Jour 44

- J'ai reçu un coup de téléphone de l'hôpital. Demain on a rendez-vous à dix heure et demi, m'informa ma mère en déjeunant.

- D'acco...

- J'ai reçu un coup de téléphone du lycée. On est convoqué chez le proviseur, vous nous expliquez maintenant ou on aura la surprise demain ? me questionna ma mère, légèrement irritée après sa journée de travail.

Je ne répondis pas et Jordan non plus.

- Qu'est-ce que vous avez encore fait ? s'énerva mon père.

- Tu dis ça comme si c'était une habitude... marmonnai-je.

- Ce n'est pas la première fois qu'on est convoqué et je ne voudrais pas, justement, que ça devienne une habitude ! rétorqua-t-il.

- On s'est juste engueulé pendant le cours d'anglais, avoua Jordan.

- Et vous croyez vraiment que c'est le lieu pour ça ?

- Mais c'est de sa faute ! recommença Jordan. Elle...

- Je ne veux rien savoir ! cria ma mère pour le faire taire.

- Tu n'avais qu'à pas...

Mes marmonnements furent interrompus par mon père.

- Ça suffit ! Je me fiche totalement de qui a fait quoi.

- Si vous vous êtes engueulés comme vous le faites à la maison, vous avez dû donner un sacré spectacle ! remarqua ma mère avec une ironie non feinte.

Ce qui était totalement vrai...

Un silence s'abattit quelques secondes sur la pièce, avant que mon père ne reprenne.

- J'en déduis que vous vous êtes fait virer du cours ?

- Oui, répondis-je.

- Et qu'a dit le proviseur ?

- On n'y est pas allé, déclarai-je nonchalamment. Et on a séché le cours d'après.

À mes pieds, la bouteille de lait s'était vidée de tout son contenu. Mes pieds trempaient dedans et mes parents me regardaient, affolés.

- Nikky, tout va bien ? me demanda mon père en s'approchant.

Je n'eus pas le temps de répondre.

- Nikky, tout va bien ? Tu n'as pas mal autre part ? me demanda le médecin de l'hôpital qui venait de s'occuper de moi.

- Non. J'ai juste mal à la tête... dis-je ne reniflant.

- C'est normal. Ça va bientôt passer, m'expliqua le docteur. Viens, on va rejoindre tes parents.

Il passa ses mains sous mes épaules pour me faire descendre de la table et me prit la main pour sortir de la pièce. Ma mère m'attendait dans le couloir.

- Ça va mieux ma chérie ? me demanda-t-elle.

- Oui. Il est où Jordan ?

Elle se retourna pour me le montrer. Il était assis contre le mur, un peu plus loin de moi et je voyais qu'il avait pleuré. Est-ce qu'il s'était fait mal lui aussi ? Je couru vers lui pour m'en assurer et me suis accroupie en face de lui.

- Tu as mal quelque part ?

- Non. Pardon de t'avoir cassé l'œil. J'ai pas fait exprès.

- C'est pas grave, lui dis-je en souriant.

- Si. Il y avait plein de sang à cause de moi... bafouilla Jordan en pleurant.

- C'est rien. Et puis, je n'ai plus mal. Viens, on rentre à la maison. Maman m'a dit qu'elle allait nous faire des gâteaux.

Je lui ai tendu la main qu'il a prit sans hésitation. Il avait un grand sourire et j'étais contente, même si j'avais un peu mal à la tête.

- Nikky !

Il me semblait que c'était la voix de ma mère derrière mes deux mains pressées sur mes oreilles pour ne rien entendre. Mais ça ne fonctionnait pas. Mes yeux, hermétiquement fermés, laissaient filtrer d'autres images animées que j'avais déjà vécues.

- Nikky, tu peux venir dormir avec moi ? Tony a dit qu'il y avait un monstre dans mon coffre à jouets... me dit Charlène d'une toute petite voix.

Elle était prête à pleurer, je ne pouvais pas lui dire non.

Je me suis tout de même accroupie à sa hauteur et j'ai capturé sa petite main dans la mienne.

- Tu sais que ça n'existe pas les monstres Chouchou, pas vrai ? C'est des histoires. Tony voulait juste t'embêter.

- Oui mais j'ai peur quand même.

