Jour 23
Un bruit sourd me tira du sommeil. J'ouvris les yeux et la lumière du soleil m'agressa instantanément. Je mis quelques secondes à m'habituer à cet assaut soudain. Mes yeux étaient gonflés et me brûlaient. Ma gorge était sèche et mon corps engourdi. Je ne sentais plus ma jambe gauche qui était repliée sous moi, des picotements courraient le long de mon bras droit sur lequel ma tête reposait il y a peu. J'étais dans un état lamentable.
Le bruit provenait de derrière ma porte. Quelqu'un tapait durement et frénétiquement en répétant mon nom, ne faisant qu'accentuer mon mal de tête.
- Nikky ! Ouvre la porte ! criait la voix affolée de Jordan.
Qu'est-ce qui lui prenait de me réveiller de la sorte dès le matin ? Je jetai un coup d'oeil dehors et pu constater que le soleil donnait sur ma chambre. Il ne donnait de ce côté de la maison seulement l'après-midi et il était encore haut dans le ciel. Jordan n'avait aucune raison de s'affoler parce que je dormais plus que d'habitude.
Je me redressai pour déposer mes deux jambes au sol mais je n'ai pas pu me mettre debout. Je devais attendre un peu, le temps que le sang afflut de nouveau jusqu'au bout de mes orteils.
- Nikky !
- Quoi ? répondis-je d'une voix rauque et forte.
- Tu... Tu vas bien ? me demanda-t-il moins durement, probablement rassuré que j'ai ouvert la bouche.
- Oui je vais bien. Je dormais Jordan.
J'ai volontaire accentué sur l'avant-dernier mot pour lui montrer que ce n'était plus le cas. J'étais vraiment de mauvaise humeur et en voyant les photos éparpillées au sol, accompagnées des cadres éventrés, je me suis souvenue. Je n'avais pas oublié, à proprement parler, les évènements d'hier, mon esprit avait seulement pris le temps de se réveiller. Doucement.
- Tu peux ouvrir s'il te plaît ?
Pourquoi il insistait autant ? Je lui ai dis que ça allait, ça devrait lui suffire. Si je le vois maintenant, je sais que je vais m'énerver alors il ne fallait pas que j'ouvre. De toute façon, je ne pouvais toujours pas me lever.
- Je t'ai dis que ça allait. Je vais aller prendre une douche, je descends après.
Il mit quelques secondes avant de me répondre un faible " OK ", mais je n'ai pas entendu ses pas dans les escaliers. Qu'il reste devant ma porte s'il en avait envie.
J'ai attendu encore deux minutes avant de pouvoir me lever. Ma jambe était vraiment ankylosée. Plus jamais je ne dormirai sur ce fauteuil ! Même si ce n'était pas mon intention première de passer ma nuit là-dessus. En évitant de marcher sur les photos, je suis allée dans la salle de bain pour reprendre encore une douche. Quand je suis passée devant le miroir, mes yeux étaient légèrement vitreux, ça se voyait que j'avais passé ma nuit à pleurer.
J'ai pris une douche brûlante qui me permis de me détendre un peu. Mais pas assez. Ça faisait trois semaines qu'on me mentait, et un seul avait été capable de me dire la vérité. Combien d'autres mensonges avais-je encore entendre ? Cinq ? Dix ? Vingt ? Ou peut-être ne m'a-t-on raconté que des mensonges ? Je ne pouvais plus me fier à ce que mes parents ou Jordan m'avaient dit. Plus rien. Mais je vais faire ce qu'Alex m'a demandé : ne rien dire et faire comme si de rien n'était. Je vais continué de faire comme si je ne savais toujours rien. Ce qui je pense, était presque le cas.
Il fallait aussi que je reparle à Alex. Que je sache tout et surtout la raison de ce secret. Mes parents auraient pensés que c'était mieux pour moi alors je voudrais en connaitre la raison. Il me dira tout.
En sortant de la douche, j'ai appelé Alex pour savoir si on pouvait se voir, et il m'a donné rendez-vous à seize heure au parc où nous étions allés la veille. J'avais encore une heure et demie, donc ça allait. J'ai rapidement passé un short en jean et un débardeur vert foncé et je suis descendue en laissant mon bazar derrière moi.
