Jour 31
C'était le jour de mes huit ans. Papa conduisait la voiture, Maman lui parlait et Jordan était à côté de moi dans la voiture. On jouait à tour de rôle sur ma Nintendo DS rose à un jeu de Pokémon. Je n'aimais pas ce jeu, mais c'était à Jordan de choisir alors je devais y jouer moi aussi. Avant, on avait jouer à mon jeu de cuisine préféré et c'était lui qui n'aimait pas. Mais comme moi, il jouait quand même.
Comme le trajet était long jusque chez Grand-père et Grand-mère, on avait le temps de jouer à beaucoup de jeux avec Jordan. On les connaissait par cœur, mais on s'amusait toujours autant.
Un peu plus tard, Jordan s'est endormi dans la voiture pendant que je jouais. J'ai alors terminé ma partie et je me suis endormie à mon tour. Ce n'était pas drôle sans lui alors je préférais faire comme lui.
C'est Maman qui nous a réveillé en arrivant. J'ai couru jusqu'à la maison et j'ai sauté dans les bras de Grand-père. Ça faisait tellement longtemps que je ne l'avais pas vu ! Il m'avait beaucoup manqué. Pas longtemps après, on s'est tous mis à table.
- Grand-mère ? Je peux reprendre du gâteau au chocolat s'il te plait ? demanda poliment Jordan.
- Bien sur mon chéri.
Jordan n'avait pas de grands-parents comme moi. Alors je les partageais avec lui. Il les appelait Grand-père et Grand-mère et chaque fois, ça faisait sourire Papa et Maman. Toutes les fois où on venait ici, Jordan était avec nous. Il était toujours avec moi, ou alors, c'était moi qui était avec lui.
Quand j'ai soufflé mes bougies d'anniversaire ce soir-là, Maman m'a dit de faire un vœu. Alors j'ai fait un vœu. Je souhaite que Grand-mère, Grand-père, Papa, Maman et Jordan ne m'oublient jamais et qu'ils m'aiment pour toujours.
Après le gâteau, j'ai ouvert mes cadeaux. J'avais eu deux poupées et tout une panoplie de nouveaux crayons pour dessiner. Sauf que ce n'était pas les mêmes que j'avais déjà. Ceux-là étaient tous gris. Papa m'a dit que c'était des crayons pour les grands, et plus pour faire du coloriage. J'étais tellement contente que j'ai sauté sur les genoux de Papa pour lui faire un gros bisou. Je voulais les essayer maintenant, mais Grand-mère m'a dit qu'on devait aller se coucher parce que j'allais avoir une autre surprise le lendemain. Alors Jordan et moi sommes montés.
Il est allé dans sa chambre, et moi dans la mienne mais il m'a rejoint quand Papa a descendu les escaliers. Il a grimpé dans mon lit et s'est couché sur le côté pour être face à moi.
- Je ne t'ai pas encore offert mon cadeau, chuchota-t-il pour que Papa et Maman ne nous entendent pas.
- C'est quoi mon cadeau ?
- Tiens.
Il me tendit l'objet qu'il avait dans les mains et je le pris en écarquillant les yeux de surprise.
- Tu me donnes Monsieur Câlin ? m'écriai-je.
- Chut ! m'ordonna-t-il en plaquant ses deux mains sur ma bouche.
J'hochai la tête pour qu'il ôte ses mains et me redressai pour m'asseoir dans mon grand lit. Jordan m'imita.
- Tu me donnes Monsieur Câlin ? répétai-je en parlant à voix basse.
Il hocha la tête en souriant.
- Mais c'est ton doudou. Tu vas faire comment pour dormir après ?
- J'en prendrai un autre, répondit-il en haussant les épaules.
Je n'ai pas réfléchis longtemps avant de prendre mon doudou que j'avais toujours avec moi pour lui mettre dans les mains.
- Si je prends Monsieur Câlin, tu prends Ninou.
- Mais c'est un doudou de fille ! Il est tout rose ! s'exclama-t-il indigné.
