Jour 18
- J'ai oublié : hier j'avais quelque chose à te dire mais ça m'est totalement sorti de la tête, me dit Jordan la bouche pleine de céréales.
- Mmh ?
- Aujourd'hui c'est le quatorze juillet. Il y a un feu d'artifice et un concert ce soir près du lac derrière le stade. Ça te dirait de sortir ?
Je regardais la télé et réfléchissais à sa proposition. Après la journée d'hier, je ne me sentais pas d'attaque pour sortir, mais comme s'il avait su à quoi je pensais, il ajouta :
- Juste nous deux.
Je me levai du canapé pour le rejoindre à la table de la cuisine.
- Pourquoi ? Ils ne veulent pas venir les autres ? lui demandai-je étonnée.
- Ils y vont de leur côté et nous du notre.
- Je ne pense pas que...
- S'il te plait ! m'interrompit-il. On rentre dès que tu en as assez. Promis.
- C'est peut-être mieux que tu sortes avec eux, comme ça tu pourras rentrer à l'heure que tu veux, et ça ne me dérange pas, ne t'inquiète pas.
Je lui souris sincèrement. Pour une fois, je ne mentais pas. Je voulais qu'il s'amuse et je n'avais pas vraiment envie de sortir. Il secoua négativement la tête.
- Je les ai vu toute la journée d'hier, je voudrais passer cette soirée avec toi. Tu ne veux pas ?
- Je ne sais pas, lui répondis-je honnêtement.
Il me fixa, déçu.
- C'est que... On risque de croiser plein de monde que je suis censée connaitre, non ?
- On les évitera.
Il allait insisté longtemps, je pense, alors je n'avais pas vraiment le choix.
- Bon, d'accord, lui souris-je.
- Super ! Merci Nikky !
Il se leva immédiatement et m'embrassa sur la joue.
Quand mon père est arrivé, je lui ai parlé de ce soir et il a accepté après que Jordan lui promis plusieurs fois qu'il ne me lâcherait pas d'une semelle.
A vingt-deux heure, nous sommes sortis sous le soleil couchant. La chaleur était toujours présente même si la température avait un peu baissé. Je portais un short court en jean et un débardeur simple blanc et pourtant, je commençais déjà à avoir chaud. Mais pas seulement par ce temps, mais aussi à cause de mon angoisse. J'avais peur de me retrouver face à quelqu'un qui me connait, j'avais peur de ne pas savoir comment réagir, de ne pas savoir que dire, malgré le fait que Jordan m'aie longuement rassurée.
- Un coca et une bière, demanda-t-il en arrivant au bar.
Il paya et me tendit ma boisson avant qu'on ne se détourne d'ici, marchant en slalomant à travers des dizaines et des dizaines de personnes.
- Il ne te demande pas ta carte d'identité ?
- Je pense qu'il s'en fiche un peu, rit-il.
On avança jusqu'aux tribunes du stade de foot et s'installa sur un banc. Je ne sais pas si Jordan avait vu quelqu'un que je connaissais, mais en tout cas, personne ne m'a adressé la parole. A ma plus grande joie.
- C'est quand ton anniversaire ?
- Le vingt septembre. Je suis plus vieux que toi de trente-deux jours ! dit-il fièrement.
- Et à quoi ça t'avance ? m'enquis-je.
- Tu me dois respect et obéissance ma petite !
- Petite ? rigolai-je. Non mais ça va pas, je ne te dois rien du tout. Et puis qui me dit que tu ne me mens pas ?
Il rit à son tour.
- Pourquoi je te mentirais ?
- Parce que si ça se trouve, je suis plus vieille que toi et tu en profite pour te mettre en avant, lui expliquai-je en le bousculant de mon épaule.
- Grillé !
- C'est vrai ? m'étonnai-je en écarquillant les yeux.
- Non.
- Crétin va !
Cette complicité entre nous ma plaisait vraiment. Je pouvais oublier ce qu'il s'était passé hier. Mon pétage de câble, mes larmes, son attention envers moi, notre dispute. Plus rien.
