Jour 21
- J'ai revu Steven ! m'exclamai-je en sortant de l'hôpital avec mes parents.
- C'est cool ! Ça faisait longtemps que tu ne l'avais pas vu, me sourit ma mère.
Elle monta sur le siège passager de la voiture et mon père prit le volant. Je me suis assise à l'arrière.
Ça m'a fait plaisir d'avoir revu Steven. J'ai pu lui parler un peu, mais il avait du travail alors il est très vite repartit.
On a quitté le parking pour retourner à la maison déposer ma mère afin qu'elle prenne sa voiture et puisse aller travailler. Mon père et moi sommes repartit immédiatement en route pour Bordeaux. Il n'était que dix heure du matin et un long trajet nous attendait.
Le rendez-vous avec mon médecin n'avait, comme d'habitude, rien donné. Tout était normal dans ma tête, dans mon sang et dans tout mon corps. Pour ce qui était du psy, je lui avais raconté tout ce que j'avais fais cette semaine et comment je me sentais. Les mêmes questions qu'à chaque rendez-vous.
Je lui ai principalement parlé de Jordan et de ma journée d'hier. Je lui ai expliqué à quel point cette journée était parfaite et à quel point j'adorais mon meilleur ami. Par contre, je ne lui ai pas fait part de mon doute.
Hier soir, en allant me coucher j'ai entendu Jordan quitter sa chambre et en me levant à six heure et demi ce matin, sa porte était toujours ouverte, et il n'était pas dans son lit. Je suis alors descendue à la cave et je l'ai trouvé endormi sur le canapé, plusieurs bouteilles de bière sur le sol et sur la table basse. J'ai aussi trouvé une bouteille vide de vodka dans le coin musculation, ainsi que le tee-shirt gris et rouge qu'il portait hier soir. Quand je me suis approché du canapé, ses mains étaient entourées du bandage noir qu'il utilise pour frapper le sac de sable suspendu au plafond.
Pourquoi il était dans cet état ? Il m'avait dit en rentrant qu'il était épuisé et il était redescendu pour faire de la musculation ? Ce n'était pas cohérent. Je ne comprenais pas. Il faudra que je lui téléphone dès que j'aurai un moment.
- Il y a combien d'heures de trajet déjà ? demandai-je à mon père après une demi heure de silence.
- Sept heures. Mais on s'arrêtera dans une aire de repos dans deux heures pour aller manger.
- J'espère ! rigolai-je.
J'espérais aussi que le temps allait passer rapidement.
- Dis-moi Nikky. Tu ne te forces pas à faire ce trajet avec moi ?
- Non, pas du tout. J'en ai envie. Même si la route va être longue ! lui souris-je.
- C'est sûr ! Du coup on partira assez tôt demain matin.
J'hochai la tête. Comme il y avait sept heures entre Nice et Bordeaux, mon père avait prévu qu'on arriverait chez mes grands parents pour l'heure du dîner et il se voyait mal faire le chemin inverse dans l'immédiat. Et puis ainsi, ça me permettra de faire la connaissance de mes grands-parents.
Après quelques minutes de silence supplémentaires, je parlais de Jordan avec mon père. De ce matin plus précisément.
- Tu t'es disputée avec lui ?
- Non. Je suis venue lui souhaiter une bonne nuit hier soir et je l'ai entendu descendre. Je pensais qu'il allait seulement boire un coup ou quelque chose du genre donc je me suis endormie, expliquai-je.
- Et tu n'as rien dis de spécial ? voulu savoir mon père.
- Je ne pense pas. C'est pour ça que je ne comprends pas...
- Il avait peut-être soif, c'est tout, conclut-il.
Ça m'étonnerait beaucoup que ce soit pour cette raison et c'était étrange que mon père ne s'énerve pas. Jordan avait bu jusqu'à s'effondrer sur le canapé et tout ce qu'il trouvait à dire c'était qu'il avait soif ? C'était vraiment stupide et je n'étais pas naïve à ce point. Mais je vais laisser tomber ça pour le moment puisqu'il a décidé de changer de sujet.
- Je préfère te prévenir maintenant : les jumeaux vont être surexcités aujourd'hui, rit-il.
- C'est normal, ça fait longtemps qu'ils sont là-bas.
- Et tu leur manques beaucoup, m'avoua-t-il en me jetant un coup d'œil.
- J'espère que je ne vais pas les décevoir...
- Ça ne sera pas le cas.
Il posa sa main sur mon épaule et la serra doucement pour me rassurer. Il a continué de me réconforter sur le fait que ses parents étaient des gens bien et qu'ils ne me mettront pas mal à l'aise. Le plus dur, serait les jumeaux. Mes parents leur ont dit ce qu'il se passait. Un peu. Ils savaient que je n'avais plus de souvenirs, mais de là à comprendre parfaitement tout ce qu'il se passait, s'en était loin. Même moi je ne comprenais pas tout.
