Chapitre 2: Mauvaise idée

Scott, mai 2009

Je continue de pousser sur mon pied pour avancer le plus rapidement possible à l'aide de ma super trottinette. Une main sur le guidon pour choisir la direction, l'autre attachée par une ficelle elle-même reliée à mon skate-board remplit de plusieurs boites d'œufs, je maintiens courageusement le cap. Luna me devance de quelques centimètres et accélère régulièrement pour être sûr que je ne puisse pas la doubler. Avec ma cargaison, elle n'a aucun risque à se faire.

Vous vous demandez surement pourquoi je me traine trente-six œufs à trottinette ? Je vais vous expliquer.

L'autre jour j'ai été à mon premier entrainement de basket-ball. Mon prof de sport m'a pris la tête toute l'année pour que je fasse partis des cours et j'ai finalement cédé. L'entrainement ne c'est pas si mal passé que ça jusqu'à ce qu'une espèce de débile me balance le ballon dans la tête. Bien sûr, ce n'est rien, je m'en suis remis mais il n'empêche que se prendre quinze fois d'affilée le ballon en pleine poire en moins de dix minutes n'est pas spécialement agréable. En voyant que ça devenait régulier, le coach a sorti le garçon du terrain. Je pensais l'histoire réglée donc je n'ai pas vraiment réagi et laissé mes poings dans mes poches mais ce débile m'a intimé de ne pas me repointer à un seul des entrainements. Non mais pour qui il se prend celui-là ? En chemin quand j'en ai parlé à Luna nous avons croisés une voiture. L'abruti dont j'ai déjà oublié le prénom en a sorti son majeur avant de nous dire « Alors les loosers, obliger de rentrer à pied ? ».

Bref, nous allons recouvrir sa voiture de jaunes d'œufs à trottinette. Pour ma défense, Luna était tellement énervée que c'est elle qui a proposée l'idée, je ne fais que suivre ma meilleure amie.

— C'est là ? demande mon amie en montrant une belle bâtisse blanche.

Notre plan paraissait infaillible jusqu'à se qu'on se rende compte que nous ne savions pas où habitais l'insupportable mec. Nous voilà donc en train de visiter tout un quartier, espérant qu'il habite par ici.

— La voiture était bleue, tu vois bien qu'elle est blanche non ? demandais-je.

— Tes parents ont deux voitures je te signal, ronchonne la blonde.

Je hausse les épaules et reprends mon chemin de plus belle. Nous avons déjà inspectés quatorze jardins mais aucune trace de la mystérieuse voiture. Je vais finir par perdre espoir. À vrai dire, il y a très peu de chance que l'on retrouve la voiture en question. Après tout, peut-être qu'il n'est simplement pas chez lui ou alors que ses parents sont au travail. Peut-être même qu'il a changé de voiture ? Bon, en une semaine, ça m'étonnerait, mais ce n'est pas impossible. Comme si elle lisait dans mes pensées, Luna me dit :

— Il n'habite pas loin sinon il serait inscrit dans le club d'à côté.

C'est vrai que je n'y avais pas pensé mais elle a raison. Beaucoup de club de sport se trouvent dans ce secteur, si il habitait un peu plus loin, il ne viendrait pas jusqu'ici pour du basket-ball.

Notre enquête s'intensifie lorsque nous approchons d'un marchand de bonbon. Évidemment, Luna saute de sa trottinette et part à la conquête du vendeur. Je n'entre pas, ayant trop peur de laisser mes pauvres bébés œufs tous seuls mais je l'aperçois par la fenêtre choisir minutieusement les friandises qu'elle va acheter. Elle passe finalement rapidement en caisse et tend le peu d'argent de poche qui lui reste au vieil homme barbu. Je crois comprendre qu'il lui manque quelques un peu d'argent puisque le vendeur garde dans un premier temps l'uns des sachets. Un faux sourire angélique accroché aux lèvres, elle me montre du doigt et l'homme me toise du regard. Sans savoir vraiment pourquoi, je me surprends à lui lancer un regard pauvrement triste, comme si ma vie était des plus misérables. Il se tourne ensuite à nouveau vers Luna qui continu de jouer son rôle à la perfection. Il lui rend finalement le paquet sans qu'elle n'ait besoin de payer quoique ce soit de plus. Elle sort en trottinant, un air de victoire accroché au visage. La blonde me rejoins en faisant balancer ses longs cheveux de gauche à droite et s'installe sur le trottoir à mes côtés avant de me tendre mon sachet préféré.