J'ai réfléchi cette nuit pour essayer de comprendre la cause de mes larmes soudaines. Je crois que j'apprécie tellement la présence de Jordan que j'avais oublié pendant un instant qu'il avait d'autres amis. Qu'il ne parlait et ne s'amusait pas seulement avec moi. Que j'avais beau être sa meilleure amie, il ne pouvait pas passer toutes ses journées à mes côtés.
- C'est pas Simon là-bas ? lui demandai-je.
Il faisait nuit maintenant, mais la lumière des réverbères me laissait voir les cheveux blonds de Simon et de plusieurs autres personnes.
- Si, répondit-il en buvant une gorgée de sa bière.
- Tu les avais vu ?
- Oui. Mais comme je te l'ai dis, je veux rester avec toi.
- Tu es sûr ? insistai-je. Ça ne me dérange pas tu sais.
Il m'embrassa sur la joue et me répéta qu'il voulait rester avec moi. J'ai alors hoché la tête simplement. Moi aussi je voulais rester seule avec lui, et ça me faisait donc plaisir qu'il ait dit cela. Si j'ai insisté, c'était seulement par pure politesse. C'est tout.
Quand les réverbères se sont éteint, Jordan s'est levé et je l'ai suivis pour qu'on soit face au lac, en attendant que les feux d'artifice soient lancés.
Une première explosion retentit, faisant descendre des milliers de petites paillettes blanches dans le ciel sombre. Quelques secondes plus tard, deux nouvelles explosions simultanée se firent entendre et la nuit noire étaient maintenant colorée de rouge et de blanc. Ce n'était que le début, et je trouvais déjà ce spectacle magnifique. A chaque nouvelle couleur, j'avais l'impression que l'explosion était à l'intérieur de mon cœur. C'était comme si tout se passait à l'intérieur de ma poitrine.
Le feu d'artifice s'intensifia davantage lorsque Jordan se rapprocha encore plus de moi. Sa main placée entre mes omoplates me fit frisonner. Le bout de ses doigts touchait la peau de mon dos et un large sourire prit possession de mes lèvres. Je ne voyais pas le visage de mon ami, mon regard était rivé sur le ciel multicolore.
Une fois la dernière explosion étouffée sous le bruit des applaudissements du public, je me suis tournée vers Jordan et je le vis sourire. Tout comme moi et je crois d'ailleurs que ce sourire n'a pas quitté mon visage depuis le début.
- A te voir comme ça, j'en déduis que tu as aimé le spectacle ?
- Oui, merci d'avoir insisté !
- Je t'en pris, me sourit-il.
Sa main descendit sur le bas de mon dos et il m'attira à l'écart de la foule qui se précipitait de notre côté pour accéder au bar. Cette pression disparu rapidement et son bras s'est de nouveau positionné le long de son corps.
- Tu veux rentrer ?
- Non. Enfin, si toi aussi tu veux rester bien sûr.
- Moi ça me va. Mais j'ai soif ! rit-il.
On se dirigea de nouveau vers le bar et il commanda la même chose que précédemment. En circulant à travers la foule, sa main trouva la mienne et je le suivis. Ses doigts se refermèrent doucement autour des miens. J'adore le contact de sa peau, j'adore quand ses yeux gris brillent lorsqu'il rit, j'adore la douce musique de son rire. J'adore tout de lui, et je l'aime beaucoup. Heureusement qu'il est là pour moi.
- Est-ce qu'on a vu quelqu'un qu'on connait ? lui demandai-je lorsqu'il lâcha ma main, une fois à l'écart de la foule.
- Oui.
- Qui ?
- Il y a eut Simon et les autres d'abord, puis j'ai esquivé plusieurs personnes du lycée et deux amis à tes parents. J'ai pensé que tu... Que tu ne voulais pas voir tout ce monde, dit-il en baissant la tête, un peu gêné.
Tant de monde et je ne m'en suis pas aperçue. Je déteste ça.
- Merci, tu as bien fais.
