Chapitre 7 : Négociations - Partie 2
— Oh. D'accord.
Il haussa les épaules et s'assit à côté de moi. Je me tournai vers Papyrus qui me fit signe de laisser tomber. D'accord.
Nous restâmes assis à contempler la pelouse quelques minutes, avant que je ne commence à jouer avec mes mains, incertaine d'où commencer. Je me tournai vers Sans.
— Qu'est-ce que tu penses de l'idée de Papyrus ? Comme je l'ai dit en arrivant, je ne veux pas... Je n'ai pas envie de m'imposer si tu ne veux pas de mon aide, ou que tu acceptes par culpabilité. Je veux que ça vienne de toi.
Sans grinça des dents.
— Je ne comprends pas pourquoi il veut que tu m'aides. Je peux me débrouiller seul.
— Sans... intervint Papyrus, comme s'ils avaient déjà eu cette conversation plusieurs fois avant.
— Mais c'est la vérité ! J'ai des petits oublis, mais ce n'est pas comme avant. Je ne suis pas mourant ou complètement idiot. Je sais m'occuper de moi-même !
— Et je ne le remets pas en question, lui assurai-je. Je ne comptais de toute manière pas te coller aux basques jour et nuit. Peut-être... Juste venir une ou deux fois par jour, pour voir si tu as besoin de quelque chose. Si tout va bien, je te laisse tranquille, sinon on peut en discuter ? Et peut-être t'accompagner quand tu dois sortir faire les courses, des choses comme ça ? Je ne veux pas m'imposer ou remplacer Papyrus. Je veux juste t'aider.
— Tu parles de pression, mais tu le fais juste pour l'argent, grogna-t-il.
— Non, Sans. Je le fais parce que j'ai envie d'aider, et de faire connaissance. Si on doit vivre dans le même quartier les prochaines années, j'aimerais pouvoir savoir qui est mon voisin ? Je n'ai même pas besoin d'argent. Hermine m'a déjà proposé de travailler dans son épicerie. Je peux enchaîner les deux sans problème si c'est l'argent qui te pose problème.
Sans me dévisagea une nouvelle fois. Papyrus observait derrière moi, retenant son souffle.
— On peut essayer une semaine, grogna Sans. Si ça me plaît pas, on arrête tout.
— Ça me va.
Je lui tendis la main. Sans sortit la sienne de sa poche et vint la serrer. Un énorme bruit de pet retentit dans l'air. Son sourire s'étira, alors que Papyrus claquait sa main sur son front, exaspéré.
— Eh, je savais bien que ça finirait par marcher.
— J'ai été vaincue sur ce coup-là, je le reconnais. Mais ce n'est pas la fin de la guerre.
— C'est ce qu'on verra.
Il me fit un clin d'œil, qui me fit légèrement rougir. Papyrus poussa un soupir dramatiquement exagéré, avant de se relever.
— Maintenant que cette affaire est réglée, allons visiter la maison avant que je me momifie d'embarras.
— Dommage que les plate-bandes soient dans le fond du jardin, dans ce cas.
Papyrus sourit une seconde avant de se renfrogner et taper du pied, en colère.
— Sans ! Ce n'est pas le moment pour tes jeux de mots !
— Tu souris.
— Et je déteste ça ! Rentre immédiatement !
Il leva les mains en l'air et se redressa pour rentrer. Je lui emboîtai le pas, amusée. Sans semblait de meilleure humeur. Il fit un grand mouvement avec ses bras.
— Le salon. C'est un salon. Avec un canapé, et une télé, notre caillou de compagnie, et des choses normales qu'on trouve dans un salon.
— Caillou de compagnie ?
Il me pointa un gros rocher recouvert de scotch, nageant dans une mare de paillettes. Je clignai des yeux, incapable de décider si c'était une blague ou non. Papyrus, derrière moi, ne sembla pas trouver ça anormal.
— Pourquoi est-ce qu'il est dans cet état ?