— Merci ! Qu'est-ce que tu lui as raconté ?

— Pas grand-chose. Je lui ai dit qu'on étaient frère et sœur et que notre père n'arrivait pas à joindre les deux bouts.

Sous mon regard ahuri par son mensonge, elle sort finalement une carte en papier de sa poche droite et débouche un stylo bleu qu'elle a emprunté à sa mère pour notre expédition. Comment peut-elle inventer des choses pareilles en si peu de temps ? Peut-être qu'elle imagine tout ça chez elle dans sa chambre et qu'elle le met seulement en scène ensuite.

Cette fille même si elle est ma meilleure amie est la personne la plus intrigante que je ne connaisse. Sa vie est entourée de secrets et de mensonges qu'elle tente de masquer par des traits d'humours et des marques de gentillesse. Elle n'aime pas parler de ses problèmes et préfère souvent inventer une belle bêtise pour qu'on ne sache pas qu'elle ne va pas bien. J'ai dû voir son père de mes propres yeux dans un fauteuil roulant pour savoir que son opération ne s'était pas bien passée alors que cela faisait plus d'une semaine qu'il était dans cet état.

À côté de moi, je la vois entourer quelques rues de la carte. Je reconnais le nom de l'endroit où l'on habite, là où nous allons au collège et même le centre de sport ! Eh bien, Luna s'est entrainée en géographie ce matin elle qui n'est habituellement pas capable de me nommer la rue d'à côté, elle fait des progrès.

— On habite ici, tu vois ? me demande-t-elle en pointant un quartier du doigt. Là on est ici et le club de basket est juste là. J'ai entouré tous les quartiers où on est passés et il n'en reste qu'un seul qu'on n'a pas explorés ! m'annonce-t-elle fièrement.

— Lequel ? demandais-je.

— Celui-là, indique-t-elle en montrant un endroit non gribouillé sur la feuille.

Elle prend une poignée de bonbons du sachet et les enfourne dans sa bouche avant de jeter un coup d'œil aux nombreux œufs que je tracte depuis une petite heure.

— Ils sont toujours en vie, t'inquiète, dis-je en lui faisant un clin d'œil qui se veut charmeur.

Elle lève les yeux au ciel avant de lâcher un léger sourire qu'elle essaie tant bien que mal de dissimuler.

Je remonte sur ma trottinette en faisant semblant de ne pas entendre Luna qui est en train de se plaindre que je triche. Ce n'est pas vrai du tout, je prends seulement de l'avance parce que je tracte une ribambelle de boites d'œufs pleines. Avec le poids que je me traine, il est normal que je prenne un peu d'avance, non ?

J'ai dérobé une partie de la marchandise à mes parents mais personne ne s'en est encore rendu compte. Luna m'a dit que chaque jour, elle en cachait deux ou trois dans sa chambre pour ne pas éveiller les soupçons de sa famille. Cette fille est un véritable génie, jamais une idée pareille ne m'a traversée l'esprit. Avec sa technique, elle n'a aucune chance de se faire attraper contrairement à moi.

Je jette un coup d'œil rapide derrière mon épaule et j'aperçois le joli minois de ma meilleure amie. Ses yeux verts grands ouverts, elle essaie tant bien que mal de me rattraper alors que ses sandales ne sont clairement pas les chaussures adaptées à ce genre de situation. Les quelques mètres qui nous séparaient il y a quelques minutes ont presque disparus à mon plus grand désarroi. Je continu d'accélérer, Luna toujours à mes trousses sans regarder autour de moi. Quelques secondes plus tard, elle apparait à mes côtés un sourire étincelant collé à ses jolies lèvres roses.

— J'ai fait exprès de ralentir parce que j'ai les œufs à trainer je te signale, l'informais-je.

- Bah bien sûr. T'es juste dégouté que je te rattrape, mauvais perdant ! dit-elle en haletant.