- Tant mieux.
- Hé ! Jordan, Nikky ! Je croyais que vous ne veniez pas ! s'exclama Simon en arrivant vers nous.
Il était accompagné d'Alex, d'un gars brun sur lequel je n'arrivais pas à mettre un nom, et de Mélissa.
- Et merde... marmonna Jordan.
- C'est pas grave, t'inquiète, le rassurai-je en posant ma main sur son avant-bras.
Nous avons donc passé le reste de la soirée avec eux. En les entendant parler, j'ai appris que le brun s'appelait Matthieu.
Nous étions tous assis dans l'herbe, dans la nuit noir. Après ses deux bières, Jordan avait continué avec du coca, alors que les autres gars enchainaient les canettes d'alcool.
- Je retourne chercher à boire ! s'exclama Alex en se levant. Tu viens avec moi ? me demanda-t-il.
- Je t'accompagne, répondit Jordan à ma place.
- Non c'est bon, je veux bouger un peu, lui souris-je en l'empêchant de se lever.
On se regarda dans les yeux quelques secondes et je me levai pour suivre Alex.
- Tu passes une bonne soirée ?
- Oui. Je ne le pensais pas, mais ça fait du bien.
Une fois qu'on fut hors de le vue des autres, il s'arrêta et me fixa derrière les verres de ses lunettes rectangulaires.
- Je voulais m'excuser, dit-il calmement.
- Pourquoi ?
- Pour la dernière fois qu'on s'est vu. J'étais un peu... Distant, mais c'était parce que j'étais heureux de te revoir et j'étais un peu stressé.
- Stressé ?
Je fronçai les sourcils.
- Pourquoi tu étais stressé ?
- J'avais peur de ta réaction.
Il me prit doucement la main. Son contact était différent de celui de Jordan. Il ne provoquait pas les mêmes frissons, mais je ne me suis pas dégagée. J'avais peur de lui faire du mal et je ne savais pas pourquoi il faisait ça.
- Peur de quelle réaction ? lui demandai-je, ne comprenant pas.
- C'est que... Bon, c'est plutôt délicat en fait... bafouilla-t-il en se grattant négligemment la nuque.
Je retirai ma main pour croiser mes bras sur ma poitrine. Il semblait nerveux et j'en ignorais la raison. Du coup, ça me rendait nerveuse moi-aussi alors que je n'avais aucune raison de l'être ! Pourtant je lui fis un petit sourire pour le rassurer.
- Dis-moi.
- Les autres ne veulent pas que je te le dise. Tes parents non plus d'ailleurs, alors c'est compliqué, avoua-t-il en évitant mon regard.
- Si tu veux, je ne dirai rien à personne, le rassurai-je.
Il secoua la tête de droite à gauche et s'avança vers le bar.
- Viens, on va chercher à boire. Ils vont s'inquiéter.
Je le suivis en silence. Je n'avais absolument pas compris son attitude ni son changement de comportement. La dernière fois que je l'avais vu, il ne m'avait presque pas adressé la parole et là, il s'excuse. J'accepte ses excuses, mais ce qu'il a à me dire parait sérieux et j'aimerais le savoir.
Après avoir prit les boissons, on est retourné vers les autres, mais je l'ai arrêté à une dizaine de mètres du groupe.
- Alex attend.
- Quoi ?
- Qu'est-ce que tu voulais me dire tout à l'heure ?
Il détourna le regard et allait repartir mais je me suis mise devant lui pour l'empêcher de marcher.
- Je t'en parlerai plus tard, Nikky.
- Non maintenant s'il te plait. Ça avait l'air important, et ça avait l'air de me concerner. Et de te concerner aussi non ?
Il jeta un coup d'œil par dessus mon épaule et je me retournai pour voir Jordan et Mélissa nous regarder. Matthieu et Simon avaient l'air absorbés dans leur discussion.
- Je te promet que je ne leur dirai pas ce que tu m'as dis, lui assurai-je en reportant mon regard sur lui.
