Chapitre 8 : Tourisme local - Partie 2


Il ouvrit la voie et m'accompagna jusqu'à une porte reculée, sous le préau, que je n'avais même pas repérée en arrivant. Elle menait sur un long couloir que je devinais être l'administration. Il se dirigea sans hésitation vers la dernière porte à droite, et toqua gentiment avant de rentrer.

— Ah, Frisk ! Tu as besoin de quelque chose ? entendis-je.

L'adolescent s'écarta pour me laisser passer. Je restai un moment à l'entrée. Le bureau était immense, les murs couverts de bibliothèques et de dossiers à n'en plus finir. Au milieu de la pièce, Toriel était installée derrière un grand bureau, lunettes sur le nez, visiblement en pleine rédaction. Elle sourit en m'apercevant.

— Désolée de déranger, tentai-je, embarrassée. J'ai terminé de remplir les papiers de ma sœur, et comme je ne savais pas où aller, Frisk m'a accompagnée jusqu'ici.

— Ah ! Parfait ! Voyons ça.

Elle se leva et récupéra les papiers que je lui tendis. Elle les inspecta un à un pendant quelques secondes, avant de hocher la tête.

— Tout me semble en ordre, c'est parfait. Le temps de traiter tout ça, Neelam pourrait commencer la semaine prochaine ? C'est la dernière semaine de cours avant les vacances. Elle pourra se familiariser avec les lieux sans que ce ne soit trop brusque. Tous les professeurs seront avertis et s'adapteront. Et puis, je suis sûr que Frisk pourra lui montrer les lieux. Elle sera dans la même classe.

Je me retins de demander comment Frisk pouvait se trouver dans la même classe qu'elle quand il avait clairement deux ou trois ans de plus. Toriel sembla lire dans mes pensées.

— Frisk n'a pas eu la chance d'aller à l'école plus jeune. C'est encore nouveau pour lui aussi. Et je sais que... Se retrouver dans une école avec très peu d'humains peut être impressionnant.

— Je suis sûr que ça se passera bien, me rassura Frisk. Tout le monde est très gentil.

— Je n'en doute pas, je vous fais confiance.

Toriel posa les papiers sur son bureau.

— Est-ce que tu as pu parler à Sans et Papyrus ? me demanda-t-elle, une pointe de nervosité dans la voix.

— Oh ! Oui. Ça s'est bien passé. On a pris le temps de faire connaissance, et j'ai discuté avec Sans de ce qu'il pensait de se faire aider. Il n'a pas l'air très enthousiaste, mais il a accepté d'essayer.

— C'est bien. C'est très bien. Je suis certaine qu'il va vite sortir de sa coquille. Nous serons là pour t'épauler au besoin, dit-elle dans un sourire. J'espère que ça fonctionnera, pour tous les deux.

— Je l'espère aussi, avouai-je dans un souffle. Je ne vais pas déranger plus longtemps, je vois que tu as du travail.

— C'était une pause bienvenue. Il n'y a jamais assez de pauses au milieu des papiers. Frisk, est-ce que tu peux la raccompagner ?

L'adolescent hocha vigoureusement la tête et me fit signe de le suivre. Je saluai Toriel d'un dernier signe de la main avant de le suivre jusqu'à la grille principale. Frisk me souhaita une bonne journée et me dit que Neelam pouvait venir le voir avant sa rentrée si elle avait besoin d'être rassurée, ce qui pouvait toujours être utile. J'avais comme l'impression que ces deux-là s'entendraient bien.

Après quelques minutes d'échange, Frisk dut retourner en cours. Un coup d'œil à mon téléphone m'apprit que le bus ne serait pas là avant encore une heure, j'avais donc un peu de temps devant moi pour flâner dans les environs et en découvrir un peu plus sur la ville.

Je m'aventurai dans les différentes boutiques, et gardai certaines en tête notamment pour l'anniversaire de Neelam, qui arriverait déjà dans un peu moins de deux mois. Elles étaient toutes gérées par des monstres. Après quelques minutes de marche, je décidai de me poser dans un grand bar, proche de l'arrêt de bus. La devanture ne payait pas de mine, mais la grande affluence à l'intérieur m'apprit que le lieu était prisé. Plusieurs monstres installés me lancèrent des regards curieux, presque choqués, alors que je me dirigeais vers le bar.

— C'est un humain ? murmura un grand flocon de neige vivant de manière pas si discrète. Elle est perdue ?

Je les ignorai, habituée aux remarques de ce type. Le tavernier m'accueillit d'un sourire chaleureux. Il était constitué de flammes en intégralité, si ce n'était son costume impeccable et le tablier qui le protégeait.

— Bienvenue chez Grillby's, voici la carte.

Je le remerciai et explorai mes options quand la porte valdingua brutalement à travers la pièce, ratant le bar – et mon visage – de presque rien. Sous le choc, je me retournai, comme tous les monstres présents.

Dans un silence de plomb, une figure familière s'avança dans la pièce. Cheveux de feu, sourire de requin, Undyne venait de faire son apparition. L'homme de feu derrière moi soupira, résigné, avant d'aller ramasser la porte. À juger sa réaction, ce n'était pas la première fois que ça se produisait. Le pauvre.