— Je ne suis pas mauvais perdant !

— Bien sûr que t'es mauvais perdant Scott. T'as balancé le jeu de petits chevaux quand t'as compris que j'allais gagner l'autre jour, continu-t-elle en me tirant la langue cette fois-ci.

C'est vrai qu'elle ne s'attendait surement pas à retrouver son jeu étalé au sol la semaine dernière mais j'ai parfois un peu de mal à admettre que je ne suis pas le meilleur. Malheureusement pour moi, Luna est une adversaire redoutable dans tous les domaines. Elle excelle à l'école et adore faire du sport avec son petit frère qui n'y porte la plupart du temps pas grand intérêt. Depuis peu, j'essaie d'atteindre son niveau dans toutes les catégories possibles mais Luna est de loin la meilleure ! Néanmoins en faisant mes devoirs avec elle et en m'asseyant à ses côtés en classe, je fais plus de progrès que je n'aurais pu espérer.

— Je ne l'ai pas jeté par terre, mon bras à glisser tout seul, c'est tout.

Elle ne répond rien et continu de glousser toute seule sur sa trottinette, le regard fixé sur le bout de la rue. Je l'imite tout en jetant quelques coups d'œil sur mes petits protégés à quelques centimètres derrière moi. Il ne faudrait quand même pas qu'ils perdent la vie alors que nous sommes plus proches que jamais de notre objectif.

Tout à coup, sans même freiner, la blonde saute de sa trottinette et s'arrête devant une maison jaunâtre. Je manque de me prendre son engin dans les roues et m'arrête plus prudemment qu'elle pour ne pas blesser nos armes. Une fois après avoir posé mon véhicule sur le trottoir, je m'approche de Luna qui pointe une voiture du doigt.

— C'est elle ! s'écrie-t-elle.

Heureusement pour nous et notre plan, personne ne nous a entendu. Personne ne nous a remarqués et c'est bien mieux comme ça. Je n'ai pas spécialement envie que leurs voisins leurs racontent comment deux gamins d'à peine douze ans ont repeint leur voiture avec des jaunes d'œufs chargés sur un skate-board.

— On t'as jamais appris à faire moins de bruit ?

— Oh c'est bon, il n'y a personne.

C'est fou, j'ai l'impression de m'entendre. Il ne faut pas qu'elle commence à inverser les rôles, sinon on n'est pas sorti de l'auberge ! Je continu de vérifier aux alentours et me rend compte qu'il n'y a bel et bien aucun voisin comme ma meilleure amie me l'a déjà dit.

Elle s'approche lentement de la voiture bleue et ça ne fait plus aucun doute, elle est bel et bien à ce pourri du basket. J'attrape les boites d'œufs et m'avance à mon tour en vérifiant l'état des lieux. Personne à l'horizon. Luna se dirige dangereusement vers une fenêtre qui donne sur l'intérieur de la maison.

— Qu'est-ce que tu fous ? hurlais-je.

Elle se tourne vers moi, lève un sourcil et me répond comme si c'était tout à fait normal :

— Je vérifie s'il y a quelqu'un dedans. Tu veux qu'on se fasse prendre ?

Je hausse les épaules et dépose les boites à quelques centimètres de la voiture. Luna revient vers moi et me lance :

— J'espère que tu t'es entrainé aux lancés d'œufs, parce que c'est le moment !

Elle se baisse pour en sortir deux de la boite et m'en tend un. Son regard plein de malice me fait sourire et elle commence alors le compte à rebours :

— Trois, deux, un !

Les deux premiers œufs explosent sur la peinture métallique alors que j'explose de rire avec ma meilleure amie. Nous rions tellement fort que nous n'entendons même pas le bruit que font les deux premiers œufs qui s'écrasent sur une voiture, ni les trente-quatre autre suivants.

Hello !
Comment ça va ?

Nous voilà 2 ans plus tard avec une nouvelle bêtise !

Qu'avez vous pensés de ce chapitre ?
Vous aimez avoir le point de vue de Scott ? Un pdv masculin, ça change toujours !

Vos idées sur la suite ?

A mardi prochain !

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