- Oui mais comme ça tu réussiras à dormir sans Monsieur Câlin.
Quand Jordan l'oubliait lorsqu'il dormait à la maison, je lui prêtait toujours une de mes peluches plus qu'il puisse dormir. Et ça marchait tout le temps. Alors avec Ninou ça devrait aller.
- Si tu ne veux pas Ninou, je ne veux pas de ton cadeau, dis-je en croisant les bras.
- Bon d'accord... soupira-t-il. Mais tu me promets que tu le garderas pour toujours ? Et moi je te promet de prendre soin de Ninou.
- Promis !
- Nikky ? Tu n'as pas répondu à ma question, me rappela mon psy.
Je secouai la tête pour revenir à la réalité et tenter de me défaire de l'image du grand sourire de mon meilleur ami.
- C'était quoi la question ?
- Est-ce que tu te souviens de quelque chose ?
Cette nuit, je n'ai pas dormis du tout. J'ai penser à ce qu'il s'était passé à la cave. J'ai réfléchis à beaucoup de choses et une sorte de flash m'est revenu. Un épisode de mon passé. Un réel souvenir. Pas comme l'autre fois avec le piano. Cette fois-ci, je m'étais souvenu des mots exacts, du décor, des sons, et mêmes des odeurs. Quand le psy m'avait posé cette question, je me suis replongée dans ce souvenir. J'étais tellement heureuse de me souvenir de quelque chose et il était rare que je souris à cet homme.
- Oui. L'anniversaire de mes huit ans.
Il s'en suivit une série de questions auxquelles je répondis avec entrain. Je me surprenais moi-même à discuter de la sorte avec mon psy. Mais ça me faisait du bien d'en parler avec quelqu'un. Je n'avais encore rien dit à mes parents et encore moins à Jordan. Il n'était pas réveillé ce matin quand je suis partie. J'aurais aimé aller le réveiller, mais je me suis abstenue.
Je l'avais dis aussi à mon médecin. Il était heureux pour moi et selon lui, j'étais sur la bonne voie. Si je m'étais rappelée de quelque chose, ça voulait dire que ce n'était qu'une question de temps pour que le reste me revienne.
Cette nuit, après avoir eu ce flash, je me suis levée pour aller chercher le petit ours marron en peluche. Le cadeau de Jordan que j'avais toujours en ma possession. Je n'avais pas failli à ma promesse, il était sur le dernier étage de mon étagère, au centre, devant toutes les autres peluches. Je m'en était emparée et j'étais retournée sur mon lit, le sourire aux lèvres, le regard braqué sur Monsieur Câlin. Je me suis demandée si Jordan avait toujours le doudou que je lui avais donné en échange. Ninou. Je ne l'ai jamais aperçu depuis mon retour. Peut-être l'avait-il perdu. Ou jeté. Ça me ferait beaucoup de peine s'il l'avait fait. Je lui demanderai.
***
Au restaurant ce midi, mes parents avaient remarqué mon sourire et mon air joyeux malgré les cernes visibles sous mes yeux.
- Cette nuit, je me suis souvenue du jour de mes huit ans, leur avouai-je.
- C'est vrai ? s'exclama ma mère, surprise.
J'hochai la tête et je vis ses yeux briller de joie. Elle était heureuse pour moi et mon père aussi. Il arborait un sourire immense. Alors je discutai de tout cela avec eux. J'étais tellement bien aujourd'hui que je ne repensais même plus à ma soirée de la veille.
Sur le trajet du retour, le sourire n'avait pas quitté le visage de mes parents. Une fois de plus, je voulais me replonger dans ce souvenir, mais un autre pris sa place. Ou plutôt, c'était la suite. Juste après la promesse, il me semble.
- J'ai un deuxième cadeau, déclara Jordan fier de lui. C'est le cadeau le plus important du monde.
- C'est quoi ?
- Ouvre le coffre au trésor.
Je retournai la peluche et fis descendre la petite fermeture éclaire.
