Jour 49

- Carole.

- Bien.

- Thomas. Non ! Non, c'est Nathan. Thomas c'est le plus jeune.

- C'est vrai qu'ils se ressemblent, concéda Jordan en regardant la photo. Et lui ?

- Jean, leur père.

- Et ton oncle, accessoirement, ajouta-t-il en souriant.

Je levai les yeux au ciel.

- J'étais au courant, merci. Bon, j'en ai assez. Je connais tout le monde, alors c'est bon.

- Non, on continue.

- Et moi, j'ai dit non.

Je pris l'ordinateur qu'il avait sur ses cuisses et le posai sur la table basse, avant de m'installer sur ses genoux, mes bras autour de son cou. Il me rapprocha de lui en passant ses mains autour de ma taille et je nichai mon visage contre son cou.

Ça faisait plus d'une demi-heure qu'il faisait défiler des photos de membres de ma famille qui seraient là samedi, pour que j'apprenne leur prénom et ça devenait vraiment lassant.

- Ça se passera bien, tu verras, me certifia Jordan en m'embrassa sur le front.

- J'espère. Tu resteras avec moi, hein ?

- Je ne te lâchera pas une seule seconde, je te le promet.

- Merci.

Je fermai les yeux un instant.

- Je t'aime Jordan et je t'ai toujours aimé. J'ai toujours été amoureuse de toi, et tu ne l'as jamais vu. Tu comprends maintenant ce que je ressens depuis plus d'un an. Encore plus depuis quelques jours, chaque fois que tu étais avec Morgane.

- Oui je comprends Nikky. J'ai été aveugle tout ce temps. Je ne m'en suis pas aperçu avant et je suis tellement désolé si tu savais J'aurais dû m'en rendre compte.

Il s'approcha et plaqua sa main sur ma joue avec douceur.

- J'aurais dû me rendre compte que ce que je ressentais pour toi était bien plus fort que de l'amitié. J'ai été stupide Nikky. Il faut que tu me pardonnes, me supplia-t-il.

- Tu es vraiment stupide Jordan.

- Oui, je sais. Mais dis-moi que tu me pardonnes s'il te plait.

- Bien sûr que je te pardonne, imbécile.

Je fis un pas en avant pour me laisser aller contre lui.

- J'attends ce jour depuis trop longtemps, alors je ne vais pas continuer...

- Merci mon cœur, souffla-t-il contre mon oreille. Je t'aime.

Quand je rouvris les yeux, j'étais toujours dans ses bras, mais sur le canapé. C'était donc un souvenir. Encore.

Sa main caressait la mienne, fermement agrippée à son tee-shirt vert tandis que l'autre passait lentement sur mon dos.

- Nikky ?

- Ça va, répondis-je en desserrant ma poigne.

- Tu es sûre ?

- Oui. C'était juste un souvenir.

Il me demanda ensuite de lui raconter, ce que je fis, puis Jordan m'expliqua que c'était à partir de ce jour qu'on avait commencé à sortir ensemble. Je l'avais compris toute seule mais l'entendre me raconter cette journée me plaisait beaucoup. J'aurais aimé qu'il continue ainsi toute la journée, mais les deux monstres entrèrent en courant dans le salon en réclamant la piscine.

Jordan leur demanda d'aller mettre leur maillot et on monta nous aussi pour faire de même. Pendant qu'il se changeait dans ma chambre, je m'enfermai dans la salle de bain. J'en sortis quelques secondes plus tard, un paréo noué autour de la poitrine et on partit aider les jumeaux à s'habiller. Un fois prêts, ils coururent jusqu'au jardin, où ils nous attendirent près de la piscine. On leur passa de la crème solaire, des brassards autour des bras, et ils ne patientèrent pas une seconde de plus avant de sauter dans l'eau.

- Tu viens Nikky ? me demanda Jordan.

- Vas-y, j'arrive, dis-je en resserrant les pans de mon paréo autour de moi.

Au lieu de faire ce que je lui demandais, il marcha dans ma direction. Je fixais obstinément le sol, alors il me releva la tête en attrapant mon menton entre son pouce et son index.

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

- Rien je... Ça va, dis-je tout en étant moi-même peu convaincue. Va dans l'eau, j'arrive.