- Aller viens, on va dormir.

Je l'emmenai dans sa chambre et me couchai près d'elle. Elle s'est immédiatement blottie dans mes bras, la lampe de chevet toujours allumée. Peu après, elle se dégagea pour me regarder.

- Tu crois pas qu'on devrait aller dormir avec Tony ? Peut-être qu'il y a un monstre dans son coffre à jouets à lui aussi.

Je me retins de rire pour ne pas vexer ma petite sœur.

- Tu veux aller dormir avec lui ?

- Tu m'accompagnes ?

***

- Je suis désolée Alex...

- Tu es sortie avec moi seulement pour... lui ? demanda-t-il d'une voix emplie de haine. Pour le rendre jaloux ?

- Non ! Je voulais vraiment essayer d'être avec toi, mais il est venu me parler et...

- Et tu as cru toutes les conneries qu'il a débité ? s'écria-t-il hors de lui.

- J'ai toujours ressentis plus que de l'amitié pour lui !

- Donc j'étais là pour que tu puisses l'oublier ?

Je soupirai de lassitude.

- Comment veux-tu que j'oublie mon meilleur ami que je vois tout les jours et qui vit à deux minutes de chez moi ? Si j'ai accepté de sortir avec toi, c'est parce que je ne pouvais pas me contenter de l'attendre. Je t'aime bien Alex, mais seulement en ami.

- Et en plus tu te fous de ma gueule !

***

- Grand-mère ?

- Oui ma chérie ?

- Tu crois que je serai une bonne grande-sœur ?

- Bien sûr ! s'exclama-t-elle horrifiée que j'ai pu penser le contraire. Tu seras la meilleure des grande-sœur pour les jumeaux.

- Mais si je leur fait mal sans faire exprès ? demandai-je en triturant mes doigts.

- Ça n'arrivera pas. N'est-ce pas chéri ?

Mon grand-père leva les yeux de son journal et me fit un grand sourire.

- Bien entendu que tu seras la meilleure, Nikky. Regarde : ce n'est pas toi qui a dit que ce serait une fille et un garçon ? Tu l'as deviné ! Ça ne peut que faire de toi une bonne grande-sœur ! m'expliqua-t-il en serrant ma main.

Il n'avait fallu que quelques phrases de leur part pour me rassurer, et j'allais maintenant beaucoup mieux.

Les jumeaux arriveraient dans quelques jours, c'était pour ça que j'étais chez mes grands-parents. Papa devait s'occuper de Maman.

***

- Arrête Jordan ! Ne commence pas avec ça !

- Avec quoi ? Tu étais sur ses genoux, tu le prenais dans tes bras, il avait ses mains sur ton cul, bordel ! Tu croyais vraiment que j'allais te sourire et l'autoriser à fourrer sa langue dans ta bouche ?

- Tu racontes n'importe quoi ! Ses mains étaient dans mon dos et tu sais que je ne l'aurais jamais embrassé !

- Ah ouais ? Et qu'est-ce qui t'en aurais empêché ? me défia-t-il en se levant, me surplombant de sa hauteur.

Une larme s'échappa de mes yeux et je la laissai couler.

- Non ! Je t'interdis de commencer à pleurer !

- Comment tu peux croire que je l'aurais laissé me toucher ? sanglotai-je.

- À toi de me le dire ! Ses mains sur toi n'avaient pas l'air de te déranger plus que ça !

- Tu es vraiment un crétin Jordan ! m'écriai-je en le frappant sur le torse.

Je pleurais maintenant de colère qu'il ait pu se tromper à ce point sur mes intentions. Je continuai, en ponctuant chacune de mes phrases d'un coup sur le torse.

- C'est toi qui a mon cœur imbécile ! Comment veux-tu que j'aille vers quelqu'un d'autre ? Tu as tout de moi ! Tout ! Tu sais que je t'aime ! Et tu as cru que j'allais jouer avec toi comme ça ? Pour qui tu me prends ? Hein ? Dis-le moi ! Je suis quelle genre de fille pour toi pour que tu me crois capable d'aller voir ailleurs ? Tu ne me connais pas assez pour le savoir, c'est ça ?

Il attrapa mes poignets pour que j'arrête de la frapper.

- Stop.