Peu après midi, on s'est arrêté pour manger un peu. Chacun un sandwich à la main, on a continué de parler de tout et rien. Mon père était quelqu'un de génial. Mes parents étaient géniaux. J'aimais les voir sourire quand je les appelais " papa " et " maman ", et c'était devenu naturel maintenant. Tout avec eux était devenu naturel et d'après eux, j'avais retrouvé mes habitudes.
Pourtant, j'avais toujours peur de ne jamais retrouver la mémoire. Ce qui allait sans doute se produire, puisque, selon le médecin, rien n'avait changé biologiquement parlant. Entre avant de perdre la mémoire et maintenant, c'était toujours la même chose. Et ce n'était pas bon signe, mais ça, je l'avais deviné toute seule.
Après sept heures de trajet et trois pauses, nous sommes enfin arrivés chez mes grands-parents. Ils habitaient une grande maison dans un quartier tranquille. Pas aussi grande que la notre mais grande tout de même. Et le style était tout à fait l'opposé. Je serais prête à parier que c'était ici que mon père avait grandit. Je lui avais donc posé la question, et il m'avais dit que j'avais raison.
- Tu veux une minute pour toi pour réfléchir ? demanda mon père une fois devant la porte.
- Non, ça va aller. Merci, lui souris-je.
- Bon alors, c'est partit.
Il ouvrit la porte sans frapper et nous sommes entrés. On entendit quelqu'un chantonner dans une autre pièce et on a suivi la voix jusqu'à la cuisine.
- Salut maman ! s'exclama mon père.
- Oh Patrice ! Je t'attendais plus tard, lui répondit ma grand-mère en souriant.
- On peut revenir dans une heure si tu veux, rigola mon père.
- Ah ça non.
Elle s'essuya les mains sur son tablier et s'approcha de son fils pour le prendre dans ses bras, puis elle s'approcha de moi. Je ne me suis pas du tout forcée à lui sourire parce que n'importe qui sourirait face à une femme comme ma grand-mère.
- Je suis contente de te voir ma chérie, me dit-elle en faisant un grand sourire.
Le fait qu'elle m'aie immédiatement prise dans ses bras ne m'avait pas du tout surprise.
- Les monstres sont dehors ? voulu savoir mon père.
- Oui, avec ton père.
- D'accord. Je vous laisse alors.
Il s'éloigna et sortit par la porte vitrée.
- Je peux t'aider à faire quelque chose ? demandai-je à ma grand-mère en voyant qu'elle faisait à manger.
- Avec plaisir ! Tu peux couper les tomates en petits cubes ?
J'hochai la tête en souriant et me lavai les mains avant de me mettre au travail.
- Comment tu vas ? me questionna-t-elle.
- Bien. Très bien même, lui assurai-je. Je commence à m'habituer.
- Ton père me téléphone souvent et me donne de tes nouvelles. Il me dit que tu es heureuse.
- Je le suis, lui souris-je. Vraiment.
Elle s'arrêta d'éplucher des pommes de terre pour se tourner vers moi.
- Je le vois. Et ça me rend heureuse moi aussi.
Elle me sourit et me caressa les cheveux.
- Comment je t'appelais avant ? lui demandai-je en faisant une grimace en guise d'excuse.
- Grand-mère c'est parfait, rigola-t-elle. Et ne te gène pas pour me poser toutes les questions que tu veux, ça ne me dérangera pas du tout.
- D'accord, merci. Je peux faire autre chose maintenant ?
Elle me tendit un chiffon pour que je m'essuie les mains et elle fit de même avant de m'emmener vers la porte vitrée.
Mon père était en train de courir après deux petites têtes brunes et mon grand père les regardait, assis dans un fauteuil sous un arbre, un journal sur ses genoux.
- Va les voir, tu leur as manqué.
Elle me sourit à nouveau et m'ouvrit la porte. Mon père, face à moi me regarda et se baissa vers les jumeaux pour leur dire quelque chose. Ils se sont immédiatement retournés, un grand sourire aux lèvres et ont couru vers moi en criant mon prénom. Je me suis accroupie pour les accueillir dans mes bras.
- C'est trop bien que tu sois venue ! s'écria Tony.
- Ouais ! renchérit ma sœur. En plus t'es trop belle !
Je rigolai et les embrassai sur la joue.
- On a fait un château dans la chambre.
- Et on a dormi dedans en plus !
- Et puis on a vu des chevaux, c'était trop bien !
- J'ai appris à nager avec grand-père mais c'était dur.
- En plus perdu une dent.
Ils parlaient tout les deux chacun leur tour ou en même temps, et je les regardai tour à tour m'expliquer tout ce qu'ils avaient fait. Leurs yeux verts brillaient quand ils parlaient et ils faisaient des mouvements avec leurs bras comme pour mieux me faire comprendre ce qu'ils voulaient dire.