Jordan fronça les sourcils mais ne répondit rien. Il m'embrassa sur le front et fit ce que je lui demandais.

Je savais que c'était puéril d'agir ainsi, mais je n'y pouvais rien ; le fait qu'il me regarde, en maillot de bain me gênait beaucoup trop. Aussi, j'attendis qu'il soit dos à moi et occupé avec les jumeaux pour retirer mon paréo et me précipiter dans l'eau.

On passa le restant de la journée dans l'eau, jusqu'à l'arrivée de mes parents. Ce soir, ils décidèrent d'aller manger au restaurant, donc on sortit tous de la piscine pour aller se préparer.

***

- J'ai trop hâte d'être à mon anniversaire ! s'exclama Tony. Ça va être trop bien.

- Ouais ! confirma Charlène. En plus, on va revoir tout le monde, ça va être trop chouette !

Ils continuèrent de parler de tout ce qu'ils allaient faire samedi et de chaque personne qui allait être présente, pendant que moi, j'étais un peu dans les vapes. Jordan, assis à côté de moi dans le restaurant, attrapa ma main sous la table.

- Ça n'a pas l'air d'aller, constata-t-il en s'approchant un peu de moi.

- Si, ça va. Je crois. Je ne sais pas ce que j'ai aujourd'hui, mais je suis fatiguée.

- C'est parce que tu as eu deux souvenirs, me réconforta Jordan en souriant. C'est normal.

- Le premier, je comprends qu'il soit un peu éprouvant émotionnellement, mais pour le second, je ne vois pas trop ce qu'il y avait de fatiguant.

- Et bien moi, si.

- Je faisais les courses avec mon père, ris-je.

- C'est ce que je dis, me sourit-il avant d'embrasser rapidement ma joue et de se repositionner correctement sur sa chaise en voyant le serveur arriver avec nos entrées.

J'avais eu ce souvenir sur le chemin pour aller au restaurant. Rien de particulièrement réjouissant puisque j'étais en train de choisir des légumes dans un supermarché, mais mon père était avec moi. Je prenais n'importe quel souvenir qui me revenait, heureuse. Mais fatiguée, néanmoins. Mais si c'était le prix à payer, ça m'allait totalement.

Tout le long du repas, les jumeaux monopolisaient en grande partie le temps de parole de chacun, mais moi, ça me convenait. Je fis juste une rapide apparition afin de les prévenir de qui j'avais invité pour samedi. Ce n'était pas mon anniversaire, mais tout nos amis à Jordan et moi seraient présents. De plus, les jumeaux étaient content eux aussi qu'ils soient là. Ils les aimaient bien. Et puis, on aura peut-être des cadeaux en plus, avait réfléchi Tony, ce qui avait provoqué une explosion de rire générale autour de la table.

En rentrant à la maison ce soir, mes parents montèrent coucher les jumeaux, Jordan s'enferma dans ma chambre pour téléphoner à ses parents, et je sortis dans le jardin pour être un peu seule. Allongée dans l'herbe fraiche, je me contentais de regarder les étoiles sans penser à quelque chose de particulier. J'aimais juste le silence de la nuit sauf qu'il venait d'être gâché par un bruit de pas. Et ma vision du ciel étoilé fut elle-aussi gâchée par une grosse tête brune qui souriait.

- Tu ne devais pas téléphoner à tes parents ?

- Ils ne répondent pas. Ils doivent déjà être partis travailler.

Je redressai et tendis les mains pour que Jordan m'aide à me lever, mais il n'en fit rien. A la place, il s'installa derrière moi, les jambes écartées pour pouvoir coller mon dos à son torse. Ses bras entourèrent ma taille et ma tête retomba sur son épaule. Pendant longtemps, aucun de nous deux ne prit la parole, mais je rompis ce silence agréable.

- Raconte-moi quelque chose. Un souvenir, n'importe lequel. Mais pas triste s'il te plait.

- Tu ne préfères pas te souvenir toi même ?

- Juste un, insistai-je. S'il te plait.

Je tournai un peu la tête sur le côté pour le voir et en croisant son regard, je sus qu'il allait le faire.

- Merci ! souris-je joyeusement avant d'embrasser sa mâchoire.