- Je te le dirai. Mais pas ce soir. Je suis heureux de te revoir, tu m'avais vraiment manqué. J'aurais voulu te revoir plus tôt, te rendre visite à l'hôpital, mais je n'ai pas pu. Le seul fait de savoir que tu n'avais plus aucun souvenirs me faisait mal. Devoir te parler en sachant que tu avais perdu la mémoire n'était pas possible pour moi. Je suis vraiment désolé. Tu comprendras plus tard, excuse-moi.
Je suis restée sur place, la bouche ouverte et ne sachant que dire. L'entendre me dire tout cela était troublant. Je sais qu'il n'y a pas que moi qui souffre de mon amnésie, ça fait de la peine aux autres que j'ai tout oublié d'eux. Mais ce que je veux savoir, c'est ce qu'il voulait me dire, et ce que je représente pour lui.
- Ça ne va pas ?
Je clignai rapidement des yeux pour voir Mélissa, une lueur d'inquiétude dans le regard.
- Si ça va. J'ai juste eu un léger moment d'absence. Ce n'est rien.
Je lui souris et retournai m'asseoir près des autres, suivie de mon amie. J'étais installée entre elle et Matthieu. Jordan, en face de moi, triturait nerveusement sa canette.
Comme d'habitude, mes amis parlaient et je les écoutais. J'essayais de participer au début de la soirée mais depuis ma discussion avec Alex, je n'y arrivais plus. A sa façon de me parler, j'avais l'impression que nous étions proches tout les deux. Peut-être était-il un autre meilleur ami. Ou peut-être plus. Ce serait possible, non ?
Non. On me l'aurait dit si j'avais un copain, c'est évident. Mais c'est la possibilité la plus envisageable. De toute façon, je ne vois pas d'autres possibilités, à part peut-être celle où c'est mon ennemi juré. Cette histoire me prend la tête, j'espère qu'il ne tardera pas trop longtemps à me parler.
- Nikky ? On rentre ? me demanda Jordan.
- Ouais, ça me va.
On a dit au revoir à tout le monde et on a prit le chemin du retour. En silence. Aucun de nous deux n'a ouvert la bouche pendant les dix minutes de trajet, mais dans ma tête, c'était un vrai brouhaha.
- Bonne nuit, Nikky.
Jordan ouvrit sa porte et allait s'engouffrer dans sa chambre mais je l'ai retenu.
- Jordan attend.
- Ouais ?
- C'est toujours toi qui me pose cette question, mais je vais te la poser à mon tour : est-ce que ça va ?
- Très bien.
Il se tenait à la porte, appuyé contre l'encadrement, et avait l'air lassé. Je me sentais coupable alors que j'ignorais totalement pourquoi.
- Je suis désolée, lui dis-je en jouant nerveusement avec mes doigts.
- Pourquoi tu t'excuses ?
Pour la première fois depuis que nous avions quitté les autres, il me regarda dans les yeux.
- Je... J'en ai aucune idée. J'ai l'impression que... C'est que tu ne m'as pas adressé la parole depuis tout à l'heure alors je me suis dis que peut-être... J'ai fais quelque chose de mal ?
Je m'embrouillais toute seule et je bafouillais affreusement. J'ai sentis mes joues chauffer, je dansais d'un pied sur l'autre et je n'osais plus le regarder. Il passa sa main sous mon menton pour que mon regard croise le sien. Un sourire réapparu sur ses lèvres.
- Ne t'excuse pas, tu n'as rien fais de mal. Je suis désolé de t'avoir laissé croire ça, Nikky. C'est seulement que je suis fatigué, il est...
Il regarda sa montre et écarquilla les yeux en riant doucement.
- Deux heures et demi.
- Oh, déjà ? Bon et bien, je vais aller me coucher.
- A demain.
Il allait refermer la porte mais je l'ai retenue et il m'interrogea du regard. Je m'approchai de lui et l'embrassai sur la joue en m'attardant quelques secondes. Ma main se posa sur son torse sans que je ne m'en rende vraiment compte.
- Merci pour ce soir.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top