En arrivant chez moi, j'ai sauté de la voiture pour vérifier si ce souvenir était vrai et j'ai couru jusqu'à ma chambre. Jordan était couché sur mon lit et tenait la peluche entre ses mains. Je ne pris pas le temps de me demander ce qu'il faisait là et je m'emparai de l'ours brun, lui arrachant littéralement des mains. Je le retournai et fis glisser la fermeture éclair. Comme dans mon souvenir.
Et comme dans mon souvenir encore, un papier plié en quatre était caché à l'intérieur. Je le pris et le dépliai. C'était la même photo sans couleur qu'il y a neuf ans, sauf qu'elle était un peu plus abîmée. Les marques de pliures étaient beaucoup plus prononcées que dans mon souvenir et le cliché avait perdu de son intensité, mais il restait parfait. Magnifique. Tellement unique et authentique.
J'avais devant mes yeux, une photo de Jordan et moi le jour de son septième anniversaire. Sa mère avait prit cette photo sans qu'on le sache. Jordan avait un grand sourire et il lui manquait les deux dents de devant. Ses yeux étaient plissés sous la force de son sourire mais on les voyaient tout même pétiller de joie. Moi, j'étais à côté de lui, et je lui faisais un bisou sur la joue. Je ne me souvenais pas de ce jour mais nous voir comme ça me fit chaud au cœur.
Après quelques minutes passées à admirer ce morceau de papier, je me suis rappelée que Jordan était en face de moi. J'ai relevé la tête, il souriait.
- Le coffre au trésor...
- Tu te souviens ? me demanda-t-il tout en ayant une petite idée de la réponse.
J'hochai la tête en souriant.
- Cette nuit, je me suis souvenue de quand on est allé chez mes grands-parents, et que tu m'as offert ton ours. Et tout à l'heure, je me suis rappelée du coffre au trésor.
Immédiatement, il m'a prise dans ses bras et j'ai passé mes bras autour de son cou, la photo toujours dans ma main.
- Je suis tellement content pour toi... murmura Jordan tout contre mon oreille.
Son souffle chaud contre ma peau me fit frissonner et j'essayai d'en faire abstraction pour pouvoir lui répondre, essayant tant bien que mal de ne pas me remémorer la soirée de la veille.
- Si tu savais comme ça fait du bien de récupérer quelque chose qui m'appartient.
Il ne me répondit pas et se contenta d'un hochement de tête. Je me dégageai quelques instants plus tard.
- Pourquoi tu ne m'as pas parlé de ça ? lui demandai-je curieuse.
- On a tellement de souvenir tout les deux que ça serait impossible de tout te raconter.
- Mais c'était quelque chose d'important, ça. Non ? lui dis-je en boudant un peu.
- Oui mais je...
Il baissa la tête.
- Excuse-moi je...
- Tu avais oublié toi aussi ?
- Non ! s'exclama-t-il en relevant à nouveau les yeux. Non je n'ai pas oublié. Même si je le voulais, je ne le pourrais pas. Je ne sais pas pourquoi je ne t'en ai pas parlé...
- Tu sais, ce n'est pas grave si tu ne te souviens pas. Je comprends que tu ne puisses pas te rappeler de tout, rétorquai-je pour le rassurer.
Il secoua la tête pour me faire comprendre que j'avais tort, puis il me prit la main et m'entraina dans sa chambre. Sa main chaude dans la mienne fit battre mon cœur. Moins rapidement qu'hier soir mais plus rapidement qu'à l'accoutumée. C'était déstabilisant.
- Tu n'as pas intérêt de te moquer ! me prévint Jordan en arrivant près de son lit.
- Me moquer de quoi ?
Il soupira et passa sa main sous son oreiller pour en ressortir...
- Ninou ! m'exclamai-je en m'emparant du morceau de tissu rose qui me servait de doudou quand j'étais petite.
Comme pour la photo, la couleur était devenue terne et le tissu n'était plus aussi doux que dans mon souvenir, mais ce doudou dépourvu de forme identifiable était toujours le même.
- Tu dors avec ? le questionnai-je en souriant.
