'obscurité, et lui vivant personne ne portera la main sur elle.
Il serre le poing, se lève avec difficulté. Protéger Lydia. Tous ses muscles sont endoloris, mais du feu court dans ses veines et le goût du sang sature son palais. Lui vivant, il se battra.

Personne ne portera la main sur elle.

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