Il soupira, faussement blasé, et réfléchis un instant. C'était certain qu'en dix-sept ans, il devait y en avoir des choses à raconter.

- Tu ne t'es jamais demandée pourquoi on avait dix-sept ans alors qu'on entrait en dernière année de lycée ?

- Non. C'est normal. On va avoir dix-huit ans bientôt. Beaucoup de monde sont majeurs au cours de la dernière année.

- Oui, mais pas ceux qui sont nés après les vacances d'été. Sam a dix-sept ans elle aussi, mais elle est née le douze mars. Alors que Matthieu, qui a seize ans, son anniversaire est début décembre. Je ne sais jamais quel jour.

- On a une année de plus que tout le monde alors, compris-je.

- Ouais.

- On a redoublé ?

Je l'entendis rire doucement. C'était certain, ce moment n'était pas triste.

- J'ai redoublé la première année de primaire. Le CP. Parce que je ne savais pas lire. Quand on faisait nos devoirs, tu me lisais toujours les textes à voix haute alors je n'ai jamais vu l'utilité d'apprendre à lire si toi, tu me faisais la lecture.

- Tu es stupide et fainéant, lui fis-je remarquer.

- Chut, je raconte.

- Oui monsieur.

Il soupira avant de reprendre.

- Du coup, toi tu es passée dans la classe supérieure, et moi je suis resté au même niveau. On avait toujours été dans la même classe alors ça nous a fait bizarre de nous retrouver chacun de notre côté. Mais on se voyait aux récréations et chez nous et tu m'aidais à apprendre à lire, parce que tu voulais qu'on soit à nouveau dans la même classe. Et j'ai réussi à passer. Sauf que ce qu'on n'avait pas pensé, c'est que toi aussi tu passerais.

- Donc j'ai fait exprès de redoubler, compris-je.

- Tu viens de gâcher la fin de l'histoire, bougonna Jordan.

- C'est normal, elle est prévisible, ris-je.

- Oui mais tu m'as demandé de raconter, alors tu me laisses finir.

- Je comptais bien avoir la fin ! m'exclamai-je en souriant.

Après un baiser sur mon épaule nue, il continua :

- Pendant les vacances, on n'a pas arrêté de réfléchir à un moyen pour nous retrouver à nouveau dans la même classe et tu as pensé à ta voisine de classe.

- Pourquoi ?

- Tu as passé ton année assise à côté d'elle en classe et elle t'avait dit qu'elle avait sauté une classe. Elle n'avait jamais été au CP parce qu'elle savait déjà lire. Alors dès que tu as pu, tu es venue me raconter ça, mais rapidement, tu t'es rendue compte que ça ne serait pas possible. Tu disais que je n'étais pas assez intelligent, marmonna-t-il.

J'explosai de rire.

- Déjà à cet âge-là, je le savais !

- Hey ! s'indigna Jordan derrière moi. C'est méchant.

- Mais c'est vrai, non ? Tu n'as pas réussi à sauter une classe ?

- Oui c'est vrai, admit-il rapidement. Parce que tu avais décidé de redoubler. Tu n'as rien fait durant tout le CE2, et tu faisais semblant de ne pas comprendre. Du coup, tes parents te faisaient travailler plus, mais tu faisais exprès de rater tes contrôles. Pendant ce temps-là, moi je bossais et tu m'aidais de temps en temps. Et donc, tu as réussi à redoubler. Quand tes parents t'ont dit que ce n'était pas grave, tu avais le grand sourire et ils ne comprenaient pas pourquoi. Mais un jour, j'étais chez toi et nos parents nous ont entendu parler de ça. On s'est fait disputer comme pas possible, on s'est mis à pleurer en disant qu'on ne voulait pas être séparé encore une année, et finalement, on n'a pas été puni. Déjà à cet âge-là, on savait les attendrir pour qu'ils nous laissent ensemble.

- Comme pour l'Australie, constatai-je en souriant.

- Oui.

- Du coup, on s'est retrouvé à nouveau dans la même classe, terminai-je pour lui.

- C'est ça.

Je me dégageai de ses bras et me retournai pour le regarder, mais je vis mon père, debout sur la terrasse, qui nous fixait les bras croisés.