Quand je suis arrivée au rez-de-chaussée, Jordan s'est levé de son tabouret pour venir me voir. Il semblait inquiet.
- Tu vas bien ?
- Oui, pourquoi tu n'arrêtes pas de me demander ça ?
Je le contournai pour aller chercher à manger. Je mourrais de faim, alors j'ai rempli un bol de céréales. Pas très nourrissant, mais peu importe.
- Ta mère m'a dit que tu étais étrange hier soir en revenant de ta sortie avec Alex, m'expliqua-t-il en s'adossant au plan de travail pendant que je prenais la bouteille de lait.
- Si par étrange, elle voulait dire fatiguée, alors oui elle avait raison, lui dis-je en souriant hypocritement.
Si tout le monde me mentait, j'avais le droit de mentir aussi.
- Tu me le promets ?
- Oui, répondis-je simplement en m'asseyant.
Il restait debout en silence et je sentais son regard sur moi. C'est pourquoi, je regardais mes céréales au chocolat flotter dans mon bol, au lieu de m'attarder sur lui. Ces derniers jours, je ne pouvais m'empêcher de l'admirer quand il était torse nu, ce qui était malheureusement le cas aujourd'hui. Et presque tout le temps. Alors si je levais les yeux sur lui maintenant, il ne manquerait de remarquer mon regard insistant sur sa personne, alors que je n'avais qu'une envie, c'était de le harceler de questions pour obtenir les réponses que je voulais.
- Je suis désolé.
Je n'ai pas pu m'empêcher de relever la tête pour croiser son regard. Il avait l'air gêné. Savait-il que je savais ? Où était-ce pour autre chose ? Ayant la bouche pleine, je fronçai les sourcils pour lui montrer que je ne comprenais pas.
- Je t'ai répondu très froidement la dernière fois au téléphone, je n'aurais pas dû.
Oh. C'était pour ça. J'avais complètement oublié que j'étais déjà en colère contre lui avant de l'être encore plus. Il continua :
- Je sais que tu voulais m'aider mais je ne veux pas te déranger avec mes problèmes futiles. Tu en as bien assez des tiens. Mais je n'avais pas le droit de te parler comme ça, alors je voulais m'excuser.
J'hochai simplement la tête avant d'enfourner une nouvelle bouchée. Cette fois, mes yeux étaient rivés sur le mur gris face à moi.
- Tu m'en veux ?
- Non, répondis-je immédiatement sans le regarder.
Oui.
- Je ne te crois pas.
Et tu as raison de ne pas me croire.
- Pourquoi ?
- Parce que tu as ignoré tout mes messages et mes appels depuis l'autre soir.
J'ai haussé les épaules, je ne savais pas quoi lui répondre sans lui dire dire la vérité : que je n'avais pas envie de lui parler.
Il soupira et je me levai pour déposer mon bol dans le lave-vaisselle. J'ai voulus ouvrir le réfrigérateur, mais il est resté face à moi. Je me suis forcée à le regarder dans les yeux. Le gris clair de ses iris exprimait sincèrement ce qu'il me disait. Toutefois, je le pensais sincère depuis le début, alors je ne pouvais me fier à ça.
- Je suis désolé, se répéta-t-il. Vraiment.
- Tu me promets que ce n'était pas grave ? lui demandai-je tout en sachant qu'il allait sans doute me proférer un énième mensonge.
- Je te le promet.
- Alors je te crois.
Je ne te crois pas.
- Et je suis désolée de ne pas avoir répondu à tes messages.
Non, je ne le suis pas.
- Ce n'est rien, me répondit-il en me souriant.
Il leva sa main pour la poser doucement sur ma joue. Son contact chaud et rassurant m'incitait à le croire, à lui faire confiance mais je savais que je ne le pouvais pas. Ses lèvres se posèrent sur mon front et je fermai les yeux très fort pendant les quelques secondes où il ne pouvait pas me voir. Lorsqu'il se décolla de moi, je passai à côté de lui pour prendre une bouteille de jus d'orange.