- Viens, on va te montrer la cabane ! m'ordonna Charlène en me prenant la main.
Tony me prit l'autre main et ils m'emmenèrent au fond du jardin, dans une cabane en bois. Elle était plutôt grande et contenait une petite table et quelques chaises, des peluches, des jouets. Une salle de jeu en fait. Je les écoutai me parler encore quelques minutes avant de battre en retraite.
- Vous restez ici ? Je vais aller voir papa et grand-père.
- Tu reviens après ? me demanda Charlène.
J'hochai la tête en souriant et je leur fis un bisou chacun puisqu'ils me le réclamaient. Je suis sortie et j'ai rejoint mon père et le sien de l'autre côté du jardin. Je me suis arrêtée à quelques mètres pour attendre qu'ils finissent leur discussion, mais mon grand-père me fit signe de venir. Je me suis donc approchée.
- Désolée, ils ne voulaient pas me laisser partir, leur dis-je avec un sourire gêné.
- Ce n'est pas grave. Viens seulement embrasser ton vieux grand-père.
Je suis venue dans ses bras et comme pour ma grand-mère, ce n'était pas difficile de bien l'aimer aux premiers abords.
J'ai pris un fauteuil pour discuter avec eux et Charlène est venue s'asseoir sur mes genoux. Tony a fait de même pour mon père. Quelques minutes plus tard, ma grand-mère a appelé les deux petits pour mettre la table et nous sommes allés dîner. J'ai répondu à leurs questions sur ce que je faisais de mes journées, sur mes relations avec mes parents et mes amis. Les questions habituelles auxquelles j'avais toujours droit, mais ça ne me dérangeait pas.
Après manger, j'ai envoyé un message à Jordan pour savoir ce qu'il faisait. Je ne pouvais pas m'empêcher de m'inquiéter pour ce matin.
- Je vais téléphoner à Jordan, annonçai-je à mon père et mes grand-parents.
Je suis allée dans le jardin et j'ai appelé mon ami.
- Tu es sûr que je ne te dérange pas ?
- Oui, ne t'en fais pas. Tout va bien là-bas ?
- Parfait, ils sont géniaux, lui répondis-je.
- Je te l'avais dis.
J'aurais parié qu'il était en train de sourire.
- Oui, tu avais raison.
- Répète ! J'aime bien quand tu dis ça, rigola-t-il.
- Et bien profites-en alors ! ris-je à mon tour.
Je me suis assise sur le fauteuil de tout à l'heure et triturait nerveusement la manche de mon gilet.
- Je peux te poser une question ? lui demandai-je timidement.
- Bien sûr.
- Tu allais bien hier soir ?
- Oui pourquoi ? répondit-il sans hésitation.
- Je... Je t'ai vu ce matin. À la cave. Et j'ai vu les bouteilles et ton tee-shirt et les bandages à tes mains.
- Oh...
Un moment de silence se fit et il semblait réfléchir à ce qu'il allait me dire. J'avais la certitude que ce serait un mensonge.
- J'avais envie de me défouler.
- En buvant ? Juste après m'avoir dit que tu étais crevé ?
- Ouais... En fait, je m'entraine tout les jours et je ne l'avais pas fais hier alors...
- Tu mens, le coupai-je.
Je m'en voulais de lui parler ainsi mais je savais qu'il me mentait.
- Non je...
- Jordan, s'il te plait, soupirai-je.
Il souffla et je l'imaginais parfaitement se passer la main dans ses cheveux en esquivant mon regard. J'avais beau ne le connaitre que depuis quelques semaines, je savais déjà quelles habitudes il avait.
- J'ai reçu un message quand tu es sortie de ma chambre. Un message qui m'a énervé. J'avais besoin de me défouler.
- C'était quoi comme message ? tentai-je.
- Rien d'important, ne t'inquiète pas.
- Ce n'était rien mais tu as descendu une bouteille de vodka et une dizaine de bières à toi tout seul.
Je me suis levée et j'ai commencé à faire les cents pas. Il me cachait quelque chose et ça m'énervait, même s'il n'avait de compte à rendre à personne. Pas même à moi.
- Nikky je t'en pris ! Ne t'en fais pas pour moi, je ne veux pas t'embêter avec mes problèmes, c'est tout, m'expliqua-t-il.
- Tu m'aides avec mes problèmes d'amnésie, alors je voudrais t'aider à mon tour.
Il ne répondit pas et j'en comprenais immédiatement la raison.
- Mais tu ne veux pas de mon aide... lâchai-je.
- Non.
Le ton de sa voix était tranchant et blessant, alors je n'ai pas cherché plus loin.
- Ok. Bonne nuit Jordan.
- Nik...
Je ne l'ai pas laissé terminer et j'ai raccroché. S'il ne voulait rien me dire, je trouverai par moi-même.
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