- Alors comme ça, on se laisse attendrir Jordan ?

Il se retourna, le sourire aux lèvres, pas le moins du monde paniqué malgré le regard sérieux de mon père.

- Tu ne peux pas le nier, Patrice. On vous a bien manipulé ce jour-là.

- Seulement ce jour-là ? demanda-t-il en haussant un sourcil.

- Non, c'est vrai ! avoua Jordan avec un sourire hypocrite.

Mon père s'avança et s'asseya dans l'herbe près de nous.

- Vous nous en avez fait voir de toutes les couleurs vous deux, en étant gamins. Même maintenant, en fin de compte.

- Ça, c'est certain, répondit mon copain.

- Je veux bien admettre qu'on s'est laissé attendrir, comme tu dis, pour le coup du redoublement. Mais tu ne me feras pas croire que l'histoire de l'Australie, c'était de la comédie.

- Pas cette fois-ci, c'est vrai, confirma Jordan avec un sourire triste.

Plus personne ne parla pendant quelques instants jusqu'à ce que mon père soupire un grand coup, avant de prendre la parole.

- En tout cas, je suis déçu. Je m'attendais à entendre quelque chose que j'ignorais, mais même pas !

- Attends, je vais trouver quelque chose, rétorqua Jordan en réfléchissant.

Il ne prit qu'une dizaine de secondes de réflexion.

- L'été dernier, on avait fait une soirée avec les autres sur la plage, commença-t-il. Quand on est rentré le lendemain, mon tee-shirt et le bas de mon short étaient déchirés et je saignais au ventre. On vous avait dit que je m'étais un peu battu avec un gars là-bas, mais en fait, c'était faux. Déjà pour ça, tu m'avais bien engueulé, mais si on avait dit la vérité, ça aurait été pire.

- Pourquoi ? demanda mon père intrigué.

Je l'étais aussi et j'attendais sa réponse.

- C'était l'année dernière, alors ça ne compte plus, pas vrai ? fit Jordan en riant.

- Promis. Raconte, ordonna mon père.

- En fait, avec Nikky, on s'ennuyait un peu là-bas et on avait un peu bu. On a décidé d'aller se promener et puis on a vu une piscine dans un jardin. Alors on a voulu aller se baigner. Donc on a escaladé le grillage et on a fini dans l'eau. Mais quand on a voulu partir en courant, parce que les propriétaires nous avaient entendu, j'ai mal passé le grillage et mes vêtements se sont accrochés. Ma peau aussi d'ailleurs.

Mon père nous regardaient, Jordan et moi, comme s'il s'attendaient à nous entendre lui dire que c'était une blague. Pour ma part, je venais d'apprendre quelque chose, tout autant que lui.

- Vous n'avez rien cassé là-bas au moins ?

Sa réaction ne me surpris pas, étrangement. Ce n'était rien de grave après tout.

- Non. On s'est juste baigné.

- Et je paris qu'il y en a eu d'autres comme ça, que j'ignore ?

C'était une question purement rhétorique mais Jordan répondit avec un large sourire.

- Évidemment. A ton avis, pourquoi j'ai réfléchis quand tu m'as demandé de te raconter quelque chose ? Je t'assure que ce n'était pas parce que je ne me souvenais pas d'une connerie qu'on aurait pu faire, termina-t-il en riant.

- Je me doute bien que vous n'êtes pas les anges que vous nous laissez penser. Mais tant que vous ne faites de mal à personne et que vous respectez les autres, c'est le principal. Même si pour le coup de la piscine, vous auriez pu attendre d'être à la maison.

- Tu sais, quand on a un peu bu, on ne réfléchit pas trop à ça !

- Oh, je le sais ! Crois-moi, s'exclama mon père avec un grand sourire.

- Ah oui, c'est vrai que tu as été jeune toi aussi, fit Jordan.

- Et tes parents aussi. Bon, ce n'est pas que je n'aime pas écouter ces petites anecdotes, mais je travaille tôt demain moi, conclut-il en se levant.

Il m'embrassa sur le front et la bise à Jordan.

- Ne vous couchez pas trop tard. Et refermez la piscine si vous ne vous baignez pas.

- T'inquiète.

- Bonne nuit Papa.

- Bonne nuit les enfants.

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