Pour toute réponse, il se passa la main dans les cheveux et esquiva mon regard. Je pinçai les lèvres pour mes retenir de rire. J'allais le vexer si je le faisais, mais je trouvais ça trop mignon.
- Je ne dors pas avec, rétorqua-t-il au bout d'un moment.
Il croisa mon regard et ajouta :
- C'est vrai ! Il est seulement sous mon oreiller.
Je n'ai pas pu me retenir de rire. C'était la première fois qu'il rougissait devant moi et qu'il se sentais à ce point gêné. J'étais trop cruelle mais je ne pouvais m'en empêcher.
- C'est ça... Rigole...
- C'est pour ça que tu ne m'as rien dit ? compris-je immédiatement.
Il haussa les épaules.
- On peut parler d'autre chose s'il te plait ?
- Si tu veux, déclarai-je en calmant mon rire. Tiens Jojo, je te le rends.
- Arrête un peu ! Ça suffit !
Il ne m'en fallut pas plus pour repartir dans un fou rire. Il reprit le doudou pour le remettre à sa place et quitta la chambre. Je le suivis dans les escaliers.
- Oh ça va ! Rigole un peu Jojo !
- Quand tu auras fini de te foutre de moi... marmonna-t-il.
Je l'attrapai par le bras en arrivant au bas des escaliers et lui pinçai la joue.
- T'es trop mignon, dis-je en riant.
Son regard blasé fut remplacé par une pointe de malice et un sourire se dessina doucement sur ses lèvres.
- Ah oui ? Je suis mignon ?
Mes joues reprirent leur teinte rouge de la veille, mes yeux s'écarquillèrent en réfléchissant à ce que je venais de dire et je perdis mon sourire. Il avait réussi à retourner la conversation à son avantage en seulement trois mots et il semblait fier de lui.
- Quand tu boudes, ouais, répliquai-je honnêtement.
- Et toi t'es trop mignonne quand tu rougis, rigola-t-il en m'ébouriffant les cheveux.
Je me dégageai en faisant une grimace et voulu remonter dans ma chambre mais mon meilleur ami n'était pas de mon avis. Il m'attrapa par la taille et me porta dans ses bras. Je me suis sentie rougir davantage. Si toutefois c'était encore possible !
- Re... Repose-moi Jordan, bafouillai-je.
Un de ses bras était sous mes genoux, l'autre dans mon dos. Pour me stabiliser, je passai mes bras autour de son cou.
- Non. Tu t'es moquée de moi, alors je vais me venger.
Il traversa le rez-de-chaussée en souriant et j'essayai de descendre sans pour autant y arriver. Quand il passa la baie vitrée, je compris qu'il allait, une fois de plus, me jeter dans l'eau.
- Non Jordan ! Repose-moi tout de suite ! criai-je quand on sortit de la maison.
Il rigola et salua mes parents et les jumeaux qui étaient dans le jardin et s'approcha de la piscine.
- Arrête j'ai mon téléphone ! m'écriai-je pour qu'il me repose.
Il fit demi-tour et je soupirai de soulagement. Il s'arrêta devant mes parents et ma gêne était à son maximum. J'étais dans ses bras devant mes parents ! C'était du grand n'importe quoi...
- C'est bon tu peux me reposer maintenant. Tu vas finir par avoir des crampes aux bras, tentai-je en vain.
- Pas maintenant. Christine, tu peux lui prendre son téléphone s'il te plait ?
- Non maman ! Attends ! Non !
Elle m'ignora et tous se mirent à rire. Quelques secondes plus tard, Jordan me lâcha. Ou plutôt, me jeta. Dans l'eau. Je détestais êtres dans l'eau toute habillée ! Mes vêtements me collaient à la peau et c'était insupportable. Je grognai en remontant à la surface et tous riaient de moi. Alors je me suis mise à rire aussi. Aujourd'hui, rien ne pouvait me mettre de mauvaise humeur bien longtemps. J'avais retrouver un souvenir, les autres arriveraient bientôt. Je le sentais.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top