Je m'installai à nouveau sur le tabouret et Jordan pris place à côté de moi après m'avoir apporté un sachet en papier où il restait trois pains au chocolat. J'en pris un et il fit de même. On discuta de ma rencontre avec mes grands-parents et de mes rendez-vous médicaux. Je lui en voulais de m'avoir mentis, mais je ne pouvais m'empêcher de sentir cette vague de réconfort et de bien-être en sa présence.
Voyant qu'il était quinze heure quarante, je remontai à ma chambre pour me brosser les cheveux et les dents avant de sortir. Il fallait maintenant que j'annonce à Jordan que je sortais.
- Je sors un peu, lui annonçai-je en enfilant mes chaussures.
- Quoi ? s'exclama-t-il en écarquillant les yeux. Tu vas où ?
- Voir Alex.
Je ne voulais pas lui mentir là-dessus, ça ne servirait à rien.
- Alex ? répéta-t-il en fronçant les sourcils. Mais tu l'as vu hier.
Comment savait-il ça ? Je ne lui avais pas dis. Mes parents avaient dû le faire à ma place. Jordan se leva pour me rejoindre dans l'entrée. Il paraissait troublé.
- Oui mais j'ai envie de prendre l'air.
- D'accord. Je vais m'habiller et habiller les jumeaux, j'en ai pour dix minutes.
Il avançait déjà vers les escaliers mais je lui ai dis de rester ici.
- Je n'ai pas toujours besoin de toi. Je peux sortir sans être accompagnée. Je suppose que je le faisais avant tout ça, pas vrai ?
- Oui mais...
- Alors je sors, le coupai-je en souriant. À tout à l'heure.
Je l'ai entendu m'appeler juste avant que je ne claque la porte mais j'ai continué de marcher jusqu'au parc. Je suis arrivée cinq minutes en avance, mais Alex était déjà là. Sur le même banc qu'hier. Il se leva en souriant pour me faire la bise et je me suis assise à ses côtés. Après m'avoir demandé comment j'allais, j'ai immédiatement abordé le sujet qui me tenait à cœur.
- Dis-moi exactement pourquoi mes parents t'ont dit de ne rien m'avouer.
- En fait... soupira-t-il en cherchant ses mots. Tes parents ne voulaient pas que tu sois au courant, déjà parce qu'ils ne m'aimaient pas tellement, ensuite parce qu'ils ne voulaient pas te forcer à quoique ce soit.
- Comment ça me forcer ?
- S'ils ne t'ont rien dit à propos de nous, c'est parce qu'ils ne voulaient pas que tu te sentes obligée de... M'aimer. Mais ça je te l'ai déjà dis.
Donc, je l'aimais. Mais je ne ressentais que de l'amitié pour lui, et un autre sentiment étrange que je n'arrivais pas à identifier. Mais ce n'était pas de l'amour. Ou alors, je n'étais peut-être pas si amoureuse qu'il le pensait. Enfin, c'était ce que je pensais.
- Tes parents ont dit à tout le monde de ne rien te dire. Ils voulaient que tu retrouves tes sentiments par toi-même, m'expliqua doucement Alex.
- Ils n'aimaient pas qu'on soit ensemble ? lui demandai-je.
- Pas vraiment. Tu as bien vu la réaction de ton père hier quand tu m'as rejoint...
- Ouais...
Le silence se fit entre nous deux le temps que je réfléchisse un instant. Mes parents n'aimaient pas mon copain alors ils avaient sauté sur l'occasion pour l'éloigner de moi. C'était vraiment tiré par les cheveux mais d'un autre côté, ça se tenait si je prenais en compte la réaction de mes parents et de Jordan quand ils ont su que j'allais le voir. Ils auraient peur qu'il me parle de tout ça ?
- Je suis désolée de... d'avoir oublié, bafouillai-je.
- Ce n'est pas de ta faute, ne t'en fais pas, me rassura Alex en me prenant la main. Ça te reviendra un jour.
Son contact ne me faisait toujours rien ressentir.
- Le médecin m'a dit que c'était plus probable que je ne me souvienne jamais. D'ailleurs, il a même réduit mes rendez-vous à un par semaine, lui avouai-je.
- Alors je ferai revenir tes sentiments.