— Undyne l'a jeté sur un humain qui nous a insulté pendant que je le sortais, répondit Papyrus, de toute évidence encore agacé par cet événement. Rocky était tellement sous le choc qu'il s'est brisé en deux. Mais il va bien !
— Il a la tête dure, répliqua Sans d'un ton très sérieux.
— Sans ! cria son frère, excédé. Arrête ça !
— Ne fais pas attention à sa tête de pioche. Elle est restée figée dans le marbre.
— Arrête !
Un gloussement s'échappa enfin de ma gorge, incapable de retenir mon sourire. Le sourire de Sans s'agrandit, ravi de son petit effet.
Papyrus posa ses mains sur mes épaules, et me poussa vers la cuisine, en lançant un regard noir à son frère.
— La suite de la visite est par là. La cuisine ! La meilleure pièce de la maison.
Ils étaient bien équipés, j'en sifflai d'admiration. Tout était neuf et moderne, et brillait. Si je devais deviner, Papyrus s'en occupait bien. Il se lança dans une grande tirade pour détailler tout ce qui se trouvait dans les placards, les tiroirs, les cinquante fonctionnalités de son super four et même comment utiliser les glaçons dans l'encoche du réfrigérateur.
Ma tête tournait quand nous sortîmes de là pour nous diriger vers l'étage, plus petit. L'unique couloir donnait sur quatre portes : la salle de bain, le bureau et leurs deux chambres. Papyrus s'empressa de me pousser vers sa chambre, excité. Sans me suivait, le sourire aux lèvres, mais se dirigea finalement vers la porte d'en face, sa chambre sans doute. Je ne pus le suivre, Papyrus bloquait l'entrée.
La chambre du squelette était fidèle à ce que je m'étais imaginé de sa personnalité : flamboyante. Littéralement. Tout était rouge et noir, et des flammes avaient été tapissées partout : sur les murs, le plafond, les portes de l'armoire, le lit. Dans un coin, à côté d'un ordinateur dernier cri sur un bureau sombre, deux grandes vitrines exposaient une impressionnante collection de figurines de super-héros, dont certaines semblaient avoir été réalisées à la main. Contre le mur de droite se trouvait une grande bibliothèque, pleine à craquer au point que plusieurs piles de livres avaient atterri sur la table de chevet et au pied de son lit, dont le bois avait été travaillé pour ressembler à une voiture de course.
— Je suis fan, lâchai-je, émerveillée. Cette pièce sent le Papyrus du sol au plafond.
— Ça tombe bien, le Papyrus s'y sent parfaitement à l'aise ! Tout a été conçu par mes mains expertes, ou presque. J'ignorais encore à l'époque qu'il y avait des magasins réservés aux personnes qui aiment tout faire eux-mêmes. Ça m'aurait évité de devoir démonter mes précieux pièges à pics pour avoir assez de vis et de clous pour faire tenir le tout. De toute manière, Toriel m'a fait comprendre qu'ils n'avaient rien à faire dans la rue de manière très... éloquente. La reine a du mal à comprendre ma passion pour les pièges et puzzles complexes. C'est sans doute ce que les jeunes de nos jours appellent le choc des générations, marmonna-t-il, contrarié.
Je pouffai devant sa mine déconfite.
— C'est réussi en tout cas. J'aurais adoré grandir dans une chambre comme ça.
Son visage s'illumina sous le compliment.
Il m'invita à traverser le couloir vers la chambre d'en face. Papyrus me prévint cependant que je risquais d'être beaucoup moins impressionnée.