— Je ne vais pas y aller par quatre chemins, s'exclama-t-elle d'une voix forte. L'un de vous s'est introduit dans l'ambassade cette nuit et a volé la Deltarune royale, celle en or. On a des vidéos de surveillance, donc ce n'est même pas la peine d'essayer de me berner.

Elle avança comme un cowboy entre les tables. Son regard croisa brièvement le mien. Elle m'adressa un grand sourire, avant de se refocaliser sur sa mission. Elle s'approcha d'une table reculée, où un petit monstre se ratatina sur lui-même sous le regard inquisiteur de la garde royale. Il ressemblait à une espèce de corbeau, mais avec un seul et unique œil au milieu du visage. Undyne frappa du poing sur la table, le faisant sursauter.

— Alors ? Où est la broche, Cornelius ?

Pendant un instant, il sembla que le monstre allait obtempérer. Jusqu'à ce qu'il bondisse sur la table et s'envole à tire d'ailes au-dessus de la policière pour foncer vers la sortie. Loin de s'agacer, Undyne sembla fortement ravie de ce changement de situation.

— Enfin un peu de fun. Toi ! cria-t-elle en me pointant du doigt. Tu viens avec moi.

— Hein ? eus-je juste le temps de prononcer.

Undyne me souleva du sol comme si je ne pesais rien et me balança au-dessus de son épaule. Je lançai un regard plein de détresse au tenant du bar, qui m'offrit pour toute compensation qu'un sourire de pitié. La femme-poisson se jeta vers la sortie, manquant de peu de me décapiter au passage, puis me jeta sur la place passagère de sa voiture. Sous le choc, je mis quelques secondes à comprendre ce qui se passait, alors qu'Undyne lançait la voiture à toute blinde derrière le fuyard.

Elle attrapa la radio d'une main, l'autre encrée sur le volant.

— Ici la capitaine Undyne. J'ai le suspect en visuel, poursuite en cours !

Elle poussa la pédale d'accélérateur, me plaquant contre le siège. Paniquée, j'attrapai la ceinture de sécurité à deux mains et m'attachai aussi vite que possible. La voiture prit de l'élan sur le dos d'âne, avant de voler sur une dizaine de mètres, dans une pente raide.

Je poussai un cri de frayeur, mes ongles s'enfonçant dans le siège. Elle allait nous tuer ! On allait mourir toutes les deux ! Ce n'était pas dans le programme du jour !

La corneille apparut en visuel. Elle volait toujours en direction du... Du lac ! Et Undyne ne ralentit pas pour autant. Mon anxiété monta en flèche lorsque la voiture quitta la route, pour foncer droit vers les barrières de sécurité.

— Undyne ? Qu'est-ce que tu fais ?

— Accroche-toi bien.

Pas le moins du monde rassurée, je saisis à deux mains ma ceinture, maigre protection. La voiture heurta de plein fouet les barrières, avant de plonger en direction du lac. Je poussai un nouveau cri, terrifiée, mais au dernier moment, la voiture remonta en piquet, avant de poursuivre de nouveau le corbeau, de plus en plus proche.

La voiture... volait.

Celle-là, je ne l'avais pas vu venir.

En quelques secondes, Undyne rattrapa son retard sur le suspect, qui volait à présent à côté du véhicule.

— Tiens le volant, me dit Undyne, en ouvrant la portière.

— Quoi ? Je ne sais pas conduire !

— Tiens le volant, je te dis !

Je finis par obéir dans un juron. À ce stade, je n'avais plus rien à perdre. Undyne s'accrocha à la portière et saisit le suspect à la patte. Le corbeau se mit à s'agiter dans tous les sens dans une pluie de plumes pour tenter de lui échapper, mais la guerrière tint bon, et finit par le traîner à l'intérieur du véhicule. Elle le poussa sur le siège arrière et menotta ses jambes tant bien que mal à un anneau prévu à cet effet. Une fois son travail terminé, elle referma la portière et reprit son rôle de conductrice.

La voiture ralentit légèrement, avant de faire demi-tour pour regagner la ville. Essoufflée, je restai un moment à regarder le paysage, avant de me tourner vers elle.

— Pitié, la prochaine fois, préviens-moi.

— Ce n'était pas si terrible comme premier rendez-vous entre copines ! C'est Papyrus qui m'a appris ça ! Parfois, il faut forcer le destin.

— Il a tendance à faire ça. Beaucoup. Attends... Tu as fait ça juste pour qu'on passe du temps ensemble ?

— Oh, c'était un vrai criminel. Mais rien de tel qu'une bonne arrestation pour se rapprocher !

D'accord.

J'étais quelque part heureuse qu'Undyne veuille se rapprocher de moi à ce point. J'apprécierai encore plus qu'elle m'invite simplement à prendre un verre ou quelque chose de plus normal la prochaine fois. Mon cœur ne pourrait pas supporter une deuxième « sortie entre copines » comme celle-là.

— Je te ramène à la maison ? me demanda-t-elle innocemment.

— S'il te plaît, oui. Avant que je ne fasse un malaise.

Elle éclata d'un grand rire franc avant de me donner une grande tape dans le dos qui me coupa presque le souffle.

Décidément, les personnes de mon voisinage n'avaient pas fini de me dévoiler leurs secrets.

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