Je relevai la tête et le vis sourire d'un sourire sincère et rempli de sentiments. Il entrelaça nos mains et m'embrassa sur la joue. Je me sentais gênée qu'il fasse cela et je n'arrivais pas à m'immaginer en couple avec lui. Mais après tout, je ne me voyais pas riche, ni adolescente au début, alors pourquoi pas.
Je sentais sa main crispée dans la mienne, Alex paraissait tendu. Presque autant que moi.
Je dégageai ma main doucement pour ne pas lui faire de la peine et je lui fis un sourire embarrassé. Il ne protesta pas et me laissa faire.
- Je suis vraiment désolée de ne pas pouvoir répondre à ce que tu me dis, mais je...
- Aucun problème, me coupa-t-il voyant que je ne trouvais pas mes mots. Je comprends, vraiment. Si tu as des questions, je te répondrai.
J'hochai la tête et réfléchis à ce qu'il venait de me dire.
- Et Jordan dans tout ça ? Il était de ton avis ou de celui de mes parents ? lui demandai-je.
- Hum... En fait il...
- Quoi ?
- C'était... C'était son idée, avoua-t-il difficilement. Il savait que tes parents ne m'aimaient pas tellement donc du coup il avait proposé ça comme ça, sur un coup de tête pour plaisanter, et tes parents l'ont pris au mot. Il parlait de nous deux avec tes parents et ils sont donc arrivés à cette idée.
J'hochai la tête doucement en réfléchissant. Ce serait donc de la faute de Jordan si on m'avait privé d'un souvenir ? Je n'arrivais pas à me dire que c'était à cause de lui, même s'il l'avait fait inconsciemment. Je lui en voulais mais j'aimerais pouvoir lui en parler, l'entendre de lui-même m'expliquer ce qu'Alex m'expliquait. Mais je ne le pouvais pas. Et je ne voulais pas en entendre davantage, alors je changeai de sujet.
- Bon, parle-moi de toi, s'il te plaît, lui ordonnai-je en souriant.
Aux premiers abords, il paru surpris mais commença son récit. Il avait dix-sept ans et on se connaissait depuis le collège. On était déjà sortit ensemble au début de l'année de troisième, au collège, mais on avait arrêté au bout d'une semaine. Ça n'avait donc pas été une vraie relation.
Il faisait du handball même si d'après sa grande taille, j'aurais pensé à du basketball. Il en faisait depuis tout petit. On passait souvent du temps ensemble tout les deux en dehors des cours, et aussi avec les autres.
J'aimais l'entendre parler d'une voix aussi enjouée, rire, et sourire. Alex avait beaucoup de charme et était très séduisant. Ses yeux bruns brillaient à chaque fois qu'il me regardait derrière les verres de ses lunettes qui ajoutait un petit côté intello à sa personnalité.
En plein milieu d'une de ses phrases, mon sonna dans ma main et je m'excusai auprès d'Alex avant de lire le message où Jordan me demandait l'heure à laquelle je rentrais. Il était déjà dix-neuf heure.
- Qu'est-ce qu'il y a ? voulut savoir Alex.
- Je vais devoir rentrer.
- Pourquoi ? Tu ne voudrais pas qu'on aille manger quelque part ? insista-t-il.
- Je suis désolée, je vais y aller, m'excusai-je.
Je répondis rapidement à Jordan que je revenais dans très peu de temps et me levai. Alex me prit la main tout en restant assis.
- S'il te plaît, reste.
Mes yeux s'accrochèrent aux siens lorsqu'il ajouta que je lui manquais. La tristesse que je voyais dans ses yeux me faisait de la peine. Je me sentais affreusement mal mais je voulais rentrer. Avec tout ce qu'Alex venait de me dire, j'avais besoin de réfléchir un peu. Tout se bousculait dans ma tête alors je voulais prendre un peu de recule. Quand je lui ai dis, il l'a accepté à contrecœur et m'a ramené jusqu'à l'entrée de ma rue. Il m'a serrée dans ses bras et m'a embrassé la joue avant que je ne parte. En ouvrant mon portail, je me suis retournée et Alex était toujours à l'endroit où je l'avais laissé. Il me fit un signe, et disparu dans l'angle de la rue. Cette journée était passée vraiment rapidement !
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