- Non ! hurlai-je, hors de moi. Dis-moi pourquoi on est ensemble si tu penses que je ne veux pas de toi !

- Ce n'est ce que je pense.

- Si tu l'as dis !

- Viens là.

Il m'attira contre lui de force. Je tentais de m'échapper mais il me tenait fermement. Je me suis laissée allée en entendant ses mots. J'étais faible face à de tels mots.

- Je te demande pardon mon amour. Je suis désolé. Ce n'est ce que je voulais dire, ce n'est pas ce que je pensais. Je t'aime mon cœur. Je t'aime. Et je le sais que toi aussi tu m'aimes mais quand je t'ai vue avec lui, je n'ai pas réfléchi. Pardon. Je sais que c'était minable d'aller danser avec Morgane pour me venger et je sais qu'elle a été trop loin. C'est de ma faute.

Je reniflai bruyamment contre son tee-shirt et il resserra ses bras autour de moi.

- Je serai toujours là pour toi, quoiqu'il arrive. Toujours. Arrête de pleurer. Tout va bien. Je suis là.

J'ignorais si les dernières paroles étaient réellement prononcées ou non, mais quand j'ouvris les yeux, je sentais des bras puissants enserrer ma taille. Je pensais être dans mon lit, le dos plaqué au torse de Jordan qui me maintenait comme si j'étais sur le point de tomber.

Qu'est-ce que je fais ici ? J'étais dans la cuisine quand j'ai fermé les yeux et maintenant, me voilà dans mon lit. En plus de cela, il semblait faire nuit dehors, alors qu'il n'était que midi passé tout à l'heure. Je ne comprenais rien.

Peut-être était-ce encore un rêve, ou un souvenir. Je ne savais plus distinguer l'un de l'autre, et désormais, je ne réussissais plus à discerner la réalité présente de mon passé. C'était troublant.

- Je suis là mon cœur.

C'était bel et bien le présent. J'avais arrêté de rêver.

Mes doigts serraient avec force sa main qui reposait sur mon ventre, et je sentis la douleur dans mon poignet, alors je desserrai un peu.

Je sentis Jordan bouger derrière moi, et il s'appuya sur son coude pour me regarder. Ses doigts passèrent sur ma joue pour balayer une mèche de cheveux. Il m'embrassa sur le front.

- Est-ce que ça va ? murmura-t-il.

Je secouai négativement la tête. Mes yeux me brûlaient, je n'arrivais plus à penser à quoique ce soit, mes tempes me vrillaient la tête et mes muscles étaient tout engourdis.

Jordan voulu se lever mais je le retins par la main. Je voulais lui demander de rester, mais aucun son ne sorti de ma bouche.

- J'en ai seulement pour une seconde. Je reviens tout de suite.

Je lâchai donc sa main à contrecœur et le regardai marcher jusqu'à la salle de bain. Le robinet se mit à couler puis la lumière s'est éteinte. Il s'est ensuite assis près de moi et m'a aidé à m'asseoir, puis il a prit la bouteille d'eau et le verre qui reposaient sur ma table de nuit. Je bus une gorgée d'eau qui me fit un bien fou, avant de le reprendre et de le vider d'une traite.

Je laissai ensuite Jordan passer une serviette humide sur ma nuque, ce qui me détendit instantanément. Il fit de même sur mon visage pendant de longues secondes et je me rendis compte seulement maintenant que je mourrais de chaud. La serviette glissa ensuite le long de mon cou et de mes bras nus, les yeux de Jordan toujours braqués sur moi. Il ne me lâchait pas une seule seconde.

Après ce qui me parut être une éternité, je stoppai ses gestes. Il reposa alors la serviette et me tendit mon verre qu'il avait rempli. Je déclinai en secouant la tête et il revint se coucher près de moi. Je me tournai face à lui et son bras passa sous ma tête pour m'attirer dans ses bras. Il ramena la couverture sur nous et m'embrassa sur le front.

- Réveille-moi si quelque chose ne va pas, chuchota-t-il en caressant mes cheveux. Même si tout va bien, en fait. Réveille-moi quand tu ouvres les yeux, d'accord ?

Je hochai doucement la tête et retombai dans un sommeil. Sans souvenir ni rêve cette fois-ci. J'avais eu mon compte pour la journée.

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