La chambre de Sans était... quelque chose. La plupart des murs étaient couverts de grandes bibliothèques, elles aussi pleines à craquer. De toute évidence, ces squelettes aimaient lire. Un grand bureau était encastré sous un grand lit surélevé. Il s'agissait du seul endroit parfaitement propre de la pièce. Tout y était rangé dans des petits tiroirs. Le mur du fond était couvert de post-its, cachés par un ordinateur à trois écrans en veille, qui affichaient des images animées de l'espace. Un casque était posé sur le clavier, duquel dépassait une plusieurs feuilles annotées. Quelques livres sur les galaxies et la physique quantique étaient empilés à côté d'un des écrans. À en juger par les images, les livres et les petites étoiles fluorescentes accrochées au plafond, Sans devait aimer l'espace.
Il n'aimait pas beaucoup le rangement en revanche. Des piles de vêtements traînaient sur le sol au milieu de quelques canettes vides. Une tornade de déchets volait paisiblement sur elle-même dans un coin, tenant miraculeusement sans aucun vent. Étrange, mais ça lui correspondait assez bien. Il m'avait l'air d'être le genre de personnes à avoir des choses dérangeantes dans sa chambre pour obtenir une réaction.
Sans se trouvait dans son placard, sur le mur à ma gauche, et semblait chercher quelque chose dans de grandes boîtes en carton. Bientôt, une paire de shorts et un hoodie bleu furent balancés à travers la pièce et s'écrasèrent au-dessus de la chaise de bureau avec plus ou moins de succès.
Papyrus se dirigea discrètement vers la grande fenêtre pour l'ouvrir en grand. Il était vrai qu'il régnait ici une certaine odeur de sueur. Il faisait chaud.
— J'avais plein de livres sur l'espace quand j'étais gamine. Ils doivent être dans la chambre de Neelam.
— Vraiment ? demanda Sans, en refermant les portes. C'est... Euh... Un hobby.
— Une hyperfixation, corrigea Papyrus.
— On en parle de la crise que tu m'as faite à six ans parce que j'ai confondu un diplodocus et un brachiosaure ? se moqua l'aîné.
— Ça n'a rien à voir, et je t'avais expliqué pourquoi ils étaient différents cinq minutes plus tôt. Tu l'as fait exprès, et tu as ensuite insisté avec des jeux de mots terribles sur les petits bras du T-Rex que ma mémoire traumatisée a heureusement supprimé depuis. C'est du passé !
— Du passé, vraiment ?
— Oui, parfaitement !
— Pourquoi tu ne racontes pas à l'humain comment tu as pleuré comme un bébé quand on t'a emmené voir des reconstitutions de gros lézards pour ton anniversaire ?
Papyrus glapit. Il ouvrit et ferma la bouche, à court d'arguments. Sans sourit, victorieux. Papyrus croisa les bras et se retourna, boudeur. Je souris, amusé par leurs chamailleries fraternelles.
Je remarquai cela dit que Sans n'avait aucun problème pour parler d'événements impliquant son frère, intéressant. Cela pouvait expliquer pourquoi il avait été tellement frustré d'avoir oublié qu'il était parti plus tôt. Les frères semblaient fusionnels, et ne manquaient pas de compliments sur l'autre. C'était très différent de celle que je pouvais avoir avec Neelam. Il fallait dire que nous n'avions pas exactement eu une enfance normale, et que cette faille avait creusé un petit fossé que l'on cherchait encore à combler. J'ignorais si on pouvait en guérir.
— Cheyenne ? Tout va bien ? demanda Papyrus.
— Oh, oui ! m'exclamai-je. J'étais perdue dans mes pensées, désolée.
Papyrus était définitivement observateur.
— J'aime beaucoup la maison. Elle est à votre image.
— Il manque un coussin péteur géant sur le toit, répondit Sans, mais Papyrus n'a pas voulu.
— Bien sûr que je n'ai pas voulu ! Est-ce que... Est-ce que tu vas tenter de t'occuper de Sans, du coup ?
Son regard était suppliant. Je souris.
— Oui, je vais le faire.
Papyrus se jeta dans mes bras. Je parvins à grand peine à le maintenir contre moi, surprise. Sans resta en arrière, pensif, certes, mais il ne paraissait plus en colère.
Peut-être que ça se passerait bien après tout.
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